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Lisez
mes réponses
J’ai
réuni, sans trop de méthode, des textes d’abord épars
avec
l’ambition d’essayer de répondre par bribes aux questions...
qui
se sont posées à moi.
Celui
qui figure ici sera suivi par d’autres.
On
peut les trouver pour la plupart sur la page suite ou la page katé.
NOTULES
ou quelques
textes brefs et discontinus
pour en terminer
avec cette page
Dieu personne
ou
la fidélité
Dieu est bien plus et bien
autre qu’une personne. Quand je parle à Dieu comme à une personne, je reconnais
par là que je ne peux imaginer de réel absolu que dans la figure d’une
personne. C’est la première marque d’humilité du croyant, du fidèle. Selon la
voie du Christ, Dieu se fait à cette image, habitant parmi nous.
Quand j’écris croyant et
fidèle, je marque là qu’il me manque un mot. Croire ne suffit pas, en effet,
puisque, par exemple, je peux dire croire, sans certitude, qu’il fera beau
demain. Fidèle ouvre aussi de fausses pistes, bien qu’à un moindre titre, car
il peut évoquer une absence d’autonomie.
La foi biblique est une
relation mutuelle d’interdépendance et de collaboration entre deux entités dont
les aires d’autonomie se trouvent dans un rapport d’inclusion, l’une englobant l’autre.
C’est une relation de vassalité. Le vassal est autonome au sein de son aire
propre, se mouvant toutefois dans une aire d’autonomie qui le dépasse en toute
manière. C’est ce que signifie le mot hébreu ‘hèsèd.
Mèfi !
ou
la faute de saint Jérôme
Saint Jérôme, le traducteur
final de la Bible latine (la Vulgate), était un féal du pape Damase, lui-même
l’un des premiers organisateurs d’un christianisme devenu religion de l’Empire
à la suite de la conversion de l’empereur Constantin. Pour l’Empire, l’empereur
avait voulu une religion capable de pacifier et d’enseigner les peuples. D’où
sans doute la moralisation et la psychologisation toutes naturelles des
Écritures dans le processus de leur traduction. Une évidence pour le saint
homme, manifestement, et qui a influencé les traducteurs jusqu’à aujourd’hui.
Hélas, car dans leurs langues premières, les Écritures n’en sont pas
spécialement marquées.
Les filles, vous dis-je !
ou
la Bible colonisée
Dans un édito de Réforme, Antoine Nouis commençait en
évoquant cette parole, fréquente dans le Premier Testament, Tu diras à tes fils. Il
ajoutait que nous pouvons l’actualiser ainsi : Tu diras à tes enfants. Ça n’a l’air de rien, mais toute la
question se tient dans ce raccourci.
C’est que si les Écritures
ne disent pas tes enfants mais tes fils, c’est qu’elles ne parlent là
qu’à des humains mâles. C’est leur culture, antique et orientale, qui le veut.
Introduire les filles dans cette affaire revient à faire la Bible semblable à
nous, ce qu’elle n’est pas.
Les Écritures nous sont
étrangères, et l’on ne saurait les actualiser sans tenir compte de cette
distance qui nous distingue d’elles. Sinon, actualiser revient à coloniser,
pour le dire de façon abrupte. Comme si cela allait de soi, nous ramenons ce
qui nous est étranger en elles à nos propres normes.
Ce n’est plus alors leur
visée qui s’impose, mais la nôtre : nous tenons compte des filles, les
Écritures ne le font pas, n’ont aucune envie de le faire, ceci pour des raisons
qui sont les leurs et que nous pouvons désapprouver, mais peu nous importe leur
point de vue.
On est loin alors d’une
rencontre, voire d’un débat entre deux sujets distincts, elles et nous,
rencontre qui permettrait peut-être de mieux les entendre en toute
liberté.
Qui a péché ?
ou le sens de l’histoire
Question récurrente :
« Si Dieu existe, pourquoi permet-il toutes ces horreurs, ces souffrances,
ces malheurs, ces catastrophes ? » Or cette question n’obtient pas
vraiment de réponse dans les évangiles. Pas plus que cette autre :
« Qu’est-ce que j’ai fait de mal, qu’est-ce que j’ai fait au bon
dieu ? »
Qui donc alors est
responsable de tout cela : Dieu s’il existe, nous-autres, le malheur des
temps, ou tout cela ensemble ?
Tenez : « Rabbi,
qui a péché pour que celui-là soit né aveugle : lui, ou ses
parents ? » Eh bien, quand on demande ainsi à Jésus d’où vient le mal
qui frappe tel ou tel, quelle en est l’origine, d’où vient la faute première
(Luc 13.3-5, Jean 9.3-5), il ne répond pas en se tournant vers le passé des
victimes, mais en appelle à leur avenir, au programme de recommencement qui les
attend, qui leur est proposé.
De même, telle maladie à la
mort (Jean 11.4) n’a d’autre sens que l’occasion qu’elle offre à la
manifestation future de Dieu.
Il semble là que ni les
actes passés des gens ni même les actes passés de Dieu n’ont à être qualifiés
ou expliqués parce que l’important est dans l’enjeu que représente ce qui est à
venir.
On ne retourne pas en
arrière, on se désintéresse des pourquoi, des origines, le passé fondateur est
semblable à cet Éden qui ne peut faire l’objet d’un retour.
