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Jean Alexandre : un écho
Par Aurélie Zygel
Le
texte qui suit a été écrit pour servir de prélude à une lecture des textes de
Jean Alexandre, « poète de la foi », à la librairie Saint Paul de Marseille,
dans le cadre du Printemps des poètes 2017. Jacqueline Assaël
organisait cette rencontre autour de sa publication du recueil collectif Fêter
le Dire* aux éditions Olivétan (nouvelle
collection « Poètes de la Parole »).
Les
activités et publications très variées de Jean Alexandre, pasteur, théologien,
sémiologue, traducteur, conteur, chanteur et poète, sont présentées par une
notice biographique complète de ce site : https://jeanalexandre.fr/Index .
Jean Alexandre,
citoyen du vieux quartier parisien de Charonne, est allé vivre en sympathie
avec les gens, les oiseaux et toutes les bestioles de la campagne poitevine.
C’est un explorateur de notre monde qu’il interpelle et saisit aux cheveux dans
les brèves incisives de son journal protestant, semées en ligne, au fil
de l’eau. C’est un amoureux des langues, un déchiffreur, un théo-logien
funambule qui sait naviguer, même à vue, « quand l’inconnu bleu de nuit / tient
le fil » (« Le fil »**).
Jean Alexandre est
un pasteur passeur de foi plus que de certitude. C’est un combattant, un enfant
joyeux qui culbute les fourmilières, qui joue avec les clichés, avec les bonnes
intentions, avec le confort du gentil et du médiocre, des sentiments sous vide,
des textes figés à réchauffer au micro-ondes, du
singulier qui tue les pluriels, saperlipopette ! Il montre comment rester
disponible, en état de merveille, malicieux, comment connaître la gravité du
jeu et la beauté du déséquilibre sans se prendre au sérieux.
Jean Alexandre est
militant, à la fois homme de la révolte et du ferment de paix. Il connaît bien
les scandales et les crimes des puissants, poseurs d’étoiles jaunes en tout
genre, les massacres, les exils d’hier et d’aujourd’hui, le règne du sang et la
violence, celle de l’ennemi qui nous tue, mais aussi la nôtre, et il sait que «
notre envie à nous fut de [le] tuer » (« Litanie »). Mais c’est du creux de
cette violence qu’il choisit de nous purifier en chantant les mains des hommes
(« ce qui me surprend c’est la bonté en marche, celle qui a des mains », «
Préliminaire »), les mains des femmes porteuses d’amour, « belles comme une
aurore / comme un vol de cigognes / aussi fortes qu’un évangile » (« Si belles
»), leurs mains agiles qui lavent et soignent.
Jean
Alexandre est un témoin patient et humble, un œil méditatif, un crayon tendre
qui croque ses frères et sœurs en humanité. « [U]n vieux vélo boueux, les pneus
usés / un chien pouilleux » (« À sa fenêtre ») : le temps, dans ses visions,
est suspendu entre deux images, en attente d’une vie qui circule toujours,
d’une vie qui s’élabore souvent dans le silence, l’indicible et le manque.
Jean Alexandre,
malgré la destruction si souvent à l’œuvre parmi les hommes, est parleur,
conteur, poète, fabricateur. Ses tissages de mots, éphémères et puissants,
s’entrecroisent comme autant de prières, en écho à ceux du grand Modeleur : «
et chaque jour, chaque seconde, incognito, amoureux du devenir, tu nous fais le
coup de tes / six premiers jours » (« Au cœur du malheur »). Chez lui, le
faiseur du dire est tour à tour animal archaïque, participant à la glaise
humaine, « pierre à feu », « silex », « eau », « calcaire », fils de la terre
et modeste élément du vieil univers, mais surtout « le reflet d’un visage et du
souffle éternel » (« Je viens de loin »).
Jean Alexandre
offre l’appel du chanteur, la vibration du tambour, la pulsation du danseur : «
n’es-tu pas, ce fut dit, le seigneur de la danse, n’es-tu pas, en nos cœurs, en
nos morts, en nos / deuils et nos crimes, en nos malheurs sans nom, le maître
de la joie » (« Au cœur du malheur »). Entre l’envol du psaume et le cri du
Spiritual ou du couplet gospel, « au bord des fleuves de Babylone » (« Repartir
»), entre pleur de servitude et chant de liberté toujours en résistance, à
contre-courant des fatalités, son rythme dense et dru nous secoue, nous
réjouit, nous remet en route.
Jean Alexandre est
profondément humain. Il nous invite au mouvement avec nos pieds lourds, collés
à la terre, avec nos rêves d’envol, vers des trouées de lumière toujours à
venir. Il nous rappelle que le Roi qui ancre en nous la foi et l’espérance nous
donne aussi la parole avec toutes ses bigarrures, nous porte en héritage et en
cadeau le grain du « dire qui lève » (« Fêter le dire »). Il nous avertit que
nous sommes fertiles et fécondants, que rien n’est jamais figé et que l’ennemi,
plus que tout, c’est de vivre, de croire, de sentir et d’agir petit. Dans un
monde qui parfois assène que Dieu ne peut plus venir en nous, il nous appelle à
Le laisser ouvrir nos fenêtres avec joie et courage.
Aurélie Zygel-Basso
*
Voir sur ce site à la page Fêter.
**
Citations tirées du recueil Fêter le dire, Olivétan,
coll. « Poètes de la Parole », 2017.