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dimanche
Ce sont des remarques sur le texte d’évangile des
dimanches
de trois années liturgiques types : Matthieu,
Marc et Luc,
selon la liste de la Fédération protestante de
France.
Cette année est une année
« Matthieu ».
N.B. :
Ce ne sont que des notes de bas de page,
illisibles et sans intérêt en tout cas
si l’on n’a pas d’abord lu le passage des
Écritures concerné.
Pour aller à :
une année « Matthieu »
une année « Marc »
une année « Luc »
une année « Matthieu »
Années « Matthieu »
(ici,
2010–2011)
Premier dimanche de l’avent
Le Fils de l’humain vient
Évangile selon Matthieu,
chapitre 24, versets 37 à 44.
(Psaume :
122 – Ésaïe 2, versets 1 à 5 – Épître de Paul aux Romains 13, versets 11 à
14)
À l’époque, le cataclysme
soudain est synonyme de fin de l’éon en cours,
tout comme le déluge de
Noé inaugurait un nouvel éon, celui de notre histoire actuelle.
Question centrale de la pensée
apocalyptique : qui entrera dans l’éon à venir ?
Il faut attendre la fin du
chapitre 25 pour comprendre le critère de choix.
Cette pensée ignore le débat
qui opposera la grâce et le mérite.
Elle suppose ici que l’éon à
venir est le dernier des Règnes, le Règne de Dieu.
Tout le chapitre est consacré
à ce thème, lié à l’annonce de la fin du temple,
premier événement de la
Fin et annonce de la venue du Fils de l’humain.
L’humain enfin véritable, le
nouvel Adam :
Fils d’Adam, fils de Dieu,
écrivait Luc (3.38).
Comme un fils d’humain
descendant des cieux (Daniel 7.13).
Dans le temps de la fin, à la
durée inconnue, il faut être prêt, agir dans la justesse.
Changez de sens
Évangile selon Matthieu,
chapitre 3, versets 1 à 12.
(Psaume
72 – Ésaïe 11, versets 1 à 10 ; Epître de Paul aux Romains 15, verset 4 à
9)
On s’arrêtera sur quelques
termes :
"Convertissez-vous",
c’est-à-dire "changez de sens" :
à la fois direction,
perception et signification (orientation et compréhension).
Il ne crie pas dans le désert,
il crie ceci : « Dans le désert, etc. »,
car ce peuple vit dans
un désert – absence de sens, d’espoir, de justesse.
Baptiser, ici, c’est noyer
dans l’eau les pénitents et les ramener purifiés à la vie :
dans un souffle (un
esprit) c’est les redéfinir, dans un feu, les refondre.
Confesser ses péchés :
reconnaître que l’on vit dans l’injustesse,
Le "péché" (hamartía)
est une erreur, sur le "sens" de la vie, plus qu’une faute.
Pharisiens (séparés) et
sadducéens (justes) : partis dominants mais opposés.
"Pierres",
"enfants" : eben et ben (hébreu) ; jeu de
mots plein de sens :
les deux permettent de
bâtir dans la durée.
Évangile selon Matthieu,
chapitre 11, versets 2 à 11.
(Psaume
146 – Ésaïe 35, versets 1 à 10 ; Epître de Jacques 5, verset 7 à 10)
Jean-Baptiste parle de
l’avenir et conseille de s’y préparer.
Cet avenir qu’on espère est
Celui qui ouvrira la porte du Règne à venir.
Cécité, surdité, boiterie,
lèpre sont des perversions de la Création bonne.
La misère aussi, comme chez
les prophètes, cette liste étant tirée
du livre d’Ésaïe : Ancien
et Nouveau Testaments, même combat…
La bonne nouvelle est
l’annonce du Règne : justice/justesse,
paix et bonheur véritables :
qui peut chuter (skandalisthè)
en voyant des pauvres croire à
la justice, cette promesse du Nazaréen ?
Si Jean est le plus grand,
c’est que lui seul est arrivé tout au bord du Règne.
La logique est temporelle,
liée au basculement des temps :
Jésus est déjà de l’autre
côté, et à sa suite, le plus petit dans le Règne de Dieu,
passé dès aujourd’hui
dans le monde heureux, est allé plus loin que Jean.
Évangile selon Matthieu,
chapitre 1, versets 18 à 25.
(Psaume
24 – Ésaïe 7, versets 10 à 16 ; Épître de Paul aux Romains 1, verset 18 à
25)
Ne pas sauter tout de suite à
l’Esprit Saint de nos traductions et traditions :
Le texte : elle s’est
trouvée enceinte par un souffle saint,
et : ce qui est
engendré en elle est d’un souffle, un saint.
Noter l’indéfini, cet esprit
venu de Dieu n’est pas encore circonscrit.
Certes, pneũma
signifie aussi bien esprit que souffle, mais recevoir d’abord
l’image,
physique : un être
habité par la puissance d’un souffle nouveau.
Dans Ésaïe, non la vierge,
mais la jeune femme.
Ici, il y a plus que l’avenir
promis à Israël par Ésaïe : cette citation aménagée
établit le lien entre le passé
d’Israël et le messie nazaréen, mais aussi la nouveauté
radicale de "l’annonce
seigneuriale" (euaggélion, évangile) qui apporte la paix.
On est vers 80, en milieu
juif, le rôle principal est confié à Joseph, un homme
qui descend du roi
David ; la place éminente de la jeune femme n’apparaîtra
que vers 100, au sein d’une
culture moins judéenne, dans l’évangile de Jean.
Évangile selon Matthieu,
chapitre 2
(Samedi :
Psaume : 98 – Ésaïe 52, versets 7
à 10 – Épître aux Hébreux 1, versets 1 à 6)
(Dimanche : Psaume 128 – Proverbes 23, versets 15 à 26 ; Epître de Paul aux Colossiens 3, versets 12 à 21)
Non des rois, mais les grands
savants de l’époque, sages liant sens et savoir.
Un astre nouveau paraît,
observé à son lever (plutôt qu’à l’Orient, même mot grec),
signe d’une ère
nouvelle à l’échelle de l’univers. Ces mages sont des voyants
qui font de la prospective
géopolitique.
Hérode et le Tout-Jérusalem,
sans voix, gelés dans l’éternelle logique tordue
de l’empire (Hérode,
mort en – 4, féal des empereurs romains).
Matthieu arrange les citations
et les datations pour établir le lien entre Jésus
et le roi David d’une part
(Bethléem), lien positif de filiation,
Jésus et le roi Hérode d’autre
part, lien négatif d’opposition.
Au cœur de cette histoire à
portée mondiale : le massacre – croix qui donne sens,
signifiant l’ambiguïté
foncière de l’être humain, pris entre sagesse et violence.
Bethléem, ville du roi-messie
David, et la Judée deviennent centre de ce monde-là.
Mais si le récit concernant le
massacre donne son sens à la naissance du messie,
l’inverse est vrai, selon une
figure de style typique des Écritures : en sandwich.
Car le messie entre dans
l’histoire réelle de l’espèce humaine, celle de la violence,
dans le camp des
perdants.
L’Égypte, image
complexe : terre de refuge, mais aussi lieu typique de la diaspora
juive de l’époque (école d’Alexandrie)
et icône de l’Empire à haïr (ainsi Cléopâtre,
amie d’Hérode). Dans
l’évangile selon Mathieu, le retour entame une sorte de
pèlerinage pascal : le
parcours de Jésus partant de l’exil dans la violence, pour en
arriver au sacrifice à
Jérusalem.
Dimanche 2 janvier 2011
Sorti d’une Égypte
Évangile selon Matthieu,
chapitre 2, versets 19 à 23.
(Psaume
72 – Ésaïe 61, verset 10, à 62, verset 3 ; Epître de Paul aux Éphésiens 1,
versets 3 à 6, et 15 à 18)
Le messie, donc, entre dans
l’histoire réelle de l’espèce humaine, celle de la violence,
dans le camp des
perdants. Ici, dans le camp des migrants et des réfugiés.
L’image de l’Égypte, dans la
Bible, est complexe. Elle est terre de refuge, certes,
mais aussi lieu typique
d’une diaspora juive assez libre à l’égard des courants
identitaires revendiqués par
les écoles présentes en Judée à l’époque (pharisienne,
par exemple) : l’école
d’Alexandrie tente de faire communiquer la tradition biblique
avec la philosophie grecque,
d’où la traduction en grec (Septante) de la Bible hébraïque.
Plus traditionnellement, l’Égypte
est aussi, depuis l’Exode, l’icône de l’Empire à haïr
en tant que système despotique
païen (noter que Cléopâtre est l’amie d’Hérode…).
Dans l’évangile selon Mathieu,
le retour de Jésus en terre israélite entame
une sorte de long pèlerinage
pascal qui part de l’exil, dans la violence et l’impureté,
pour aller jusqu’au sacrifice
de la croix à Jérusalem.
Dimanche 9 janvier 2011
Un nouveau souffle
Évangile selon Matthieu,
chapitre 3, versets 13 à 17.
(Psaume
29 – Ésaïe 42, versets 1 à 9 ; Épître de Paul aux Romains 12, versets 1 à
8)
Baptême :
pour un changement du sens de la vie, un retournement,
il faut une mort de
l’être antérieur – on est ce qu’on a vécu – on naît à ce qu’on va vivre.
Jean sait qu’il devrait lui aussi
entrer dans la nouvelle ère à vivre.
Ce qui est juste
(justesse) : une histoire nouvelle doit avoir un début.
Se départir de toute
conception essentialiste : le baptême ne change pas l’être,
mais l’existence.
Ce qu’il va vivre : Fils
bien-aimé (= roi véritable, ou messie ; voir Psaume 2,7).
L’eau d’en-bas et le souffle
d’en-haut (l’eau s’est ouverte, le ciel aussi) ;
N.B. : les manuscrits
anciens portent pnéũma théoû : un souffle
(ou un esprit) de Dieu.
Le fleuve emporte l’ancien
vécu, le souffle emmène vers le neuf à vivre (Matthieu 4,1).
« En lui j’ai mis mon
assentiment », plutôt que mon affection ou ma joie (éudókêsa).
La Voix (Psaume 29) unit
l’image du roi-messie à celle du vrai Serviteur (Ésaïe 42,1).
Dimanche 16 janvier 2011
Les yeux rouges
du messie
Évangile selon Jean, chapitre
2, versets 1 à 11.
(Psaume
66 – Exode 33, versets 17b à 23 ; Épître de Paul aux Romains 12, versets 4
à 16)
Le Jésus de Jean ne fait pas des miracles mais quelques
"signes" (sêméîon).
Prendre ce terme au sens propre : ce qui n’est pas la chose
signifiée mais s’y réfère,
ce qui vous renvoie à la chose signifiée, et aussi ce qui l’assure,
comme un sceau.
Le baptême d’eau était une mort purificatrice (Jean 1,33 et 2,6), le troisième jour
(2,1) est jour de résurrection, noces de Dieu et
des humains, banquet messianique :
le messie a les yeux rouges de vin (Genèse 49,11-12), puisque le vin réjouit le cœur de
l’être humain
(Psaume 104,15). Le programme
est donc à l’ivresse, à la joie,
à l’avenir nuptial, que des bonnes choses ! C’est le but final
signifié par avance (2,10),
car le bon d’une chose est dans sa fin (Ecclésiaste 7,8).
Elles restent dans le registre des signes baptismaux, alors que le vin
de Cana,
comme le sang du Christ, comme le vin de la Cène, c'est l'annonce
vertigineuse
d'une réalité qui est là alors même que nous ne la voyons pas, qui nous
environne
alors même que nous nous croyons seuls : le Règne de Dieu qui s’est
approché
de nous.
Dimanche 23 janvier 2011
L’alliance
des chefs
Évangile selon Matthieu,
chapitre 8, versets 5 à 13.
