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Vos réactions : jean.alexandre2@orange.fr

Mes réponses 

 

 

 

 

 

Jésus de Nazareth revisité

 

 

 

Deux textes parus dans le mensuel Mission :

Jésus disparu, flotte un sourire

Jésus la fête ?

 

 

 

 

Jésus disparu, flotte un sourire

 

 

Pourquoi cette impression que souvent... il sourit ? Lisez les évangiles,

lisez-les pour vous, les quatre, d’un bout à l’autre, de préférence à mi-voix,

, et vous constaterez que jamais, pas une seule fois, on ne vous y rapporte

qu’il a souri – et ri, encore moins ! Pourtant vous le savez, vous le sentez,

il souriait, et souvent.

Souvent, mais pas toujours, et plutôt moins qu’on aimerait. Lisez,

et par les yeux de l’esprit, vous le verrez froncer les sourcils, gronder,

se fâcher, se lamenter, injurier, ordonner, pleurer, que sais-je encore ?

Tout cela bien plus souvent que sourire... et rire, n’en parlons pas.

Et souvenez-vous que lorsqu’il dit Heureux..., c’est pour ajouter, simple

exemple : ... ceux qui pleurent ! Soyez dans l’allégresse, dit-il, et l’on

ne demande pas mieux, mais en voici la raison, bien peu ludique : on vous

outragera, on vous persécutera... car c’est ainsi qu’on a persécuté les

prophètes d’avant vous. Non, il est plus souvent triste ou coléreux que

réjoui.

D’ailleurs pour les réjouissances, avec lui, quand il y en a c’est pour

plus tard. C’est pour quand le Père vous recevra, les bras ouverts, et fera

pour vous égorger le veau gras. C’est pour quand vous la trouverez, la perle

rare, ou ce trésor dans votre champ. C’est pour quand les anges se réjouiront

de vous voir enfin, pauvre pécheur, changer de mentalité (on appelle aussi cela

conversion) au milieu de tous ces justes qui ne sont là que pour la figuration.

Avec lui, on ne se réjouit que dans le règne de son Père. Pour ici et maintenant,

et si ce règne n’y règne pas : point d’allégresse... Circulez ! Est-ce là tout ?

Mais que vous faut-il de plus ? On vous tend le bonheur de Dieu à portée

de votre vie, et vous faites la fine bouche ? Pourtant, il vous semble peut-être

que cela ne vaudra que si, en même temps, ne serait-ce qu’un court moment,

règne un sourire. En sorte que le règne des cieux soit aussi le règne véritable

de l’humain. Que le Fils de Dieu soit aussi le Fils de l’homme.

Or les temps étaient mauvais. Très. Ce n’était pas le temps de rire. D’un côté,

Dieu y était écrasant, sourcilleux, pensant toujours à mal, toujours là à vous

coincer à la moindre peccadille, terrible en son Jugement. C’est du moins ce

qu’on vous affirmait. Et de l’autre côté, César avait la lourde taxe extrêmement

facile, et Pilate, son argousin, rendait la crucifixion très tendance. Quant à la vie

courante : faim, maladie, misère et humiliation pour le plus grand nombre, et

l’arrogance de quelques-uns. Plus, il est vrai, de beaux monuments, ce qu’on

appelle la civilisation romaine. Mais pas de quoi rire.

C’est le Jésus de ce monde-là, pris dans le combat qu’il perdra, dont les

évangélistes rapportent les traits tristes et sévères. Ou plutôt : qu’ils montrent

terriblement concentré, c’est le mot le plus précis, je pense. Concentré sur sa

mission. Ceci à chaque étape, à chaque rencontre, devant chaque visage rencontré,

chaque question posée, chaque adversaire démasqué, chaque misère transformée,

transfigurée. Allez donc rire après cela... Les évangélistes vont au plus juste, au

plus pressé, au plus précis.

