Retour
à la page d’accueil
Vous pouvez
donner votre avis : jean.alexandre2@orange.fr
Pour lire vos remarques et mes réponses
Courtoisie
Cette page est consacrée
à la publication d’informations
ou de textes repris ou transmis
par des personnes ou des organismes amis
ou repris dans d’autres
supports rendus publics.
On y
trouvera présentés :
·
Un texte concernant la Loi Darmanin
sur l’Immigration
À l’occasion du débat sur le projet de loi Darmanin
Vérités et contrevérités sur l’immigration
par François Héran,
professeur au Collège de France
Ouvrir :
·
Une lettre ouverte
(octobre 2023) :
Un appel à la repentance :
Lettre ouverte des chrétiens
palestiniens
aux
dirigeants de l'Église et aux théologiens occidentaux
"Apprenez à faire le bien, recherchez la justice, secourez l'opprimé" (És 1.17).
Nous, institutions chrétiennes palestiniennes et mouvements de base soussignés, déplorons la reprise du cycle de violence dans notre pays. Alors que nous étions sur le point de publier cette lettre ouverte, certains d'entre nous ont perdu des amis chers et des membres de leur famille dans l'atroce bombardement israélien du 19 octobre 2023 contre des civils innocents, y compris des chrétiens, qui se réfugiaient dans l'église grecque orthodoxe historique de Saint Porphyrios à Gaza. Les mots manquent pour exprimer notre choc et notre horreur face à la guerre en cours dans notre pays. Nous pleurons la mort et la souffrance de toutes les personnes, partout, car nous sommes fermement convaincus que tous les êtres humains sont créés à l'image de Dieu. Nous sommes également troublés lorsque le nom de Dieu est invoqué pour promouvoir la violence et les idéologies nationales religieuses. Dans le même temps, nous observons avec horreur la manière dont de nombreux chrétiens occidentaux apportent un soutien indéfectible à la guerre menée par Israël contre le peuple palestinien. Tout en reconnaissant les nombreuses voix qui se sont exprimées et continuent de s'exprimer pour la cause de la vérité et de la justice dans notre pays, nous écrivons pour interpeller les théologiens et les responsables d'Églises occidentaux qui ont apporté un soutien aveugle à Israël et pour les appeler à se repentir et à changer. Malheureusement, les actions et le double langage de nombreux responsables chrétiens ont gravement nui à leur témoignage chrétien et ont gravement faussé leur jugement moral concernant la situation dans notre pays. Alors que nous sommes aux côtés de nos frères chrétiens qui condamnent les attaques contre les civils, en particulier les familles et les enfants sans défense, nous sommes troublés par le silence de nombreux responsables d'église et théologiens et par leur refus de condamner l'occupation israélienne, voire, dans certains cas, de la justifier et de la soutenir. En outre, nous sommes horrifiés par la légitimation, par certains chrétiens, des attaques israéliennes aveugles contre Gaza, qui ont déjà coûté la vie à plus de 3 700 Palestiniens, dont une majorité de femmes et d'enfants, a entraîné la destruction massive de quartiers et le déplacement forcé de plus d'un million de Palestiniens, ainsi que l'utilisation de phosphore blanc, la coupure d'eau, de carburant et d'électricité, et le bombardement d'écoles et d'hôpitaux et des lieux de culte – y compris le massacre odieux de l'église orthodoxe grecque de Saint Porphyrios qui a anéanti des familles chrétiennes palestiniennes entières. Nous rejetons catégoriquement les réponses chrétiennes myopes et déformées qui ignorent le contexte plus large et les causes profondes du problème : l'oppression systémique des Palestiniens par Israël au cours des 75 dernières années depuis la Nakba, le nettoyage ethnique en cours de la Palestine et l'occupation militaire oppressive et raciste qui constitue le crime d'apartheid. C'est précisément le contexte horrible de l'oppression que de nombreux théologiens et dirigeants chrétiens occidentaux ont constamment ignoré et, pire encore, fréquemment légitimé en utilisant un large éventail de théologies et d'interprétations sionistes. En outre, le cruel blocus israélien de Gaza depuis 17 ans a transformé la bande de 365 kilomètres carrés en une prison à ciel ouvert pour plus de deux millions de Palestiniens, dont 70 % ont été déplacés de force lors de la Nakba et se voient refuser leurs droits humains fondamentaux. Les conditions de vie brutales et sans espoir à Gaza, sous la poigne de fer d'Israël, ont malheureusement enhardi les voix extrêmes de certains groupes palestiniens à recourir au militantisme et à la violence comme réponse à l'oppression et au désespoir. Malheureusement, même la résistance palestinienne non violente est rejetée, et certains interdisent même de parler de l'apartheid israélien, comme le rapportent Human Rights Watch, Amnesty International et B'Tselem, et comme l'affirment depuis longtemps les Palestiniens et les Sud-Africains. À maintes reprises, on nous rappelle que les attitudes occidentales à l'égard de la Palestine-Israël souffrent d'un double standard flagrant qui humanise les juifs israéliens tout en insistant sur la déshumanisation des Palestiniens et l'occultation de leurs souffrances. Cela est évident dans les attitudes générales à l'égard de la récente attaque israélienne sur la bande de Gaza qui a tué des milliers de Palestiniens ; l'apathie à l'égard du meurtre de la journaliste chrétienne palestino-américaine Shireen Abu Akleh en 2022 ; et le meurtre de plus de 300 Palestiniens, dont 38 enfants, en Cisjordanie cette année avant cette récente escalade. Il nous semble que cette politique de deux poids, deux mesures reflète un discours colonial bien ancré qui a déjà utilisé la Bible comme arme pour justifier le nettoyage ethnique des peuples indigènes dans les Amériques, en Océanie et ailleurs, l'esclavage des Africains et la traite transatlantique des esclaves, ainsi que des décennies d'apartheid en Afrique du Sud. Les théologies coloniales ne sont pas dépassées ; elles se poursuivent dans les théologies sionistes de grande envergure et dans les interprétations bibliques qui légitiment le nettoyage ethnique de la Palestine ainsi que la diffamation et la déshumanisation des Palestiniens – y compris les chrétiens – qui vivent dans un système d'apartheid colonial. En outre, nous sommes conscients de l'héritage chrétien occidental de la théorie de la guerre juste qui a été utilisée pour légitimer le largage de bombes atomiques sur des femmes et des enfants au Japon pendant la Seconde Guerre mondiale ; la destruction de l'Irak et la décimation de sa population chrétienne pendant la dernière guerre américaine contre l'Irak ; et le soutien inébranlable et non critique d'Israël contre les Palestiniens au nom de la suprématie morale et de l'"autodéfense". Malheureusement, de nombreux chrétiens occidentaux, issus d'un large spectre confessionnel et théologique, adoptent des théologies et des interprétations sionistes qui justifient la guerre ; certains responsables d'église et théologiens sont complices de la violence et des crimes de guerre d'Israël. Certains sont également complices de la montée du discours de haine anti-palestinien, dont nous sommes témoins dans de nombreux pays et médias occidentaux aujourd'hui. Bien que de nombreux chrétiens occidentaux n'aient aucun problème avec la légitimation théologique de la guerre, la grande majorité des chrétiens palestiniens ne cautionnent pas la violence, même celle des impuissants et des occupés. Au contraire, les théologiens chrétiens palestiniens et les responsables d'Église sont pleinement engagés sur la voie de Jésus dans la résistance créative et non violente (Kairos Palestine, §4.2.3). Il est important de noter que nous ne soutenons aucune théologie ou interprétation qui légitime les guerres des puissants, et nous demandons instamment aux chrétiens occidentaux de nous soutenir dans cette démarche. Nous nous rappelons également, ainsi qu'à nos frères chrétiens, que Dieu est le Dieu des opprimés et des oppresseurs, et que Jésus a réprimandé les puissants et élevé les marginaux. C'est là le cœur de la conception de la justice de Dieu ! C'est pourquoi nous regrettons que de nombreux dirigeants et théologiens chrétiens occidentaux ne reconnaissent pas la tradition biblique de justice, de droiture et de miséricorde, telle qu'elle a été proclamée pour la première fois par Moïse (Dt 10.18 ; 16.18-20 ; 32.4) et par les prophètes (Es 1.17 ; 61.8 ; Mich 2.1-3 ; 6.8 ; Amos 5.10-24), et telle qu'elle a été illustrée et incarnée par le Christ (Mt 25.34-46 ; Lc 1.51-53 ; 4.16-20). En conclusion, et nous le disons le cœur brisé, nous tenons les dirigeants des églises occidentales et les théologiens qui se rallient aux guerres d'Israël pour responsables de leur complicité théologique et politique dans les crimes israéliens contre les Palestiniens, commis au cours des 75 dernières années. Nous les appelons à réexaminer leurs positions et à changer d'orientation, en nous rappelant que Dieu "jugera le monde avec justice" (Actes 17.31). Nous nous rappelons également, ainsi qu'à notre peuple, que notre Sumud (fermeté) est ancrée dans notre juste cause et notre enracinement historique sur cette terre. En tant que chrétiens palestiniens, nous continuons également à trouver notre réconfort et notre courage dans le Dieu qui habite avec ceux qui ont l'esprit contrit et humble (Es 57.15). Nous trouvons le courage dans la solidarité que nous recevons du Christ crucifié, et nous trouvons l'espoir dans le tombeau vide. Nous sommes également encouragés et renforcés par la solidarité et le soutien coûteux de nombreuses Églises et de mouvements religieux locaux dans le monde entier, qui remettent en question la domination des idéologies de pouvoir et de suprématie. Nous refusons de céder, même lorsque nos frères et sœurs nous abandonnent. Nous sommes inébranlables dans notre espoir, résistants dans notre témoignage et continuons à nous engager en faveur de l'Évangile de la foi, de l'espoir et de l'amour, face à la tyrannie et à l'obscurité. "En l'absence de tout espoir, nous lançons notre cri d'espoir. Nous croyons en un Dieu bon et juste. Nous croyons que la bonté de Dieu triomphera finalement du mal de la haine et de la mort qui persistent dans notre pays. Nous verrons ici 'une nouvelle terre' et 'un nouvel être humain', capable de se lever dans l'esprit pour aimer chacun de ses frères et sœurs" (Kairos Palestine, §10). En toute solidarité,
Organisations
et institutions signataires :
Kairos Palestine
Le Christ au poste de contrôle
École biblique de Bethléem
Centre œcuménique Sabeel pour la théologie de la libération
Université Dar al-Kalima
Al-Liqa pour les études religieuses, patrimoniales et culturelles en Terre Sainte
YMCA de Jérusalem-Est
YWCA de Palestine
Société arabe orthodoxe, Jérusalem
Club orthodoxe arabe, Jérusalem
Département des services aux réfugiés palestiniens du Conseil des Églises du Moyen-Orient Institut d'éducation arabe
Pax Christi, Bethléem
Octobre
2023
·
Une belle citation envoyée par l’ami Patrice Gauthier
·
Un poème de Hugo Ball traduit
par le même Patrice Gauthier
·
Le dernier livre de l’ami Jean-Pierre Pagliano
·
Le livre de l’amie Linda Caille
·
Un beau texte de Jean-Claude Guillebaud
·
Un beau texte d’Arnaud van den Wiele
·
Un poème célèbre de Martin Niemöller
·
Des poèmes et cinq nouvelles de
Christiane Gio + une :
Comme un enfant coupable il se tint là…
·
Un poème évanoui de Queneau envoyé
par mon ami Toma
Mais si vous cherchez des photos, vous pouvez déjà
aller voir sur le site
de mon cousin Laurent :
http://www.reflex-photo.net/?page_id=1969
Poème
de Martin Niemöller
Quand ils sont venus chercher les
communistes,
Je n'ai rien dit,
Je n'étais pas communiste.
