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Vos
remarques : jean.alexandre2@orange.fr
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Mon grand frÈre est un BIGOU ! *
Souki est une petite fille qui est très fière
et très jolie, et son petit frère, Ilsonn, est un petit malin.
Ils sont nés dans un pays lointain, en Asie.
Souki a neuf ans et Ilsonn a six ans.
Ils ont la peau dorée, ils ont les cheveux
tout noir et tout raides, et des yeux noir bridés, très brillants.
Quand ils étaient petits ils ont perdu leurs
parents, et alors ils ont vécu dans une maison pour les orphelins, dans une
grande ville.
Un jour, la monitrice leur a dit : "Vous allez avoir de nouveaux parents, mais ils vivent au pays des Bigous, et eux-mêmes ce sont des Bigous."
Alors ils vont prendre l'avion, et ça dure
très longtemps, car le pays des Bigous est très loin.
Loin de l'autre côté de la Chine et de la
Russie, et loin encore après, de l'autre côté de l'Europe, dans un pays qui
s'appelle la France.
Et là-bas les gens sont très étonnants : ils
ont les cheveux jaune, ou marron, ou même rouge !
Et tenez, ceux qui ont les cheveux noir
aussi, ils sont drôles, parce que souvent ils sont tout frisés.
Et il y en a qui n’ont pas les yeux
noir : ils ont les yeux bleu, ou vert, ou gris, ou marron clair !
Les Bigous sont de drôles de gens.
Et ils sont presque tous très grands.
Souki sait tout cela.
Et même, on lui a dit qu'ils ont les pieds
très longs, en plus du nez.
Elle arrive avec son petit frère dans un
grand aéroport.
C'est près de Paris, la grande ville des
Bigous.
Il y a beaucoup de monde, cela n’est pas
rassurant.
Et voilà que trois Bigous s'approchent
d’Ilsonn et de Souki, un homme et une femme.
Ce sont les parents.
Et même le grand frère !
Ilsonn se sent soulevé de terre par le grand
Bigou.
Il est grand et gros et il élève Ilsonn très
haut, et il le regarde en souriant.
Ilsonn a un peu peur.
Il n'a jamais vu un homme comme cela, avec la
peau rose et les cheveux marron tout frisés, et un grand nez pointu.
Et il lui parle, le Bigou.
Ensuite Ilsonn est un peu rassuré parce que
le Bigou le serre tout doucement contre lui en lui parlant pas fort.
Mais voilà, il ne comprend rien, parce que
quand le grand Bigou lui parle,
ça fait beaucoup de sons très doux, avec des
a, des é, des ou, des an, des i, des o, des ê, des u, et encore d'autres sons
qu'Ilsonn n'a jamais entendus.
Et il se demande pourquoi le Bigou parle
comme ça, ça ne veut rien dire du tout.
Il aimerait bien qu'on lui parle dans sa
langue.
Alors il regarde le Bigou sans rien dire.
Il le trouve bien un peu gentil, mais il a quand
même envie de pleurer, seulement il n'ose pas.
Dans son pays, les bons petits enfants
doivent toujours faire plaisir aux grandes personnes, c'est ça la politesse.
Il sent bien que s'il pleurait, le gros Bigou
serait triste.
Heureusement il se retrouve par terre sur ses
jambes.
Le Bigou s'est accroupi, sa bouche sourit
sous son grand nez un peu rouge : il sort un gros camion rouge et bleu de son
sac et il le donne à Ilsonn.
Alors là, Ilsonn sent que le Bigou est un
brave homme.
Il est content, Ilsonn.
Pour le moment il ne voit plus que le gros
camion rouge et bleu.
Il oublie l'aéroport, tous les Bigous qui
vont et viennent, et même le Bigou papa, et il joue avec son camion par terre.
Pourquoi la maman Bigou n'est-elle pas venue
s'occuper d'Ilsonn ?
Elle est trop occupée par Souki, parce que
Souki pleure très fort.
Quand elle a vu les deux grands Bigous,
Souki, elle a compris que le grand voyage était fini.
Elle n'a plus besoin d'être très courageuse à
cause de son petit frère.
Alors tout à coup elle se met à pleurer.
Et plus elle pleure, plus elle a envie de
pleurer encore plus fort.
Et elle a de gros sanglots qui font beaucoup
de bruit.
Et plus elle pleure très fort, plus elle a honte
de pleurer, pour une grande fille de neuf ans.
Elle croit qu'ils ne l'aimeront pas, les
Bigous, si elle pleure comme ça.
Ils croiront qu'elle ne les aime pas et ils
seront tristes et fâchés, et ils ne l'aimeront pas.
Alors elle pleure avec de gros hoquets, et
elle est toute seule dans le grand aéroport, avec une grande peur et une grande
tristesse, et maintenant elle a perdu son pays et toutes ses amies.
Elle n'entend parler que des choses qu'elle
ne comprend pas.
Elle pense que personne ne l'aidera.
Et elle se retrouve dans les bras d'une femme
bigou très grande et toute frisée.
Ses yeux sont très grands, tout ronds, et
vert.
Vert comme la mer.
Et Souki, à travers ses larmes, voit que les
yeux vert sont mouillés parce que la maman bigou pleure aussi.
Alors elle se serre très fort contre la
poitrine de la femme, qui sent bon, et elle ferme les yeux et ça va mieux, mais
elle pleure quand même.
Elle sait qu'elle est dans les bras de sa
maman.
Elle sent bien qu'elle est arrivée.
Elle est bien, là.
Mais quand même elle pleure, et elle voudrait
retourner dans son pays.
La grande poupée brune, aux yeux bridés, que
la maman bigou a apportée, reste assise, pendant ce temps-là, à côté.
Peut-être qu'elle attend que Souki la regarde
et sourie ?
* Le mot "Bigou" est la
prononciation approximative, pour des Français non prévenus, du mot coréen
"Miguk", qui signifie "Amérique" et désigne les
Blancs en général, du moins pour les enfants des bas-quartiers de Séoul.
Les noms des deux enfants s'écrivent
habituellement "Il-son" et "Sook-hwi", selon
la graphie anglaise généralement utilisée en Occident.
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Petit commentaire :
J’avais l’intention de publier ce récit pour
enfants écrit en 1985, et j’avais même trouvé un illustrateur. Certains
éditeurs spécialisés dans l’édition de livres pour enfants ont été intéressés
par cette histoire. Mais on m’a demandé de remplacer les enfants par des petits
lapins ou des petits renards, ou des petits ours, afin que les enfants ne
soient pas perturbés par ce récit. J’ai refusé. Cette histoire, en effet, est
celle qu’ont vécu, à quelques différences circonstancielles près, des centaines
de milliers d’enfants bien réels dans le monde. Je pense qu’ils ont droit à
leur histoire. Mais pour les petits lapins, je ne sais pas. C’est pourquoi je
cherche toujours un éditeur, et aussi, maintenant, un illustrateur.