(Psaume
117 – 2 Rois 5, versets 9 à 19a ; Épître de Paul aux Romains 1, versets 14
à 17)
Le militaire païen et Jésus
ont le même point de vue sur eux-mêmes :
pour eux, il y a deux sortes de personnes qui comptent, dans la
vie :
ce n’est pas ma personne qui compte, mais celui qui souffre (ici, le
garçon),
et aussi celui qui a le pouvoir d’agir. La différence porte seulement
sur l’ennemi et sur le type de pouvoir : un guerrier reconnaît un
guerrier,
un chef reconnaît un chef, un même ennemi les rassemble à l’occasion.
On voit ici, dans le regard du militaire, un Jésus guerrier, au combat
contre
ce qui fait du mal aux gens, un chef de guerre, valeureux dans ce
combat-là.
Les chefs d’Israël (ce sont eux qui sont visés, non les juifs en
général)
n’ont pas reconnu dans la douleur du peuple l’ennemi à combattre,
ils n’ont donc pas pu reconnaître le chef de guerre capable d’y
parvenir.
Ce point de vue offensif est pourtant de valeur universelle.
Dimanche 30 janvier 2011
Signe de victoire
Évangile selon Marc, chapitre
4, versets 35 à 41.
(Psaume
93 – Ésaïe 51, versets 9 à 16 ; Deuxième épître de Paul aux Corinthiens 1,
versets 8 à 11)
Le règne de Dieu que Jésus
annonce est aussi le règne de sa victoire
sur les forces du chaos
primordial, or l’une des figues de ce chaos,
dans l’imaginaire biblique,
depuis toujours, est la mer : le dieu biblique,
dans les poèmes de nature
épique (ex. : Psaume 74,10-23) qui lui sont consacrés,
combat, vainc et domine les
forces que la mer contient, ainsi que les monstres
qu’elle renferme, figures de
l’innommable, de l’indifférencié et du mortifère.
Par rapport à cela, la
particularité de ce récit de Marc est qu’il se passe
dans une région paumée et
malfamée, sur un lac de taille ridicule :
même s’il nous paraît
aujourd’hui comme un prodige de nature mythologique,
le signe est ici à la mesure
de l’humilité du héraut faisant l’annonce du règne.
Il s’agit d’un choix, ce n’est
pas Dieu qui agit, en gloire sur son trône,
c’est l’annonce, par son
envoyé, de ce que signifie le règne qui vient,
la défaite des puissances de
mort qui règnent sur la barque universelle.
Dimanche 6 février 2011
Le blé
germe
Évangile
selon Matthieu, chapitre 13, versets 24 à 30.
(Psaume
73 – Ésaïe 40, versets 12 à 25 – Première épître de Paul aux Corinthiens
1, versets 4 à 9)
On se demande pourquoi les
disciples de Jésus lui demandent d’expliquer
cette parabole (versets 36 à
43), d’autant que l’explication… n’explique pas
qui est le diable (l’ennemi,
dans nos versets d’aujourd’hui) ni d’où il sort.
C’est pourtant la question
qu’un moderne va se poser immédiatement
et que je souligne dans ma
traduction en rétablissant ce quelqu’un du texte grec
(ánthrôpos, verset 28)
que les traducteurs ignorent habituellement : on ne sait pas
quel est ce diable. Dans la
Bible hébraïque, le livre de Job le présente comme
l’un des agents de Dieu,
chargé de mettre le juste (ici le bon blé) à l’épreuve.
Il est alors la tentation de
mal faire, de faire du mal en s’éloignant de Dieu.
On apprend en revanche dans
l’explication (verset 37) que le semeur
est le fils de l’humain
(surnom de Jésus), l’être humain tel que Dieu le veut.
L’erreur serait de penser
qu’il est aussi le maître de maison (verset 27).
Bref, ce champ semé de bon et
de mauvais, aux visées partagées entre celles
du maître véritable et de son
ennemi, c’est le monde. Et ce temps-ci n’y est pas
propice à l’éradication du
mauvais par l’action violente des agents du maître.
On se demande alors par quelle
aberration les Églises subséquentes ont pu
tenter de le faire avec tant
de persévérance et pendant si longtemps !
C’est l’ennemi, sans doute,
qui les aura polluées…
Plus généralement, on se
tourne vers les promesses de l’avenir (le blé germe).
En attendant, un monde de la
justesse ne saurait être imposé.
Dimanche 13 février 2011
Entre les temps
Évangile
selon Matthieu, chapitre 17, versets 1 à 9.
(Psaume
97 – Exode 3, versets 1 à 10 – Deuxième épître de Paul aux Corinthiens 4,
versets 6 à 10)
La découpe en chapitres et
versets est très tardive ; le texte disait (16,28–17,2) :
Amen je vous dis qu’il en est parmi
ceux qui se tiennent ici qui, non, ne trouveront
pas la mort avant de voir le
Fils de l’humain venir dans son règne. Aussi, après six jours,
Jésus prend avec lui Pierre,
et Jacques et Jean son frère, et il les fait monter sur une haute
montagne, à l’écart, et il a
été transformé devant eux...
Attention à la traduction : Car
le fils de l’humain doit venir dans la gloire de son père avec
ses messagers (non ses
anges ; 16,27), d'où
ensuite la présence de Moïse et Élie (17,3),
les messagers du
Père par excellence dans les Écritures.
La ″transfiguration″
préfigure la gloire à venir, c'est un temps onirique, entre
les temps,
temps de la fin de ce monde-ci
(hâcôlâm hazzèh) avancé jusqu'à ces trois
gars-là
pour qu'ils puissent donner
sens à la résurrection (17,9) au
bon moment (kairós).
En attendant : il s'agit d'écouter
son enseignement – croire et obéir.
Dimanche 20 février 2011
Une autre loi
Évangile
selon Matthieu, chapitre 20, versets 1 à 16.
(Psaume
18 – Jérémie 9, versets 22 & 23 – Première épître de Paul aux
Corinthiens 9, versets 24 à 27)
La parabole s’inscrit dans un
ensemble qui part de la question : « Que dois-je faire
de bon pour avoir une vie qui traverse les temps ? »
(19,16). Il n’y a pas de rapport
entre cette bonté à réaliser – et qui est efficacité
de ce qui est bon, non psychologie
du brave type – et cette vie qui
est plus que la vie, qui est d’une autre qualité,
ce que les disciples
n’envisagent pas, bien qu’ils aient tout quitté pour suivre Jésus,
se faisant socialement
"derniers". D’où la parabole, qui répond à Pierre, leur
porte-parole : Jésus leur
rappelle que ce qui est à faire, c’est se placer sous la loi
du règne des cieux, inverse de
celle qui régit la société. La question de la rétribution
ou de la valeur de l’œuvre
accomplie n’y a plus grand sens puisque tout y dépend
de la bonté du maître des cieux, bonté acquise par principe,
puisque c’est cela la foi.
N’est rembarré que celui qui
renaude, fier de sa contribution à l’œuvre du maître.
Encore faut-il souligner qu’il
reçoit sa part : personne n’est rejeté…
Dimanche 27 février 2011
Celui qui est sorti
Évangile
selon Luc, chapitre 8, versets 4 à 15.
(Psaume
44 – Ésaïe 55, versets 10 à 12a – Épître aux Hébreux 9, versets 12 &
13)
Une parabole est un récit,
inventé ou non, qui veut vous changer, vous, l’auditeur.
Son but est de vous amener à
faire la volonté du Père qui est dans les cieux,
à devenir sœur ou frère du
Fils de l'humain. Celle du semeur est un récit simple,
sauf qu'on ne sait pas de quoi
il parle : quel semeur, quelle semence ?
D’où l’explication : il
s’agit des "mystères du règne de Dieu", selon lesquels
la parole de Dieu (versets 10
& 11), la volonté du Père, mise en œuvre,
suscite d’heureuses
conséquences. Offerte et destinée au bonheur des gens,
elle demande néanmoins de
l'effort, il y faut une bonne terre : un grand désir.
Un désir à la mesure du désir de
celui qui est sorti (des cieux ?) pour semer.
La raison des paraboles : on
ne marchera sur ce chemin que par une démarche
de recherche : oreilles pour
entendre, œil pour voir – désir pour recevoir.
Comment gagnerais-tu un trésor
sans avoir eu à le chercher ?
Dimanche 6 mars 2011
Évangile
selon Marc, chapitre 8, versets 31 à 38.
(Psaume
31 – Amos 2, versets 21 à 24 – Première épître de Paul aux Corinthiens 13,
versets 1 à 13)
C’est un suicide. En
l’exécutant, c’est l’humanité que les autorités assassinent,
elles qui sont les émanations autorisées de l’humanité, ses représentants.
En effet, l’expression le
Fils de l’humain (ou Fils de l’homme, mais c’est sexiste),
ainsi transposée à partir d’une langue sémitique signifie simplement l’Être humain.
Parlant ainsi, Jésus se situe donc comme figure de l’ensemble de l’humanité.
On voit ici l’aboutissement inéluctable de l’errance et de la violence humaine,
on n’y peut plus rien, dit ce récit : le messie doit être tué, parce que l’humanité
connue ne peut que disparaître. Seul, Dieu peut créer une humanité nouvelle.
C’est le sens de la résurrection du Christ, et les disciples du messie tué et relevé
doivent accepter cette logique : une autre serait mensongère, néfaste pour l’humain.
Ils doivent suivre derrière, ou en rester à Satan, image de la séparation radicale
qui existe entre les humains, et entre Dieu et les humains.
Dimanche 13 mars 2011
premier dimanche du carême
L’épreuve
en trois embûches
Évangile
selon Matthieu, chapitre 4, versets 1 à 11.
(Psaume
91 – Genèse 3, versets 1 à 19 – Épître aux Hébreux 4, versets 14 à 16)
Plutôt bénéfique, le rôle du diábolos,
accusateur systématique présent dans le livre
de Job (hébreu, le satân). Le monde est remis à cette puissance-là, l’Épreuve
(verset 6), qui se manifeste ainsi, pratiquement, comme ennemie de l’humain,
quoique répondant au dessein ultime du Dieu tout-puissant : une dialectique
ancienne mise en œuvre ici par Matthieu. Les trois épreuves fondamentales, liées
aux errements habituels de l’humanité, sont donc soumises à l’humain véritable
(fils de l’humain) : les épreuves économique (le pain), religieuse (le sanctuaire)
et politique (le pouvoir). Il n’y a pas d’épreuve concernant les mœurs intimes,
ressortissant de l’une des trois premières ou des trois, elles ne sont sans doute
pas fondamentales, contrairement à ce que suppose l’usage ultérieur des Églises.
Se dessine le chemin par lequel les humains peuvent sortir de leur malheur :
suivre l’unique humain
véritable dans son parcours semé des trois embûches.
Dimanche 20 mars 2011
deuxième dimanche du carême
Le seul qui restait
Évangile
selon Marc, chapitre 12, versets 1 à 12.
(Psaume
25 – Ésaïe 5, versets 1 à 7 – Épître de Paul aux Romains 5, versets 1 à
11)
Le fils assassiné est le seul
fidèle qui subsistait, et malgré la mort,
il devient le fondement :
cette pierre rejetée et réhabilitée (ressuscitée).
Ces deux thèmes sont reliés
par la figure sous-jacente du messie fils de Dieu.
À ces deux thèmes
correspondent deux comportements adverses,
celui des paysans spoliateurs et
meurtriers et celui des mauvais bâtisseurs,
évoquant tous deux les
grands-prêtres et les principaux responsables judéens.