Quand ils sont venus chercher les
syndicalistes,
Je n'ai rien dit,
Je n'étais pas syndicaliste.
Quand ils sont venus chercher les
juifs,
Je n'ai pas protesté,
Je n'étais pas juif.
Quand ils sont venus chercher les
catholiques,
Je n'ai pas protesté,
Je n'étais pas catholique.
Puis ils sont venus me chercher,
Et il ne restait personne pour protester.
J’ai fait un mauvais rÊve
Pasteur Arnaud Van den Wiele
Gap, le 3 mars
2016
Centre diocésain
"Pape François"
Cycle de
conférences sur les exclus
Hier, j’étais un enfant.
Un enfant à qui les instituteurs ont appris que la France
était la fille
aînée de la liberté et des droits de l’homme.
Hier, j’étais un adolescent.
Un adolescent à qui des professeurs ont appris à réfléchir
et à refuser les
réponses toute faites.
Hier, j’étais athée.
Un athée à qui des hommes et des femmes ont appris
à croire d’une
foi insoumise.
À croire une parole à la liberté imprenable.
Aujourd’hui, je suis un adulte.
Un adulte qui n’a pas renoncé à ses rêves d’enfants
ni à ce que ses maîtres
lui ont appris.
Mais comment sera demain ?
Alors j’ai fermé les yeux et j’ai fait un mauvais rêve.
J’ai fait un mauvais rêve :
j’ai vu l’Europe
réveiller ses vieux démons pour exorciser
ces peurs les
plus profondes.
Peurs d’étranges étrangers venus piller ses richesses.
Peurs de hordes barbares déferlant sur nos pays.
Peurs d’envahisseurs féroces qui viennent jusque dans nos
bras…
écorcher notre
narcissisme et notre égoïsme.
J’ai fait un mauvais rêve :
j’ai vu les
Églises tourner le dos aux appels de détresse d’enfants,
de père et de
mère qui ont commis le crime d’espérer un ailleurs,
d’espérer un meilleur.
J’ai fait un mauvais rêve :
j’ai vu les
Églises être au service d’elles-mêmes
et éviter de
prendre la parole – comme on prend une arme –
pour préserver la
tranquillité bourgeoise de chrétiens endormis.
J’ai fait un mauvais rêve :
j’ai vu des
chrétiens médire, maudire et se blottir
parce qu’à force
d’avoir peur de tout et de tout le monde,
on finit par
prendre son prochain pour un loup.
J’ai fait un mauvais rêve :
j’ai vu des
colombes devenir des dragons.
Je les ai vu tuer du regard ; je les ai vu montrer du doigt ;
je les ai vu
cracher au visage.
J’en ai vu d’autres baisser les bras et s’en laver les mains.
J’ai fait un mauvais rêve :
j’ai vu des
concitoyens se proclamer propriétaires de ma nation.
Qu’ils se rassurent, une nation, ni ne se vend, ni ne
s’achète.
Elle se partage.
J’ai fait un mauvais rêve :
j’ai vu le champ
politique se transformer en guerre de tranchées
où la démocratie
s’enlisait.
Une bataille de gros mots et de petites phrases
où les fronts,
les frondes, les camps et les clans – de tous bords ! –
alimentaient la haine à
défaut d’alimenter l’espoir et la concorde.
J’ai fait un mauvais rêve :
j’ai vu la crise –
économique, écologique, migratoire, européenne –
justifier l’exclusion
et l’expulsion de femmes, d’hommes et d’enfants
dont la seule
faute fut de vouloir vivre sous la démocratie
au lieu de vivre
sous les menaces et les bombes.
J’ai fait un mauvais rêve :
j’ai vu mes
grands-parents polonais.
Ils m’ont pris la main et m’ont raconté le racisme, la
bêtise, les insultes,
ici en France, il
n’y a pas si longtemps.
J’ai vu en eux la souffrance du déraciné et de l’immigré.
J’ai fait un mauvais rêve :
j’ai vu des
familles de demandeurs d’asile entassées dans une chambre d’hôtel
comme on entasse
des condamnés dans une cellule.
J’ai vu un fils sécher les larmes d’un père qui avait honte.
Honte d’offrir une défaite à la place d’une fête.
J’ai fait un mauvais rêve :
je me suis vu le
complice de cette folie.
Je me suis vu le collaborateur de ce drame.
Et j’ai eu honte à mon tour.
Alors je me suis réveillé.
Et j’ai compris que je ne rêvais pas.
Alors j’ai décidé de me lever.
Me lever contre celles et ceux qui sont contre la liberté.
Contre la démocratie.
Contre l’humanité.
Contre les étrangers.
Contre le Christ.
J’ai décidé de me lever.
Me lever pour celles et ceux qui sont pour.
Pour ouvrir l’Évangile.
Pour ouvrir les bras.
Pour ouvrir les yeux.
Pour ouvrir leur cœurs.
Pour ouvrir la bouche.
Pour ouvrir des brèches.
Pour ouvrir leurs maisons.
Je me suis levé et j’étais fier.
Fier d’un courage qui ne venait pas de moi
mais d’un homme condamné
à mort, il y a deux mille ans,
parce que lui aussi
était un hors-la-loi,
un étranger
parmi les siens, un perturbateur, un sans-abri,
un sans-papier,
un sans-le-sou.
Et cet homme, c’est le visage désormais de chaque vie en
sursis,
qu’il nous appartient
non pas de juger,
de condamner
mais d’accueillir.
Alors rêvons, rêvons demain, autrement,
et offrons-le à
celles et ceux qui nous tendent la main.
Amen !
Extrait du livre de A. Toussenel,
« Le monde des oiseaux, ornithologie passionnelle »
1859, Librairie phalanstérienne, 6 rue
de Beaune, page 91 :
« Jésus-Christ, que le vrai Dieu suscita pour
démolir la Bible et qui racheta de leur dégradation la femme, le travailleur et
l’esclave, Jésus-Christ, l’ennemi impitoyable de l’usure et du négoce, n’avait
que trente-trois ans lorsque les Pharisiens et les Princes des prêtres le
clouèrent sur la croix. Et rien ne garantit, hélas ! qu’il
ne fût pas mort conservateur, s’il eût vécu trente ans de plus. »
Mon ami Patrice Gauthier sollicite de ma modeste personne que je publie sur
ce site
le poème qui suit. Je ne
saurais m’y soustraire :
Lamentation funÈbre
du boche Hugo Ball
Hugo Ball, poète allemand dadaïste, pré-lettriste
(1886-1927), a dit le poème qui suit
en 1916 au Café
Voltaire, à Zürich.