C’est frustrant, pas
rassurant, mais « Que feras-tu des conséquences à venir du
passé ? » est la réponse à la question initiale. Et au fond, telle
est peut-être la question centrale posée à l’espèce humaine par l’évangile.
Et plutôt qu’une réponse,
c’est donc comme un appel que l’on reçoit, non d’auparavant, mais d’après. De
l’incertaine fin de l’histoire. En ce temps où Dieu, désormais, se tient,
tourné vers nous et nous attend.
Saint-Coutant, 24 octobre 2020
De la foule au peuple
ou l’école de la liberté
Victor Hugo, entre autres,
distinguait le peuple de la foule. La foule inorganisée, ouverte à tout vent de
doctrine et de ragot, privée de discernement collectif et par conséquent sujette
à de vains engouements, à des passions puériles, à des violences sans loi.
Les évangiles mettent le
doigt sur ce qui fait la foule : elle a faim. De pain, de travail, de
santé, de respect, de justesse, de vision... Et si elle est en demande, ou si elle
est en révolte, c’est qu’elle n’est pas capable de s’organiser par
elle-même.
Les foules sont
omniprésentes dans les récits des débuts publics de Jésus. Soumises à des
pouvoirs aux origines diverses, mais qui leur sont extérieurs et font d’elles des
ramassis d’ilotes. Or on est frappé par le mixte d’exigence et de liberté qu’il
leur enseigne.
Il ne les enrôle pas. Il
leur propose des chemins. Il leur dit : « Va !
Allez ! » Il ne les rassemble pas, une fois enseignées et nourries –
nourries de façon organisée, c’est à noter – elles sont supposées retourner à
leur destin. Transformées.
J’imagine alors qu’elles
puissent, qu’elles aient la liberté et la capacité, la volonté de se changer en
peuple, sachant et agissant. Pour que nous y pensions, il nous suffit de cesser
de les considérer chacune comme une addition d’individus distincts, ce qui est
notre travers.
C’est pourquoi l’évangile ne
s’adresse pour moi, ni à des individus chacun soucieux de son sort, ni à des
institutions ad hoc, chargées de gérer la chose, il vise à permettre la
naissance aléatoire et toujours renouvelée de peuples conscients d’eux-mêmes,
libres et solidaires.
Là où nul dieu ne règne
ou bien ?
J’ai regardé ça de
près* : dans les évangiles, Jésus ne dit pas à Dieu « Pourquoi
m’as-tu abandonné ? », mais « À quoi ? »
« Pourquoi »,
c’est tourné vers le passé, vers les causes de la situation. Or Jésus semble
souvent répugner à rechercher les causes du mal, préférant se soucier de ce
qu’on peut en tirer de bon.
« À quoi », c’est
tourné vers l’avenir, en l’occurrence immédiat : combattre l’abyme sans
toi, Dieu ?
Il sait pourquoi il est là
sur cette croix, il n’y est pas abandonné, mais il va l’être, là où sa mort le
mène, là où son Dieu ne saurait régner… Ou bien ?
* Pour vérifier : https://pagesperso-orange.fr/alexandre2/croix.htm
Refaire peuple
ou les foules désespérées
Il est faux de prétendre que
les milieux liés à l’Évangile aient à se tenir à l’écart de la réflexion sur
l’état de la société et sur les remèdes de fond à apporter à cet état. Ce qu’on
appelle faire de la politique. Il s’agit d’une fausse conception, désincarnée,
du spirituel. Et il s’agit d’une fausse conception de la laïcité, qui
signifierait que les croyants n’ont qu’à fermer leur gueule dès qu’il s’agit du
bien commun.
Je pense au contraire que
ces milieux ont à faire fructifier leurs acquis en ces domaines. Tout
comportement spirituel implique un soubassement non dit, souvent non su, qui parle
d’éthique, de social, d’économique, de politique. Il en est de délétères, dans
les sacristies, mais aussi de bénéfiques.
L’Évangile, quant à lui, se
pose en ce domaine sur le socle de l’exigence éthique que les prophètes hébreux
adressaient à leur peuple, lui demandant justice sociale, droit public,
attention portée aux petits, aux démunis, aux hors-norme. Ceci au nom de son
Seigneur.
Sur cette base, Jésus
s’adresse aux foules galiléennes, c’est-à-dire au peuple quand il est réduit à
l’état, désespéré à tous égards, d’une dispersion incohérente, privée de tout
avenir pensable. Quand il est devenu lui-même sans droit et sans dignité, hors
de toute justesse. Un peuple SDF.
Dès que l’on sort d’une
lecture individualiste et moralisante, bondieusarde, de ces récits, on constate
qu’ils visent à rendre à ces foules la possibilité de se voir à nouveau comme
un peuple. Ceci sans se mettre à leur tête, ni sans leur dire, par respect,
comment faire, comment repartir en vrais enfants d’Abraham.
Un peuple est-il encore un
peuple quand il s’accepte lui-même comme soumis à tous esprits venus en chacun
des siens, suscités par le règne divers de César, de Mammon, de Caïphe ?
Le fric, le pouvoir, la calotte.
Il y a donc quelque part,
c’est la leçon que j’en tire, des gestes et des paroles qui retiennent assez
l’attention pour coaguler des volontés et des énergies bonnes chez le plus
grand nombre. Eh bien il faut les dire au plus grand nombre.
Car dire vrai peut changer
le monde.