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Le salut traditionnel d’un Maori (Nlle.-Zélande) à son ami indien Toba (Argentine) – Cévaa

© Arno Gasteiger network.

 

     

Chirac président

 

En 95, une des premières décisions de Chirac, nouvellement élu à  la présidence de la République consiste à relancer les essais nucléaires en Océanie. Cette initiative fâche l’Église Évangélique de Polynésie française, dont le synode vote alors un texte de protestation et demande à ce qu’une délégation soit reçue à l’Élysée, ce qui est accordé.

Je suis alors secrétaire général du Service protestant (DÉFAP) chargé de la coopération entre les Églises protestantes françaises et les Églises anciennement issues de la mission. Je ne fais pas partie de la délégation, juste un accompagnateur, mais me voici entrant pourtant par erreur, à la suite d’une bévue du service de sécurité de l’Élysée, dans le bureau du Président, à l’Élysée, pour accompagner les pasteurs Ihoraï et Teinaoré, respectivement président et secrétaire général de leur Église, ainsi que Gilles Marsauche, leur attaché de presse.

Chirac est venu nous chercher dans l’antichambre et nous a fait entrer, il a rassemblé lui-même, très vivement, quelques légers fauteuils cannés, les disposant en cercle. Il se meut comme un colonel de cavalerie qui viendrait de prendre le palais d’assaut. Tout souriant, il attend maintenant que quelqu’un commence.

Ihoraï est très tendu, la voix coincée il réussit à murmurer : « Monsieur le Président, nous sommes venus vous dire de ne pas procéder aux essais... » Chirac sursaute, et d’un petit saut sec, rapproche son fauteuil du pasteur pour mieux entendre : ce type semble lui enjoindre de changer de politique !

Enhardi, Ihoraï répète, et se lance dans une longue exhortation pastorale, qu’il termine en expliquant que les essais vont souiller une fois de plus la fenoua, la terre-mère des Tahitiens (c’est en réalité l’océan et ses îles).

Chirac est stupéfait : « Moi, je suis catholique, dit-il (ce qui me fait sourire), mais il me semble que cette théologie naturelle (et là il me bluffe) n’est pas compatible avec la théologie protestante. »

Suit alors un cours de théologie contextuelle donné en exclusivité au Président par Ralph Teinaoré. Chirac écoute sans broncher, puis donne lui aussi un cours, cette fois de géopolitique, dont il ressort qu’il n’y aura pas d’arrêt des essais avant la fin de la série en cours, la dernière.

L’entrevue a duré trois quarts d’heure et elle a été passionnante. Mais Chirac ne sait toujours pas ce je que fais là, moi qui n’ai pas dit un mot. Il me lance des regards de côté.

Or il reste une chose à dire, essentielle pour les Tahitiens mais que leur conception de la politesse leur interdit d’exprimer : « Comment osez-vous agir ainsi chez nous sans avoir d’abord demandé notre accord ! » C’est donc moi qui le dirai (de façon plus diplomatique), et le Président nous assure sans broncher qu’il en tiendra compte à l’avenir…

Au moment où nous sortons du bureau, Chirac serre la paluche à chacun et, arrivé à moi, me dit : « Transmettez mes respects à Monsieur le Président de la Fédération protestante… que vous représentez ! » En  homme du bon ordre républicain, il avait fini par me trouver un statut.

 

 

 

 

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