Et pourtant vous savez bien qu’il souriait. Tenez : pendant la noce, quand il

répond en substance à sa mère : « Femme, occupe-toi de tes affaires », avant de

faire ce que justement elle lui suggère... Ou devant la Samaritaine, au puits de

Jacob ! Quand il joue sur les mots, à propos d’une eau qui n’est pas comme l’eau.

Ou après la réplique de la Syro-Phénicienne, son histoire de petits chiens sous

la table... Ou face à ce jeune homme riche, juste à ce moment où celui-là lui dit

qu’il a tout fait, tout appliqué, qu’il a obéi à tout et que pourtant... Oui, à ce moment

l’évangéliste vous dit que Jésus l’aima – c’était avant que l’autre en voie le

prix, de cet amour, et le refuse et s’en aille tout triste. Et là, après, vous savez

bien que Jésus ne sourit plus.

Alors oui, votre impression est juste, c’est souvent qu’il souriait, malgré tout.

Et c’est un grand mystère, cette façon qu’ils ont, vos évangiles, de vous le faire

savoir sans jamais vous le dire. Comment font-ils ? Est-ce, de leur part, du grand

art, ou bien tout simplement – mais là vous tiendriez la clé d’une de ces questions

sans réponse que posent tous les exégètes – c’est que le Jésus historique, celui

en chair et en os, avant le Jésus de papier, était ainsi, lui, en vérité, tellement

concentré de tendresse que le sourire, sous l’encre des écrits, passe jusqu’à vous,

sourd comme l’eau de la source sous la roche, et vous atteint, et vous dessoiffe.

Il souriait.

Et aujourd’hui, longtemps après son départ, son sourire flotte encore (c’est

le genre de choses que Lewis Carroll, ce fils de pasteur, savait conter à la petite

Alice...). Il souriait malgré tout. Et vous l’aimez pour ce sourire, tout autant et

en même temps que pour sa souffrance qui le donne à vous.

Cependant, ne parlons pas trop facilement de ce sourire. On a trop parlé

d’humour, à son propos. Par exemple : Rendez à César ce qui est à César et à

Dieu ce qui est à Dieu, adressé à des gens qui ont dans le porte-monnaie la figure

de César bien apposée sur leurs doublons sonnant et trébuchant, certes, cela

fait humoristique. On se dit qu’ils en prennent plein la poire, à la grande joie

des miséreux d’alentour. Peut-être. Mais lui, est-ce qu’il sourit, là ? Non. Relisez

encore – à mi-voix de préférence car on voit mieux quand on entend –, relisez

tout Matthieu par exemple : l’un des mots qui lui viennent le plus souvent ?

Hupokritaï. Un mot qu’à tort on francise en « hypocrites » alors qu’il signifie

bien plutôt « imposteurs ». On est au centre d’une immense imposture. Tel est

ce monde et tels sont ces gens. Pas de quoi rire, même si le populo a bien raison

de s’esclaffer, malgré tout, quand tombent les masques des pitres qui le terrorisent.

Mais lui ne ricanait pas. Et s’il souriait, c’était dans une autre sorte de distance

que celle de l’humour. Celle de la tendresse.   

 

 

 

 

 

 

 

Jésus la fête ?

 

 

Jésus fêtard...

Le troisième jour, on a fait la noce.

Noce paysanne, provinciale, cela se passe dans un bourg, dans la partie

galiléenne de la province romaine de Syrie, il y a longtemps.

Et au troisième jour, un mariage a eu lieu, dans Kana de la Galiléenne

(Jean 2).

On connaît l’histoire. Elle a un côté farce, mais, bien qu’éméchés, vers la fin

du banquet, les invités sauront distinguer la bonne surprise qu’on leur a préparée :

le meilleur des vins. Hourras, chansons (Il est des nô-ôtres, il a bu son verre

comme les au-autres), à bas les buveurs d’eau et les pisse-vinaigre...

Celui qui s’en choquerait, qu’il lise ceci :

Ses yeux rouges

de vin

et ses dents blanches

de lait.

