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Sur le souffle de poètes qui m’ont un jour émerveillé,
fort divers assurément, afin de ne pas me ressasser les vers,
j’ai aimé en écrire de nouveaux, bons ou mauvais,
le sais-je ? D’ailleurs ils sont évolutifs…
On peut aussi retrouver
une page pleine de poèmes
souvent parus sur
cette page au long des semaines
en allant sur la
page
poésie.
Près du hameau les enfants courent, sous la chaleur
du soir, sous l’odeur des tilleuls, criant
malgré les ombres qui s’allongent aux murs, ils se
poursuivent, fuyant le lit, des enfants
pâles des villes, et que la paix soit avec
eux !
Derniers jours de l’été, fin août a confié à la
nuit qui vient ses parfums et ses rires.
À peine le matin viendront des jamais plus, au
temps où les beaux jours s’achèvent,
l’automne et l’oubli pour refrain.
Au loin les soldats ont peiné sous le casque, leur
pas lent fait rouler la longue mémoire
de ces pierres insoumises, pour toujours fichées là
en rebelles ; la foi des pauvres avec elles
éveille à nouveau, pour longtemps, sa rancœur.
Revient l’inévitable, au retour du malheur, lorsque
l’encre des messieurs, et leur verbe,
redéfait une longue épissure de travaux et de jeux,
et d’alliances, et de danses,
ainsi revient la guerre aux hommes.
La jeune femme, à ses anciens voisins l’a dit,
redit, d’autres temps viendront où pourtant
il sera temps de refaire une histoire, de rassembler
les brins, de trouver un village
de tendresse tressé, au cœur las de haine.
Qui le croira, qui va le croire, et les soldats ont
ri, pourtant vêtus de peur, d’habits
de sang versé ou de tortures, à la terre ira leur
rire comme un chien a hurlé
à mort, il n’est pas de pardon.
Où s’en vont les anges quand il pleut, leurs ailes
salies par la haine, je ne sais ce qu’ils
veulent, ont-ils aperçu, honteux, ces liens
d’amours cachées dessous, je ne sais pas ce qu’ils
disent, privés de sang rouge, aux pures élytres.
S’en vont-ils pleurant, riant de nous autres
humains, sommés de rapporter à leur maître
leurs proies, les ailes ensoleillées, irisées de
tant d’éclairs et de combats, de peines,
chaînes trop lourdes à porter ?
Or paisibles sont les villages, ignorant ce qui
vient, les ciels de bromure et de plomb
sous les orages, ainsi vont les gens que nous
sommes, incertains et confiants, tous incrédules,
enfants de vide mémoire du mauvais.
Seul un sage a semé les graines du futur, ne
sachant, ne voulant, visité seul
par les esprits errants revenus vifs de très
anciennes guerres, gitans de sa mémoire
voyageant sur ses folles routes.
Un vieil homme est passé ce soir, mille nouvelles
dans la tête, et des chansons
à faire entendre, admirer, dispersant à l’envi les
brins de son tabac, mi-rieur,
mi-sinistre, rageur, la langue embarrassée,
ancien enfant justement, vif encore et
déconcertant, l’œil allumé par des joies
anciennes et des bonheurs datés, par des soucis
dont il n’a plus que faire, les soupesant.
Aux vieux que devient l’avenir ?
En attendant la mort il est si doux de rire, amis
rions, attablons-nous ensemble
avant d’être cueillis pour une autre aventure,
saisis de peur, habités de désir.
Ne sommes-nous pas de ces curieux amants,
aimant la guerre et la fuyant, aimant la vie et la
foulant, aimant si fort, enfants
voués à vivre aimés et menacés de haine, envoûtés,
encroûtés, fort amusés
aussi, qu’on n’en peut plus de rire.
de ce qu’il faut de crainte pure ou de fière
malice, pour sauver son estime aux jours
où pleuvent les cris de vengeance et les pleurs.
