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Planter un arbre
“Si l'on m'apprenait que la
fin du monde est pour demain,
je planterais quand même un
pommier.” Martin Luther
Qui sait jamais ce qui peut arriver ?
J’ai donc planté un
arbre, un beau pommier.
À quoi pensais-je
alors, je ne le sais,
quelle idée ou
dessein me traversait ?
Garnir un coin de
terre à découvert,
fournir ainsi de
l’ombre à ce désert,
agrémenter la vue de
tout l’ensemble,
attendre du fruit de
lui, ce me semble.
Et j’y ai réussi,
j’ai dit merci :
Pourra venir la fin
du monde ici !
Et que je te la file…
trop d’eau dans mon
delta
fleuve que je suis
quel bras
suivre ?
depuis le ru que
d’accidents !
parcours tumultueux
méandres
torrents
peurs et violences
dévalant
tumultes
parfois cours
majestueux
père à péniches
et lacs à musarder
affluents affluant
sans cesse
et coudes
surprenants
or, non,
retournement !
remontant à plaisir
le courant
j’approche de la
source
Dieu comme j’aspire…
rien de bien
original
les temps sont durs
et
j’avais besoin de
grands espaces
marcher sur les
longues plages
j’imaginais des
plages normandes ou vendéennes
au bord de vraies
mers à marées lointaines
avec le vent
le vrai vent, celui
de la mer occidentale
oui, le noroît, que
je préfère
un vent d’iode et de
sel et de pluie
Dieu comme j’aspire
à respirer cela un jour
et, oui, marcher
comme pour un
avant-goût d’éternité heureuse
promesse d’aventure
dans le souffle d’ailleurs
sous un vrai ciel
exagéré
jour après jour
marcher
Veille
je suis assis sur des millions de poèmes
c’est mon trésor, sur lui je veille
ainsi je trône
on n’est jamais assez prudent, je veille
ils sont à moi…
mais je tremble et je m’éveille :
il en manque un !
Oubli
oubli est un mot que j’aime
et que je l’aime, j’aime à m’en souvenir
l’oubli que j’aime est celui du malheur lorsque son souvenir
te conduit vers la peur
non l’oubli que toute vie importe et qu’en chacune il se pourra
que réside un bonheur, même caché le bonheur
oubli car sans l’oubli des noirceurs, il n’est pas né
celui que tu croyais perdu
nié
le sourire à venir
Nœuds
dans une vie, peu de
nœuds
faisant tenir le
reste
et quels débuts,
quelles fins
quels liens ?
te retournant, tu
vois comment
à tel moment tel
glissement
notable nullement
t’a orienté
comment de tels
instants
s’articulaient
et te menaient sans
le savoir
où tu te tiens
peu de nœuds en
vérité
t’ont raccordé
et comme incidemment
t’ont créé
Et pourtant…
le goût du sel
pour purifier l’odeur de la mort
dans la bouche
et tant de relents nauséabonds
du monde
même les os
on les croit purs et secs
mais ils vivent en-dedans d’une vie grumeleuse
telle aux temps de la soupe primordiale
la vie est sale au regard des étoiles
collante et gluante
et pourtant…
Encore un jour
du gris ardoise à l’indigo
se mouvant au ciel
deux étoiles
d’arbre en arbre en arbre
va qu’elle est folle
l’aurore qui naît
dormir pensant encore
et cette nuit s’enlève
l’œil alerté
mon jour est un secret
il pense à son retour
veillant sur ses amours
encore un jour
tu me diras si tu aimes
ainsi passera-t-il
À
Ouessant
à Nicole Ferroni
debout pour la
première fois devant l’Océan du bout du monde
pour la première
fois devant l’immense et la puissance du monde
et sa violence
sa beauté brutale
comme autrefois, comme du temps des elfes et des trolls
du temps des
korrigans, sa beauté d’enfance abrupte, sa beauté nue
la jeune femme se
tait, saisie, ses larmes naissent, elle pleure
que faire d’autre,
être humain tout à coup démuni, son aisance tombée
le monde est si
vaste et sa force si grande, à craindre, à frémir, à chanter
humble et
profondément heureuse, elle pleure, en larmes de sel et de vent
Rêve de l’arbre en fleur
à nouveau toute
fleur est en soie
à nouveau la sève
sort du bois
l’arbre à nouveau
explosera de joie
fidèlement, il le
sait, où il va
son idée de fruit
aboutira
conçue par ses
ancêtres d’autrefois
son rêve s’avérera
le fruit viendra,
qui l’empêchera ?