Il s’agit du messie, fils de David fils de Juda, qui attache son âne à la vigne,

et au meilleur cep le petit de son ânesse (Genèse 49 ; Matthieu 21).

Au troisième jour !

Le premier jour, à l’inverse, il a été immergé de mort, dans la fadeur de l’eau :

Moi j’immerge dans l’eau, dit Jean-l’Immergeur en ce tout premier jour (Jean 1).

Tel Jonas, son voisin galiléen, le messie a sombré :

L’eau m’a englouti

jusqu’au souffle

un abîme m’environne (Jonas 2).

Mort. Mais le troisième jour est jour de fête : fête de l’agneau, grande fête

(aïd el kébir ?) bien arrosée, non de cette eau mortelle, mais de bon vin. Et riche

de bonne chère.

Ainsi parlent les disciples de Jean (Matthieu 8) : Pour quelle raison, nous,

comme les pharisiens, nous faisons le jeûne, et tes disciples ne font pas

le jeûne ?

Jésus leur répond : Les gens de la noce ne peuvent pleurer tant que le marié

est avec eux. Et viendront des jours où le marié leur sera enlevé, et alors ils

pleureront. Et personne (...) ne verse un vin nouveau dans des outres vieilles,

et sinon, eh bien elles se déchirent, les outres, et le vin se déverse, et les outres

sont perdues. Mais on verse un vin nouveau dans des outres neuves.

C’est qu’il y tient, à son vin nouveau, le marié ! Mais c’est aussi que la sagesse

consiste, non à gémir, mais à fêter sans retenue, avec qui le voudra bien, le grand

œuvre du messie : Car Jean est venu, qui ne mangeait pas, qui ne buvait pas.

Et l’on disait : "Il a un démon". Le fils de l’humain est venu, qui mange et qui

boit, et l’on dit : "Voici un glouton, et un ivrogne, un ami des collecteurs et des

fautifs". Mais elle a été justifiée, la sagesse, par ses actes, elle-même (Matthieu

11). Mais combien de gens ont vu sans voir, entendu sans entendre, tous ces actes

qui apportaient le bonheur : Malheur à toi, Khorazîn, malheur à toi, Bethsaïda,

car si, à Tyr ou Sidôn étaient advenus les actes de puissance qui sont advenus

chez vous, depuis bien longtemps, sous le sac et la cendre, elles auraient changé

de voie.

Tenez, voyez ces gens qui s’apprêtent à célébrer un enterrement, dans l’attente

qu’on annonce sa mort, à la petite fille Israël (Amos 5 ; Marc 5). Et comme ils

se moquent, quand on leur dit qu’elle est vivante. Car ils se moquent qu’elle

soit vivante. La musique du deuil est déjà prête. De quels rires, de quels cantiques

s’agit-il ? Ils ne croient qu’à la mort. Mais voici celui qui ne veut dire jamais que

ceci : Heureux ! Car, dit-il, elle est vivante, il suffit qu’elle s’éveille et se lève.

Tel est ce fêtard. Il célèbre la vie. Et il n’oublie pas de dire qu’on lui donne à

manger, à douze ans, à la petite nubile, car un jour elle aura un mari et des enfants,

comme la dame qui vient d’être guérie. Et un jour viendra la noce !

Ce banquet, cette fête, ces noces, il en a plein la bouche. À quoi, selon lui, va

ressembler le règne de Dieu ? C’est un roi qui célèbre des noces, c’est un patron

qui offre un grand banquet, c’est un père qui fait tuer le veau gras... Ripailles. Il

en salive d’avance. Mon Dieu quels plaisirs il nous promet, devant quelles tables

il nous met. Notre coupe déborde. Telle est celle que nous, nous devrons boire...

Mais avec n’importe qui... et là le bât blesse. Oui, collecteurs de taxes impies, et

fautifs quant à la loi des gardiens du temple. Chômeurs en fin de droits, ou presque :

à la dernière heure. Tous, tant qu’ils sont, puants et suants, purulents et virulents,

songes creux et ventres vides. Et que de beaux habits, qui les attendent pour la

fête, seront gâchés là. Ah la bonne et honnête tête du pire des truands, repenti,

sous ses cheveux lavés et parfumés, tels la barbe d’Aaron !