Je sais ce que je dis, j’ai souvenir du temps
maudit des reîtres vert-de-gris, barbares
civilisés, faut-il le dire, tout affolés de leur
orgueil, de leur blessure d’être,
âmes retournées à jamais.
Les gens d’ici en ont le souvenir, on en trouve les
traces, on se demande encore
en quel dessein les enfants à l’étoile avaient à se
cacher, lapereaux apeurés,
sans leurs poupées ni leurs peluches aimées,
enfants tués, et le faut-il, que dans la vie des
hommes, les ogres soient autorisés ?
Oh comme on s’en souvient ! Et le ciel, en
vérité, peut tomber, la lune en sang rougir,
mon Dieu, tu as de ces idées…
t’apprendrait à courir, te souviens-tu, ces jours
où tu fuyais auront sauvé pour toi
tes cartons à chapeau, tes robes à fleur.
Je dis ce qui était, je ne mens pas, mais pourtant
on chantait, et la plus belle histoire,
peut-être, est celle où l’on verra le peuple
menacé, tout comme ces enfants qui jouent,
chanter avant la mort qui vient.
Car les enfants, en tous les temps, près du hameau de leur naissance, aimeront à courir
à l’ombre des tilleuls, sans souci, ignorant le
zonzon de ces milliers d’abeilles
attachées à leur labeur, comme un tueur.
Qu’ils s’amusent au soir, que les rayons du soleil
de la guerre ne les traquent, ainsi
que fait la flak, elle qui a piégé l’avion, cloué
au faisceau blanc d’un projecteur,
et qu’ils ne meurent, non, qu’ils ne meurent.
Insensibles à nous et poursuivant leur quête,
têtues, les fleurs, les plantes et les bêtes
continueront, obtus, sans nous, quand nous fuirons
notre festin, notre destin lassé,
et qu’il est doux de dire à cet avenir
que des enfants un jour auront joué, crié, soûlés
de rires, ou de pleurs sans objet,
avancés dans le soir, que l’appel de finir et venir
se coucher était leur seule crainte,
enfants heureux sous les étoiles.
(sur le souffle de Bach en Automne,
in Jonas – Jean-Paul de Dadelsen – Gallimard – 1962)
… Xie Tiao
Il
a fait mauvais cet hiver, les mésanges ont disparu,
nichent-elles
plus au sud ?
Leur
chant ne viendra pas tantôt ; c’est le printemps,
elles
sont allées trop loin.
La
chanson, faut-il que tu la demandes ? Et l’envol,
l’été
l’attend, déploie tes ailes.
Resterons-nous
sans légende pour longtemps, semblables
aux
peuples qui ont froid ?
elle
parlait de chanter
femme
triste au chant perdu
l’entourent
les traces menues
d’un
moineau petit être affamé
qui
a faim connaît le monde
en
son dedans et chemine le vent
dans
le silence j’ai froid
et
les moineaux pépient
(sur le souffle de Celui auquel je pense, de Xe Tiao
(464-499),
in Sagesse et Poésie chinoises – éd. Pierre
Seghers – Robert Laffont – 1986)
… Blaise Cendrars
Seigneur,
Seigneur c’est moi, moi tout seul qui te parle.
Pour
ta Pâque aujourd’hui je ne fais plus le marle.
Il
y a des jours, Seigneur, où le monde s’écroule.
À
chaque rue sont des rois qui ont perdu la boule.
En
te suivant j’ai vu toutes ces choses atroces.
Ce
matin dans la rue j’ai vu mendier des gosses.
Ceux-là
auront du pain, ils auront de la chance,
Dans
leur camp de la faim beaucoup d’autres dansent.
La
ville est sale, Seigneur, pour ceux qui vivent à l’Est.
Tous
les soleils du jour sont en allés vers l’Ouest.
En
ce matin tu te relèves et il fait sombre !
Tu
gardes ton soleil pour un tout petit nombre
Et
l’on entend chanter tes amis épanouis.