Se souvenant que l’armée américaine de Pershing
arrivait sur le front quelques mois plus tard,
Patrice Gauthier a fait de ce poème la traduction
placée en regard :
Omboula |
Maison au bout de la désertion |
take |
Fait |
biti |
Tomber |
solounkola |
Soldats et colonels |
tabla
tokta toka takabla |
Sur la table des opérations |
taka tak |
Au bruit des mitrailleuses |
Baboula m’balam |
Bal, j’aime le bal |
tak trou – u |
Des bordels de campagne |
où
– pour |
Où partent |
biba bimbel |
En ribambelle |
o kla o aouv |
D’Oklahoma à
New-York |
kla o aouva |
Closes et ouvertes |
la
– aouma |
Les âmes |
klinka – o
– e – aouva |
Clinquantes à tout va |
ome o – aouva |
Maisons sauvages |
omba dij omouff pomo - aouva |
Les ombres promouvant |
trou
– u |
Le trou |
tro – ou – u
o – a – o - u |
Le trou où s’engouffrent |
mo
– aouva |
Morts vivants |
gomoun gouma zangaga gago blagaga |
Goumiers z’artilleurs et caporaux blagueurs |
szagaglougui
m ba
– o – aouma |
Sagas sanglantes et barouds mortels |
szaga szago |
Alors d’abord |
szaga la m’blama |
Sagouins d’Alabama |
bschigui bshiguo |
Bisque bisque rage |
bschigui bschigui |
Brisés par la bise |
bschiguo bschiguo |
Taïaut taïaut |
goggo goggo |
Charges américaines |
ogoggo |
En avant en avant |
A
– o – aouma |
À la mort |
Des poèmes et cinq nouvelles de Christiane Gio,
Plus celle-ci, toute nouvelle nouvelle
reçue le 24 juin 2018 :
Comme un enfant coupable il se tint là
… « En ces
jours-là, dit l’Éternel, on ne parlera plus de l’arche de l’alliance de
l’Éternel ; elle ne viendra plus à la pensée, on ne se la rappellera plus,
on ne s’apercevra plus de son absence, et l’on n’en fera pas une autre. »
Jérémie 3, v. 16
-oOo-
Comme un enfant coupable il
se tint là, à côté de l’Arche. Aux quatre coins du couvercle les chérubins
regardaient devant eux en silence.
Il balaya du regard l’espace
dans lequel il se tenait et, plus loin, le voile qui séparait le Temple du
Saint des Saints.
Il baissa la tête à nouveau
et eut un long soupir en ôtant de son front le mince cercle d’or qui enserrait
sa tête.
Il se dévêtit lentement,
laissant tomber à terre plastron, ceinture et tunique. Il retira ses pieds de
ses sandales en chevreau, gardant seulement un pagne autour de ses reins, par
souci de décence.
Il trempa ses mains dans la
cendre froide qui remplissait le brasero et, levant les bras au-dessus de sa
tête, la laissa tomber et recouvrir ses cheveux, ses épaules, ses bras. Il
recommença l’opération jusqu’à ce qu’il soit couvert de cendre de la tête aux
pieds.
Il sortit du Saint des
Saints. Il n’y avait que peu de monde dans la salle ; Il attrapa un sac de
jute et s’en couvrit la tête et les épaules.
C’est ainsi qu’il apparut à
la foule des marchands, des prêtres et des fidèles. On ne le reconnut pas de
suite, il vit deux gardes s’approcher vivement de lui, chargés de la police des
lieux.
Enfin il fut reconnu ;
le silence se fit, au fur et à mesure que les regards convergeaient sur lui.
Seul un agneau bêlait, les
pattes entravées ; il alla vers lui et le délia. Le petit animal se
redressa sur ses pattes, vacillant, et trottina vers la sortie ; Il le
suivit et tous deux s’en allèrent, ayant traversé les cours successives, jusque
sur l’esplanade, puis dans les rues de la ville.
Derrière eux suivait,
indécise et silencieuse, la foule sidérée. Les fenêtres des maisons se
remplirent de têtes curieuses ; les gens s’écartaient pour le laisser
passer. Où allait-il ainsi, le petit roi tout nu accompagné de son
agneau ?
Le grand-prêtre, essoufflé par sa course, car il avait perdu l’habitude de marcher aussi vite, à cause de son embonpoint, se porta à son côté, haletant :
O roi, où vas-tu donc
ainsi ? Pourquoi cette tenue ? Y a-t-il un deuil ?
Mais le jeune roi ne
répondait rien ; il marchait, marchait, et bientôt on comprit où il se
rendait : passée la porte de la ville, s’étendait le désert à perte de
vue…
Le roi nu s’en allait au
désert.
Le souffle court et tout
suant le grand-Prêtre ordonna aux gardes de le suivre de loin. Une petite
caravane s’organisa, pourvue d’eau et de vivres.
Et de quoi vêtir le roi.
Le GP s’en retourna vers le
temple, à présent plus irrité qu’inquiet. Après s’être rafraîchi et changé il
pénétra dans le Saint des Saints. Il tomba aussitôt à genoux : l’endroit
était vide.
L’Arche d’alliance avait
disparu.
Le garçon qui avait été roi
s’était mis à courir, sans égards pour ses pieds ensanglantés par les cailloux aux
arêtes aigües ni pour sa peau rougie par le soleil.
Loin derrière, l’équipage
des poursuivants se traînait; ça tapait dur.
Il atteignit l’objet posé au
centre d’une dépression en forme de cuvette qu’un lac, autrefois, emplissait.
Il posa ses mains sur le
couvercle et constata en même temps la disparition des séraphins.
L’Arche était comme dédorée. Nue comme lui. Il en fit le tour.
Un vrombissement semblable à celui qu’auraient émis
un million d’abeilles emplit ses oreilles ; la lumière solaire s’aiguisa
encore et son éclat
l’obligea à fermer les yeux.
Il y eut du silence. Le
silence creux des espaces vides. Et puis un souffle léger caressa son front. Il
rouvrit les yeux. Une trace rectangulaire marquait profondément le sol.
Rien d’autre.
Le garçon se retourna ;
il était seul. Il haussa les épaules et, résolument, il fit face au désert.
………………………………………………………
« Pourquoi serais-je
enfermé dans ce tabernacle ? »
Cette question, le petit roi
l’entendait à chaque heure ; de nuit comme de jour ; c’était une
indignation, une révolte, une colère.
C’était aussi une demande,
presque une supplication.
Il comprenait cela. Il
éprouvait, lui aussi, les mêmes émotions, depuis qu’on était venu le chercher
dans la maison de son père et qu’on lui avait versé de l’huile sur la tête.
Il se rappelait le remue-ménage, les pleurs de sa mère, de ses sœurs, l’air effaré de ses frères… Il revoyait le visage de son père, si fier et en même temps si ému de son départ. Sa tristesse.
On l’avait arraché à sa famille, à sa vie d’enfant,
sans rien lui dire ni lui expliquer. Son enfance s’était terminée ce jour-là et
depuis, errant dans ce palais d’où on l’extrayait parfois afin de l’exhiber
devant le peuple, ou bien devant d’illustres visiteurs, ou encore pour d’interminables cérémonies
dans ce Temple, depuis, il était seul.
Seul avec cette voix triste
résonnant dans sa tête à toute heure, qui posait et reposait sans cesse la même
question qu’il répétait des lèvres, car valable pour lui aussi :
« Pourquoi serais-je
enfermé dans ce Tabernacle? » Dans cette boîte ? Dans cet
édifice ?
Pourquoi devrais-je endurer
jour après jour ces prières et ces sacrifices ? Qu’on me laisse aller
dehors, aux côtés de cette pauvre veuve, qui crie misère dans le silence de son
cœur… Entre autres…
Moi, le Dieu vivant, je
reprends ma liberté et m’en retourne au désert.
Qui m’aime me suive… »
…………………………………………………….
Dans la généalogie des rois
de Juda il existe un vide, il y a dans la liste comme un blanc entre deux noms.
Quelque chose a été effacé.
Personne ne demande plus la
raison de ce vide.
Le roi nu n’existe pas. Il
n’a pas régné. Il ne s’est pas couché avec ses pères au terme de sa vie.
Nul ne sait ; nul ne
parle ; roi annulé, effacé, aboli.
Quant à l’Arche…
Ézéchiel 37, 1 à 10
L’homme se redressa. Le
vieux s’en allait, autour de ses pieds s’élevait une brume de poussière ocre.
Il le regarda s’éloigner, rapetisser et disparaître.
Il resta seul, dans ce
désert de rocailles et de terre rouge.
Il leva la tête vers le
ciel, observa les alentours. Rien. Personne.
Où donc étaient passés les
autres ? Il scruta encore une fois le sol : tout avait disparu aussi
soudainement qu’un songe! Il ne comprenait pas. Là d’où il venait – mais où
était-ce ?! Il n’en conservait pas de souvenir – quelque chose l’avait
saisi et il s’était retrouvé debout, édifié d’ossements revêtus de chair,
irrigué de sang, habillé de cuir et de métal : une armure, des jambières,
un casque de bronze… Ses mains serraient l’épée et le bouclier. D’autres, à ses
côtés, innombrables, tenaient l’arc, le carquois remplis de traits acérés. Un
mugissement sortait de leurs bouches grandes ouvertes.
Cela sentait le cuir, la
toile rêche empesée de sueur et l’odeur du sang…
Il y avait eu une
déflagration, il avait vu s’écrouler brusquement cette muraille humaine
hérissée de fer, le temps d’un cri il n’en restait plus qu’un tas d’ossements
bientôt réduits en poussière que le vent dispersa aussitôt…
Lui, était resté couché à
terre, sur le ventre, ayant lâché ses armes et fermé les yeux.
Le souffle avait passé pour
retirer toute vie en eux, comme il les avait auparavant dressés vivants sur
cette terre aride ; ils en avaient hurlé comme au moment de la naissance,
prenant leur inspiration en un spasme douloureux ; puis de cet air leur
poitrine avait été vidée en un instant…
Il avait eu le temps
d’apercevoir ce vieux type ahuri, terrifié, se jeter à terre lui aussi. Un
grand gars efflanqué qui se tenait le ventre, pris de coliques…
Il l’avait regardé
longtemps, assis, les bras serrant ses genoux contre lui, pleurant et claquant
des dents. Enfin il avait réussi à se mettre debout péniblement et il avait
dressé tant bien que mal un tumulus de pierres. Les mains levées, tremblantes,
il avait psalmodié un chant étrange avant de saisir un bâton et de tourner le
dos en direction du nord.
