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Vos
remarques : jean.alexandre2@orange.fr
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réponses
Paris-Faubourg – 1999
On peut trouver l’ensemble des séquences
en allant
à la page Rue.
Lorsque j'ai eu soixante ans, après avoir fait un grand tour dans le vaste monde, je suis revenu habiter dans la rue où je suis né et où j'ai été élevé, dans le Faubourg de Charonne, rue de la Réunion-Paris XXe. De temps en temps, je note (1999) une scène actuelle de cette rue, comme en contrepoint à mon sermon dominical.
À lire dans le désordre.
Non, Monsieur, à ma connaissance il n'y a pas de
hammam dans le quartier, mais vous trouverez les bains-douches au coin de la
rue des Haies, tout près, plus bas à droite. De rien, Monsieur.
Une longue vitrine grise en coin de rue. Bien
nette, style agence bancaire. Les vitres sont opaques, manifestement
incassables, et le soir des rideaux sombres arrêtent tout regard. C'est dans la
rue comme une trouée d'absence. Pas une enseigne, pas un mot
écrit : au point que même les tagueurs ont respecté cette consigne
muette. Mais qu'est-ce que les Francs-Maçons viennent donc faire dans ce
quartier ?
Mais Mô le clochard est
là – Maurice, Mohammed, ou Moché, qui le sait ? –,
debout comme toujours, les bras ballant sous un grand manteau crasseux jeté sur
les épaules, tassé sous ce poids. Jamais Mô ne
mendie. On lui donne. Le petit tailleur juif le vêt d'articles oubliés – c'est
l'ami d'Abdallah, le vieux Tune, et son nom est Stein, baroukh chmo. Et Ali ou Sami –
l'épicier, le boulanger – le nourrissent. Je lui refile un paquet de gauloises,
l'épicier italien le fournit en liquide violet, la laverie automatique
l'héberge quand il pleut : il pue et son odeur chasse le client mais tant pis. Mô est là, sous sa longue chevelure grise emmêlée, et l'on
se demande quelles nuits sauvages expliqueront les traces de coup qu'il porte
sur le visage.
Fin.