enraciné, l’arbre
est armé pour cela
verdeur de la sève
sur l’arbre, que le
soleil flamboie
que l’eau du ciel ou
des fonds le noie
l’arbre rêve qu’il
résistera
si ce n’est lui,
l’autre que voilà
le rongerait la
bête, le scierait l’humain
le jour vient, et
l’arbre fleurira
et la bête mourra,
et l’humain s’en ira
abandonnée sa quête
aux mil tracas
son rêve d’incendie
Dire d’un songe 1
colombe ou bien corbeau, merlette ou tourterelle
qu’importe, je dormais, je n’ai perçu qu’en songe
un oiseau inconnu palpitant jusqu’à moi
il n’est de dire
que d’un sentir
ce qu’il a dû me dire a quitté mon esprit
je n’ai plus discerné ce que cachait l’oiseau
rien de son vol ne m’est resté, alors que dire ?
il n’est de dire
qu’une caresse
c’était un bel oiseau, je ne sais de quel nom
sans le voir je savais qu’il était tout de plumes
au fil lamé d’argent, au parfum de silex
il n’est de dire
que d’une odeur
dis-le donc, cependant, résolu, m’a-t-on dit
mais quoi dire et à qui ? l’oiseau s’est envolé
j’ai senti qu’il dansait au-dessus des nuages
il n’est de dire
que d’un regard
je le dis, cet oiseau portait une parole
il m’en reste le son, cependant, comme une onde
comme un rien qu’on désire, un chant perçu de loin
il n’est de dire
que d’une écoute
Frontières ?
Si tu regardes bien, il n’est pas de frontières
et c’est tout uniment que s’étire la terre.
Lorsqu’elle est découpée, c’est par une rivière,
par un fleuve, un cours d’eau dont les deux bords sont frères.
D’un côté ou de l’autre, un même enfant s’affaire,
aucun de ses parents ne veut vraiment la guerre,
et tous, ils aimeraient que leurs deux mains se serrent,
à moins que l’on ait fait leur tête prisonnière
et submergé leur cœur de venins délétères.
La terre, en vérité, ne s’en occupe guère ;
serait-elle blessée par l’espèce guerrière,
lassée, abandonnant sa fibre nourricière,
secouant de son dos l’orgueilleuse poussière,
elle irait à nouveau, en son cours millénaire,
rouler paisiblement au long de vents stellaires.
Que seraient devenues frontières ou barrières ?
Chanter
ce qu’il faut c’est
chanter
survient peut-être
alors
en harmonique
comme un filet de
joie
au loin montent des
peurs
la joie vaudra
contre elles
arme du cœur
dans la nef chant du
chœur
chanter jouer danser
des oiseaux en
parade
pour un amour
comme un aveu de vie
Sommeil
la petite fille qui
dormait par terre
était si fatiguée
qu’elle avait omis
de veiller
oublié les dangers
la peur, la colère
et les pleurs
elle s’était
ramassée
enroulée sur son
ventre
les mains cachées
et reposait dans la
poussière
en tout cas à
l’abri
ainsi s’en va le
monde
environné de forces
bienveillantes
ignorées
à longuement tester
pourquoi
désespérer ?
