Poèmes d’avant
 

 

 

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Une page pleine de poèmes

Suite de la page POÈMES

 

 

 

 

Planter un arbre

 

“Si l'on m'apprenait que la fin du monde est pour demain,

je planterais quand même un pommier.” Martin Luther

 

Qui sait jamais ce qui peut arriver ?

J’ai donc planté un arbre, un beau pommier.

À quoi pensais-je alors, je ne le sais,

quelle idée ou dessein me traversait ?

Garnir un coin de terre à découvert,

fournir ainsi de l’ombre à ce désert,

agrémenter la vue de tout l’ensemble,

attendre du fruit de lui, ce me semble.

 

Et j’y ai réussi, j’ai dit merci :

Pourra venir la fin du monde ici !

 

 

 

 

Et que je te la file…

 

trop d’eau dans mon delta

fleuve que je suis

quel bras suivre ?

 

depuis le ru que d’accidents !

parcours tumultueux

méandres

 

torrents

peurs et violences dévalant

tumultes

 

parfois cours majestueux

père à péniches

et lacs à musarder

 

affluents affluant

sans cesse

et coudes surprenants

 

or, non, retournement !

remontant à plaisir le courant

j’approche de la source

 

 

 

 

Dieu comme j’aspire…

 

rien de bien original

les temps sont durs et

j’avais besoin de grands espaces

 

marcher sur les longues plages

j’imaginais des plages normandes ou vendéennes

au bord de vraies mers à marées lointaines

 

avec le vent

le vrai vent, celui de la mer occidentale

oui, le noroît, que je préfère

un vent d’iode et de sel et de pluie

 

Dieu comme j’aspire à respirer cela un jour

et, oui, marcher

comme pour un avant-goût d’éternité heureuse

 

promesse d’aventure dans le souffle d’ailleurs

sous un vrai ciel exagéré

jour après jour marcher

 

 

 

 

Veille

 

je suis assis sur des millions de poèmes

c’est mon trésor, sur lui je veille

ainsi je trône

on n’est jamais assez prudent, je veille

ils sont à moi…

mais je tremble et je m’éveille :

il en manque un !

 

 

 

 

Oubli

 

oubli est un mot que j’aime

et que je l’aime, j’aime à m’en souvenir

l’oubli que j’aime est celui du malheur lorsque son souvenir

te conduit vers la peur

non l’oubli que toute vie importe et qu’en chacune il se pourra

que réside un bonheur, même caché le bonheur

oubli car sans l’oubli des noirceurs, il n’est pas né

celui que tu croyais perdu

nié

le sourire à venir

 

 

 

 

Nœuds

 

dans une vie, peu de nœuds

faisant tenir le reste

et quels débuts, quelles fins

quels liens ?

 

te retournant, tu vois comment

à tel moment tel glissement

notable nullement

t’a orienté

 

comment de tels instants

s’articulaient

et te menaient sans le savoir

où tu te tiens

 

peu de nœuds en vérité

t’ont raccordé

et comme incidemment

t’ont créé

 

 

 

 

Et pourtant…

 

le goût du sel

pour purifier l’odeur de la mort

dans la bouche

et tant de relents nauséabonds

du monde

 

même les os

on les croit purs et secs

mais ils vivent en-dedans d’une vie grumeleuse

telle aux temps de la soupe primordiale

la vie est sale au regard des étoiles

collante et gluante

 

et pourtant…

 

 

 

 

Encore un jour

 

                                                      

 

du gris ardoise à l’indigo

se mouvant au ciel   

deux étoiles

 

d’arbre en arbre en arbre

va qu’elle est folle

l’aurore qui naît

 

dormir pensant encore

et cette nuit s’enlève

l’œil alerté

 

mon jour est un secret

il pense à son retour

veillant sur ses amours

 

encore un jour

tu me diras si tu aimes

ainsi passera-t-il

                                                                                          

 

 

 

