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mes réponses
Parallèlement
à ma Suite théologique, j’ai réuni,
sans trop de méthode, des textes d’abord épars sur ce
site.
C’est
avec l’ambition d’essayer de répondre par bribes
à ces questions que l’on se pose parfois, ou
souvent,
quand on cherche à se situer
simplement comme l’un
de ceux qui hantent la
cité....
Les
textes qui figurent ici seront suivis par d’autres,
mais de façon irrégulière.
D.R.
Après la colonisation…
ou
quittons le pathos
Comme l’avait rappelé
judicieusement Natacha Polony dans l’hebdomadaire Marianne*, la France n’a pas le monopole
de la colonisation de l’Algérie. L’ont précédée dans cet emploi l’Empire
romain, les califats arabes, l’Empire ottoman, ceci sans solution de
continuité.
C’est de la même manière que
l’Empire britannique a colonisé nombre de régions du monde, l’Empire russe pas
mal de régions non russes, que l’Empire chinois a fait de même chez ses voisins
en les phagocytant, que l’Empire japonais s’est approprié la Corée, Taïwan et
la Mandchourie… Sans parler de l’Espagne, du Portugal, de l’Éthiopie, des
Pays-Bas ou même du Danemark. Etc. Tel est le propre d’un empire, conquérir et
assujettir.
La France a donc fait cela,
qui est tout à fait condamnable au regard du droit des formations humaines
constituées à vivre libres et autonomes. Il convient cependant de souligner que
toute ethnie qui en a eu les moyens s’est comportée ainsi, à la seule exception
des populations de chasseurs-cueilleurs ou de la plupart des peuples nomades.
Elle l’a fait selon les
moyens usuels de la prédation, de la violence, de l’injustice et de
l’oppression, parfois de la cruauté, sans égards pour la dignité des peuples
soumis. Du moins le plus souvent et en tout cas de façon systémique. Ce qui
n’annule pas mais relativise fortement le mérite des apports positifs qui ont
accompagné cela, le plus notable étant celui d’une langue commune.
Elle l’a fait en se
prévalant paradoxalement d’une civilisation à valeur universelle, porteuse de justice,
de science et de beauté. Ce qui a créé souvent chez les colonisés un sentiment
contradictoire, malheureux et aliénant, d’amour/haine mais a pu constituer
aussi un outil de libération.
La France s’est donc
comportée selon la règle habituelle de la puissance. Il n’y a pas lieu de s’en
montrer fier, ni de s’en sentir plus coupable que d’autres. Elle a eu
l’opportunité de le faire, ayant souvent eu à se défendre victorieusement, de
son côté, d’autres colonisateurs éventuels, tant elle a vécu selon les us et
coutumes de la période historique qui l’a vue se constituer et perdurer en tant
que nation.
Il s’agit d’une partie de
l’histoire de l’espèce humaine, qui est tout sauf une espèce gentille…
Au cours de cette longue
période, de grands empires se sont effondrés, espagnol et portugais d’abord,
puis britannique, français, ottoman, japonais, russe. D’autres, moins
conséquents, ont fait de même.
Par ailleurs, le mode de
fonctionnement de la colonisation a évolué car les empires restants se trouvent
désormais gigantesques et en tout petit nombre. Leurs moyens de destruction
étant devenus trop radicaux en cas de concurrence et de conflit entre eux, leur
domination s’exerce le plus souvent par une mainmise à distance.
Elle le fait selon des voies
à la fois financières, technologiques, culturelles et idéologiques, parfois
religieuses. Lesquelles ne manquent cependant pas de susciter toute sorte de
violence au sein des peuples dépendants que les empires actuels manipulent au
gré de leurs intérêts.
Dans ce nouvel
environnement, les peuples qui ont fait les frais de la colonisation française
se trouvent face à une nation qui a contribué à les façonner mais qui est
privée désormais des moyens de maintenir sa domination sur eux.
Chacun doit s’en persuader,
la France ne sera plus, en aucune manière, une puissance coloniale. D’autres
chercheront à la remplacer où et quand ils le pourront quoique selon de toutes
autres modalités, adaptées à la période régnante. Pendant ce temps, elle est
entrée elle-même dans des dépendances ou des adhésions d’un autre genre, comme
l’OTAN ou l’Union européenne.
Aussi bien pour elle que
pour ses anciennes colonies, il convient de savoir alors ce qu’on fait, ou ne
fait pas, de ce qui existe, du constat qu’on en fait, ceci à tous égards.
S’inspirant de ce mot de Jean-Paul Sartre, « L’essentiel n’est pas ce qu’on
a fait de l’homme, mais ce qu’il a fait de ce qu’on a fait de lui »,
chacun ferait bien de laisser de côté un pathos évidemment légitime, et de
s’atteler à ce programme, que ce soit chacun pour soi ou collectivement.
* 8 octobre
2021.