Sans se rendre compte un
seul instant qu’il y avait là, tout près, aplati dans un creux de sable formé
par le vent, quelqu’un qui n’existait pas deux minutes plus tôt.
Le souffle était venu, le
souffle était parti. En se dissolvant il avait laissé un reste : un homme
qui sentait dans sa gorge et son ventre glisser ce souffle comme une gaze
fluide.
L’homme aperçut un objet
oblong qui dépassait d’un amas de sable ; il le ramassa : c’était un
os, luisant à force d’être poli par les grains de sable. Peut-être un tibia…
Autour le désert, jusqu’à
l’horizon, sans une âme qui vive autre que lui, debout sous le ciel blanc.
Alors il se mit en marche. Instinctivement il se dirigeait vers l’est. Les
lieux redevinrent ce qu’ils étaient : un endroit solitaire fait de
poussière et de vent. Resta ce monticule de cailloux que le vieil homme avait
construit, témoin silencieux du miracle accompli.
L’homme se fondit dans la
foule. Que devait-il faire ?
Les gens le regardaient et insensiblement
se créait un espace entre eux et lui. Ils sentaient bien qu’il était autre. Il
avait déposé son attirail de guerre sous une pierre plate dès que la cité avait
été en vue. Il avait ramassé des vêtements séchant sur des cordes, dans les
cours des maisons, un pantalon par ci, une chemise par là… Et il allait ainsi,
pieds nus, par les rues et les places, suscitant crainte et méfiance. Des
volets se fermaient à son approche et des hommes se regroupaient derrière son
dos.
Le souffle vivait toujours
en lui. Assis sur un banc il ferma les yeux, excessivement las et s’adressa à
lui : « que dois-je faire à présent, en cet endroit ? C’est par
toi que je m’y trouve, alors dis-moi ! » Il regardait ses mains
vides… Un flux de chaleur parcourut son échine
Des enfants l’entourèrent,
qui le suivaient de loin depuis son entrée dans la ville. Pleins de curiosité
ils restaient muets, dans l’expectative.
– Je me nomme Hueso, leur dit-il.
Poèmes
Pour
faire écho à l’un des poèmes de la semaine (Saints innocents) :
Les
grincheux ont beau dire,
cette année-là
m'a plu !
dit
l'Ogre.
J'ai
mordu chaque jour
(que Dieu fait)
la viande tendre
de l'enfant ;
j'ai
goûté la chair
éphémère
de la femme vendue,
et léché la sueur
de sa peur ;
j'ai
étripé
j'ai équarri
écartelé
dilacéré ;
j'ai
cuit des fournées
d'étrangers ;
j'ai bu
le suc
des
suppliciés,
je
l'ai aimé...
fameux festin
d'hommes de bien !
j'ai même fait des provisions
de bouche
au cas où l'année nouvelle
serait belle.
Il a plu cette nuit
Cette nuit tu m’as plu
Toute toi contre nue
Je ne grelottais plus
Toutes griffes dehors
Les eaux rebelles
Se jettent
Sur le ciment sali
Des quais
Leurs ongles blanc cassé
Crissent
Le dit du mécréant
à JMF
Tu dis :
« Vers l’aventure
L’Inconnu
Nous amène »
Tu nous promènes
Tu chantes
L’ardent désir
De l’ailleurs
Et du vent
Tu te mens
Tu sens
Le souffle ardent
De l’Esprit
En nos cœurs
Quelle erreur
Ton dieu est loin
Nous tournons
Folles toupies
Au travers du néant
Le rien
Ricane entre ses dents
Voici
Entends
Le dit
Du mécréant
Le Dieu de Wilberson
« Moi je reprends et je
châtie tous ceux que j’aime. »
Apocalypse 13, verset 19.
Le Dieu de Wilberson s’adressa à lui le 26 octobre de l’année qui
suivit son grand effondrement (celui de Wilberson),
alors qu’il sortait des toilettes de l’appartement où il logeait provisoirement
(un deux pièces cuisine avec vue sur la cour), chez un pote. C’étaient des WC à
la turque, sur le palier. Son pote s’appelait Camille et il était routier.
La femme de Wilberson l’avait fichu dehors ; ses gosses se
détournaient de honte à sa vue (Sylvain, 14 ans, rouquin, et Sybille, 12 ans,
amoureuse de Brad Pitt dans « Troie ») et ça le rendait malade !
Il ne lui restait que son
boulot : agent de fabrication chez les « Bonbons Foulon », à
l’atelier de fabrication des boîtes. Dans lesquelles on mettait les bonbons.
Il était en possession d’un
sac de couchage et d’une cafetière Nespresso que
Brigitte (sa femme, 42 ans, 75 kilos pour 1m60) ne voulait pas garder car
c’était sa mère (la sienne à lui, Lucienne, 72 ans, concierge à la retraite)
qui leur avait offert à Noël. Et c’est
tout.
Donc le Dieu-en-lequel-il-croyait
lui dit :
Honte sur toi, Wilberson ! Tout ce qui t’arrive, le pétrin dans
lequel tu es embourbé, c’est de ta faute ! Ta très grande Faute, ton
Péché !
Si tu y es, c’est que je l’ai
voulu, pour te punir… Sache-le, mon courroux est extrême, et je vais m’arranger
pour te pourrir la vie pendant un bon moment.
Tu es prévenu.
Et le Dieu, n’ayant plus
rien à dire, referma son Grand Clapet, se retira au fin fond des nuées qui le
dissimulaient aux yeux des hommes, et donc à ceux de Wilberson.
Wilberson le savait, il avait
sacrément déraillé. Et pas seulement avec le Dieu-en-lequel-il-croyait, mais
avec toute sa foutue sainte-famille ! (La sienne à lui, pas celle de…
Oh ! Ben non, quand même !) Et son Dieu avait la dent dure ; une
mémoire d’éléphant ; un œil de lynx : rien ne lui échappait, comme
disait l’autre : « l’œil était dans la tombe et regardait Wilberson ».
La chose avait commencé à sa
naissance, dès qu’il faisait un pet de travers, et même si personne ne s’en
était aperçu, le Dieu le voyait, Lui, et tôt ou tard il en payait le prix.
Cher. Le plus souvent avec majoration.
Le Dieu le laissait parfois
mariner quelque temps avant le châtiment, parce qu’il voulait que Wilberson ait peur, qu’il appréhende…
Et en effet, il en arrivait
à supplier que ça lui tombe enfin dessus, pour en finir et être quitte.
Mais était-il quitte, une
fois le prix payé ?
Pas sûr.
L’amour du
Dieu-en-qui-il-croyait était tenace comme un bernicle
qui s’accroche à son rocher, rien ne pouvait en sauver Wilberson.
§
« Détourne de moi le
regard, et laisse-moi respirer,
Avant que je m’en aille et
que je ne sois plus. »
Psaume 39, verset 14.
Wilberson s’adressa au
Dieu-en-qui-il-croyait le 26 octobre de la même année,
environ trois minutes après l’allocution de celui-ci, c’est à dire le temps
qu’il faut pour faire cuire un bon œuf à la coque. (Ce qu’il n’était pas en
train de faire, je tiens à le préciser, c’est juste une expression qui signifie
que l’on peut réaliser de bonnes choses en peu de temps.)
Il faut dire à sa décharge
que le café de son pote était dégueulasse, et que son séjour aux WC n’avait pas
porté les fruits escomptés…
Wilberson donc, rouge comme un homard
cuit, mit ses poings sur ses hanches, leva la tête vers le ciel et il
dit :
– D’accord, j’ai décoraillé, mais, bon sang de bois, pas plus que les autres
! Pas moins non plus, c’est vrai, mais peux-tu me dire pourquoi c’est toujours
sur moi que ça tombe ? D’ailleurs, ça ne devrait tomber sur la tronche de
personne, des trucs pareils ! Si je relis bien ton discours de campagne,
(rageur il était arrivé dans la chambre d’amis, devant sa valise d’où il
extirpa une bible Louis Second assez usagée), le premier point en est la
libération pour les opprimés et les offensés, le second l’exigence de justice,
et le troisième qui en découle, c’est la paix, bon sang de bois! La PAIX !
Il feuilleta le livre pour
en montrer la preuve, s’embrouilla, ayant peur de perdre du temps et en même temps
l’attention qu’On lui portait, il en était certain, et finit par jeter le
bouquin à terre en criant :
– Des promesses, jamais
tenues…
Dehors le ciel grondait, les
roulements du tonnerre se rapprochaient dangereusement de la rue (d’Avron, au 78) où se trouvait Wilberson,
en fureur, en train de vitupérer tout seul (son pote avait fui) face aux
éclairs :
– Tu peux bien fulminer,
mais n’empêche, t’es qu’un em…pêcheur de tourner en
rond ! Épuisé il finit par se laisser tomber à terre en bégayant :
c’est vrai, quoi, qu’est-ce qu’il dit, le Jaizu ?
Hein, tu te rappelles ? « Tes conn… (je cite approximativement), elles te sont pardonnées, alors
va, et tiens-toi peinard ! »
À plat ventre, les mains sur
la tête, il murmurait encore quand le silence se fit.
Il risqua un œil : la lumière du jour
brillait à travers la vitre. Les enfants jouaient dans la rue, son pote
refaisait du café, disant que celui du matin était vraiment imbuvable, le
téléphone sonna : c’était sa femme qui pleurait de remords et lui demandait
de revenir à la maison, les enfants le réclamaient matin et soir, et elle-même
réalisait à quel point elle était encore amoureuse de lui, que le chagrin lui
avait fait perdre tous ses kilos en trop, elle termina en lui susurrant ses
mensurations et il fonça vers sa valise, avala en cinq sec la tasse de caoua
que lui tendit son pote au passage, un arabica de première ! et courut comme un dératé vers le métro…
C’était son premier jour de
chance, Wiberson vit que cela était bon, c’est à ce
moment là qu’il fut victime d’un infarctus massif…
§
« L’Eternel le soutient
sur son lit de douleur »
Psaume 41, verset 4.