Ce que la vigne évoque est
complexe. Elle se réfère certes au peuple élu
(verset 1, qui reprend le
début du magnifique poème de la vigne dans Ésaïe 5),
mais aussi à l’apanage du
messie judéen (Genèse 49,10-12) : on revient au sens
du peuple élu, élection qui
vaut quand règne "Seigneur" et sa justice/justesse.
Le rejet du fils est pierre
d’achoppement, mais là où il est la pierre sur laquelle
on se base pour construire, là
se trouve la vigne bien-aimée, le peuple de Dieu.
Note
technique : cette pierre n’est pas une clé de voûte mais la première
pierre posée, base
sur
laquelle les bâtisseurs alignent et fondent toutes les autres. L’image rejoint
le sens premier
des
mots hébreux émounâ
("foi") et amén
("c’est vrai !") : il s’agit de se fonder solidement.
Dimanche 27 mars 2011
troisième dimanche du carême
Basculement
Évangile
selon Luc, chapitre 9, versets 57 à 62.
(Psaume
25 – 1 Rois 19, versets 1 à 8 – Épître de Paul aux Éphésiens 5, versets 1
à 8)
Dans cette histoire, il y un avant et un après :
ceux qui s’en vont vers l’après,
marchant sur le chemin qui mène à Jérusalem et à
Golgotha,
et ceux qui en restent à ce qui est avant.
Parmi ceux qui vont vers l’après, il y a ceux
aussi qui iront vers un lieu :
ils croient aux lieux, il y a bien un lieu où se vit la vraie vie ?
Non ; pas même la ville sainte de tous les pèlerinages, de toutes les vies rêvées.
Et il y donc ceux, enfin, qui se retournent vers avant,
attachés à tout passé qui passe,
à leurs origines et à leurs milieux, qui comprennent aussi leurs avoirs.
Mais la vie est devant, après, à inventer, à construire, à bâtir en règne de justesse.
Entre l’avant et l’après, là où gît la différence, on change de route,
resterait-on sur la même aux dires des gens.
On a basculé vers ce que Paul
appelle liberté. Paradoxe de l’évangile : tu te mets sous un règne... en liberté.
Dimanche 3 avril 2011
quatrième dimanche du carême
Le grain des Grecs
Évangile
selon Jean, chapitre 12, versets 20 à 26.
(Psaume
122 – Ésaïe 54, versets 7 à 10 – Deuxième épître de Paul aux Corinthiens
1, versets 3 à 7)
Question : qu’en est-il
des goyim, des païens : qu’en
pense Jésus ?
Voici que le monde se met à sa suite ! disaient de lui les
pharisiens (v. 19) :
ainsi de ces Grecs, des
prosélytes du temple judéen, annonciateurs de ces hellénistes
membres de la toute première
Église de Jérusalem (Actes 6) et des incirconcis
mêlés aux Judéens des
communautés fondées par Paul.
L’évangile selon Jean prête
ici à Jésus un point de vue précis sur le statut
de ces Grecs au regard de sa
foi à lui : sa mort occasionnera beaucoup de fruit,
tout être qui croira en lui
entrera dans la vie, tous seront appelés.
Déjà, des Galiléens au nom
grec (Philippe, André) sont disciples de Jésus
et servent d’interprètes (on
en déduit que Jésus ne parlait pas le grec).
Il est présenté ici comme
universaliste, ce qui pourrait ne pas être historique, mais se
référerait à la situation de
la communauté qui a vu naître cet évangile vers l’an 100.
Le règne du Père céleste, son
étendue, touche l’ensemble de l’humanité.
L’enjeu : vivre pour soi
seul, selon la loi qui prime en ce monde (v. 31),
ou mourir pour qu’une
multitude se lève et vive pour l’étendue
des temps
(non dans la linéarité sans
fin d’une éternité platonicienne, mais dans la plénitude).
Ici, il ne s’agit pas du thème
du sacrifice sanglant calqué sur ceux du temple,
la métaphore utilisée est liée
aux lois physiques, biologiques, de la création :
le grain qui meurt étant l’humain par excellence, il donne vie à
l’humanité nouvelle.
cinquième dimanche du carême
Le monde à l’envers
Évangile selon Marc, chapitre 10, versets 35
à 45.
(Psaume 43 – Genèse 22, versets 1 à 3 – Épître
aux Hébreux 5, versets 7 à 9)
Un
roi marche sur une capitale pour un combat final et victorieux, au cours
duquel
ses vassaux vont avoir à se distinguer s’ils veulent qu’il partage
sa
gloire et ses conquêtes avec eux. Quoique tremblants (verset 32),
les
plus valeureux ne reculeront, ni devant le danger, ni devant le rappel
ultérieur
de leurs mérites. Or ceux-là s’attendent à se partager le monde,
lors
de leur entrée en gloire dans le nouvel éon qui verra l’intronisation,
par
le Dieu de l’univers, de leur messie miraculeux resté encore clandestin.
C’était
bien vu, mais complètement à côté : leur roi renverse les priorités,
il
invente un monde cul par dessus tête, dans lequel, par exemple,
nos
financiers d’aujourd’hui n’auraient en vue que le bonheur du peuple
et
agiraient en conséquence sans se soucier de leurs gains à eux.
Persuadé d’ailleurs qu’un tel
monde serait le seul vivable et durable…
Dimanche 17 avril 2011
dimanche des Rameaux
Qui veut du secours ?
Évangile
selon Jean, chapitre 12, versets 12 à 19.
(Psaumes
22 & 118 – Ésaïe 50, versets 4 à 9 – Épître de Paul aux Philippiens 2,
versets 5 à 11)
C’est la particularité de
l’évangile selon Jean de mettre en rapport l’entrée
et l’acclamation royales de
Jésus à Jérusalem avec la résurrection de son ami Lazare.
Noter que, contrairement à
Matthieu, Jean utilise de façon médiatisée, par flash back,
la citation des prophètes,
citation qui avalise la royauté de Jésus en tant que messie.
Du coup, l’affirmation de
cette royauté devient pour le lecteur, non seulement
un fait du passé, une
narration, mais plutôt un acte de foi des disciples ultérieurs.
Quant au lien avec Lazare, il
fait passer cette royauté, du peuple d’Israël
au niveau universel de la
question de la vie et de la mort : Jésus est le maître,
non seulement de la ville
sainte, mais aussi de la vie redevenue sainte/saine…
Le nom de Lazare signifie
« Celui dont Dieu est le secours », terme qui répond
aux Hosanna (« Oh
sauve-nous ! ») de la foule. C’est un thème majeur :
tout cela ne s’entend que concernant
les gens qui ont besoin de secours.
Tous ? Sans doute, répond
malicieusement l’évangéliste en notant l’amertume
des orgueilleux, eux qui sont
dans le déni : « Le monde marche derrière lui ! ».
Vendredi 22 avril 2010
Vendredi saint
Le Fils accompli
Évangile
selon saint Jean, chapitre 19, versets 16 à 30
(Psaume : 22 – Esaïe
52, verset 13, à 53, verset 12 – Deuxième épître de Paul aux Corinthiens 5,
verset 14, à 5, verset 10)
Dans cet évangile, Jésus ne dit pas Mon Dieu pourquoi m’as-tu
abandonné – début
du Psaume 22 – mais il y a deux évocations de ce Psaume, dont la structure est faite
de deux parties : les deux premiers tiers sont un appel à Dieu de la part d’un fidèle
persécuté, le troisième tiers commence par tu m’as répondu (mots bizarrement absents
de certaines traductions, fin du v. 22), et est un hymne de reconnaissance : évoquer
le début au moment de la crucifixion fait donc attendre la résurrection à venir.
Précisions :
ce qui est dit hébreu ici est en fait de l’araméen ; ainsi gulgotâ
(le crâne :
haggulgoleth
en hébreu, ho kraníos en grec, calvaria en latin, qui a
donné calvaire) ;
nazôr
pourrait désigner un homme de Dieu plutôt qu’un habitant de Nazareth.
La
loi romaine oblige Pilate à fournir un motif ; après que Jésus ait été
condamné
pour
motif religieux par les prêtres, il le condamne pour un motif politique global,
ce
qui réunit l’ensemble des atteintes possibles aux institutions
humaines ;
mais
sur le motif, il lui donne deux titres correspondants : homme de Dieu et
roi.
La tradition fait du disciple bien-aimé l’auteur de cet évangile. Il est possible que les
Églises de la mer Égée pour lesquelles il a été écrit aient vénéré particulièrement la
mère de Jésus, alors que les Églises orientales de l’époque vénéraient plutôt Joseph.
Le récit montre un Jésus totalement conscient d’être arrivé au bout et à bout (deux
sens du verbe tétélétéstai (c’est achevé, c’est accompli, v. 30) de l’œuvre de son Père
céleste, ce qui est l’un des thèmes centraux de cet évangile, dans lequel le Fils a
pour mission d’opérer ce qui doit l’être pour permettre aux fidèles de le rejoindre
auprès du Père, devoir dont la
croix (non la résurrection) est l’aboutissement.
Dimanche 24 avril 2011
Le soleil s’était
levé
Évangile
selon Marc, chapitre 16, versets 1 à 8.
(Psaumes
139 & 18 – 1 Samuel 2, versets 1 à 8 – Première épître de Paul aux
Corinthiens 15, versets 1 à 11)
Au premier jour d’une nouvelle
semaine commence une nouvelle Histoire :
le soleil s’est levé… Trois
mots (en grec) qui disent tout.
Manifestement tronqué, le
texte de cet évangile s’arrête en faisant en sorte
que le rôle des femmes soit
renvoyé du côté des corps morts et des tombes,
de l’embaumement, et que le
dernier mot les concernant soit le mot « peur ».
On peut imaginer que le récit
original continuait par la mise en valeur de leur
rôle de premiers témoins et de
messagères, comme dans les autres évangiles.
Mais c’est justement qu’elles
n’ont démérité en rien, or la nouvelle Histoire
est offerte à des hommes,
certes, mais privés de tout mérite : absents pour
cause de lâcheté, disparus
dans la fuite et le reniement (ch. 14, 50-51 ; 66-72).
Cet évangile insiste beaucoup
sur cette inadéquation des Douze à leur mission.
Cela aura paru une bonne base
de départ pour cette nouvelle Histoire,
elle qui ne sera due qu’à leur
seule rencontre avec un Jésus d’avenir,
et qui repartira des lieux du
début, en Galilée. Sans le corps mort du passé.
Huit versets sans fioriture
pour dire que désormais, le corps neuf est à faire…
Dimanche 1er mai 2011
Soulevés par un souffle
Évangile
selon Jean, chapitre 20, versets 19 à 29.
(Psaumes
116 – Ésaïe 40, versets 26 à 31 – Première épître de Pierre 1, versets 3 à
9)
La sélection n’est pas
correcte : les versets 19 à 23 font partie du récit du jour Un,
jour de la
(ré)surrection ; les versets suivants, avec Thomas, huit jours après,
reviennent néanmoins sur le
même sujet : ceux qui croient sans avoir vu.
Ils ont vu mais ils n’ont pas
encore cru : ils ont peur des Judéens, ils s’enferment :
il faudra que lui paraisse
pour qu’ils croient, c’est-à-dire qu’ils sortent (verset 21) :
la foi est mouvement vers les
autres… pour le pardon : Paix pour vous ! (trois fois) :
assurance (si la mort
elle-même est surmontée, quelle faute ne l’est pas ?),
justesse dans la vie. La paix
donnée, tu la prends ou tu la rejettes.
Selon cet évangile, l’Esprit
est communiqué aux disciples immédiatement,
non cinquante jours plus tard,
à la Pentecôte : la passion et la résurrection n’ont pas
interrompu l’œuvre du Père,
car le souffle de l’envoyé suscite de
nouveaux envoyés.
Il souffle sur eux un souffle saint : le premier sens du mot pnéũma est "souffle",
il s’agit d’être habité et
soulevé par un souffle enthousiaste :
où se trouve du divin.
