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Vos réactions : jean.alexandre2@orange.fr

Mes réponses

 

 

 

 

Pourquoi ces poèmes ? Je ne sais pas...

 

Qu’est-ce qui me pousse à écrire un poème ? Je ne sais pas vraiment. Cela ne dépend pas de moi.

 

J’observe d’ailleurs que pendant de longues périodes je n’en ai pas écrit. Plusieurs années parfois. Je ne peux pas dire que ces périodes-là aient été spécialement mauvaises par ailleurs. Je ne peux pas dire non plus que les périodes où j’ai écrit aient été meilleures pour moi. Je ne peux pas dire l’inverse.

 

Il me semblait pourtant que les années sans poèmes correspondaient à quelque chose comme une sécheresse ; mais en quoi, en quelle partie de ma vie, je ne sais pas. C’est juste une sensation, d’ailleurs pénible.

 

Puis il arrive un jour qu’une porte s’ouvre. Des sensations parfois inconnues, mais présentes, manifestement, en quelque endroit, latentes, se coulent dans le chenal d’une sonorité, d’un rythme, au mieux dans un mixte des deux.

 

C’est ainsi par exemple qu’une douleur sans fin, deuil de chaque jour, se mue en une parabole de l’amour de Dieu grâce à la cadence obsédante du doudoudoum-doudoudoum d’un train de nuit.

 

Me viennent alors dans le noir des images agrestes de rivières et de truites, de forêts et de faons, à moi qui suis d’un pays où ne poussent que des lampadaires, où ne bougent avec grâce que des chats de gouttière, et des moineaux.

 

C’est ainsi que j’ai reçu et pour une part mémorisé, toute une nuit entre Paris et Montpellier, dans une couchette de seconde classe, Le chant du père inconsolé.

 

Ou encore : le son ra se joint irrémédiablement aux souffles venus d’un grand désir de large, d’amour, d’espoir tiré du malheur d’être.

 

C’est le futur de nos grammaires, bien sûr, qui sonne ainsi, et sonne en lui la fureur d’une attente d’avenir ouvert. Mais c’est aussi, sans doute, et plus simplement, plus physiquement, l’ouverture sonore de ces a qui sortent en explosant de ces r

 

Cela donne Pour le sourcier, long poème, ou peut-être série de courts poèmes, qui est resté caché pendant trente ans et n’est paru qu’en 2006, dans Chants et déchants.

 

Comme il est difficile de faire croire que cela n’est pas fait exprès, que cela vous arrive, et que lorsque cela vous arrive vous êtes dans ce mixte de travail, de combat et de plaisir dont l’arrivée est l’un de vos plus grands bonheurs, tellement immérité, imprévu, même si médité, aussi, au bout du compte.

 

Et il fallait que cela paraisse. Cela aussi était une nécessité qui ne connaît pas de raison à mettre en avant. Quelque chose, en soi, s’avance avec obstination pour en arriver là. Au livre à lire, à la parole publique.

 

Et le livre paru, certains croient que l’on en est tout fiérot : que non. On est devant une chose étrangère, on ne sait plus de cela que l’art, si simple mais rusé, que l’on a mis dedans. Pourvu que la chose soit à la merci du premier venu, on n’y pense plus.

 

Encore : j’étais dans une longue période où j’avais perdu le Christ. Je me faisais des discours sur la nécessité de retourner à Dieu, au Père, au Créateur, après que l’on ait tant bataillé pour l’effacer et lire dans le Livre un Jésus de Nazareth enfin humain, ce jeune homme doué qui va mourir.

 

J’accompagne quelques-uns à un concert où l’on joue Haydn. Les sept paroles du Christ sur la croix. Je ne suis pas mélomane, si ce terme désigne ceux qui aiment et recherchent ce genre de musique. Je suis jazz, blues, gospel. Je m’ennuie un peu ce soir-là.

 

Mais à peine de retour, ce module de sept se met à m’habiter et je commence aussitôt ces sept poèmes de sept strophes de sept vers de sept syllabes qui font surgir l’amour éperdu que j’éprouve, sans le savoir, pour le Christ.

 

Et je comprends alors ce que signifie la contemplation de la croix et, pour la première fois, pourquoi vraiment je suis devenu luthérien sur le tard.

 

Et ce qu’un certain message, aussi, que m’avait adressé naguère, au Burkina Faso, une vieille femme édentée – « Regarde à Golgotha » – avait creusé en moi.  

Saint-Coutant – 2006

 

 

 

Nota : Les trois poèmes mentionnés, Le chant du père inconsolé, Pour le sourcier, Les sept paroles du Christ sur la croix, ont paru avec d’autres dans Chants et déchants (Limoges, Lambert-Lucas, 2005, 200 pages, 20 €), qui rassemble quarante ans de poésie. 

 

 

 

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