À Ouessant

                                                                                                                                 à Nicole Ferroni

 

debout pour la première fois devant l’Océan du bout du monde

pour la première fois devant l’immense et la puissance du monde

et sa violence

 

sa beauté brutale comme autrefois, comme du temps des elfes et des trolls

du temps des korrigans, sa beauté d’enfance abrupte, sa beauté nue

 

la jeune femme se tait, saisie, ses larmes naissent, elle pleure

 

que faire d’autre, être humain tout à coup démuni, son aisance tombée 

le monde est si vaste et sa force si grande, à craindre, à frémir, à chanter

humble et profondément heureuse, elle pleure, en larmes de sel et de vent

 

 

 

 

Rêve de l’arbre en fleur

 

à nouveau toute fleur est en soie

à nouveau la sève sort du bois

l’arbre à nouveau explosera de joie

 

fidèlement, il le sait, où il va

son idée de fruit aboutira

conçue par ses ancêtres d’autrefois 

 

son rêve s’avérera

le fruit viendra, qui l’empêchera ?

enraciné, l’arbre est armé pour cela

 

verdeur de la sève

sur l’arbre, que le soleil flamboie

que l’eau du ciel ou des fonds le noie

 

l’arbre rêve qu’il résistera

si ce n’est lui, l’autre que voilà

le rongerait la bête, le scierait l’humain 

 

le jour vient, et l’arbre fleurira

et la bête mourra, et l’humain s’en ira

abandonnée sa quête aux mil tracas

 

son rêve d’incendie

 

 

 

 

Dire d’un songe 1

 

colombe ou bien corbeau, merlette ou tourterelle

qu’importe, je dormais, je n’ai perçu qu’en songe

un oiseau inconnu palpitant jusqu’à moi

 

il n’est de dire

que d’un sentir 

 

ce qu’il a dû me dire a quitté mon esprit

je n’ai plus discerné ce que cachait l’oiseau

rien de son vol ne m’est resté, alors que dire ?

 

il n’est de dire

qu’une caresse

 

c’était un bel oiseau, je ne sais de quel nom

sans le voir je savais qu’il était tout de plumes

au fil lamé d’argent, au parfum de silex

 

il n’est de dire

que d’une odeur 

 

dis-le donc, cependant, résolu, m’a-t-on dit

mais quoi dire et à qui ? l’oiseau s’est envolé

j’ai senti qu’il dansait au-dessus des nuages

 

il n’est de dire

que d’un regard

 

je le dis, cet oiseau portait une parole

il m’en reste le son, cependant, comme une onde

comme un rien qu’on désire, un chant perçu de loin

 

il n’est de dire

que d’une écoute 

 

 

 

 

Frontières ?

 

Si tu regardes bien, il n’est pas de frontières

et c’est tout uniment que s’étire la terre.

Lorsqu’elle est découpée, c’est par une rivière,

par un fleuve, un cours d’eau dont les deux bords sont frères.

D’un côté ou de l’autre, un même enfant s’affaire,

aucun de ses parents ne veut vraiment la guerre,

et tous, ils aimeraient que leurs deux mains se serrent,

à moins que l’on ait fait leur tête prisonnière

et submergé leur cœur de venins délétères.

La terre, en vérité, ne s’en occupe guère ;

serait-elle blessée par l’espèce guerrière,

lassée, abandonnant sa fibre nourricière,

secouant de son dos l’orgueilleuse poussière,

elle irait à nouveau, en son cours millénaire,

rouler paisiblement au long de vents stellaires.

Que seraient devenues frontières ou barrières ?

 

 

 

 

 

Chanter

 

ce qu’il faut c’est chanter

survient peut-être alors

en harmonique

comme un filet de joie

 

au loin montent des peurs

la joie vaudra contre elles

arme du cœur

dans la nef chant du chœur    

 

chanter jouer danser

des oiseaux en parade

pour un amour

comme un aveu de vie

 

 

 

 

Sommeil 

 

la petite fille qui dormait par terre

était si fatiguée

qu’elle avait omis de veiller

oublié les dangers

la peur, la colère et les pleurs

 

elle s’était ramassée

enroulée sur son ventre

les mains cachées

et reposait dans la poussière

en tout cas à l’abri 

 

ainsi s’en va le monde

environné de forces bienveillantes

ignorées

à longuement tester

pourquoi désespérer ?

 

 

 

 

Un secret ?