Dimanche 8 mai 2011
Mort du berger
Évangile selon
Jean, chapitre 10, versets 11 à 31.
(Psaumes
23 – Ézéchiel 34, versets 1 à 31 – Première épître de Pierre 2, versets
21b à 25)
Un berger a reçu autorité sur
le troupeau de la part du propriétaire de celui-ci.
Il fait partie de la maison du
maître, et c’est en ce sens que les brebis sont à lui,
Surtout s’il est fils du
maître…
Il n’abandonne pas ses brebis,
il accomplit tout acte nécessaire à leur bien.
Ainsi, pour le Jésus de
l’évangile selon Jean, sauver sa vie serait les abandonner,
se conduire en
mercenaire ; et se défaire de sa vie, c’est les mener en sûreté.
Les brebis en question
composeront un troupeau futur,
qu’ils soient d’une bergerie
ou d’une autre, d’un faux berger ou d’un autre :
l’humanité future, troupeau
composé des amis du berger véritable,
n’est pas d’une seule origine
ou appartenance. Ici ou là sont des gens
qui appartiennent au Christ,
qu’ils sachent ou non l’appeler Seigneur, ou Messie,
ou Fils de Dieu, à leur
manière ils le connaissent et sont connus de lui.
Dimanche 15 mai 2011
La parole-acte
Évangile
selon Jean, chapitre 15, versets 1 à 8.
(Psaumes
66 – Genèse 1, verset 31, à 2, verset 4a – Première épître de Jean 5,
versets 1 à 4)
Dans la culture qui paraît là,
dont l’idéal est la justesse,
un disciple accompli a reçu la
parole de son maître de telle sorte que,
son maître absent, il puisse
transmettre la même parole à ceux qui suivront.
C’est un lien physique,
comme toute parole vraie, et ce qui importe,
ce sont les fruits portés par
cette parole, c’est-à-dire les comportements induits.
Jésus est la vigne
(image biblique d’un peuple juste façonné par Dieu)
parce qu’il est juste,
absolument conforme, obéissant, à la volonté divine.
Ce moi obsédant n’est
pas la marque d’un narcissisme,
mais de cette absolue
conformité à la parole de Dieu, dans le faire et le dire.
Il est lui-même cette
parole-acte, cette vie-en-Dieu, et il est le seul à l’être.
À qui veut vivre en Dieu, tout
l’évangile selon saint Jean affirme
qu’on ne le peut qu’en
s’incorporant à ce maître-là, et en se l’incorporant.
Dimanche 22 mai 2011
Évangile
selon Matthieu, chapitre 11, versets 25 à 30.
(Psaumes
98 – Ésaïe 12, versets 1 à 6 – Épître de Paul aux Colossiens 3, versets 12
à 17)
C’est le « temps » (kairos)
d’un tournant qui voit Jésus reconnaître son échec :
après la mission de ses
disciples, les grandes cités, avec leurs écoles rabbiniques
et leurs synagogues – les
sages et les intelligents – ne le suivent pas.
En revanche, les foules
« fatiguées et chargées » des démunis l’écoutent,
le suivent, le rejoignent en
nombre ; les païens eux-mêmes le pourraient (v. 22).
Alors Jésus prend conscience
de sa mission véritable :
il voit dans cette situation
la main de Dieu, qui le destine à devenir le maître
paradoxal, celui qui libère les
humbles du poids qu’on leur impose.
Il reconnaît dans son échec
une réussite elle aussi paradoxale.
On le sait, les lecteurs de
tout temps le savent, cette mission s’accomplit
lorsque, de maître des démunis
innocents sacrifiés par la société des grands,
il devient lui-même leur
serviteur, démuni, innocent et sacrifié.
Dimanche 29 mai 2011
Un langage codé
Évangile
selon Jean, chapitre 16, versets 23b à 33.
(Psaume
66 – Exode 32, versets 7 à 14 – Première épître de Paul à Timothée 2,
versets 1 à 6a)
On ne peut demander quoi que
ce soit, du moins à bon escient, au Père céleste
tant que l’on n’est pas entré
dans ses desseins, que Jésus seul révèle.
Selon la pensée de cet
évangile, le secret s’en tient d’abord dans la nécessité
provisoire du malheur, puisque
le monde, pétri de mort, est fait de telle sorte
qu’il n’accepte pas le don de
l’amour ; mais le secret de Dieu, révélé par Jésus,
réside aussi dans la foi en la
victoire de celui-ci sur la mort, reine du monde.
Par construction, cela est
incompréhensible aux yeux du monde, d’où la nécessité
d’un langage codé, à base de
dits énigmatiques, tels que l’évangile selon Jean
en est rempli, et que même des
proches de Jésus ne peuvent vraiment saisir.
C’est dans la foi seule en un
Jésus « issu de Dieu » que le mystère se dévoile
et que les croyants, alors
pleins de joie, sont renseignés en clair sur le sens
de son ministère, de sa mort
et, pour les lecteurs, de sa résurrection.
Jeudi 2 juin 2011
Présent partout
Évangile
selon Luc, chapitre 24, versets 50 à 53.
(Psaume
47 – 1 Rois 8, versets 22 à 28 – Actes des Apôtres 1, versets 3 à 11)
Quelle épreuve, pour la
foi, que le temps ! On comprend bien les disciples de Jésus,
qui lui demandaient, au
moment où il va les laisser seuls sans lui :
"Seigneur, est-ce
maintenant le temps où tu vas établir le Royaume ?"
Mais la réponse qui
leur est donnée leur ôte toute tranquillité : le maître est parti.
Cela les installe dans
un temps qu'il vont devoir gérer sans sécurité visible :
"Vous n'avez pas à
connaître les temps et les moments que le Père a fixés",
leur avait-il dit, pas
rassurant du tout ! Ils sont donc devenus les témoins
d'un Christ invisible,
et les citoyens d’un royaume qui n'est pas de ce monde.
Curieusement, cela les
installe aussi dans la joie : même s’ils continuent
à pratiquer leur bonne vieille
religion juive, ils semblent avoir intégré
que Celui qui n’a pas de lieu
à lui sur la Terre est donc présent partout,
son Esprit se manifestant où
il veut – ce que Luc vise ici à faire comprendre.
Dimanche 5 juin 2011
La dangereuse vérité
Évangile
selon Jean, chapitre 15, verset 26, à chapitre 16, verset 4.
(Psaume
27 – Jérémie 31, versets 31 à 34 – Épître de Paul aux Éphésiens 3, versets
14 à 21)
La question posée par le
contexte : qui, des représentants patentés du monde
ou de Jésus, se tient dans la
ligne qui va du Père céleste au monde et inversement ?
(Pour Jean, la vraie vie
pleine suppose la communion avec les vues du Créateur.)
Affirmer que c’est Jésus, en
témoigner, revient à se faire haïr et persécuter
(témoigner : marturéô,
qui a donné "martyre"). C’est encore vrai aujourd’hui
de diverses manières lorsque
le témoignage est effectif, donc fort dérangeant.
Devient nécessaire aux témoins
un défenseur, ou avocat (paráklêtos, d’où le terme
de Paraclet pour désigner
l’Esprit saint). Il est celui que l’on appelle à son secours
devant une mortelle
accusation. C’est comme le souffle (ou esprit) qui élève
au-dessus d’elle-même la
personne qui témoigne d’une vérité, dangereuse
pour elle, mais dont elle est
habitée. L’enjeu n’est donc pas de savoir si Monsieur
Jésus de Nazareth est le bon
gourou, mais où se trouve la vérité qui peut éclairer
le monde sur lui-même, sur sa
violence, et sur le Père céleste qui l’attend.
Dimanche 12 juin 2011
Pentecôte
Construire la parole
Évangile
selon Jean, chapitre 14, versets 22 à 27.
(Psaume
118 – Nombres 11, versets 25 à 29 – Actes des Apôtres 2, versets 1 à 18)
Ce n’est pas parce que le Christ est ou semble absent qu’il l’est :
son absence est sa façon de venir à nous, comme une question fondamentale
toujours posée, celle de la fabrication de sa parole ici et aujourd’hui :
non sa mise en pratique, comme si elle était intangible et ne demandait
qu’à passer dans des actes déjà déterminés, mais la construction d’un réel
qui lui soit accordé.
Le défenseur, ce souffle (pneúma) conseilleur (paraklètos) est celui qui, à la fois,
pousse à agir et inspire le juste mode d’action. On fera de lui le saint Esprit,
ce qui posera d’innombrables questions portant sur sa relation au Père et au Fils...
Aimer Jésus, c’est discerner et faire ce qui est cohérent avec lui,
comme avec le Père, et avec sa parole, qui est lui aujourd’hui.
Une telle existence est la vie éternelle ici et maintenant.
Dimanche 19 juin 2011
Un trou
d’air
Évangile
selon Jean, chapitre 3, versets 1 à 15.
(Psaume
8 – Ésaïe 6, versets 1 à 13 – Épître de Paul aux Romains 11, versets 32 à
36)
Pour naître « d’en-haut », il faut savoir que l’on est mort… Renier « la chair »,
non au profit d’une âme éventuelle qui n’a rien de biblique, mais pour repartir
à neuf et dans le bon sens. En sorte que ta vie soit vraiment la vie.
Ce qu’on appelle la chair, dans les Écritures, n’est rien d’autre que notre histoire,
elle est tout ce qui nous a faits, tissée du passé de toute l’espèce humaine,
de ses premiers temps, et même avant, aux tribulations de nos proches ascendants.
Elle est faite de toute nos solidarités. Des plus concrètes aux plus impalpables.
Le pessimisme biblique y voit partout la marque d’une violence congénitale
qui structure, au plus profond, une Création pourtant née d’un dessein positif.
Naître « d’en-haut », c’est s’insérer dans ce dessein, trouver le chemin de la vie
positive à laquelle nous sommes normalement voués. C’est coton…
à moins qu’un souffle puissant ne balaie en soi les implications de la violence.
Selon cet évangile, ce souffle naît en quelque sorte du trou d’air et du remous
produits par l’irruption et le passage du divin dans l’histoire des humains.
Celle-ci connaît alors la volonté bonne, l’agir pour le bien, la préférence altruiste,
l’aptitude au pardon, le choix de la vérité, toutes choses que « la chair »,
l’esprit de violence, rend ennuyeuses,
et que l’esprit de vie rend passionnantes.
Dimanche 26 juin 2011
Change de sens maintenant !
Évangile
selon Luc, chapitre 16, versets 19 à 31.
(Psaume
13 – Deutéronome 6, versets 4 à 9 – Première épître de Jean 4, versets 16b
à 21)
Dieu n’apparaît pas dans ce récit : on y parle
d’une sagesse élémentaire.
Admirer d’abord l’usage très libre qui est fait du
folklore juif de l’époque,
mais sans y voir du tout des représentations objectives de l’après-mort :
– les juifs étaient supposés s’être trouvés présents
en promesse dans la semence,
à la fois physique et spirituelle, d’Abraham, leur
père, et ils y retournaient ;
– typique de cette culture, le détournement des images de la mère vers le père !
– la géhenne était ce ravin proche de Jérusalem où étaient brûlées les ordures ;
– le grand abîme entre vrais et faux juifs morts disait l’irrémédiable ;
– les cinq frères, comme ailleurs les cinq maris de
la Samaritaine, personnifiaient
les cinq livres de la Torah ou encore les Psaumes,
répartis en cinq livres.
Tout résonne ici avec le devoir d’observer la Torah
de justice, condition du bonheur
(Psaume 1) dont Lazare (Aidé-de-Dieu), seul
nommé, fut privé. Il est donc exonéré
de ce devoir, tandis que le riche, anonyme car
légion, a joui sans rien rendre,
donc contre la Torah dont, juif, il connaissait pourtant les termes.