Le Dieu, tenant dans sa main
le souffle épuisé qu’était Wilberson, le soupesa,
soupira et décida de desserrer Son
étreinte, de détourner Son regard de sa personne et de cesser d’appesantir sur
cette pauvre tête le poids de Sa présence. Le temps de voir…
Et il le rendit au monde.
C’est ainsi que Wilberson se retrouva à terre, la poitrine libre de toute
oppression. On le mena à l’hôpital, en soins intensifs, on l’intuba de partout,
et il se tint là, tranquille, pacifié pour la première fois de sa chienne de
vie…
Dehors, les nuées s’étaient
dissipées, entraînant au loin, très loin de lui, la menace de ce Dieu
courroucé, menaçant, vengeur, ne laissant en lui que la douceur de cette
absence.
Le Dieu avait remporté sous
Son bras puissant tous les manquements, les écarts, les fautes de sa jeunesse
comme celles de son âge mûr.
Il n’y avait plus dans ce
lit que lui, Wilberson, retourné comme un gant de peau
usé, avec le sentiment d’une présence à ses côtés, vigoureuse, joyeuse, qui
l’engageait à une vie nouvelle…
La même présence, mais tout
autre…
Alors, il eut soif d’inconnu.
La dictée de madame Durandal
12 février 2009
« Il faut pourtant que
quelqu’un s’en occupe, se disait-elle. Qui va les accueillir ? »
Alors, dans le silence, elle
se releva.
……………………………………………………………
Il était huit heures dix.
Les couloirs du collège
étaient enfin silencieux et vides.
Madame la principale
redescendait vers son bureau, repassant en esprit un emploi du temps matinal
dépassant largement les possibilités physiques de quiconque. Mais elle avait
appris que contrairement à ce que l’on croit, le temps est élastique, même
contenu dans les grilles d’un horaire draconien.
S’installant à son bureau,
elle se mit au travail, et ce n’est qu’une demi-heure plus tard que sa
secrétaire, entrant en trombe dans la pièce, lui apprit le décès brutal,
pendant la nuit, de madame Durandal, professeur de
lettres en charge des sixièmes Lully, des cinquièmes Malraux et Proust, et des
troisièmes Renoir. Un pilier de l’établissement, en poste depuis des lustres.
Avant toute chose, une fois
le choc encaissé, il fallait s’occuper des élèves.L’emploi
du temps de madame Durandal qu’elle consulta de
suite, lui apprit que les sixièmes Lully avaient cours de français ce jour à
huit heures.
L’absence du professeur
n’ayant pas été signalée par la vie scolaire, ce qui ne laissait pas d’être
curieux, elle supposa que les enfants se trouvaient en salle de permanence.
Mais ce n’était pas le
cas :
« L’appel a été fait, le
surveillant de service l’a récupéré et apporté au bureau », lui assura la
conseillère d’éducation.
Mais alors, où sont les
enfants ?
Telle fut la question que
toutes se posèrent, la principale et son adjointe, la secrétaire et la
conseillère…
Se levant alors, la
principale s’élança vers les escaliers, suivie de ses collègues, et grimpa
vivement jusqu’au troisième étage, où se trouvait la salle de madame Durandal….
……………………………………………………………
« Je me souviens de
cette fameuse matinée au collège Fesch.
Il pleuvait depuis la veille
sans discontinuer. Cette année-là, l’automne s’était intitulé saison des pluies
et déversait sur la Corse les eaux du Déluge. On eût dit que, selon le livre de
la Genèse, « les portes des eaux du ciel avaient été ouvertes » :
inondations, éboulements de tonnes de roches sur la route de Vizzavona. La mer démontée flagellait cruellement nos
côtes, effaçait les plages, offrant aux regards incrédules un spectacle de
désolation sur la Citadelle, la Parata, le long de la
route des Sanguinaires.
Les barrages débordaient,
noyant sous les eaux les plaines et détruisant du même coup les biens de toute
une population effarée et accablée…
Comme nous étions en rangs,
frissonnant dans le couloir, en attente de notre professeur, quelqu’un ouvrit
la porte.
La lumière était allumée.
Cela ne nous étonna pas : madame Durandal se
trouvait le plus souvent déjà dans la salle lorsque nous arrivions.
Elle nous fit signe d’entrer
et chacun prit sa place. Nos vêtements fumaient. Le cours commença. Comme
prévu, une dictée nous attendait, que nous avions dûment préparée la veille.
Pas d’angoisse, donc, nous étions tranquille, l’exercice ayant perdu, grâce à
madame Durandal, son aura terrifiante de
couperet : nous avions le loisir de corriger nos erreurs avec les aides
variées qu’elle nous proposait, sous forme de remarques et de questions.
Madame Durandal
n’avait rien tracé au tableau, contrairement à son habitude, mais elle avait
demandé à l’un d’entre nous d’inscrire la date, la nature de l’exercice, le
titre et l’auteur de la dictée, et à un autre de remplir la petite fiche
portant le nom des absents. Il n’y en avait qu’un, Marcellin Débonnaire, qui
regrettera toute son existence d’avoir manqué ce matin-là. Puis le billet avait
été déposé sur la porte, côté couloir, afin d’être récupéré par le surveillant.
Nous étions donc en train
d’écrire paisiblement lorsque la porte s’ouvrit. Il était environ huit heures
quarante-cinq.
Madame Peral,
notre principale, entra, suivie de son adjointe, madame Pogil
et de notre chère Sophie, la conseillère d’éducation. Nous devinions d’autres
présences, derrière elles : des secrétaires, des agents de service…
Comme nous levions la tête,
elle nous demanda qui nous avait fait entrer dans la salle. Cherchant du regard
notre professeur, mais en vain, nous restions surpris, ne saisissant pas encore
toutes les implications découlant de ces mots : « Qui vous a fait
entrer dans cette salle ? »
Nos explications jetèrent un
trouble évident chez notre principale ainsi que chez les adultes présents dans
le couloir.
Sans autre commentaire,
Sophie s’installa au bureau du professeur et relut le texte que madame Durandal venait de nous dicter. Je me rappelle sa voix,
affaiblie et légèrement tremblée.
Aucun d’entre nous ne
demanda où se trouvait notre professeur. Lorsque la sonnerie retentit, nos
affaires rangées, nous savions que nous ne ferions jamais plus de dictée sous
la conduite de madame Durandal.
Quelques jours après, un
nouveau professeur la remplaça, et plus jamais la porte ne s’ouvrit, alors que
nous attendions sa venue, dans ce couloir aux pavés jaunes et gris, parce qu’il
n’arriva jamais avant nous pour nous accueillir dans la salle de cours.
Tant d’années ont passé, et
je puis encore réciter par cœur ces mots, les dernier mots
de la dernière dictée :
"Ce que laisse un mortel ajoute peu au monde
Et ce geste pourtant donne au monde son prix"
(Jean Alexandre, in Toutes ces
mondanités). »
Christiane GIO
Ajaccio, le 22-12-08
(En hommage au professeur Binns, enseignant au collège Poudlard – Dédié aux personnels du collège Fesch)
Le poulpe
« Jetant son encre
vers les cieux,
suçant le sang de ce
qu’il aime
Et
le trouvant délicieux,
Ce
monstre inhumain, c’est moi-même. »
(
Apollinaire, in : Le Bestiaire)
Mélaria s’est vite
adaptée à son grand aquarium rectangulaire (1,80m sur 2,50m). Il faut dire que
j’y ai mis le prix : modèle luxe incassable en verre
securit-laser-cristal-excellence de sept centimètres d’épaisseur, aux joints en
élastène durci recuit et traité au zinc avec
revêtement en titane. Le « must ». Je me suis littéralement ruinée.
J’ai achevé de vider mon Codevi avec tout l’attirail adéquat : assortiment
de tuyaux, de valves, de filtres à eau ; lumière, chauffage, témoin de
température, de salaison de l’eau… Le décor naturel de roches, sable et
graviers, je me le suis coltiné moi-même en cinq week-end à Dieppe, sans
oublier les kilos d’huîtres et de moules, de coques et de bernard-l’ermite
qu’il m’a fallu ramasser, trimballer, conditionner…
La concierge me
guettait à chaque passage :
– Bonjour, mame Dupin, alors comme
ça, on rapporte encore du sable ! ‘Core heureux
que mon Émile m’ait offert un aspirateur Vorace pour ma fête, qui peut aspirer
l’eau, la terre, les gravillons, parce qu’avec vous ! En tout cas, il est
amorti ! C’est-y qu’vous voulez la plage à domicile ? Notez qu’avec
la vie solitaire que vous menez, faut bien vous occuper à quèqu’chose.
Mais quand même, pensez à mes escaliers cirés : tout rayés, qu’ils sont, à
chaque passage !
Elle restait pourtant
sereine, en raison des étrennes royales qu’elle recevait au jour de l’an, et qui
lui faisaient passer l’éponge (au sens propre comme au figuré) sur mes
« excentricités » : une grande fille seule comme moi, fallait
bien que ça s’occupe.
Une fois ruinée, j’ai
pu enfin contempler le résultat de mes efforts, affalée sur mon fauteuil, les
pieds surélevés pour une meilleure circulation, un verre de thé à la main.
Mélaria
flottait doucement en pleine eau. Je la préfère ainsi plutôt que collée aux
parois de toutes ses ventouses, lorsqu’elle les fait onduler les unes après les
autres. Cela me rend nerveuse.