Qu’il est doux

d’être frères aussi ensemble  (Psaume 133).

Pouah ?

Mais avec lui, soit c’est la fête, soit la géhenne : à choisir ! Alors courez à ses

invitations. Il est comme son père, il n’aime que les pécheurs (ça tombe plutôt

bien en ce qui me concerne).

Oui, le troisième jour, grande fête dans les cieux et sur la terre. Le fils de

l’humain épouse la jeune fille que l’on croyait promise à la mort. Encore une

Sulamite, une rose de Saron ? (Cantique des Cantiques).

 

... Jésus la fête !

Hosanna !, qu’ils chantent : Sauve-nous, ô toi, fils du grand roi ! Car les

nations sont en tumulte, les peuples agitent de vaines pensées, les rois

de la terre se soulèvent et les princes se liguent. Mais celui qui siège dans

les cieux s’en moque, il a consacré son roi, et il lui dit :

Mon fils c’est toi

Moi

aujourd’hui je t’ai engendré

demande-moi

et je te donnerai des nations

en héritage à toi (Matthieu 21 ; Psaume 2).

Et le roi entre dans sa bonne ville. Avec cet âne et cet ânon.

C’est la fête. Seulement avec des hosanna de l’Antiquité ? Non, car qui verrait,

ici et aujourd’hui, se lever l’astre d’une puissance chargée de faire régner justice

et justesse, parmi nous, se joindrait à la foule pour acclamer, chanter, danser, sur

les places où s’élèvent les statues de la liberté, de la nation, de la république,

du peuple. Les cloches de Notre-Dame tinteraient, elles se mêleraient, d’un côté

à celles de la Bonne Mère, et de l’autre, à celles du Beffroi. Tyrans, descendez

aux enfers. Parcours des Champs-Élysées, roses rouges au Panthéon, feux

d’artifice, voix de Jessie Norman, patrouille de France, Liberté, liberté chérie...

Hosanna.  

Puis c’est enfin le jour de la vraie Fête (Matthieu 26). Le fils du roi s’en va

chantant : psaumes de la montée, hallel. Il a fini son pèlerinage, on va manger

la pâque, finie la servitude, il est la fête paisible de ceux qui sont debout, à se

partager le pain et le vin de la vraie liberté. Qui ne va pas sans amitié. Dans la

chambre haute, la fête est au fond des cœurs, emplis de souvenirs : comment

le vieux pharaon a été noyé, comme on chante à Harlem (Old Pharaoh, he get

drowned, get drowned, get drowned) ; comment, au Sinaï, la loi des hommes

libres a été donnée ; comment la libre terre du Seigneur Dieu a été donnée aux

simples gens, non plus aux seigneurs mortels, aux seigneuries passagères ; et

comment c’est un roi de justice qui doit régner.

Mais la vraie fête, déjà, était apparue, avait circulé, depuis quelques temps, dans

la campagne galiléenne et au-delà : Et il a circulé dans toute la Galilée, il a

enseigné dans leurs lieux de réunion. Et il a proclamé l’annonce de paix

du Règne, et il a guéri toute maladie et toute infirmité dans le peuple. Et sa

renommée est parvenue dans toute la Syrie, et ils lui ont présenté tous les

malades, qui étaient par toutes sortes de maladies et de tourments accablés :

possédés de démons, et lunatiques, et paralysés. Et lui, il les a guéris. Et

l’ont accompagné des foules, nombreuses, de la Galilée, et de Décapole, et

de Jérusalem, et de la Judée, et d’au-delà du Jourdain (Matthieu 4).