La morale, faisant chiasme, est celle du retournement des conditions.
Le sens de ta vie est joué en un jour inconnu : change de sens maintenant.
Dimanche 3 juillet 2011
Tous cherchés
Évangile
selon Luc, chapitre 14, versets 16 à 24.
(Psaume
18 – Ésaïe 55, versets 1 à 5 – Épître de Paul aux Éphésiens 2, versets 17
à 22)
C’est une parabole, avec
ses incohérences constitutives.
Jésus y révèle le désir souverain du Père : que tous ses enfants
humains
soient finalement réunis autour de lui, sans qu'un seul manque.
Ce n’est pas lui qui décide de l’exclusion, mais tous sont libres de se
démettre.
Son désir s’exprime quelle que soit la bonne ou la mauvaise volonté
de ceux qui font partie du premier cercle de ses amis, ceux de son
peuple...
Or chez Luc, cette parabole s’adresse aux juifs pharisiens qui l’ont
invité,
dans un contexte où il est question de préséance et d’humilité.
À eux, les religieux, de se joindre, ou non, à la multitude des
nations,
à l'espèce humaine en son ensemble, bons ou mauvais – qui peut en juger
? –
tous invités par Dieu – voire contraints pour les derniers des derniers,
les perdus –
à vivre de son
règne : une invitation au banquet, image d’un monde heureux.
Dimanche 10 juillet 2011
Pour le plaisir du maître
Évangile
selon Luc, chapitre 15, versets 1 à 10.
(Psaume
25 – Ézéchiel 18, versets 1 à 32 – Première épître de Paul à Timothée 1,
versets 12 à 17)
À quoi servent les
brebis du troupeau ? À être tondues, abattues et mangées,
et à faire des petits
qui eux-mêmes… Elles sont là pour le bien de leur maître.
Question
d’actualité : à quoi sert l’argent grec – la drachme – d’une femme ?
À faire les
courses ! À acheter à manger, à payer le loyer, à rembourser des dettes…
En perdre une – surtout
au taux élevé de l’époque biblique – est une catastrophe.
Tout comme perdre une
brebis de son troupeau, pour un pâtre de la Grèce actuelle.
Ce qui est perdu va
donc terriblement manquer à son maître, à sa maîtresse :
à l’instance pour le
bien de laquelle tout cela existe.
Il ou elle en attend de
la joie (versets 7 et 10), c’est de son bonheur qu’il s’agit.
C’est l’un des côtés de
la parabole : le plaisir que Dieu trouve, ou non, en chacun.
N’allons pas trop vite de
l’autre côté, le côté de nous autres.
Côté où ceux qui sont
déjà rassemblés dans les réserves du maître ou de la maîtresse
ne perdent rien, dans
leur fierté d’être mis au service de son projet,
et où ceux qui sont
errants ou cachés ratent la chance de lui donner ce plaisir :
faire avancer le règne
d’un paisible bonheur.
Dimanche 17 juillet 2011
Évangile
selon Luc, chapitre 6, versets 36 à 42.
(Psaume
27 – Genèse 50, versets 15 à 21 – Épître de Paul aux Romains 14, versets
10 à 13)
Le découpage est
arbitraire. En fait, ces paroles font partie de la version réduite
du sermon sur la
montagne que livre l’évangile selon Luc. Notre section
est la deuxième partie
de ce sermon attribué à Jésus, elle suit les Béatitudes.
Une troisième partie
évoque la fécondité et la solidité de qui est habité par
la bonté,
caractéristique de celui qui se fonde réellement sur la parole de Jésus.
Le thème général
concerne la relation du croyant avec les autres :
amour et compassion, à
l’image du comportement du maître, guide clairvoyant
(versets 39-40). Cela
suppose que l’on se juge aussi lucidement qu’on le fait
pour les autres, comme
le dit l’image de la paille et de la poutre (versets 41-42).
En tout cela, même dans
la rigueur des Béatitudes de Luc, on trouve simplement
un enseignement de
sagesse, de justesse et de justice à peine marqué
par l’évocation, presque
superflue, d’une rétribution dans le Règne de Dieu…
Dimanche 24 juillet 2011
La
sainteté en acte
Évangile
selon Luc, chapitre 5, versets 1 à 11.
(Psaume
27 – Genèse 12, versets 1 à 4a – Première épître de Paul aux Corinthiens
1, versets 18 à 25)
Quand Simon voit le saint homme prêcher depuis son bateau, cela est pour
lui
dans la norme. C’est ensuite que tout dérape.
Ce qui se passe, avec cette pêche hors norme, c’est l’irruption du
monstrueux :
la puissance d’une sainteté en acte (faire le bien en nourrissant les
humains) est
lue par Simon comme un sacré terrible, cause de destruction de pauvres
humains
aux outils dérisoires (le bateau manque de s’enfoncer) et surtout à
l’impureté
congénitale. Si le Dieu saint est là, c’est pour lui la mort de
l’humain.
Un seul mot de Jésus retourne la situation : « N’aie pas
peur ». Tout ce qui suivra,
depuis lors jusqu’à aujourd’hui, naît de là : le croyant cesse de
craindre…
Or on aurait pu penser que l’efficacité économique de la sainteté en
acte
demanderait à être utilisée par ces artisans. Mais elle se convertit au
contraire en
abandon : la richesse et la puissance, pourtant recherchées par
toutes les entreprises
du monde, leur semblent apparemment des leurres : au lieu de
ramasser leur pêche,
ils laissent tout aux autres, lac, bateaux et poisson en nombre… et
maisonnée.
Conséquences : leur famille va continuer à mener sa vie en faisant
son boulot ;
et les trois saints hommes, entre autres, vont changer à terme la face
du monde.
Dimanche 31 juillet 2011
La
liberté d’agir
Évangile
selon Mattieu, chapitre 28, versets 16 à 20.
(Psaume
28 – Ésaïe 43, versets 1 à 7 – Épître de Paul aux Romains 6, versets 3 à
11)
Ce sont les derniers mots de
l’évangile selon Matthieu, dans lequel les disciples
hommes sont informés du
tombeau vide en un second temps, par les femmes.
C’est donc le seul passage où
ils se trouvent en présence du ressuscité.
C’est un temps entre les
temps, aussi entre les certitudes (verset 17) :
entre leur vie de disciples
amis d’un maître allant malgré eux vers la croix,
et de fidèles disciples
envoyés en mission par un maître partant de la croix,
s’en délivrant pour une
histoire à faire dont elle est la matrice.
On reconnaît ici l’existence
d’un langage ecclésial (Père, Fils, Esprit saint)
déjà construit depuis les
années soixante (une génération auparavant).
Le mot liberté (verset
18) est un des sens d’éxousía, traduit souvent par pouvoir,
ce qui en colore trop le sens vers une domination de type impérial, alors qu’ici,
Jésus affirme plutôt avoir reçu de Dieu la liberté et la capacité de faire répandre
son appel au changement (dont le baptême est le signe) et son enseignement.
Les disciples reçoivent de lui mandat d’agir en ce sens :
Matthieu ne connaît d’Église qu’envoyée vers les autres, non pour construire
un monde chrétien, mais pour faire entendre partout l’annonce de paix.
Dimanche 7 août 2011
Un récit
codé
Évangile selon
Jean, chapitre 6, versets 1 à 15.
(Psaume
47 – Exode 16, versets 2 à 18 – Actes des Apôtres 2, versets 41 à 47)
On peut lire ce récit comme un
message codé, en remarquant ces éléments
qui peuvent se référer à
certains thèmes de la Bible hébraïque :
– le repas de la Pâque juive
est tout proche – les douze paniers, comme
les douze tribus d’Israël –
les cinq pains comme les cinq livres de Moïse
(Thora ou Pentateuque) ou les
cinq livres des Psaumes – les restes réunis,
comme on se réunit dans le
lieu de réunion (la synagogue, mot grec) – le pain
d’orge, nourriture de base du
petit peuple, appelé aussi maza en grec ou en latin,
à rapprocher de l’hébreu matsa,
le pain sans levain de la Pâque… – ou même
les cinq mille hommes, comme
les cinq mille agneaux sacrifiés pour l’inauguration
de la Pâque restaurée par
Josias (2 Chr. 35, 9) – de même les deux poissons :
au lieu du mot grec habituel
qu’on trouve dans les autres évangiles (ikhthus),
Jean utilise le terme rare de
Nombres 11, 22,
opsárion (petite friture), lié aux
cailles survenant dans le désert, nourriture miraculeuse venue du Dieu de Moïse.
On peut ainsi penser qu’il s’agit là d’un récit qui se rapporte à l’Exode et à la Pâque,
réécrit vers l’an 90 à partir d’une tradition qui semble remonter au Nazaréen Jésus
et à ses débuts galiléens : le Reste d’Israël (une figure des temps derniers désignant,
chez les prophètes, les véritables adorateurs du Dieu biblique) n’est pas perdu,
le Jésus de Jean en réunit les morceaux éparpillés dans la synagogue véritable,
à la suite d’une eucharistie
propre à donner vie aux foules humaines en recherche.
Dimanche 14 août 2011
Un devoir
de saveur
Évangile
selon Matthieu, chapitre 5, versets 13 à 16.
(Psaume
48 – Ésaïe 2, versets 1 à 5 – Épître de Paul aux Éphésiens 5, versets 8b à
14)
Le sel : ce qui donne
envie de manger la vie, de la rendre savoureuse,
de lui permettre de rester
vivable et aimable.
La lumière : ce qui fait
briller la vie, ce qui permet de voir et d’admirer,
et de glorifier, non le
croyant mais le Père de toutes choses.
Être à ce point responsables,
comptables de cela – un devoir de saveur...
Saveur, dans le monde, des
victimes accablées pour cause de justesse :
cette exhortation suit immédiatement
les Béatitudes et l’annonce de la persécution.
La douleur n’y est pas
magnifiée mais, vue de façon réaliste, elle est nécessaire
étant donné le règne réel de
la violence injuste chez les humains.
Mais le maître mot, inaugural,
est le bonheur : « Heureux êtes-vous ».
Ce bonheur, cette saveur,
cette lumière sont pourtant plus promises qu’affirmées :
cela s’adresse à ceux et
celles qui combattent le malheur du monde.
Dimanche 21 août 2011
Une bonne
affaire
Évangile
selon Matthieu, chapitre 25, versets 14 à 30.
(Psaume
54 – Jérémie 1, versets 4 à 10 – Épître de Paul aux Philippiens 3, versets
7 à 14)
On est dans les révélations
concernant la fin d’une longue période cosmique,
avec la destruction annoncée
du temple de Jérusalem (chapitre 24).
Mais « à quoi sera semblable le règne des cieux »
qui vient (25,1) ?
À une fête : « entre dans la joie de ton seigneur »
(25,21).
La parabole des dix
demoiselles de la noce (25,1-13)
a pour thème la nécessité
de rester fidèle à cette
attente dont on ne connaît pas la durée :
à l’époque, l’effervescence
des tout premiers chrétiens commence à retomber,
le Christ n’étant pas revenu
pour régner en gloire comme on l’espérait.
L’histoire des trois
serviteurs renchérit : il ne suffit pas d’attendre la fête :
la vie sous la seigneurie du
Christ, plutôt qu’un béat espoir de gloire,
suscite un service, dont le
texte qui suit précise les modalités (25,31-46) :
"Dieu premier
servi !", certes, mais cela suscite le service des derniers.
Le bon serviteur est l’économe
avisé de cette affaire juteuse :
l’accroissement de la
fraternité agissante sur la Terre.
Dimanche 28 août 2011
Rien à sauver
Évangile
selon Luc, chapitre 19, versets 41 à 48.