Elle a un regard
particulièrement ironique. Ce qui donne cette impression-là, ce sont ses yeux
qui ressemblent étrangement aux nôtres.
Elle considère tous
mes efforts sans lever le moindre tentacule pour me venir en aide.
Sa façon de manger
est tout à fait dégoûtante et éprouvante pour ma sensibilité : tout
d’abord elle danse sur les pointes de ses huit pattes autour de sa proie, puis
elle se ramasse sur elle-même et se jette sur elle à une vitesse qui me dresse
les poils sur le corps. Après quoi on la voit se trémousser sur son repas
vivant, quand elle l’a ramené sous elle...
Tout bien considéré,
sa façon de se nourrir est moins dégoûtante que celle de l’araignée ou de
l’étoile de mer.
Une fois repue, elle
se retire paresseusement, telle une flaque qui s’écoule en s’étalant vers son
antre afin de digérer quelques heures.
Alors je peux bouger
à nouveau sans crainte, évoluer à mon aise dans la
pièce sans rester sur le qui-vive.
Je ne comprends pas
pourquoi elle ne mange pas ce vieux bernard-l’ermite ! Elle l’attrape de
temps en temps du bout de deux tentacules et joue avec comme ferait un chat.
Mais elle ne le mange pas. Elle s’aplatit devant lui et le regarde
déambuler : il n’a même plus peur d’elle et sort ses pattes de sa coquille
pour se déplacer sans se gêner.
Je lui ai jeté
d’autres bernard-l’ermite pour voir : elle les a tous dévorés.
Les pieuvres restent
pour moi un mystère insondable.
Mélaria
n’essaie plus que rarement de sortir de son aquarium. Depuis qu’elle a emménagé
dans ce nouveau modèle, plus spacieux, elle se montre plus calme.
Auparavant elle
tentait de s’échapper très souvent, surtout quand je me trouvais dans la pièce.
Ce qui était traumatisant pour moi.
J’ai fini par
comprendre qu’elle se trouvait à l’étroit.
Pour que l’aquarium
puisse tenir dans la salle, j’ai dû virer le divan. Il me reste un fauteuil. De
toute façon, je ne reçois plus tellement de visites depuis que Mélaria est entrée dans ma vie et dans mon appartement et
s’y est installée. Ses brusques sautes d’humeur rendaient les gens
nerveux : elle éclaboussait qui passait devant elle, à grand tapage. Elle
se jetait, telle une flèche d’une paroi à l’autre, comme si elle voulait casser
la vitre. A d’autres moments, en revanche, elle devenait inerte, abattue, posée
au fond telle une serpillière usagée, en me considérant d’un œil torve.
Une fois, elle a jeté
un poing de tentacules noués vers mon visage, ce n’était plus tenable.
L’aquarium, je l’ai
placé au milieu du salon, comme ça, elle peut suivre tout ce qui se passe dans
la pièce.
On dit que les
pieuvres sont silencieuses : erreur ! Elles ploufent
et plafent et splachent
sans relâche pour exprimer leurs humeurs.
Et puis elle s’est
mise à grandir.
Je l’avais recueillie
toute petite, tenant dans le creux de ma main. Cela m’avait amusée de la
rapporter chez moi dans un seau d’eau et de la plonger dans un aquarium.
A présent sa taille
est surprenante : déployée, elle est plus grande qu’une roue de vélo pour
adulte.
Ce qui explique aussi
la rareté des visites.
On dit que les
pieuvres sont caractérielles : c’est vrai ! Mélaria
se hérisse brusquement de mille rugosités qui ressortent vivement sur le fond rouge-sang
de sa peau. Avec les ventouses, cela produit un effet repoussoir,
euh…repoussant. Son regard n’est pas beau à voir, il est loin d’être amène, il
vaut mieux quitter la place.
Je me rappellerai
toujours la grande scène que Mélaria m’a jouée, un
soir, alors que je rentrais du boulot, exsangue.
De tous ses
tentacules déployés, elle s’était arrimée aux rebords de son aquarium qu’elle
secouait de toutes ses forces. L’eau giclait sur le parquet, y formant des
flaques glauques.
L’aquarium tanguait
dangereusement à tel point que, ne pouvant supporter ce spectacle, je suis
ressortie de l’appartement, je suis redescendue dans la rue pour acheter
quelques crevettes chez le poissonnier du coin (qui me doit sa fortune), dans
l’espoir que tout serait rentré dans l’ordre une fois remontée.
Peine perdue !
L’aquarium avait tenu le coup, bien qu’ayant versé les trois-quarts de son eau
sur le plancher, mais Mélaria gisait par terre,
serpillière grise, trouée, visqueuse, se tordant de manière horrifiante à mes
pieds.
Je passe sur la
demi-heure qui suivit : ramasser une grande pieuvre qui se tortille pour
la remettre dans son bocal n’est certes pas une mince affaire…
J’avais à peine
essuyé le sol que, me retournant, je l’apercevais déjà les tentacules par dessus
bord, prête à se laisser à nouveau glisser à terre.
Heureusement, les
crevettes sont venues à point pour la calmer.
J’ai ressorti de suite
les catalogues que je m’étais procurés chez l’Aquariophile.
Pendant que je
comparais les mérites de tel et tel produit, une enveloppe fut glissée sous ma
porte : c’était Yvette qui, ayant renoncé à me rendre visite, m’invitait à
passer chez elle dans la soirée.
……………………………………………………………………………………
J’ai éteint la
lumière, j’ai fermé la porte de ma chambre à clef et, après m’être assurée que
le x était bien fixé au sol, je me suis couchée,
ignorant les clapotis et autres chocs provenant du salon.
Au matin, j’entrerais
prudemment, protégée par mon balai-brosse, au cas où, et après avoir bien
repéré l’endroit où se tenait Mélaria.
On ne sait jamais.
Extraits de mon journal, du
dix juillet au vingt-cinq septembre
10 juillet
Ai décidé d’organiser visites payantes pour financer
entretien de l’aquarium et la nourriture.
10 août
Ai dû renoncer aux visites ! Mélaria
a des soubresauts convulsifs violents dès qu’une tête ne lui revient pas.
Impossible de savoir qui sera indésirable et de filtrer les entrées. Elle a des
jours avec et des jours sans.
Hier, un tentacule a furtivement
caressé la chevelure opulente d’une petite blonde qui en a fait pipi dans sa
culotte.
L’autre jour, c’est
un ventripotent à la voix caverneuse qui s’est vu soudain enlacé. Ai dû le
rembourser.
A d’autres moments, Mélaria suit d’un œil torve les événements, sans broncher.
Voilà qu’il me faut
renoncer à une ressource bien appréciable.
25 août.
Un comité de quartier
s’est constitué afin d’agir en vue du départ de Mélaria.
Des pétitions circulent dans chaque immeuble.
Du coup, une association
de défense des céphalopodes m’a manifesté son soutien.
Lequel soutien est
resté de pure forme : pas un de ses membres n’a cotisé pour m’aider à
entretenir Mélaria.
12 septembre.
Le concierge de mon
immeuble a disparu depuis plusieurs jours. Personne ne sait où il se trouve.
Sauf moi.
J’ai eu assez de mal
à le sortir de l’aquarium, puis à le descendre à la cave, dans l’oubliette
aménagée par des locataires juifs, pendant la dernière guerre, en cachette
invisible.
A part Debroussette, le fameux grand historien du quartier, âgé de
quatre-vingt seize ans, et complètement sénile depuis plusieurs années,
personne ne connaît l’existence de cet endroit.
Je vais l’oublier
également.
20 septembre.
Suite à cette
disparition, la police m’a interrogée. La routine, m’a affirmé l’un des deux
enquêteurs.
Ils ne sont pas
restés longtemps. Mélaria, en les apercevant, leur a
fait savoir que leur présence lui était indésirable.
L’un d’eux m’a jeté
en sortant :
– C’est légal, de garder un engin pareil chez
soi ?
Je crains qu’il ne
fasse un rapport négatif sur l’existence d’une grande pieuvre au quatrième
étage d’un immeuble du vingtième arrondissement.
25 septembre.
Un discret entrefilet
est paru dans le Parisien libéré du 22 septembre, que j’ai découpé et collé
dans ce journal :
La grande pieuvre de la rue Le Bua
« Madame Dupin, sympathique quadragénaire, a recueilli
et entretient, dans son appartement, une jeune pieuvre géante pêchée toute
petite dans la Manche.
Gracieusement lovée dans un aquarium de grandes dimensions,
au milieu du salon, elle a suivi d’un œil bienveillant l’interview de sa
compagne humaine, tout en chipotant d’un tentacule négligent quelques crabes
offerts par votre serviteur. »
Suivaient quelques
lignes, un dialogue dans lequel je répondais à des questions portant sue
l’alimentation, la reproduction et l’agrément de cet animal de compagnie.
Je ne m’en suis pas
trop mal tirée.
Voyant que derrière
son dos pointait un tentacule inquisiteur, et avant qu’une regrettable
complication ne survienne, j’ai attiré mon visiteur dehors avec la promesse
d’un verre ou deux au bistrot du coin.
Lecture d’un extrait des Travailleurs
de la mer, de Victor Hugo
rÉactions de MÉlaria
Ma lecture eut un effet surprenant :
D’abord lovée sur
elle-même au fond de l’aquarium, elle étendit peu à peu, l’un après l’autre,
ses tentacules. Son regard ne me quittait pas et je me rendis compte
qu’insensiblement, elle se rapprochait de moi, jusqu’à ce que la vitre l’arrêtât.