 

l’oiseau le sait

(une mésange)

le chien le sait

même le petit chat

aussi la chatte

 

et le lapin le sait

lapine ou lapereau

les poules

(pourtant très bêtes)

et les canards

 

au loin le lion le sait

(dormirait-il)

et le chameau

le buffle obtus

les pieds dans l’eau

 

le lama la vigogne

au-dessus le condor

eux tous le savent

elle vient la mue

(et l’humain ?)

 

 

 

 

Ma poutre à moi

 

dites donc je suis mal

j’ai ma poutre dans l’œil

et depuis ma naissance

imaginez la douleur

du saignant

 

à chaque pas je me cogne

j’y vois mal je cogne

je cogne les murs

je cogne les arbres

je cogne les gens

 

c’est un mal continu

orgelet d’un géant

qui fait mon intérêt

car ma poutre c’est moi

je me présente ainsi

 

aïe ma poutre

je l’ai toujours aimée

et je m’aime ayant mal

et souffre de m’aimer

et souffre de l’aimer

 

 

 

 

Buées du jour

 

à l’instant

là-bas un ciel inconsistant

se fait corps

sur un monde inconscient

puis naît l’aurore

 

au levant

au loin lève une pâte épaisse

et l’on fête

après des amours secrètes

des relevailles

 

et l’orient

hardi vers l’occident se tend

sans détour

le soleil suit son cours

vers son néant

 

au couchant

avec la terre le ciel se couche 

puis en gloire

le soleil va plonger

dans la nuit noire

 

au demeurant

qu’à jamais notre joie demeure

chaque jour

que notre joie ne meure

tour après tour

 

maintenant

la main ténue qui tient le monde

se fait douce

passe un sourire aimant

tout maintenant 

 

 

 

 

Cette main

 

voici je le vois bien

le monde est tout en moi

cette main qui écrit

provient de l’univers

et le sourire me vient

enfant de vibrations

d’au-delà du soleil

j’appartiens au ciel pur

et peut-être au-delà

que me sont les années ?

 

 

 

 

Dis-le

 

dis-le à la rivière et dis le au fleuve tout-puissant

au courbes des eaux vives qui roulent et s’en vont vers l’aval

et dis-le au nuage qui va et au vent qui le pousse

remonte vers l’amont et dis-le, redis-le, à la cime des monts

 

dis-le à la mésange comme au merle, à toute bête ailée qui volera

à tous ceux qui traversent le ciel ou vont piquer le grain perdu

et dis-le, dans les profondeurs, à la truite insouciante et volage

à toute famille des eaux nageant en nuages de vivants

 

dis-le qu’il est venu, le dieu, comme un enfant

qu’il revient de la brûlure de sa colère

et que nul ne se perdra

 

 

 

 

Avent 4

 

manquerait un souffle

brise légère

silencieuse, aérienne, ténue   

venue on ne sait d’où

allant où l’on ne sait

 

manquerait-il

tout irait comme devant

tout suivrait son chemin

chemin de grandes peines

voies de petits bonheurs

 

et suffirait d’un souffle

haleine de buée

toute chose convertie

muée, bouleversée, retournée

tournée vers ce qui vient

 

un souffle saint

et viendrait l’enfant

celui qui vint, qui vient

ce souffle qu’il vienne enfin

à la bouche des humains

 

 

 

 

Avent 3

 

comme l’oiseau attend le jour

et l’épouse le soldat 

comme la mère attend l’enfant 

j’attends, mon amour, ta venue

j’espère ton retour

 

je ne sais quand tu viendras

mais tu seras surpris 

je vais changer tu verras

je serai là pour toi

j’espère ton retour

 

 

 

en haut de l’escalier je serai là

à l’entrée de la maison 

à la grille du jardin je serai là

sur notre chemin

j’espère ton retour

 

sur la route qui va je serai là

à l’entrée de la ville 

sur le quai de la gare je serai là

à la porte du wagon 

j’espère ton retour

 

 

 

comme on attend le parloir

comme on attend la gamelle

comme on attend le coup de rouge

comme on attend le lit au soir

j’espère ton retour

 

je serai beau je serai belle

comme file une étoile   

lavée, briquée dans la nuit sale

changée, comme astiquée

si tu reviens 

 