Un secret ?
l’oiseau le sait
(une mésange)
le chien le sait
même le petit chat
aussi la chatte
et le lapin le sait
lapine ou lapereau
les poules
(pourtant très
bêtes)
et les canards
au loin le lion le
sait
(dormirait-il)
et le chameau
le buffle obtus
les pieds dans l’eau
le lama la vigogne
au-dessus le condor
eux tous le savent
elle vient la mue
(et l’humain ?)
Ma poutre à moi
dites donc je suis mal
j’ai ma poutre dans l’œil
et depuis ma naissance
imaginez la douleur
du saignant
à chaque pas je me cogne
j’y vois mal je cogne
je cogne les murs
je cogne les arbres
je cogne les gens
c’est un mal continu
orgelet d’un géant
qui fait mon intérêt
car ma poutre c’est moi
je me présente ainsi
aïe ma poutre
je l’ai toujours aimée
et je m’aime ayant mal
et souffre de m’aimer
et souffre de l’aimer
Buées du jour
à l’instant
là-bas un ciel inconsistant
se fait corps
sur un monde inconscient
puis naît l’aurore
au levant
au loin lève une pâte épaisse
et l’on fête
après des amours secrètes
des relevailles
et l’orient
hardi vers l’occident se tend
sans détour
le soleil suit son cours
vers son néant
au couchant
avec la terre le ciel se couche
puis en gloire
le soleil va plonger
dans la nuit noire
au demeurant
qu’à jamais notre joie demeure
chaque jour
que notre joie ne meure
tour après tour
maintenant
la main ténue qui tient le monde
se fait douce
passe un sourire aimant
tout maintenant
Cette main
voici je le vois
bien
le monde est tout en
moi
cette main qui écrit
provient de
l’univers
et le sourire me
vient
enfant de vibrations
d’au-delà du soleil
j’appartiens au ciel
pur
et peut-être au-delà
que me sont les
années ?
Dis-le
dis-le à la rivière et dis le au fleuve
tout-puissant
au courbes des eaux vives qui roulent et s’en
vont vers l’aval
et dis-le au nuage qui va et au vent qui le pousse
remonte vers l’amont et dis-le, redis-le, à la cime des monts
dis-le à la mésange comme au merle, à toute bête ailée qui volera
à tous ceux qui traversent le ciel ou vont piquer le grain perdu
et dis-le, dans les profondeurs, à la truite insouciante et volage
à toute famille des eaux nageant en nuages de vivants
dis-le qu’il est venu, le dieu, comme un enfant
qu’il revient de la brûlure de sa colère
et que nul ne se perdra
Avent 4
manquerait un souffle
brise légère
silencieuse, aérienne, ténue
venue on ne sait d’où
allant où l’on ne sait
manquerait-il
tout irait comme devant
tout suivrait son chemin
chemin de grandes peines
voies de petits bonheurs
et suffirait d’un souffle
haleine de buée
toute chose convertie
muée, bouleversée, retournée
tournée vers ce qui vient
un souffle saint
et viendrait l’enfant
celui qui vint, qui vient
ce souffle qu’il vienne enfin
à la bouche des humains
Avent 3
comme l’oiseau
attend le jour
et l’épouse le
soldat
comme la mère attend
l’enfant
j’attends, mon
amour, ta venue
j’espère ton retour
je ne sais quand tu
viendras
mais tu seras
surpris
je vais changer tu
verras
je serai là pour toi
j’espère ton retour
en haut de
l’escalier je serai là
à l’entrée de la
maison
à la grille du
jardin je serai là
sur notre chemin
j’espère ton retour
sur la route qui va
je serai là
à l’entrée de la
ville
sur le quai de la
gare je serai là
à la porte du
wagon
j’espère ton retour
comme on attend le
parloir
comme on attend la
gamelle
comme on attend le
coup de rouge
comme on attend le
lit au soir
j’espère ton retour
je serai beau je
serai belle
comme file une
étoile
lavée, briquée dans
la nuit sale
changée, comme
astiquée
si tu reviens
Avent 2
venir, tu es venu
comme à chaque bouleversement
quand la terre s’ébranlera
quand tombe la lune et fond le soleil
à nos yeux éperdus
tout semble aller comme devant
l’eau ruisselle et clapote la pluie
au matin luit la lumière
lentement elle s’estompe au soir
et l’on ne te voit pas venir
passent les jours
entre la guerre, entre la paix
calme public et tumulte des gens
ainsi que jamais ou toujours
jours après jours, temps après temps
et l’on ne te voit pas venir
peut-être ne viendras-tu jamais
alors que voici, tu es présent
aujourd’hui tu viens
quand en secret change le monde
Avent 1
entre toutes les rapidités
les fureurs, les fracas
affolements de foules effrayées
ou rires exagérés
trombes ou traversées de foules
tu te glisses
tu es la couleur du silence
interstices de peurs
intermittentes colères exténuées
rages et tendresses cependant
souffle des soulèvements
misères
tu vas sans bruit
est-il important que l’on t’ignore ?