(Psaume
55 – Exode 19, versets 1 à 6 – Épître de Paul aux Romains 11, versets 25 à
32)
La Jérusalem de l’époque était
à la fois le centre religieux des Israélites,
alors très largement dispersés
dans l’Empire romain et au-delà, et l’une des
principales places économiques
de l’Empire. Cela était dû à l’importance centrale
du temple, qui monopolisait
toute la pratique sacrificielle liée à la Loi de Moïse,
d’où l’importance du
pèlerinage annuel lors de la Pâque, alors que les adeptes
des autres religions
sacrifiaient dans d’innombrables temples locaux.
Le découpage qui est proposé
ici souligne le lien qui existe, selon l’évangéliste,
entre le détournement du sens
du temple et l’annonce de la ruine de Jérusalem.
Comme souvent, il est question
de la façon dont les puissants, religieux ou politiques,
s’emparent des attributs du
sacré pour les mettre à leur service.
Cela touche à la fois les
liens et les lieux de l’identitaire (Jérusalem, pôle du peuple juif)
et du religieux (le temple),
toujours mêlés : les vider de leur sens amènera leur ruine.
Mais, selon l’ancien adage
grec, les dieux rendent fous ceux qu’ils veulent perdre.
Fous et aveugles, au point de
chercher à faire taire celui qui émet une vérité qui,
prise en compte, pourrait provoquer un retournement salvateur, attendu par le peuple.
L’inspection (ou visitation) dernière a eu lieu : il n’y a rien à sauver là-dedans !
Mais la fin du temple, c’est aussi la fin de la religion biblique antérieure :
par quoi la remplacer ? C’est cela réponse à cette question qui distinguera
à l’avenir juifs et chrétiens, talmud et évangile.
Dimanche 4 septembre 2011
Qualifié !
Évangile
selon Luc, chapitre 18, versets 9 à 14.
(Psaume
68 – 2 Samuel 12, versets 1 à 15a – Épître de Paul aux Éphésiens 2,
versets 4 à 10)
On n’en est pas encore à l’histoire de Zachée (chapitre 19) :
un vilain monsieur qui va rembourser ses victimes, et au-delà.
Ici, le collecteur de taxes, par définition voleur, impur et collabo, est déclaré juste.
Il ne s’est engagé à rien, il se borne à se reconnaître voleur, impur et collabo.
Fautif conscient d’être fautif, donc juste, aimé, Dieu n’aimant que les pécheurs.
Cela s’adresse aux gens honnêtes, purs et patriotes.
Déclaré juste, le vilain monsieur est qualifié pour entrer sous le Règne :
qu’y fera-t-il, se montrera-t-il adapté au Règne de la justice/justesse ?
La balle est dans son camp.
Le voilà devant une aventure ouverte à mener, non sans risques très concrets.
Quant au premier des deux, il est statique, il pratique sa religion.
Il n’est pas condamné, seulement remis à sa place.
Dimanche 11 septembre 2011
Bienfaisance individuelle ?
Évangile
selon Marc, chapitre 7, versets 31 à 37.
(Psaume
70 – Ésaïe 29, versets 17 à 24 – Actes des Apôtres 9, versets 1 à 20)
Encore un peu de temps, et
le Liban se changera en verger. […] En ce jour-là,
les sourds entendront les
paroles du livre, et, délivrés de l’obscurité et des ténèbres,
les aveugles verront,
écrit le prophète Ésaïe à propos des temps messianiques.
Le messie est donc là, qui
plus est en terre étrangère (au Liban), marquant ainsi
l’universalité de sa mission,
et des sourds, des muets, etc., sont guéris.
C’est que, répond notre
évangile, le règne de Dieu s’est approché, avec Jésus,
en sorte que son instauration
définitive puisse trouver des peuples avertis, préparés.
Les miracles de Jésus sont donc
des signes avertisseurs, raison pour laquelle
tous les sourds, muets,
aveugles, boiteux ne sont pas guéris… ni tous les humiliés,
prisonniers, etc. (Ésaïe),
rachetés ni délivrés. Les signes doivent donc rester discrets,
sous peine de faire croire à
la venue immédiate et définitive des temps messianiques.
Mais il est possible que
Jésus, lui-même, n’ait eu conscience que tardivement
de l’inutilité de la
bienfaisance individuelle face à la prégnance de la violence,
et qu’il ait conclu plus tard
que la publicité à cet égard trahissait le sens véritable
de sa mission, puisque le
messie devait être condamné à mort, message de Dieu
à une espèce qui s’autodétruit
en tuant le fils de l’homme, portant le blasphème
à son comble en tuant le
fils de Dieu. Reste le message tout simple de Jésus
au malheureux enfermé
dans son mal, figure de la maladie humaine : Ouvre-toi !
Dimanche 18 septembre 2011
La vie
avec l’autre
Évangile
selon Luc, chapitre 10, versets 25 à 37.
(Psaume
74 – Genèse 4, versets 1 à 16a – Première épître de Jean 4, versets 7 à
12)
Le prochain, en grec, c’est celui qui est à côté.
En hébreu, c’est un ami, ou un autre, mais bien connu.
Ce Samaritain n’est pas un prochain, mais un étranger, un adversaire, un inconnu.
Et un impur : s’il te touche, tu dois retourner
à Jérusalem, au temple, te faire purifier :
sale type ! Mais quand tu es au plus bas,
vraiment foutu, tu supportes sans difficulté
de devoir ta vie à ce méprisable. C’est dur,
le voilà ton prochain,
ce que tu acceptes en assumant ton peu d’être face à
lui, lui pardonnant
d’être ce qu’il est, et surtout : lui pardonnant de te rendre ainsi débiteur.
Si les rôles se renversent, tu deviendras son autre bienfaisant…
Et tu ne le peux qu’en étant pardonné toi aussi de cela.
L’exemple (la parabole) est extrême, mais s’applique à chacun.
Retournements, légèreté des êtres, et l’enjeu est la vraie vie.
Dimanche 25 septembre 2011
Guérir sans exiger
Évangile
selon Luc, chapitre 17, versets 11 à 19.
(Psaume
84 – Genèse 28, versets 10 à 19a – Épître de Paul aux Romains 8, versets 12
à 17)
Lépreux ? Peu importe alors que tu sois juif ou samaritain : proscrits tous pareils.
Et vis-à-vis de ce lot d’impureté, existent deux attitudes, pas plus :
Tu le tiens à l’écart, maudit, condamné à n’être que rebut.
Tu chasses à coup de pierres ces malvenus, semblables à nos sans-papiers.
Tu édictes pour eux des lois d’éloignement, comme dans la boue des camps de roms.
Ou tu guéris chacun, sans demander qui est qui.
Jésus fait mine de s’étonner, car le seul qui revient est celui qui a le plus reçu.
Est alors qualifié pour le Règne celui qui saisit que guérir sans exiger est œuvre divine.
Encore a-t-il fallu que la pitié du maître soit d’abord demandée…
(il ne faut pas passer comme de rien sur la guérison subite des dix lépreux,
il y a là comme une féérie, coup de baguette
magique évoquée avec si peu
de flonflon qu’elle devient pure parabole de la gratuité.)
Dimanche 2 octobre 2011
Temps fermé, temps ouvert
Évangile
selon Luc, chapitre 12, versets 13 à 21.
(Psaumes
104 & 65 – Ésaïe 58, versets 7 à 12 – Deuxième épître de Paul aux
Corinthiens 9, versets 6 à 15)
Avant, il avait en vivres une moisson d’avance, une année donnée.
Désormais, des années en réserve, amasser du bien c’est du temps pris sur la mort.
Il abat des greniers pour voir loin, non pour le jour le jour.
Ce paradoxe : au jour le jour le temps est infini,
mais il est fini pour qui se construit des calendriers d’années à venir.
Et il avait ce rêve de vivre sur du solide, du bâti, établi, durable.
Il n’espérait plus le bonheur d’un inattendu, le don d’un instant d’éternité.
Il faudrait vivre avec du bien sans croire en lui ?
Et dans ces greniers comblés, où va-t-il mettre de l’autre… et de l’Autre ?
Dans quel creux hospitalier ?
Il est donc mort et ne le sait pas... il ne reste qu’à concrétiser cela : qu’il meure.
Voilà son trop plein mis en partage, pour d’autres : ce bonheur lui vient trop tard !
Dimanche 9 octobre 2011
Celui qui vient dans le
monde
Évangile
selon Jean, chapitre 11, versets 1 à 45.
(Psaume
86 – Lamentations 3, versets 22 à 32 – Seconde épître de Paul à Timothée
1, versets 7 à 10)
Contrairement aux trois autres
évangiles (les évangiles dits "synoptiques"),
l’évangile selon Jean relate
peu de miracles, celui-ci étant le plus… surprenant.
Ce ne sont pas des actes de
puissance en elle-même, mais des "signes" offerts à la foi,
le but étant de faire voir le sens de la venue de Jésus :
il est "celui qui vient
dans le monde" : l’irruption du temps dernier dans le présent.
C’est pourquoi la résurrection
finale est au présent pour le bien-aimé,
Lazare ("celui que Dieu
aide"), ressuscité au futur antérieur.
En fait, le récit continue
jusqu’au verset 54 :
cet évangile aime les récits
longs (d’où la longueur de ces notes),
et présente volontiers aussi
le procès fait par les autorités judéennes à Jésus,
suite à chacun ou presque de
ses faits et dits.
C’est comme une nouvelle à
thème : Qu’est-ce que la vraie vie, qu’est-ce que la mort ?
Cela se dit dans les termes
d’une culture qui nous est étrangère :
beaucoup de juifs pharisiens
de l’époque voyaient la mort comme un sommeil
entre la vie de ce monde-ci (côlâm hazzèh) et la vie du
monde qui vient (côlâm habbâh),
dans laquelle on entrait après
un Jugement dernier universel,
peut-être à la fin du dernier
des éons (de longues périodes comparable à nos ères).
Ici, il s’agit de présenter
Jésus comme maître de la vie (y compris des temps de la sienne)
par suite de son union totale
avec le Père céleste (c’est le sens du terme "Fils de Dieu").
Ce que nous appelons mort est
vu comme un aspect de l’existence
telle que le Père céleste la
considère.
Noter la description précise
d’un milieu porteur, plus caché en Judée qu’en Galilée,
dans cette vie aventureuse, et
les aspects clandestin (vs 16 & 54) et politique (vs 48-50)
qu’elle revêt aussi puisque
tout se tient dans le monde du Père.
Dimanche 16 octobre 2011
Rattrapé, arrêté, dépassé
Évangile
selon Matthieu, chapitre 15, versets 21 à 28.
(Psaume
138 – Ésaïe 49, versets 1 à 6 – Épître de Paul aux Romains 10, versets 9 à
18)
Il est parfois dépassé par la
foi de païens "venus de l’Orient et
de l’Occident",
comme celle de ce centurion
romain du chapitre 8 (versets 5 à 13)
dont cette femme cananéenne
est le pendant féminin.
Lui voulait la guérison de son
paĩs (à la fois enfant, garçon
et domestique),
elle, elle veut celle de sa
fille, mais, selon les normes de l’époque, étant femme,
elle est encore plus éloignée
que lui de la pureté requise :
du moins de cette pureté
formelle récusée par Jésus juste auparavant (15, 1-20).
Il est ainsi rattrapé par sa
propre affirmation : la païenne lui enseigne cela.
Dépassé et arrêté. Comme on le
voit dans le récit des mouvements :
elle criait derrière les disciples qui suivaient,
elle passe devant leur maître…
Est souligné l’écart croissant
entre l’opposition des importants de son peuple
et la confiance de toute sorte
de représentants des foules impures.