 

 

 

Avent 2

 

venir, tu es venu

comme à chaque bouleversement

quand la terre s’ébranlera

quand tombe la lune et fond le soleil

à nos yeux éperdus

 

tout semble aller comme devant

l’eau ruisselle et clapote la pluie

au matin luit la lumière

lentement elle s’estompe au soir

et l’on ne te voit pas venir

 

passent les jours

entre la guerre, entre la paix

calme public et tumulte des gens

ainsi que jamais ou toujours

jours après jours, temps après temps

 

et l’on ne te voit pas venir

peut-être ne viendras-tu jamais

alors que voici, tu es présent 

aujourd’hui tu viens

quand en secret change le monde

 

 

 

 

Avent 1

 

entre toutes les rapidités

les fureurs, les fracas

affolements de foules effrayées

ou rires exagérés

trombes ou traversées de foules

 

tu te glisses

tu es la couleur du silence

 

interstices de peurs

intermittentes colères exténuées

rages et tendresses cependant

souffle des soulèvements

misères

 

tu vas sans bruit

est-il important que l’on t’ignore ?

  

 

 

 

Dis-leur…

 

dis-le à la rivière et dis le au fleuve tout-puissant

au courbes des eaux vives qui roulent et s’en vont vers l’aval

et dis-le au nuage qui va et au vent qui le pousse

remonte vers l’amont et dis-le, redis-le, à la cime des monts

 

dis-leur que l’être humain se tournera vers eux

dis-leur et ne mens pas qu’il a perdu sa gloire et implore la leur

 

dis-le à la mésange comme au merle, à toute bête ailée qui volera 

à tous ceux qui traversent le ciel ou vont piquer le grain perdu

et dis-le, dans les profondeurs, à la truite insouciante et volage

à toute famille des eaux nageant en nuages de vivants

 

dis-leur que désormais l’être humain leur implore la paix

pourrait-il, devant eux, recevoir un pardon, conclure une alliance

 

et dis-le à tous ceux qui rôdent dans les bois, qui hantent la forêt

ceux qui parcourent la toundra ou paissent en la savane

dis-le au tigre comme au cerf, à la biche comme au lion

et dans leur migration, aux lourds troupeaux de buffles rescapés

 

dis-leur que l’être humain, en vérité, présente ses excuses

qu’il aimerait, avec eux, remonter tout le temps, et tout renouveler

 

dis-le à la poule, au poulailler, au lapin dans son clapier

dis à l’oie qu’elle cesse, s’il lui plaît, de criailler pour écouter

au bœuf émasculé, à la vache nourricière, au taureau dépité

dis-le aux bêtes asservies, à la niche du chien, à la chatte opérée

 

dis à tous que nous sommes, nous les humains, tout à fait désolés

que nous n’avons plus qu’eux, tous les êtres du monde, à aimer

 

dis-le à la Terre et à la Lune, la bleue et la jaune, violentées

dis à la Terre, celle des eaux pures, des ciels, des airs limpides

la planète de grâce, havre de toute vie, qui règne en son soleil

dis-le-lui, dis-le, à moins de mourir, simple poussière d’étoiles

 

 

 

 

À la réflexion, j’ai…

 

loué un habit d’ermite sans robe de bure

juste veste en denim, pantalon de coutil

 

et sauf exception, économie de paroles

un jour puis un jour, sauf les dimanches

 

brûlé les vieux papiers, pensées d’hier

cogité lentement, économisé le cahier

 

de l’aménité envers les vivants du chemin

bonjour aux arbres, sourire aux oiseaux

 

remis le papillon sur sa voie de liberté

repoussé la guêpe d’un geste pacifique

 

froissé personne, serait-ce un imbécile

admiré de loin de belles jeunes femmes

 

mangé lentement et bu à petits coups

récolte aléatoire pour des plats réfléchis

 

puis, vivant au monde, pris les nouvelles

et rugi de colère et pleuré de tendresse

 

imaginé tout cela, même pratiqué parfois

ou souvent, heureux, mais pas longtemps

 

appris ainsi d’être inutile, sans se croire

pour un temps, fait ermite comme école

 