Merci
pour ce sourire au milieux de la nuit :
Je
sais que même les loubards ou les concierges
Éclairent
un peu du monde en allumant un cierge ;
Des
larmes de tendresse viennent aux yeux des dealers…
Mais
dès ce soir ils vont descendre un des leurs.
Sur
ta croix tes deux bras sont pourtant étendus
Pour
que tous les crevards viennent à ton cœur perdu.
Parmi
eux sont des gus qui n’iront pas si loin.
Ils
s’échappent, Seigneur, pour se rouler un joint.
Un grand rire entre pauvres résonne en cette impasse.
Les
femmes noires allaitent leurs petits d’un lait de grâce.
La
nuit vient, et leurs dents brillent, et tu es heureux,
Et
c’est le monde entier que célèbrent leurs yeux,
Tu
le sais bien, Seigneur, tout s’en va vers la mort ;
En
ce jour mourant toi-même tu meurs encore.
Sur
le sol du bistrot je dessine dans la sciure,
Comme
tu fis un jour, de pauvres aventures.
Là-haut
dans ton ciel noir les étoiles scintillent.
Au-dessus
de nous, ici qui règnent, sont des grilles :
Un
cimetière où sont les noms des révoltés.
La
rue le sait, leur sang lui sert de sainteté.
Mémoire
des gamines et des petits roublards
Accrochée
à leurs soirs et leurs nuits de brouillard.
On
attend la lumière et c’est ton deuil qui vient.
C’est
comme un mendiant de la rue qu’on entretient.
C’est l’heure où je ne te parle plus, que dirais-je ?
On
t’a mêlé à tant d’heures blanches comme neige.
Riches
heures de tant de riches et tous leurs Te Deum.
Tu
n’es pas dans les bars à femmes abruties de rhum.
C’est
ta nuit, ton matin vient mais c’est la nuit noire
Encore
et que croire, sans repos, à quelle eau boire ?
Là
tes anges ont passé sous leur lumière bleue,
Mon
ombre avance dans la rue plaquée aux murs.
Un
réverbère me suit, arbre de nuit sans ramure.
Les
Juifs ont souvent de ces sages et l’un des leurs
A
parlé d’un cri qui ne sort pas, d’une clameur.
Quand
le cri s’est tu, disait-il, alors on crie.
C’est
alors que l’on crie quand plus un mot ne prie.
Sous
les arbres du square on voit des enfants bruns
Essayer
de dormir en des duvets d’emprunt.
Toi
le fils des humains sortis nus de la boue,
De
quels rires ou quels pleurs les sans-papiers te louent ?
(sur le souffle de Les Pâques à New-York,
in Du
monde entier – Blaise Cendrars – Gallimard – 1947)
… Claude Roy
Limerick à la grenouille
Avec une
grenouille qui a sauté de strophe en strophe
Le limerick à la Grenouille
A fait l’effet d’une chatouille
À deux enfants confits
À coup sûr déconfits :
Mais c’est que la grenouille, ça mouille.
Elle a pour toujours pris la fuite,
La Grenouille, et loin des trois huit,
Elle a fait l’imbécile :
C’est beaucoup plus facile.
Ah hou ! la mauvaise conduite !
Elle a enlevé son polo.
Ne louchez pas sur ses lolos :
La Grenouille a des puces
Et un pou qui la suce.
Il la veut, c’est son gigolo.
Deux enfants qui vont au marché
D’un coup s’arrêtent de marcher.
Ils l’ont vu en chemin :
La Grenouille a des mains !
Ils ont trop peur d’être touchés.
La Puce a mis son beau chapeau
Pour saluer Monsieur Crapaud.
Mais il lui fait du gringue,
Et elle, à tout berzingue,
Rejoint la Grenouille au tripot.