Dis-leur…
dis-le à la rivière
et dis le au fleuve tout-puissant
au courbes des eaux vives qui roulent
et s’en vont vers l’aval
et dis-le au nuage
qui va et au vent qui le pousse
remonte vers l’amont
et dis-le, redis-le, à la cime des monts
dis-leur que l’être
humain se tournera vers eux
dis-leur et ne mens
pas qu’il a perdu sa gloire et implore la leur
dis-le à la mésange
comme au merle, à toute bête ailée qui volera
à tous ceux qui
traversent le ciel ou vont piquer le grain perdu
et dis-le, dans les
profondeurs, à la truite insouciante et volage
à toute famille des
eaux nageant en nuages de vivants
dis-leur que
désormais l’être humain leur implore la paix
pourrait-il, devant
eux, recevoir un pardon, conclure une alliance
et dis-le à tous
ceux qui rôdent dans les bois, qui hantent la forêt
ceux qui parcourent
la toundra ou paissent en la savane
dis-le au tigre
comme au cerf, à la biche comme au lion
et dans leur
migration, aux lourds troupeaux de buffles rescapés
dis-leur que l’être
humain, en vérité, présente ses excuses
qu’il aimerait, avec
eux, remonter tout le temps, et tout renouveler
dis-le à la poule,
au poulailler, au lapin dans son clapier
dis à l’oie qu’elle
cesse, s’il lui plaît, de criailler pour écouter
au bœuf émasculé, à
la vache nourricière, au taureau dépité
dis-le aux bêtes
asservies, à la niche du chien, à la chatte opérée
dis à tous que nous
sommes, nous les humains, tout à fait désolés
que nous n’avons
plus qu’eux, tous les êtres du monde, à aimer
dis-le à la Terre et
à la Lune, la bleue et la jaune, violentées
dis à la Terre,
celle des eaux pures, des ciels, des airs limpides
la planète de grâce,
havre de toute vie, qui règne en son soleil
dis-le-lui, dis-le,
à moins de mourir, simple poussière d’étoiles
À la réflexion,
j’ai…
loué un habit
d’ermite sans robe de bure
juste veste en
denim, pantalon de coutil
et sauf exception,
économie de paroles
un jour puis un
jour, sauf les dimanches
brûlé les vieux
papiers, pensées d’hier
cogité lentement,
économisé le cahier
de l’aménité envers
les vivants du chemin
bonjour aux arbres,
sourire aux oiseaux
remis le papillon
sur sa voie de liberté
repoussé la guêpe
d’un geste pacifique
froissé personne,
serait-ce un imbécile
admiré de loin de
belles jeunes femmes
mangé lentement et
bu à petits coups
récolte aléatoire pour
des plats réfléchis
puis, vivant au
monde, pris les nouvelles
et rugi de colère et
pleuré de tendresse
imaginé tout cela,
même pratiqué parfois
ou souvent, heureux,
mais pas longtemps
appris ainsi d’être
inutile, sans se croire
pour un temps, fait
ermite comme école
Toile
des nids de
vagabonds
piqués sur toute la
terre
en corolles de peur
– et aller où ?