 

 

 

Toile

 

des nids de vagabonds

piqués sur toute la terre

en corolles de peur

– et aller où ?

habités de rêves menacés

alors inventer

des lois de subsistance

 

car il est dit :

de tous les jours de la terre

que rien ne cesse

et semence et moisson

et froidure et chaleur

l’été l’hiver

le jour la nuit

 

frères tenez

nous ferons des réseaux

voilà, nous nous tisserons

– parlons ensemble

monde, la toile que voilà

toile sur toute la Terre

world wide web

 

 

 

 

Je ne mens pas

 

il a dit cet humain

en son domaine

je suis abasourdi

voyez ma peine

 

je vois partir un monde

je ne mens pas

je vois dans mon jardin

que tout s’en va

 

j’ai perdu les abeilles

sur les rosiers

aussi le papillon

volant voilier

 

et j’ai perdu l’oiseau

plus d’hirondelles

tenez plus de pivert

plus de sitelle

 

ces nids pour la mésange

au creux des pierres

ce vol de l’alouette

brisant son erre

 

mortelles sont les graines

que l’oiseau becte

pas une fourmilière

et plus d’insecte

 

partie la dame blanche

qui ululait

parti le hérisson

qu’elle cherchait

 

j’ai perdu le crapaud

chantant sa peine

et même la couleuvre

qui tait la sienne

 

le cri rauque des huppes

ne sonne plus

la course des lézards

ne file plus

 

des guêpes ou des taons

on en voit peu

ils résistent longtemps

la hargne en eux

 

les chevreuils n’osent plus

venir ici

sur leurs brisées l’humain

a trop bâti

 

restent deux écureuils

un rouge un brun

plus un chardonneret

hardi un brin

 

le ramier dure aussi

qui va par deux

son aubade roucoule

encore un peu

 

j’ai perdu le thuya

il a jauni

le sapin l’a suivi

pelé aussi

 

je vois les fruits tomber

pêches ou poires

elles sont déjà blettes

et bientôt noires

 

quand donc viendra la pluie

dites-le moi

avant que meure aussi

le magnolia

 

 

 

 

Une visite

 

bonheur minuscule

au sein d’un temps de pluie

au-dehors au-dedans

long temps de pluie

temps de menaces et de craintes

et d’ennui

voici qu’entre ici guilleret

le chardonneret replet

malgré le chat 

il veut me rendre la politesse

souvent je le visite aussi

chez lui

dans son domaine d’arbres

et de buissons à fleurs

de graines à manger

de nids à protéger

de vent léger

 

 

 

 

Je suis là

19/08

 

l’ange me dit : Qu’espères-tu

je ne sais lui répondre il faudrait pour cela

viser quelque bonheur un gain une victoire 

que je ne connais pas dont je ne sais rien

mon ange insiste : Au moins durer peut-être

alors je trouve que lui dire : M’oublier

mais je le sais c’est une voie fermée

je dois me trouver là dans la présence

où le dieu jamais ne compose ni ne pèse

et je suis là dis-je à l’ange qui s’en va

 

 

 

 

Frissons

 

à jamais les ciels bleu, tout bleu, me ferment sur moi-même

j’ai toujours fui le pavé du soleil

je vivais autrefois en longues giboulées

petits frissons heureux lorsque soufflait la bise

j’aimais ces temps d’automne et ces jours de nuées

et je m’ouvrais alors

je préférais l’averse, elle qui vient de l’ouest

quand les rues, sous la pluie, psalmodient des versets de guitares

au coin d’impasses à gitans

les ongles de l’ondée toquant sur le pavé

et quand vive, la bruine s’écoulait dans mon cou

tout mon dos frémissait, ma peau se hérissait

– plaisir

le pavé s’irisait à la moindre lueur

et tout s’ouvrait en moi, et naissait un refrain

bien que mélancolique il me rendait heureux dans ma chaleur mouillée

et ma tristesse, alors, retrouvait ses chemins

de pluie mêlée de vent

 

 

 

 

Zones

 

tous ces îlots

toutes ces clairières

en toutes ces mers et ces bois

et nous

postés là

 

pourquoi là on ne sait pas

nous inventons des lois

de subsistance

 

aux rêves menacés sont les chemins

s’en aller jusque là

marcher plus loin 

que souhaiter si monde et rêve sont menacés

élire l’inconnu

 

en tous ces îlots

des perdus se rassemblent

l’inconnu pour toujours élu

 

 

 

 

Annonce

 

et sans savoir si la terre est ronde

ni comment elle se meut

où seriez-vous

un oiseau vous annoncera l’aube

lui le premier

tout autour de la terre

l’aimerez-vous ?