C’est là qu’il a vu les foules, et leur malheur, et qu’il est allé dans la montagne

pour dire : Heureux, les pauvres à l’esprit, car de ceux-là est le règne des

cieux. Heureux ceux qui pleurent, car ceux-là, ils seront consolés. Heureux

les doux, car ceux-là, ils hériteront la terre. Heureux les affamés, et assoiffés,

de ce qui est juste, car ceux-là, ils auront à satiété. Heureux... 

Non, la fête ce n’est pas toujours le feu d’artifice et les flonflons, ni le veau gras

du père aux bras ouverts : c’est peut-être la paix d’un regard de vieux, assis dans

l’herbe maigre d’une cour, dans un village de planches et de tôles, et qui apprend

à lire avec son petit-fils, le morveux, là, cul nu, et aussi avec sa fille, elle déjà

grosse d’un autre petit. Heureux, oui, car ils ont un avenir promis, c’est écrit dans

le Livre, sans cela est-ce qu’ils se bougeraient ? Est-ce que, dans la poussière,

commencerait à s’élever la première classe d’une école, ou s’installer le moulin

à mil, ou se creuser un puits ?

Cela, tu le verras près de Managua, peut-être, ou vers Atakpamé, ou du côté de

Taegu, ou encore de Manankavaly... si tu y vas, simple porteur de fraternité.

Quelqu’un est passé là, à hauteur de chemin de terre, bien avant toi, et il a mis

sur les montants des portes un signe de vie et d’amitié. Pour une éternité.

Heureux sont ces pauvres de la terre, même s’il leur est demandé bien plus,

en poids de peine et de combats, qu’à tous ces autres qui les dominent.

C’est du moins ce qu’on apprend quand, au-delà du sanglot de l’homme blanc,

au-delà de la mauvaise conscience de l’Occident, de l’occidant (du verbe occire,

j’insiste), de l’oxydant – oui, d’accord, c’est vrai, nos pères et nos mères ont été

criminels, et nous le sommes nous aussi de jouir des fruits de leurs rapines –,

et par-delà le besoin d’être charitable qu’éprouve le riche, désir d’avoir le

monopole du cœur plutôt que le sens de la justice, oui, par-dessus tout cela,

ce que l’on apprend, c’est que les pauvres sont rois, quand ils ont décidé de

combattre les vraies causes de leurs souffrances. Parce qu’eux seuls connaissent

la vérité.

Heureux les pauvres, car la fête n’est pas toujours ce que l’on croit.  

 

Ou le trouble-fête

Heureux, donc, soient-ils. Et malheur à toi, Babylone la grande, cela aussi est la

fête (assez d’angélisme !), quand le règne de justice et de justesse te met cul

par-dessus tête. On n’est pas là pour rigoler, on est là pour voir le défilé de ces

fautifs, de ces crédules trompés par l’apparence de l’avoir, du pouvoir et du savoir.

Malheur à vous, scribes et pharisiens, imposteurs ! Parce que vous fermez

le règne des cieux devant les gens. Car vous, vous n’entrez pas, et ceux qui

entrent non plus, vous ne les laissez pas entrer. Or le règne des cieux, déjà,

s’est approché, il est tout près de votre cœur. Ici même.

Demande-moi

et je te donnerai des nations

en héritage à toi

et ton domaine

les confins de la terre.

Tu les écraseras

d’une barre de fer

comme une poterie tu les mettras en pièces.

Et maintenant

rois usez de raison

prenez garde

juges de la terre.

Servez mon Seigneur dans la peur

et réjouissez-vous

en frissonnant.

Embrassez le pur

qu’il ne s’irrite

et vous perdrez le chemin

car sa colère pour un peu sera en feu.

Bonheur

à tous ceux qui en lui ont refuge (Psaume 2).

C’est le cœur de la prière biblique. Expression d'une lutte, d'un combat permanent.

Pour la justice de Dieu contre l'injustice du monde. Ce combat n'est pas dans

les idées, il oppose des personnes, des peuples et des puissances. La vie de Jésus ?