habités de rêves
menacés
alors inventer
des lois de
subsistance
car il est
dit :
de tous les jours de
la terre
que rien ne cesse
et semence et
moisson
et froidure et
chaleur
l’été l’hiver
le jour la nuit
frères tenez
nous ferons des
réseaux
voilà, nous nous
tisserons
– parlons ensemble
monde, la toile que
voilà
toile sur toute la
Terre
world wide web
Je ne mens pas
il a dit cet humain
en son domaine
je suis abasourdi
voyez ma peine
je vois partir un
monde
je ne mens pas
je vois dans mon
jardin
que tout s’en va
j’ai perdu les
abeilles
sur les rosiers
aussi le papillon
volant voilier
et j’ai perdu
l’oiseau
plus d’hirondelles
tenez plus de pivert
plus de sitelle
ces nids pour la
mésange
au creux des pierres
ce vol de l’alouette
brisant son erre
mortelles sont les
graines
que l’oiseau becte
pas une fourmilière
et plus d’insecte
partie la dame
blanche
qui ululait
parti le hérisson
qu’elle cherchait
j’ai perdu le
crapaud
chantant sa peine
et même la couleuvre
qui tait la sienne
le cri rauque des
huppes
ne sonne plus
la course des
lézards
ne file plus
des guêpes ou des taons
on en voit peu
ils résistent
longtemps
la hargne en eux
les chevreuils
n’osent plus
venir ici
sur leurs brisées
l’humain
a trop bâti
restent deux
écureuils
un rouge un brun
plus un chardonneret
hardi un brin
le ramier dure aussi
qui va par deux
son aubade roucoule
encore un peu
j’ai perdu le thuya
il a jauni
le sapin l’a suivi
pelé aussi
je vois les fruits
tomber
pêches ou poires
elles sont déjà
blettes
et bientôt noires
quand donc viendra la pluie
dites-le moi
avant que meure aussi
le magnolia
Une visite
bonheur minuscule
au sein d’un temps
de pluie
au-dehors au-dedans
long temps de pluie
temps de menaces et
de craintes
et d’ennui
voici qu’entre ici
guilleret
le chardonneret
replet
malgré le chat
il veut me rendre la
politesse
souvent je le visite
aussi
chez lui
dans son domaine
d’arbres
et de buissons à
fleurs
de graines à manger
de nids à protéger
de vent léger
Je suis là
19/08
l’ange me dit : Qu’espères-tu
je ne sais lui répondre il faudrait pour cela
viser quelque bonheur un gain une victoire
que je ne connais pas dont je ne sais rien
mon ange insiste : Au moins durer peut-être
alors je trouve que lui dire : M’oublier
mais je le sais c’est une voie fermée
je dois me trouver là dans la présence
où le dieu jamais ne compose ni ne pèse
et je suis là dis-je à l’ange qui s’en va
Frissons
à jamais les ciels bleu, tout bleu, me
ferment sur moi-même
j’ai toujours fui le pavé du soleil
je vivais autrefois en longues giboulées
petits frissons heureux lorsque soufflait la bise
j’aimais ces temps d’automne et ces jours de nuées
et je m’ouvrais alors
je préférais l’averse, elle qui vient de l’ouest
quand les rues, sous la pluie, psalmodient des versets de guitares
au coin d’impasses à gitans
les ongles de l’ondée toquant sur le pavé
et quand vive, la bruine s’écoulait dans mon cou
tout mon dos frémissait, ma peau se hérissait
– plaisir
le pavé s’irisait à la moindre lueur
et tout s’ouvrait en moi, et naissait un refrain
bien que mélancolique il me rendait heureux dans ma chaleur
mouillée
et ma tristesse, alors, retrouvait ses chemins
de pluie mêlée de vent
Zones
tous ces îlots
toutes ces clairières
en toutes ces mers et ces bois
et nous
postés là
pourquoi là on ne sait pas
nous inventons des lois
de subsistance
aux rêves menacés sont les chemins
s’en aller jusque là
marcher plus loin
que souhaiter si monde et rêve sont menacés
élire l’inconnu
en tous ces îlots
des perdus se rassemblent
l’inconnu pour toujours élu
Annonce
et sans savoir si la terre est ronde
ni comment elle se meut
où seriez-vous
un oiseau vous annoncera l’aube
lui le premier
tout autour de la terre
l’aimerez-vous ?