 

 

 

 

Buée

 

vient le temps, vient la pluie

souffle le vent

trois tristesses, deux chemins

se lover sous la couette

marcher, marcher mouillé 

 

 

 

 

L’écran

 

l’enfant derrière la vitre

devant la pluie qui tombe

ruisselets sur la vitre 

 

il voit la pluie fuser

la pluie qui tombe tombe

et la buée couvre la vitre

 

ruisseaux et brouillard

pénombre et crépuscule

entre deux eaux la vitre

 

lui, la vitre, le monde 

ou bien lui dans le monde

mais le monde l’expose

 

et l’enfant s’est mouillé

la fenêtre est ouverte

et la chambre respire

 

 

 

 

Chapeau pointu

 

où es-tu

que fais-tu ?

 

j’avais mis mon chapeau, j’avais mis ma casquette

ma casquette à la noix, casquette qui déçoit

ma tête de crapaud ainsi couverte en jette

c’est ainsi d’habitude, autrement j’aurais froid

 

où es-tu

que fais-tu ?

 

j’avais mis ma chaussette, elle chausse un pied droit

quant à mon pied tordu il faisait des claquettes

et je claquais des dents de peur, aussi de froid

un froid de mort aux dents et des dents de belette

 

où es-tu

que fais-tu ?

 

j’avais mis mon futal, un falzar en faux bois

ses pattes d’éléphant semblaient deux patinettes

je me glissai dedans avec mon entre soi

une fesse à la fois qui s’affaisse, est-ce bête ?

 

où es-tu

que fais-tu ?

 

j’avais mis ma chemise à couvre poil de fête

et remis sur ma mise une aigrette de soie

révisé mon squelette et lissé ma toilette

à voir ma goélette on en gueulait d’effroi

 

où es-tu

que fais-tu ?

 

ah j’étais beau, j’étais peau, ce faux c’était moi

belles dents et faux-cul, smoking et sandalettes

je fus au rendez-vous, j’ai tout rendu sur toi

j’ai bouffé mon chapeau, j’ai ri dans ma gapette

 

où es-tu

que fais-tu ?

 

 

 

 

Accord

 

je marchais au bord de l’eau

et l’eau me regardait marcher

elle clapotait pour moi sur le bord

elle et moi on était d’accord

il faisait beau

 

je marchais au long des arbres

en bruissant les arbres m’écoutaient

parlant de choses et d’autres

et j’étais bien d’accord

le temps s’y prêtait

 

l’eau, les arbres vibraient en accord

bruissement et clapot sur les bords

à l’endroit même où je marchais

juste là et juste alors

sur mon sentier

 

 

 

 

À l’aube pure

 

à l’aube pure

en une lumière de fin du monde heureuse

les cerisiers glorifient le jour qui naît

et l’impalpable de leur fleur offre à ce jour 

une gloire immatérielle et le goût d’une éternité

ainsi le pardon  

 

Seigneur je suis heureux ce matin

 

 

 

 

Bidonville

 

le soir était tombé

devenir prohibé

mitée sa redingote

 

un petit garçon noir

dansait sur le trottoir

retenant sa culotte

 

tout enclos dans sa danse

comme un homme qui pense

comme un vieux qui radote

 

sans chemise et pieds nus

un sourire ténu

juste un regard qui flotte

 

seul au monde il est là

concentré sur son pas

sous la lune qui trotte

 

le vieux monde est autour

l’enfant est dans sa tour

seul un ange sanglote

 

 

 

 

Ça dépend

 

il dormait sur un cintre

tel un habit usé

qui pend

ventre vidé

blanc comme un singe

du passé

 