Une lutte contre le Prince de ce monde. Contre les puissances des ténèbres,

du mal, de l’erreur, de la violence injuste, de l’oppression la plus insidieuse, celle

qui s’attaque aux capacités de résistance et de résurrection. Dans les psaumes,

cette lutte oppose souvent le peuple élu et les nations païennes, le juste fidèle

et les impies. C'est comme une parabole : elle dit que vouloir la défaite du mal,

c'est préférer aussi qu'il n'y ait plus de mauvaises gens. On ne peut vouloir autre

chose. Jésus l’a voulu lui-même. Ses malédictions sont aussi fortes que celles

des psaumes. On ne peut se retirer du combat. Jésus ne l'a pas fait, il en est mort.

Oui, un combat. Or la ligne de front passe d'abord au-dedans de soi-même. Les

imprécations et les malédictions tombent sur la part de soi-même qui résiste au

Règne de Dieu.

C’est ce qu’Hérode le Grand n’a pas accepté. Les prophètes avaient annoncé la

fête :

Voici la jeune femme

a conçu

et elle enfante un fils

et elle appellera son nom

Avec-nous-Dieu (Ésaïe 7).

Or la fête annoncée est en réalité celle de la venue du trouble-fête ! Quand les

Mages disaient : Où est le nouveau-né, roi des Judéens ? Car de lui, nous

avons vu l’astre, dans le Levant. Et nous sommes venus nous prosterner

devant lui, alors, le roi Hérode a entendu, il a été bouleversé. Et tout

Jérusalem avec lui (Matthieu 2). Et pour cause : Jérusalem, Jérusalem,

qui tues les prophètes, et qui lapides ceux qui te sont envoyés ! Combien

de fois j’ai voulu rassembler tes enfants, à la manière d’une poule, qui

rassemble ses poussins sous les ailes ! Et vous n’avez pas voulu... (Matthieu 23).

Ils méditaient de le faire périr. Dès le début. Il est à peine né que déjà, il va gêner,

un combat est mené contre le danger qu’il représente. Et pour ce combat il existe

un arbitre. Non pas le Père céleste, mais le peuple. Ils avaient peur des foules.

Et quand on dit le peuple, les foules, dans les évangiles, il s’agit toujours – ou

presque – de ceux qui ont bien connu tel ou telle à qui "le fils de l’humain" a

prodigué nourriture ou guérison. Presque toujours il s’agit de ces foules prostrées

qu’il a requinquées. Fatiguées et chargées, porteuses de tous les jougs imaginables.

Le massacre des innocents de Bethléem n’est pas un accident, une exception, c’est

la règle : ils font déjà peur, et pourtant que pèsent-ils ?

Noël trouble-fête : c’est un comble.

Cette nativité misérable fêtée, entourée des vives illuminations du négoce, c’est

plus un contresens qu’un blasphème : l’enfant-roi vient vous détruire, rois des

marchands, comme Carthage, comme la Jérusalem de l’an 70. Arrêtez, malheureux !

 Souvenez-vous du cantique de Marie : Le puissant – et saint est son nom, et sa

 miséricorde, d’âges en âges, est à ceux qui le craignent – une puissance a agi

par son bras. Il a dispersé ceux qui s’enorgueillissent, en pensée, dans leur

cœur. Il a fait descendre des trônes les puissances, et il a relevé les humbles.

Ceux qui ont faim il a comblés de biens, et ceux qui sont riches il a renvoyés

vides (Luc 1).

Bien sûr, le premier jour, un très long jour, vous allez le trahir, le livrer, le punir,

le rejeter, le harceler, le pendre, le clouer. Juifs ou Grecs, prêtres ou officiers,

foules chargées d’emplettes ou marchands de canons, tradeurs ou petits porteurs,

hommes ou femmes, chacun, en votre cœur. Et il mourra, remplacé par une image

pieuse, sauf, un jour ou l’autre, dans le souvenir des pauvres de la terre.    

Mais au troisième jour (un dimanche), on fait la noce ! 

 

 

 

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