Dimanche 23 octobre 2011
Une pratique
Évangile
selon Marc, chapitre 12, versets 28 à 34.
(Psaume
122 – Exode 20, versets 1 à 17 – Épître de Paul aux Romains 14, versets 17
à 19)
On a là un principe
d’interprétation de l’ensemble des prescriptions de la Thorâ.
Noter que l’amour, ici, n’est
pas un sentiment, mais la capacité de faire du bien.
Tout venant du divin, vu comme
roi/père, c’est lui qu’il faut rendre heureux.
Comment le faire ? En
rendant heureux ses sujets/enfants, constitutifs de son règne
C’est pourquoi ces deux
commandements n’en font qu’un : faire ceci, c’est faire cela.
Tu aimeras … de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute
ta force
traduit
l’hébreu de Deutéronome 6,5, qui se termine ainsi : de tout ton
beaucoup !
Chacun
des autres évangiles traduit ce terme bizarre (= tes capacités ?)
différemment.
Il
y a là des différences de conception à propos de l’être humain* mais celui-ci
est
appelé à aimer selon l’ensemble des fonctions constitutives connues à l’époque,
sensorielles,
émotionnelles, intellectuelles, etc. : complètement.
L’amour,
en tant que pratique, est le but du jeu.
* Voir sur ce site la page humain.
Fête de la Réformation
Dimanche 30 octobre 2011
Les
bonheurs paradoxaux
Évangile
selon Matthieu, chapitre 5, versets 2 à 10.
(Psaume
46 – Ésaïe 60, versets 6, 7 & 12 – Épître de Paul aux Romains 3,
versets 1 à 31)
Le premier mot du Sermon (5,1–7,29), comme du livre des Psaumes, est bonheur.
C’est le titre, qui dit le
but, mais aussi le don paradoxal,
en accord avec ce
qui est juste (dikaiosúnê, verset 10) chez ces êtres
intégrés au Règne :
bonheur de qui, au sein
du malheur d’être, vit par avance la libération universelle.
Les pauvres à l’esprit
(texto) : ceux dont l’engagement ne repose sur aucun intérêt extérieur.
Les doux : la
terre est à ceux qui ne la conquièrent pas.
Noter que les futurs, ici, disent
aussi le sens profond, actuel, des situations.
Pour ceux qui pleurent,
consolation, non rétribution ni vengeance.
Les purs au cœur
(texto) : leur discernement (le cœur) est unifié, pas faussé, pas
divisé.
Baisse de régime après le
verset 10 : c’est écrit sur un autre rythme, non plus poème
mais précision sur les
destinataires du poème, disciples voués au martyre.
Aussi le verset 12
annonce-t-il banalement une récompense, ou plutôt un salaire,
au lieu d’une justesse retrouvée
en adéquation au Règne.
Dimanche 6 novembre 2011
Ici et maintenant
Évangile
selon Luc, chapitre 17, versets 20 à 30.
(Psaume
90 – Job 14, versets 1 à 6 – Épître de Paul aux Romains 14, versets 7 à 9)
Deux thèmes mis ensemble par
Luc : l’aujourd’hui, et la fin du temps présent.
Le temps présent n’est pas
nécessairement le dernier temps de l’histoire humaine,
dans la conception du monde
qui s’illustre ici. Il y est l’une des longues périodes
(aiôn, ou éon, en grec)
qui se succèdent et finissent toutes dans un affaissement
cause de catastrophes. La fin
du temps présent (hâ‘olam hazzeh, ou ce temps-ci,
en hébreu) doit voir
l’apparition apocalyptique de Celui qui inaugurera le temps
futur (hâ‘olam habbâ, le
monde qui vient) et sa magnificence retrouvée.
La question de chacun est
alors : serai-je de ceux qui passeront ce cap ?
La première réponse de Jésus
(vs. 20 et 21) écarte cette conception traditionnelle
et reflète une vision plus
existentielle : c’est aujourd’hui que Dieu règne sur vous
ou non ! Là est
l’important, et l’on peut avoir l’impression que ce qui suit est une
concession à la pensée
courante, le but étant de souligner l’urgence de la décision.
Dimanche
13 novembre 2011
La
loi du faible
Évangile selon Matthieu, chapitre 25, versets 31 à 46.
(Psaume 50 – Jérémie 8, versets 4 à 7 – Épître de
Paul aux Romains 8, versets 18 à 25)
Cela concerne l’ensemble de
l’humanité (les nations), pas
seulement les croyants.
Il s’agit des brebis et des
chèvres (non des boucs) : non un doux et un puant,
mais deux espèces différentes,
représentant deux mondes possibles,
deux côtés de la réalité, main
droite et main gauche : côté pour soigner la bouche,
qui fait vivre, et côté pour
soigner l’anus, qui renvoie à la corruption.
L’image de l’humain véritable
(fils de l’humain), humanité voulue
par Dieu,
n’y est plus le messie (le
christ) d’Israël, elle modèle royalement l’avenir :
dans "le monde qui
vient", le sort réservé au faible devient le critère de sélection,
en dehors de toute
considération de mérite ou de pureté.
Dans ce modèle, le monde qui
oublie le faible est caduc, il disparaîtra.
Le critère de choix entre
brebis et chèvres dépend des actes réels,
non d’une adhésion, d’une
connaissance ou d’une religion préalables.
Dimanche 20 novembre 2011
Dernier dimanche de l’année liturgique ou Dimanche
du Christ Roi
Car préparer la noce, c’est déjà la noce !
Évangile
selon Matthieu, chapitre 25, versets 1 à 13. ma traduction
(Psaume
85 – Ésaïe 65, versets 17 à 25 – Apocalypse 21, versets 1 à 7)
Il s’agit du règne des cieux,
du règne de Dieu.
Ce qu’il faut garder en tête,
c’est que c’est une histoire de mariage, c’est une noce.
La mariée attend son époux, et
disons bien qu’elle en est heureuse.
C’est son histoire à elle, à
elle qui est dans la nuit, à elle dont l’époux approche.
Et l’histoire se concentre sur
son entourage, sur ses demoiselles d’honneur,
celles qui vont introduire
l’époux jusqu’à la chambre de la mariée.
Et si l’époux ne trouvait
personne, en arrivant, rien que la nuit de son épouse ?
Non, il y aura toujours des
filles pas bêtes pour l’accueillir, l’introduire et entrer avec lui
pour faire la fête, en une
histoire heureuse qui est elle du règne de Dieu !
C’est alors la fête des
croyants, à préparer maintenant et ici, fête à venir…
qui ne vient jamais et dont
l’attente elle-même est cette histoire du règne de Dieu
qui s’est approché,
s’approche : imminent – dont il faut s’occuper, soyons sensés !
Fin
de l’année liturgique
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de page
On
peut rejoindre le passage de son choix en cliquant,
dans
la liste suivante, sur l’élément correspondant :
Année
Matthieu
(ici, 2010-2011)
Matthieu 24, 37-44 – À l’avènement du Fils de l’Homme – 28
novembre 2010
Matthieu 3, 1-12 – Convertissez-vous – 5 décembre 2010
Matthieu 11, 2-11 – Celui qui doit venir – 12 décembre 2010
Matthieu 1, 18-25 – Elle enfantera un fils – 19 décembre 2010
Matthieu 2 – Nous avons vu son étoile – 25 et 26 décembre 2010
Matthieu 2, 19-23 – Dans une ville appelée Nazareth – 2 janvier
2011
Matthieu 3, 13-17 – Les cieux s’ouvrirent – 9 janvier 2011
Jean 2, 1-11 – Faites ce qu’il vous dira – 16 janvier 2011
Matthieu 8, 5-13 – Une aussi grande foi – 23 janvier 2011
Marc 4, 35-41 – Pourquoi avez-vous peur ? – 30 janvier 2011
Matthieu 13, 24-30 – C’est un ennemi – 6
février 2011
Matthieu 17, 1-9 – Il a été transfiguré – 13
février 2011
Matthieu 20, 1-16 – Ces derniers n’ont
travaillé qu’une heure – 20 février 2011
Luc 8, 4-15 – Le semeur est sorti pour semer
– 27 février 2011
Marc 8, 31-38 – Arrière de moi,
Satan ! – 6 mars 2011
Matthieu 4, 1-11 – Il fut tenté par le
diable – 13 mars 2011
Marc 12, 1-12 – Un homme planta une vigne
– 20 mars 2011
Luc 9, 57-62 – Les renards ont des
tanières – 27 mars 2011
Jean 12, 20-26 – Si le grain ne meurt –
3 avril 2011
Marc 10, 35-45 – Quiconque veut être
grand – 10 avril 2011
Jean 12, 12-19 – Ton roi vient – 17 avril 2011
Jean 19, 19-30 – Tout est accompli – 22
avril 2011
Marc 16, 1-8 – Il n’est pas ici – 24 avril
2011
Jean 20, 19-29 – La paix soit avec
vous ! – 1er mai 2011
Jean 10, 11-31 – Le bon berger – 8 mai 2011
Jean 15, 1-8 – Demeurez en moi – 15 mai 2011
Matthieu 11, 25-30 – Mon joug est doux –
22 mai 2011
Jean 16, 23b-33 – Demandez et vous recevrez –
29 mai 2011
Luc 24, 50-53 – Il fut enlevé au ciel –
2 juin 2011
Jean 15, 26 à 16, 4 – L’Esprit de
vérité – 5 juin 2011
Jean 14, 22-27 – Je vous laisse la paix
– 12 juin 2011
Jean 3, 1-15 – L’Esprit d’En-Haut – 19 juin
2011
Luc 16, 19-31 – Ils ont Moïse et les
prophètes – 26 juin 2011
Luc 14, 16-24 – Contrains-les d’entrer – 3
juillet 2011
Luc 15, 1-10 – Elle se réjouit – 10 juillet
2011
Luc 6, 36-42 – La paille et la poutre – 17
juillet 2011
Luc 5, 1-11 – N’aie pas peur – 24 juillet
2011
Matthieu 28, 16-20 – Je suis avec vous –
31 juillet 2011
Jean 6, 1-15 – Réunissez les morceaux – 7
août 2011
Matthieu 5, 13-16 – Vous êtes le sel de la
terre – 14 août 2011
Matthieu 25, 14-30 – Entre dans la joie de
ton maître – 21 août 2011
Luc 19, 41-48 – Une caverne de brigands – 28
août 2011
Luc 18, 9-14 – Qui s’abaisse sera élevé –
4 septembre 2011
Marc 7, 31-37 – Ouvre-toi – 11
septembre 2011
Luc 10, 25-37 – Qui est mon prochain ? –
18 septembre 2011
Luc 17, 11-19 – N’y a-t-il que ce
lépreux ? – 25 septembre 2011
Luc 12, 13-24 – Riche pour Dieu – 2 octobre
2011
Jean 11, 1-45 – Je suis la résurrection et
la vie – 9 octobre 2011
Matthieu 15, 21-28 – Ô femme, ta foi est
grande – 16 octobre 2011
Marc 12, 28-34 – Tu aimeras – 23 octobre
2011
Matthieu 5, 2-10 – Heureux les pauvres
– 30 octobre 2011
Luc 17, 20-30 – Le royaume de Dieu est au
milieu de vous – 6 novembre 2011
Matthieu 25, 31-46 – Les bénis de mon Père – 13
novembre 2011
Matthieu
25, 1-13 – Venez, les bénis de mon Père
– 20 novembre 2011
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Années « Marc »
(ici,
2011–2012)
Dimanche 27 novembre 2011
Évangile selon Marc, chapitre
13, versets 33 à 37.
