(Jean
Alexandre)
Dans le Nouveau Testament, pour porter le
message, c'est d’un mode de communication déjà bien connu à son époque qu'il
s’agit : l’évangile, éuaggélion,
proclamation d’une information heureuse.
C’était entre autres ce que pouvait déclarer
le héraut d’un roi lorsqu’il venait annoncer à une cité la décision qu’avait
prise ce roi de l’honorer d’une visitation. Cette communication-là n'était pas privée,
elle était publique. Entièrement civique (latin civitas), politique
(grec polis), et donc publique. Car que fait le héraut, venu d’ailleurs
? Il se rend sur le lieu du pouvoir local ou sur la place publique, l’agora
grecque, le forum latin, la "Porte" sémitique. Puis il tient
un discours.
Pour moi, on peut proposer un modèle simple
(quoique susceptible de nombreuses variations) à son discours. Je pense que ce
modèle, que je reconstitue à partir d’éléments bibliques, est lié aux
conditions économiques, sociales et politiques des formations sociales
sub-asiatiques ou proche-orientales, et ces conditions ressemblent à ce que
l'Occident, toute chose égale par ailleurs, désigne du nom de féodalité. Si
bien que le discours du héraut peut être compris – plus ou moins bien – tout
autour de la Méditerranée, de Mésopotamie en Scandinavie, de quelques
millénaires avant le Christ jusque vers le XVIIIème siècle de notre ère. Je
parle par simplification.
Discours du héraut :
Hommes de la Cité (et c'est
une affaire d'hommes, non de femmes ni d'enfants), voici : Le Grand Roi s'est
approché ! Il vient vous visiter, en majesté.
Vous auriez tout à craindre
de sa venue, de ses armées, de sa puissance, de sa colère.
Vos biens, vos femmes, vos
jeunes gens, vos jeunes filles, vos troupeaux, votre cité : il peut tout
prendre, tout détruire, tout avilir. Et à bon droit. Car vous l'avez forcément
outragé…
Mais il est votre suzerain.
Il tient à vous. Il vous fait grâce. Il avance le sourire aux lèvres. Vous lui
devrez tout. La vie, la prospérité, la protection : le Salut en un mot.
Voici : une nouvelle ère de
bonheur !
Répons de la foule :
Sauve-donc, Seigneur,
sauve-donc ! (Hosanna !)
Le héraut :
Venez accueillir votre roi.
En ce jour, il guérira toute maladie (sinon toutes, au moins l’une d’elles :
que diriez-vous des écrouelles ?)
Venez lui présenter votre
entière soumission et le tribut qu'il attend de vous.
Venez recevoir de sa bouche
la loi nouvelle, le renouvellement de l'édit qui vous fit ses vassaux, toutes
les prescriptions qui vous feront vivre et non mourir !
Venez recevoir votre Salut.
Telle est aussi, à l’occasion, l’annonce du
prophète hébreu, porteur de la Parole. Car le Seigneur-Dieu est toujours
susceptible de visiter (lifqod) son peuple, de contrôler alors la
fidélité de ce dernier à ses lois. Il le fait de bien des manières… dont la
plupart des conséquences sont assez éprouvantes, allant jusqu’à la
déportation ! D’où l’expression de cette crainte : « Ne nous
mets pas à l’épreuve ! », prière juive reprise par Jésus dans le
Notre Père.
Dans le malheur, inversement, on lui demandera de se souvenir de son peuple en venant à son secours, lui qui s’est engagé par serment d’alliance seigneuriale à le faire.