Buée
vient le temps, vient la pluie
souffle le vent
trois tristesses, deux chemins
se lover sous la couette
marcher, marcher mouillé
L’écran
l’enfant derrière la vitre
devant la pluie qui tombe
ruisselets sur la vitre
il voit la pluie fuser
la pluie qui tombe tombe
et la buée couvre la vitre
ruisseaux et brouillard
pénombre et crépuscule
entre deux eaux la vitre
lui, la vitre, le monde
ou bien lui dans le monde
mais le monde l’expose
et l’enfant s’est mouillé
la fenêtre est ouverte
et la chambre respire
Chapeau pointu
où es-tu
que fais-tu ?
j’avais mis mon chapeau, j’avais mis ma casquette
ma casquette à la noix, casquette qui déçoit
ma tête de crapaud ainsi couverte en jette
c’est ainsi d’habitude, autrement j’aurais froid
où es-tu
que fais-tu ?
j’avais mis ma chaussette, elle chausse un pied droit
quant à mon pied tordu il faisait des claquettes
et je claquais des dents de peur, aussi de froid
un froid de mort aux dents et des dents de belette
où es-tu
que fais-tu ?
j’avais mis mon futal, un falzar en faux bois
ses pattes d’éléphant semblaient deux patinettes
je me glissai dedans avec mon entre soi
une fesse à la fois qui s’affaisse, est-ce bête ?
où es-tu
que fais-tu ?
j’avais mis ma chemise à couvre poil de fête
et remis sur ma mise une aigrette de soie
révisé mon squelette et lissé ma toilette
à voir ma goélette on en gueulait d’effroi
où es-tu
que fais-tu ?
ah j’étais beau, j’étais peau, ce faux c’était moi
belles dents et faux-cul, smoking et sandalettes
je fus au rendez-vous, j’ai tout rendu sur toi
j’ai bouffé mon chapeau, j’ai ri dans ma gapette
où es-tu
que fais-tu ?
Accord
je marchais au bord de l’eau
et l’eau me regardait marcher
elle clapotait pour moi sur le bord
elle et moi on était d’accord
il faisait beau
je marchais au long des arbres
en bruissant les arbres m’écoutaient
parlant de choses et d’autres
et j’étais bien d’accord
le temps s’y prêtait
l’eau, les arbres vibraient en accord
bruissement et clapot sur les bords
à l’endroit même où je marchais
juste là et juste alors
sur mon sentier
À l’aube pure
à l’aube pure
en une lumière de fin du monde heureuse
les cerisiers glorifient le jour qui naît
et l’impalpable de leur fleur offre à ce jour
une gloire immatérielle et le goût d’une éternité
ainsi le pardon
Seigneur je suis heureux ce matin
Bidonville
le soir était tombé
devenir prohibé
mitée sa redingote
un petit garçon noir
dansait sur le trottoir
retenant sa culotte
tout enclos dans sa danse
comme un homme qui pense
comme un vieux qui radote
sans chemise et pieds nus
un sourire ténu
juste un regard qui flotte
seul au monde il est là
concentré sur son pas
sous la lune qui trotte
le vieux monde est autour
l’enfant est dans sa tour
seul un ange sanglote
Ça dépend
il dormait sur un cintre
tel un habit usé
qui pend
ventre vidé
blanc comme un singe
du passé
ça lui donnait des idées
il rêvait de fleuves insurgés
de lentes chevauchées
de lanciers
il en était traversé
se posaient des questions
toutes bien armées
où donc la vie est-elle allée
à son revers lui répond une fleur
une fleur rouge sang
émue c’est moi dit-elle
toute rouge
je suis là
il l’avait caressée
Parabole
la nuit, lampe allumée
une parabole se dessine sur le mur