(sur le souffle de Limerick des gens excessivement polis,
in Enfantasques – Claude Roy – Gallimard –
1974)
Dessin :
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… Jacques Prévert
c’est dans la ville haute
et le soleil est là avec sa grande gueule rouge
le soleil-clochard
avec sa barbe rousse
et ses poux de lumière qui sautent sur les toits sans pluie
sur les toitures en zinc
de l’une à l’autre
et l’un d’eux saute sur le trottoir
dans l’eau du balayeur sénégalais
dans l’œil du chien de la rue
dans le lait du crémier qui aime sa crémière
alors elle décroise les bras
et elle prend plein ses dents de sourire solaire
jusqu’au bout de sa langue rose
mais le soleil n’insiste pas – il s’en va
l’amour ça ne l’intéresse pas
il préfère les toits métalliques
où la lune ne l’attend pas
où il n’y a pas un chat
c’est plus calme là-haut qu’en bas
et il déambule sur les fils électriques
d’ici qu’il se casse la pipe avisez les journaux
le soleil s’est écrasé dans la rue Haxo
à l’endroit précis où un horloger nommé Varlin
a été tué autrefois
jadis
antan
Pas de ça se dit le soleil
en éclatant le drapeau rouge de sa hure vermeille
et il saute agilement
prestement énormément
savamment
la savate en avant
d’un fil de l’EDF à un des PTT
tous les gens qui téléphonent dans le quartier
ont leur rayon de soleil pour la journée
irradiée
il s’en passe des choses sur les hauteurs de Télégraphe
marmonnent les jeunes-cadres dans leur duplex
dans la rue de Belleville
et le soleil les entend et il marche pesamment
exagérément lourdement
d’une tour à l’autre expressément
un pas un autre et en avant
les tours les tours s’écrasent lentement
se fissurant
et les jeunes-cadres s’envolent
vole leur cœur vole au vent
un envol plein de chefs d’escadrilles
un envol lourd de corps
beaux sur nos plaines et sur nos champs
exagérément
loin dans l’infini le croissant noir du vol rouge
se met au vert
pendant que les tours des hauts-de-paris finissent de
s’écrouler gentiment
et que le soleil s’en va vers le soir
vers la mer
survolant à toute vitesse les beaux-quartiers d’où on le
surveille
et toutes les flaques sont braquées sur lui
avec méfiance
comme un mauvais pressentiment
et lui
il les éclabousse de lumière rouge
rouge comme les flaques du sang de l’horloger prénommé Eugène
et comme le sang des partisans
le rouge du sang de Manouchian
son cousin au soleil
venu d’Orient
venu de loin jusqu’au XXème arrondissement
rue du Groupe-Manouchian justement
et les autochtones des belles avenues de l’ouest baissent les
yeux
éblouis par les reflets violents
aveuglés comme ils étaient justement
comme ils sont souvent
Et le soleil pudiquement
passe les yeux fermés au-dessus de Versailles
en vol plané
sans toutefois oublier d’incendier le château du Roi-Soleil
une fois de plus
en représailles
c’est tous les jours le soir sur Versailles
et le grand clochard du ciel jette une pièce
un mégot allumé
à son confrère
le clochard ramasse-clopes de la Cour d’Honneur
en lui disant bonsoir à demain
avant de plonger dans les draps verts de l’oubli
avec un goût de menthe
un goût de lendemain qui le hante
salut salut les gars la paix soit avec vous des étoiles
Salut à toi soleil
salut à toi rouquin
salut dors bien
lui répond le clochard avec son chien
et il s’adosse à la grille dorée dans le soir
et il regarde vers la ville
là-bas où c’est noir
et il sourit un peu pendant qu’en Amérique
aborde en riant un soleil éclatant.
(sur le souffle de Événements,
in Paroles – Jacques Prévert – Gallimard –
1949)
… Agnès Gueuret
Ils retournaient en Galilée
désirant le rencontrer
… marchant d’un même pas,
se taisant tout comme elle…
(sur le souffle de Sa mère, ses frères,
in D’un âge à l’autre – Agnès Gueuret – le
corridor bleu – 2012)
Il a fait mauvais suivi de
Moineaux
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