Elle me considérait
ironiquement, certes, à son habitude, mais, à ce qu’il me sembla, avec de plus
un brin d’étonnement. Elle semblait déconcertée.
À la fin, comme
j’avais cessé de lire depuis une bonne minute, elle eut ce que l’on pourrait
traduire, en termes humains, un haussement d’épaules ; puis elle se mit à
dévorer compulsivement, avec frénésie, les crustacés à sa portée, sans observer
le rituel qui présidait d’ordinaire à tous ses repas. Enfin elle se retira
majestueusement dans l’anfractuosité du rocher qui lui servait d’appartement.
La prose de Victor
Hugo aurait-elle le don de pacifier les monstres ?
En tout cas, cela
leur ouvrait l’appétit.
Ou bien le fait que
je m’occupe exclusivement d’elle, le son de ma voix s’adressant à elle, lui
avait-il procuré un apaisement ?
Les pieuvres
sont-elles sensibles à l’intérêt qu’on leur porte, dès lors qu’il est
bienveillant ?
J’avais fait quelque
chose pour elle, et elle en avait ressenti un effet bienfaisant.
Je restai perplexe.
A partir de ce jour,
à chaque fois que Mélaria se montrait
particulièrement nerveuse, je sortais un livre.
En peu de mois,
j’épuisai tout mon stock de Victor Hugo : les Misérables, les Châtiments,
la Légende des siècles, Hernani, L’homme qui rit…
Je voulus poursuivre
avec Proust, mais elle ne me le permit pas.
Je notais dans mon
carnet ses réactions : régime, mesures, humeur. Elle grandissait moins
depuis quelques temps, heureusement, car je ne pouvais envisager l’achat d’un
nouvel équipement, au vu de l’état de mes finances.
Afin de réaliser mes
projets, un grand nombre d’heures supplémentaires seraient nécessaires.
Une maison isolée,
avec une piscine couverte me semblait la solution idéale pour que Mélaria puisse évoluer à son aise ; l’exiguïté d’un simple
aquarium, si grand fût-il, ne lui permettant pas de dépenser son énergie de
manière satisfaisante.
Pour cela il me
fallait résoudre bien des problèmes ardus, à commencer par celui du transport.
Rien.
Rien de notable ne se produisit pendant plusieurs jours. Le
train-train. Au matin une livre de praires ; changement hebdomadaire du
troisième filtre et tamisage du sable, sans incident aucun. Mélaria
reste dans son trou. Le soir, une poignée de crevettes grises. Elle mange bien.
Pas de remous.
J’ai allumé la
télévision à l’heure des informations. Comme c’était le remplaçant de Poivre
qui présentait, Mélaria n’a pas même sorti un
tentacule. Vers vingt-deux heures elle a fait son tour, mais comme l’appareil
était éteint et que seule une petite lampe éclairait la pièce, elle n’a rien
trouvé à redire et s’est retirée pour la nuit.
Se ferait-elle à sa
nouvelle vie ?
Le premier songe
J’ai rêvé de feuillages aquatiques ondulant dans une eau
claire, lumineuse.
Des vallées
sous-marines se déroulaient sous moi, je planais avec délices accompagnée d’une
cohorte de daurades familières.
Je ne portais pas de
combinaison ni de masque, ni de palmes, et pourtant, non seulement je n’avais
pas froid, mais je me déplaçais aussi vite que je le désirais, suivant un banc
de petits poissons verts, translucides. Tantôt je planais au-dessus d’une raie
géante, tantôt je contemplais, immobile, les évolutions d’un gros mérou placide
qui se « garait » à reculons dans son trou.
Le contact de l’eau
m’était doux, lisse comme de la soie, une soie bleue parsemée de taches de
lumière, dans laquelle je glissais, libre, heureuse.
Ainsi j’allais au
fond des eaux vives sans but précis, sereine, en harmonie avec mon corps et mon
esprit.
En toute plénitude.
Le deuxième songe
J’étais le poisson rémora d’une baleine colossale.
J’avais conservé
néanmoins mon aspect humain.
Aucun masque, aucune bouteille d’oxygène. Je nageais dans les
eaux profondes, respirant comme avant ma naissance, dans le placenta maternel,
ou même comme encore auparavant, lorsque je me trouvais dans les limbes.
Lovée contre le
ventre de mon Léviathan je survolais l’abîme d’un noir encreux,
d’où montait un froid glacial.
Puis nous prîmes un
courant chaud qui nous amena vers la surface.
Pendant la remontée
un sous-marin nucléaire nous croisa.
Je restai entre deux
eaux tandis que la baleine respirait en surface ; je n’aimais pas cet
instant propice à toutes sortes d’attaques de prédateurs divers : les humains chasseurs de
baleines étant les pires.
Je ne me rassurais
que contre le corps immense et chaud de ma protectrice.
Ainsi je voyageais à
travers les océans du monde, ne craignant qu’une chose : la disparition de
ma baleine.
Extraits du journal, du
vingt-six octobre au deux dÉcembre
26 octobre.
Quand Mélaria a cessé de se nourrir, alors j’ai compris qu’elle
voulait se suicider.
Oui, elle désire
mourir.
Grise, amorphe,
mollement vautrée au fond de sa prison de verre comme une pieuvre
neurasthénique, Mélaria souffre, et cela me rend
malade moi aussi.
Le remords commence à
me ronger.
Comment ai-je pu
priver de liberté un être vivant ?
De quel droit l’ai-je
arrachée à son milieu naturel, puis enfermée durant de si longs mois, sans
m’apercevoir qu’elle était malheureuse ?
J’ai donc un cœur de
pierre ?
Une seule chose me
reste à faire, de toute urgence.
Le transport va
s’avérer difficile…
2 novembre.
J’ai loué un
camion ; j’y ai fixé l’aquarium recouvert d’une bâche en plastique
solidement attachée.
En avant pour
Dieppe !
Libre !
Une flaque bordeaux glisse insensiblement vers moi.
Sous cette dentelle
rouge bordée d’un feston noir se devinent les tentacules ondulant autour de la
sombre galette du manteau.
Le soleil frappe
soudain l’ensemble et, d’un coup de baguette magique, illumine Mélaria.
L’extrémité hésitante
d’un tentacule vient toucher timidement ma main. Je ne bouge pas.
La flaque pourpre
s’éloigne alors, telle un bateau qui vient de larguer ses
amarres, et s’enfonce dans les profondeurs transparentes. J’ajuste mon masque
et je plonge.
Entièrement déployée,
telle une chevelure splendide, foisonnante, couronnant un visage noir, Mélaria plane, royale, en pleine eau.
Les reflets du soleil
la nimbent d’une auréole scintillante et, cambrée, elle s’élance vers l’abîme
d’où je l’avais arrachée, loin de la minable prison dans laquelle je
croyais pouvoir la confiner.
Le terrier
Bruka s‘arrêta net devant le terrier.
Le trou qui avait servi d’entrée avait presque disparu sous les herbes depuis le temps, les bords s’étaient écroulés.
Le reste de la bande revint vers elle, le regard étonné.
C’est elle qui menait la chasse, alors ils attendaient, tournaient sur eux-mêmes, levaient leurs museaux vers la colline, là d’où soufflait la brise qui leur apportait l’odeur de leur proie.
Le souffle doux du printemps réveillait la prairie, vigoureux et tendre, avivant leurs forces éprouvées par un hiver glacial.
L’espoir d’un repas reconstituant les soulevait ce matin-là, leurs pattes ne touchaient plus terre ! Pourquoi Bruka les retardait-elle ?
Bruka ressentait leur perplexité, leur nervosité croissante, mais c’était plus fort qu’elle, il avait fallu qu’elle s’arrête là, devant ce trou, vestige du terrier détruit.
Des souvenirs vivaces se dressèrent alors en elle, elle s’assit, leva la tête vers le ciel et hurla.
Puis, reprenant ses esprits, elle se releva, bouscula rageusement Bennir, mordit méchamment le flanc gonflé d’Albura, qui glapit, et fonça de toutes ses forces vers la perspective qui s’offrait à eux de se nourrir à satiété puis de revenir au camp pour en faire profiter les petits.
Bien plus tard, alors qu’elle venait de régurgiter la viande du lièvre qu’elle avait égorgé et que les chiots s’en repaissaient avec ardeur, tout en nettoyant ses griffes, elle observait le plus fort d’entre eux. Un petit mâle vigoureux, hardi au point qu’elle devait souvent le rembarrer pour l’empêcher de s’éloigner du nid où ses frères et sœurs s’entassaient, se serrant les uns contre les autres afin de se réchauffer, dormir, se chamailler et chahuter ensemble.
Le dominant de sa fratrie. Un futur chef, comme son géniteur. Elle savait cette chose-là.
Une pointe acérée vint lui pincer le cœur tandis qu’elle le contemplait. Il n’avait pas rechigné longtemps en changeant de lait, lorsqu’elle était allée le chercher avec le reste de la portée de cette…
Elle retroussa les babines et retint un grondement.
Cette femelle avait osé !
Elle avait donné naissance à ses petits, malgré l’interdiction faite aux autres femelles qu’elle, de mettre bas !
Bruka savait qui était le père, le mâle qui les avait engendrés. C’était le sien. Borek. Elle avait perçu son odeur sur la femelle coupable dès leur première copulation.
Il avait le droit de prendre d’autres femelles, elle devait s’y faire.
Mais endurer qu’il les engrosse, c’était autre chose. Elle était la femelle dominante, la seule qui puisse donner des petits à ce mâle superbe, puissant, un meneur né, le chef de toute la meute.
La fautive avait bravé la loi du clan, elle en avait payé le prix. Bruka ne regrettait rien.
Seza n’avait pas résisté longtemps devant la férocité des attaques portées contre elle par les femelles rassemblées.