là où l’ombre finit, s’achève aussi la lumière
ligne incertaine, inexistante
lieu de silence entre ce qui fut et sera
ainsi tes jours
Faits dits vers
(sotie)
ce matin
un tapin
a tué un masseur
et ce soir
un rasoir
égorge un casseur
à midi
un caddy
culbute un passeur
au coucher
un boucher
découpe un chasseur
mais
à pas d’heures
un p’tit beurre
régale ma sœur
Regarde bien
Hitler ne pouvait pas mourir, mon cœur
il est toujours là
on nous annonçait son suicide, nous ne pouvions le croire
il ne pourrait disparaître
son ombre est là, présente alentour
enseveli même dans la fosse il reviendrait
il revient toujours
nous avions raison d’émettre un doute, tu te souviens
il a reparu
il reparaît toujours
on le chasse, on le chasse il revient
par la porte on le chasse il revient par la cave
par les profondeurs des âmes tordues des humains
des âmes torturées des humains
regarde bien, regarde, jusqu’au fond de toi regarde
tu vois bien qu’il est là, on ne l’aura pas tué
il se sera raté
tu souris, tu dis c’est ridicule, tu te retournes
il était derrière-toi
il se tient au coin d’un mur, où sont écrits ses cris
plus loin il a laissé sa marque
il a laissé sa marque sur les tombes paisibles des gens
regardes-tu les signes que tu l’entends hurler
et son cri les attire
il attire les chiens galeux qui veulent lécher le sang
sur terre lécher le sang des gens
ils le savent bien, eux, qu’il est là
hyènes qui rient ils tueront
vois-tu mon cœur
Hitler ne pouvait pas mourir
Au peuple démuni
ce qui est dans ton
cœur est plus grand que la mer
c’est pourquoi tu
fais peur, ô peuple démuni
à toi-même tu fais
peur
car au bout de ta
nuit crèvent les veines, coule le sang
quand devant toi le
monde devient rouge
quand ton désir est
grand
quand tu ouvres les
portes à ton envie de vie
à ton rêve, ô nuit
et tu ne sais alors
ce que tu enfantes
vers où t’emportait
ton ennui
chante ô ma nuit
quand le rêve se lève
quand se tient près
du lit l’esprit qui te veillait
c’est ton plexus qui
cède et fait mourir l’angoisse
elle s’évanouit
te voici comme une
veste ouverte qui habite le monde
et veut le revêtir
ton désir est un
cogneur, et c’est lui qui te frappe
c’est lui qui
s’écorche les mains
et s’il t’a mené un
jour vers toute justesse, il s’en va
qui peut le
retenir ?
Ce qui venait
la femme regardait
au loin, elle s’était redressée
penchée vers la
terre on ne voit que la terre
on ne voit que
l’outil pour sarcler
et les pieds
les pieds sont
importants, il n’y a pas que la tête
elle se le dit
souvent
avec les pieds tu te
poses, tu avances
tu vas chercher de
l’eau, il n’y a pas que la tête
tu vas chercher de
l’eau, le vase sur la tête
et tu portes
l’enfant bien calé sur le dos
et tu avances
les pieds te
portent, et pour aller où ?
mais cette fois elle
s’était dressée, redressée
debout on voit plus
loin
on voit loin, la
tête dégagée, le cou délassé
et la femme debout
voyait la tempête qui venait
le sable se
soulevait, les branches se tordaient
là-bas, et ça venait
et la femme a souri,
elle a souri et elle a dit
tendez toutes les
toiles, l’eau va tomber
puis elle a regardé,
elle a bien regardé
elle a vu ce qui
venait, la tête droite et le regard
le regard lavé