ça lui donnait des idées

il rêvait de fleuves insurgés

de lentes chevauchées

de lanciers

il en était traversé

 

se posaient des questions

toutes bien armées

où donc la vie est-elle allée

 

à son revers lui répond une fleur

une fleur rouge sang

émue c’est moi dit-elle

toute rouge

je suis là

 

il l’avait caressée

 

 

 

 

Parabole

 

la nuit, lampe allumée

une parabole se dessine sur le mur

là où l’ombre finit, s’achève aussi la lumière

ligne incertaine, inexistante

lieu de silence entre ce qui fut et sera

ainsi tes jours

 

 

 

 

Faits dits vers

(sotie)

 

ce matin

un tapin

a tué un masseur

 

et ce soir

un rasoir

égorge un casseur

 

à midi

un caddy

culbute un passeur

 

au coucher

un boucher

découpe un chasseur

 

mais

 

à pas d’heures

un p’tit beurre

régale ma sœur

 

 

 

 

Regarde bien

 

Hitler ne pouvait pas mourir, mon cœur

il est toujours là

on nous annonçait son suicide, nous ne pouvions le croire

il ne pourrait disparaître

son ombre est là, présente alentour

 

enseveli même dans la fosse il reviendrait

il revient toujours

nous avions raison d’émettre un doute, tu te souviens

il a reparu

il reparaît toujours

 

on le chasse, on le chasse il revient

par la porte on le chasse il revient par la cave

par les profondeurs des âmes tordues des humains

des âmes torturées des humains

 

regarde bien, regarde, jusqu’au fond de toi regarde

tu vois bien qu’il est là, on ne l’aura pas tué

il se sera raté

tu souris, tu dis c’est ridicule, tu te retournes

il était derrière-toi

 

il se tient au coin d’un mur, où sont écrits ses cris

plus loin il a laissé sa marque

il a laissé sa marque sur les tombes paisibles des gens

regardes-tu les signes que tu l’entends hurler

  

et son cri les attire

il attire les chiens galeux qui veulent lécher le sang

sur terre lécher le sang des gens

ils le savent bien, eux, qu’il est là

hyènes qui rient ils tueront

 

vois-tu mon cœur

Hitler ne pouvait pas mourir

 

 

 

 

Au peuple démuni

 

ce qui est dans ton cœur est plus grand que la mer

c’est pourquoi tu fais peur, ô peuple démuni

à toi-même tu fais peur

car au bout de ta nuit crèvent les veines, coule le sang

quand devant toi le monde devient rouge

quand ton désir est grand

quand tu ouvres les portes à ton envie de vie

à ton rêve, ô nuit

et tu ne sais alors ce que tu enfantes

vers où t’emportait ton ennui

 

chante ô ma nuit quand le rêve se lève

quand se tient près du lit l’esprit qui te veillait

c’est ton plexus qui cède et fait mourir l’angoisse

elle s’évanouit

te voici comme une veste ouverte qui habite le monde

et veut le revêtir

ton désir est un cogneur, et c’est lui qui te frappe

c’est lui qui s’écorche les mains

et s’il t’a mené un jour vers toute justesse, il s’en va 

qui peut le retenir ?

 

 

 

 

Ce qui venait

 

la femme regardait au loin, elle s’était redressée

penchée vers la terre on ne voit que la terre

on ne voit que l’outil pour sarcler

et les pieds

 

les pieds sont importants, il n’y a pas que la tête

elle se le dit souvent

avec les pieds tu te poses, tu avances

tu vas chercher de l’eau, il n’y a pas que la tête

 

tu vas chercher de l’eau, le vase sur la tête

et tu portes l’enfant bien calé sur le dos

et tu avances

les pieds te portent, et pour aller où ?

 

mais cette fois elle s’était dressée, redressée

debout on voit plus loin

on voit loin, la tête dégagée, le cou délassé

et la femme debout voyait la tempête qui venait

 

le sable se soulevait, les branches se tordaient

là-bas, et ça venait

et la femme a souri, elle a souri et elle a dit

tendez toutes les toiles, l’eau va tomber

 

puis elle a regardé, elle a bien regardé

elle a vu ce qui venait, la tête droite et le regard

le regard lavé