C’est Bruka qui avait porté le coup de grâce, perçant de ses crocs sa carotide.
Mais auparavant l’impudente avait dû assister, désespérée, au vol de ses petits que Bruka était venue lui prendre, l’un après l’autre, par la peau du cou, pour les emporter dans son propre terrier, avec sa propre portée.
Elle avait gémi lorsque Borek était passé, se tenant prudemment au large, sans s’arrêter, sans un regard.
Peu à peu Bruka s’apaisa. Ce qui était fait l’était bel et bien. Il n’y avait pas à y revenir. Les autres femelles avaient bien compris l’avertissement. Elle était tranquille pour un bout de temps.
Elle couvait du regard le petit mâle alors qu’il mordillait le ventre de son frère renversé sur le dos, les pattes en l’air en signe de soumission. Le vainqueur, encore pataud, arborait déjà la même livrée que son père, d’un fauve mordoré, et le même air faraud.
Il n’était pas de ceux qu’elle avait mis au monde.
Elle oublierait vite néanmoins ce fait : il était à elle à présent, et à personne d’autre.
Tandis qu’elle somnolait après les fatigues de la chasse, elle entrevit Borek qui passait dans son champ de vision.
Ils échangèrent un bref regard tandis qu’il s’éloignait.
Où donc allait-il ?
Un poème évanoui de Queneau envoyé
par l’ami Toma :
Bon dieu de bon dieu que j'ai envie d'écrire
un petit poème
Tiens en voilà justement un qui passe
Petit petit petit
Viens ici que je t'enfile
sur
le fil du collier de mes autres poèmes
viens
ici que je t'entube
dans
le comprimé de mes oeuvres complètes
viens
ici que je t'enpapouète
et
que je t'enrime
et
que je t'enrythme
et
que je t''enlyre
et
que je t'enpégase
et
que je t'enverse
et
que je t'enprose
La vache
il
a foutu le camp
Le Roi et l'Oiseau
Voyage au cœur du chef-d'œuvre de Prévert et Grimault
de Jean-Pierre Pagliano
Editeur : Belin
C'est au terme d'une épopée de vingt-six ans que P. Grimault
et J.
Prévert pourront enfin réaliser leur œuvre telle qu'ils l'avaient rêvée : Le
Roi et l'Oiseau. C'est cette aventure méconnue que conte J.-P. Pagliano, spécialiste de l'œuvre de Paul Grimault. Pour le
grand public, un livre à feuilleter comme un beau livre. Pour les cinéphiles,
une somme unique sur un film incontournable de l'animation, par le meilleur des
spécialistes.
Soldats de Jésus
Les évangéliques à la conquête de la France
De Linda Caille
Editeur : Fayard
Depuis 1950, les effectifs des chrétiens évangéliques sont
passés en France de 50 000 à 500 000 fidèles. Comment expliquer un tel succès ?
Linda Caille est partie à la rencontre de ces citoyens-là.
15 octobre 2008
Ceci est extrait d’un texte d’Olivier Le Cour Grandmaison
intitulé Résistances.
Pour défendre ceux qui sont stigmatisés
parce qu’ils sont réputés « ne pas se lever tôt » car nul employeur
ne les attend depuis des semaines, des mois, des années, résistance !
Pour défendre ceux qui, méprisés, humiliés, discriminés et relégués
dans des banlieues laissées en déshérence, sont voués au Kärcher
élyséen et livrés en pâture à une fraction de l’opinion publique raciste et
xénophobe, résistance !
Pour défendre ceux dont les salaires sont indignes et à qui la seule
perspective désormais offerte est « de travailler plus pour gagner
plus », c’est-à-dire perdre davantage leur vie à tenter de la gagner en
vain, résistance !
Pour tous les travailleurs précaires qui n’ont d’autre avenir que de le
demeurer et de s’inquiéter constamment de lendemains qui depuis longtemps ne
chantent plus résistance !
Pour tous ceux qui sont victimes d’une insécurité professionnelle et
financière croissante qui les laisse sans perspective, sans autre perspective
du moins qu’une crainte sans fin, résistance !
Pour tous ceux qui considèrent que les avancées sociales ne sont pas des
privilèges mais des acquis précieux péniblement conquis par des femmes et des
hommes qui se sont battus avec obstination et courage pour améliorer leur
condition de travail et de vie, résistance !
Pour tous ceux qui jugent, contrairement aux mensongères déclarations
du candidat aujourd’hui président, que la colonisation n’a pas été synonyme de
civilisation comme il l’a déclaré à l’occasion d’un meeting tenu à Toulon au
mois de février, résistance !
Pour tous ceux qui ne veulent pas de médias et d’une justice mis au
pas, résistance !
Pour tous ceux qui n’aiment pas cette France désormais sarkozienne et qui ne veulent ni ne peuvent la quitter,
résistance !
Pour tous les Musulmans qui « égorgent », selon la rhétorique
indigne et islamophobe
de l’actuel président, « des
moutons dans leur baignoire », résistance !
Pour les étrangers en situation irrégulière et leurs enfants
scolarisés, pourchassés, raflés parfois, tous menacés d’expulsion en violation
d’une Convention internationale – celle sur les droits de l’enfant – pourtant
ratifiée par la France et de dispositions nationales sanctionnées par le Code
de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, résistance !
Olivier Le Cour Grandmaison.
7 mai 2007
Je
m'expliquerai un peu plus loin sur la dimension provocatrice de ce titre.
Commençons par le début. Une expression fait florès depuis quelque temps. Je la
trouve exaspérante, condescendante et même un peu stupide. Je parle du mot « Bisounours », qui désignait, hier encore, une ligne de
jouets en peluche américains des années 1980. Aujourd'hui, commentateurs et
décideurs de tout acabit ne ratent jamais une occasion de ridiculiser ces «
idéalistes » qui semblent confondre le monde réel avec le royaume des Bisounours.
On ironise
donc à qui mieux mieux sur ces fameux Bisounours pour bien montrer qu'on est, soi-même, soucieux
de sérieux et de réalisme. On est quelqu'un à qui on ne la fait pas. Ah, mais !
Je ne crois plus au Père Noël, moi, Môssieur ! Le
monde véritable, ajoute-t-on, n'a rien de la douceur des peluches. Il est cruel
et sans merci. Il faut s'y avancer les poings en avant. De fait, il suffit de
mettre bout à bout quelques actualités récentes pour être tenté de souscrire à
cette injonction. Corruption, chacun pour soi, prébendes, mensonges croisés,
etc. Un cynisme sans merci paraît bien gouverner l'époque. Force est de le
reconnaître.
Cela ne
justifie pourtant pas cette ironie facile à l'endroit des idéalistes, des
rêveurs et des Bisounours qu'habite l'espérance.
Pourquoi ? Parce qu'un froid réalisme content de lui-même et prétendument
lucide n'est souvent qu'un faux nez derrière lequel se cachent les cyniques et
les déplaisants. Georges Bernanos parlait plus crûment encore quand il écrivait,
en 1926 (dans le préambule de « Sous le soleil de Satan »), que le réalisme
était « la bonne conscience des salauds ». Je m'autorise de ce parrainage pour
reprendre ici la formule.
Ajoutons que
ce réalisme n'est pas seulement douteux dans ses intentions. Il n'est plus
aussi pertinent qu'on le croit. Écrivant cela, je me réfère à un mouvement
profond de la pensée, de la recherche et de la connaissance scientifique.
L'incroyable mutation anthropologique que nous sommes en train de vivre
bouleverse notre intelligence du monde. Et de nous-mêmes. Le réalisme cynique
façon Thomas Hobbes (« L'homme est un loup pour l'homme ») n'apparaît plus
comme évident. Quantité de livres paraissent ces temps-ci au sujet du don, de
la gratuité, de l'empathie, du bénévolat, du comportement dit « coopératif »,
etc. Ils ne relèvent pas du prêchi-prêcha, mais s'appuient sur le dernier état
de la recherche scientifique.
Plaisir de
donner, préférence pour l'action bénévole, choix productif de la confiance,
dispositions empathiques du cerveau, neurones-miroirs, stratégies altruistes et
réciprocités coopératives : on découvre dans l'être humain des paramètres dont
on sous-estimait l'importance. Ils remettent en cause la vision pessimiste de
l'homme longtemps hégémonique dans les sciences humaines. Cette révolution-là
est d'une ampleur dont les cyniques n'ont pas idée… Elle disqualifie leur
réalisme, jusqu'à le rendre passablement ridicule. L'empathie, en effet, se
révèle au bout du compte comme une stratégie plus « efficace » (affreux adjectif
!) que la défiance barricadée. Quelques ouvrages récents permettent de
comprendre pourquoi : ceux de l'essayiste américain Jeremy Rifkin,
« Une nouvelle conscience pour un monde en crise : vers une civilisation de
l'empathie » (Babel 2012) ; de Jacques Hochmann, «
Une histoire de l'empathie » (Odile Jacob, 2012) ; ou celui - magnifique - de Lytta Basset, « Oser la bienveillance » (Albin Michel,
2014).
À lire ces
pages, on vient à penser que les Bisounours tant
moqués, tant décriés, tant ridiculisés, sont probablement ceux qui perçoivent
le mieux les (nouvelles) réalités contemporaines. En d'autres termes, les plus
lucides ne sont peut-être pas ceux qui, dressés sur leurs ergots, font
profession de « réalisme ».
Jean-Claude Guillebaud
Édito de Sud-Ouest – 12 mai 2014
(C’est mon copain Richard qui me l’a fait connaître)
·
De qui et concernant qui ?
·
Réponse : Victor Hugo,
« Napoléon le Petit ».
Retour au haut de page