(Psaume :
80 – Ésaïe 63, versets 16, à 64, verset 7 – première épître de Paul aux
Corinthiens 1, versets 3 à 9)
C’est la conclusion de ce que
l’on appelle souvent l’apocalypse de Marc (ch. 13) :
annonce des guerres à venir et
de la ruine de Jérusalem
envisagées comme catastrophes
liées à la fin attendue de l’ère (éon),
et retour en gloire de
l’humain par excellence (le fils de
l’humain de Daniel 7,10)
comme souverain universel
inaugurant l’éon futur.
Ces temps de la fin supposent
des tribulations pour les fidèles :
ils seront pour eux une
occasion de discerner le sens des événements
et de subir victorieusement la
persécution.
En attendant, il s’agit de ne
pas se déconcentrer (veillez !),
"le-monde-qui-vient"… vient.
Il se peut que ces versets 33
à 37 aient été la fin d’un premier état de cet évangile,
consacré à l’instruction de
fidèles en attente après la disparition de Jésus.
On aurait ajouté plus tard les
récits de la passion du Christ, à des fins liturgiques.
Dimanche 4 décembre 2011
Un nouveau souffle
Évangile selon Marc, chapitre
1, versets 1 à 8.
(Psaume :
85 – Ésaïe 40, versets 1 à 11 – Deuxième épître de Pierre 3, versets 8 à
14)
Je pense que le premier verset
est le titre qui résume l’ensemble du livre :
ce que raconte celui-ci est un
commencement, l’histoire continue…
Autre chose : la citation
du prophète interrompt un développement logique :
Selon ce qui est écrit dans le prophète Ésaïe (citation) Jôánnès est arrivé.
L’immersion (ou baptême)
marque un changement du sens de la vie,
une inversion (ou conversion)
de sa direction en effaçant les erreurs passées.
J’évite ces termes : baptême, conversion, péché, saint esprit, trop ensoutanés :
il s’agit du vécu des gens
plus que de leur religion instituée.
L’immersion évoque la noyade
volontaire d’un passé douloureux
en vue d’un présent refondé,
riche du souffle d’un avenir à faire ;
le terme péché, rendu par erreurs
passées, signifiait d’abord ratage.
Que plus fort que lui marche derrière lui est opposé à l’ordre humain :
image type du prophète (vêture
et nourriture), il parle selon la logique
du Dieu biblique qui place
toujours en premier le moins considéré.
Dimanche 11 décembre 2011
Un
déjà-là inconnu
Évangile selon Jean, chapitre
1, versets 6 à 8, et 19 à 28.
(Psaume :
Luc 1, versets 46 à 54 – Ésaïe 61, versets 1 à 11 – Première épître de
Paul aux Thessaloniciens 5, versets 16 à 24)
Ils savent tous qu’ils vivent
la fin de leur monde, vieux et sclérosé ;
ses ressorts ont manifestement
cessé de donner de l’énergie et du sens.
C’est vrai de tout l’Empire,
en particulier dans ses principaux centres :
décadence, violence,
arrogance, cruauté, misère, ignorance, superstition.
C’est vrai de la vision du
monde portée par les gestionnaires de la Loi de Moïse,
profondément démoralisés par
leur soumission à l’ordre gréco-romain,
qu’elle soit, selon les
diverses écoles, volontaire, seulement subie ou combattue.
C’est pourquoi sont évoquées
les figures traditionnelles (le messie, Élie, le prophète)
de l’annonce d’une nouvelle
ère, images qui préexistent, bien connues de ce public.
Ce monde-qui-vient est plus
surprenant dans cet évangile que dans les autres :
le baptiseur n’y est même pas
prophète, il est autre, presque anonyme : une voix.
Ce qu’il annonce est un
présent inconnu (v. 26) : un déjà-là extrêmement autre.
Tant il est vrai que le règne
de Dieu rôde autour de nous et parmi nous…
Dimanche 18 décembre 2011
Un
grand souffle
Évangile selon Luc, chapitre
1, versets 26 à 38.
(Psaume :
89 – 2 Samuel 7, versets 1 à 16 – Épître de Paul aux Romains 16, versets
25 à 27)
Par-delà le langage codé d’une
culture située et datée, antique et proche-orientale,
c’est le récit d’une
intervention décisive de la sainteté dans un monde perdu.
Il y faut la présence,
l’inventivité, le souffle, d’un Dieu capable de tout,
et la part impuissante mais
bénévole de l’espèce humaine (juste une gamine).
Le mot grec parthénos signifie "vierge" et
désignait simplement une jeune fille.
Nommée ainsi et à ce point
obéissante, Marie est ici la figure d’un peuple d’Israël
enfin fidèle à son dieu (voir
Amos 5,1-2 et Ésaïe 7,14).
Deux mises au point : si
elle était vierge avant, rien n’est dit sur la suite à ce sujet ;
dans le texte de Luc,
contrairement à celui de Matthieu, rien ne dit non plus
que le souffle saint n’agisse pas pendant une ordinaire et prochaine nuit
de noces.
Amusant aussi de constater que
le nom Gabriel signifie "Dieu
est mon homme",
à rapprocher des mots
d’Ève : J’ai acquis un homme, avec
mon Seigneur (Gen. 4,1).
Ceci dit, la conception
virginale semble bien être objet de foi pour l’évangéliste,
désireux de faire de Jésus, à
la fois un être dépourvu des tares humaines,
et l’héritier authentique du
roi David, serviteur et vicaire du dieu d’Israël.
Le titre de Fils de Dieu
reprend l’antique affirmation, très politique, de la filiation
divine des rois du Proche
Orient ("Moi, Ramsès, fils de Râ") :
Psaume 2 (v. 6-7).
Dimanche 25 décembre 2011
L’arrivée
du Dire
Évangile selon Jean, chapitre
1, versets 1 à 18.
(Psaume :
98 – Ésaïe 52, versets 7 à 10 – Épître aux Hébreux 1, versets 1 à 6)
J’ai
préféré Dire, plutôt que Parole, ici, pour traduire le terme grec
lógos* :
« au
commencement » (Genèse 1), Dieu ne parle pas, il dit… et la chose
existe.
Ce
qu’il me plaît à souligner, c’est qu’il s’agit d’un poème ! Une écriture
forme-sens.
On
ne peut pas dire autrement ce que crée cet écrit sans en changer le sens.
À
souligner aussi qu’une philosophie s’exprime ici autant qu’une théologie :
philosophie
du Dire de Dieu, du Dire comme Dieu : créateur, maître de la vie,
vie
d’ici et de maintenant et surtout vie-lumière qui est la vraie vie.
Une
vie qui est une mort, appelée monde (kósmos), comparable aux ténèbres,
s’oppose
en effet à une vie véritable, dont la lumière est l’image.
Noter
qu’on n’est pas dans la description de l’essence des choses
mais
dans l’existentiel ; aussi, l’essentiel advient, il arrive, il est
histoire
(c’est-à-dire,
dans les termes de l’hébreu biblique : chair), et par conséquent
passion.
*
Ce lógos de Jean n’est pas
celui des philosophes grecs, il n’est pas la raison que l’on peut retrouver
dans l’ensemble du monde
perceptible, mais à la fois une pensée, une volonté et une énergie créatrices
extérieures à ce monde. Pour
trouver une image, c’est un peu comme une conscience cosmique amicale
qui serait aussi un big
bang !
Dimanche 1er janvier 2012
La
vue devenue parole
Évangile selon Luc, chapitre
2, versets 16 à 21.
(Psaume :
67 – Nombres 6, versets 22 à 27 – Épître de Paul aux Galates 4, versets 4
à 7)
Les
uns le disent à d’autres qui le disent à d’autres encore, et ainsi de suite.
C’est
une histoire de transmission, dont le point de départ est, cependant,
le
fait que les uns ont vu ce que les autres leur avaient dit qu’ils verraient.
Ce
n’est pas le fait de la naissance d’un bébé, même né dans les conditions
précaires
de ce voyage dû à une dépendance honnie à l’égard d’impies impurs,
qui
pourrait étonner, mais le fait que l’annonce en a été faite de façon
prophétique.
Il
y fallait donc des anges, ou bien plus exactement des messagers (ággeloi)
célestes,
faute
sans doute de ces prophètes humains dont l’espèce avait disparu
(Jean
le baptiste n’a que six mois).
Selon
le vocabulaire biblique habituel, le cœur de Marie n’est pas le réceptacle
de
ses sentiments, mais sa capacité de discerner et de comprendre avec justesse.
Elle
est bien placée pour relier l’ensemble des événements à un sens de l’histoire
qui lui fut dévoilé neuf mois
plus tôt. Elle est dans le secret de Dieu.
Épiphanie
Dimanche 8 janvier 2012
Une
ère nouvelle
Évangile selon Matthieu,
chapitre 2, versets 1 à 12.
(Psaume :
72 – Ésaïe 60, versets 1 à 6 – Épître de Paul aux Éphésiens 3, versets 2 à
6)
Ce ne sont pas des rois, mais
les savants de l’époque, astrologues zoroastriens,
des sages liant sens et
savoir, tels des "Prix Nobel" de ce temps-là.
Un astre nouveau paraît,
observé à son lever (plutôt qu’à l’Orient, même mot grec),
signe d’une ère
nouvelle à l’échelle de tout l’univers.
Bethléem, ville du roi-messie
David, et la Judée deviennent le centre du cosmos.
Ces mages sont des voyants qui
font de la prospective géopolitique au niveau mondial.
Hérode et le Tout-Jérusalem,
grands-prêtres et théologiens mêlés, restent sans voix,
gelés dans l’éternelle logique
tordue du pouvoir, celle de l’empire qu’au fond ils servent
(Hérode le Grand, mort en – 4,
rebâtisseur du temple et féal des empereurs romains).
Matthieu arrange les citations
et les datations pour établir le lien entre Jésus
et le roi David d’une part
(Bethléem), lien positif de filiation,
Jésus et le roi Hérode d’autre
part, lien négatif d’opposition.
Dimanche 15 janvier 2012
Une
liturgie messianique
Évangile selon Jean, chapitre
1, versets 35 à 42.
(Psaume :
40 – 1 Samuel 3, versets 3 à 16 – Première épître de Paul aux Corinthiens
6, versets 13 à 20)
L’ensemble 1,19-2,12,
élément d’une construction théologique et liturgique de
l’histoire de Jésus propre à
Jean, donne une grande importance aux jours et heures.
De l’annonce de la présence du
messie (1,26) faite par le
Baptiste aux noces de Cana,
première manifestation de
Jésus messie, les événements tiennent en sept jours.
D’où la mention du verset 39 (la dixième heure, soit 16 h.) qui rend
attentif à cela.
Cette semaine inaugurale
contient les principaux thèmes de l’évangile.
En ce troisième jour :
apparition de disciples non pas appelés mais volontaires :
être disciple consiste alors à
devenir chercheur (et donc trouveur) de messie.
L’annonce principale :
Jésus est l’agneau de Dieu (verset 36), animal pur, pacifique
et innocent, que les prêtres
sacrifiaient pour l’annulation du poids des fautes.
On inaugure ici un lien
central, quoique paradoxal, propre à la foi évangélique
mais présent surtout chez Jean
dans le thème liturgique de l’agneau : le messie,
héros élu de Dieu pour
apporter une délivrance, accomplira cela en étant sacrifié.
En ce sens, l’évangile se
donne pour thème essentiel la reconnaissance et la purge
de la violence universelle
propre aux humains (c’était le but des sacrifices sanglants).
Dimanche 22 janvier 2012
L'annonce
de paix
Évangile selon Marc, chapitre
1, versets 14 à 20.
(Psaume :
25 – Jonas 3, versets 1 à 10 – Première épître de Paul aux Corinthiens 7,
versets 29 à 31)
L’éuaggélion (évangile) était primitivement une proclamation
bienveillante faite
par héraut à la population au
nom d’un souverain. Vu la crainte que pouvaient
néanmoins susciter les visites
royales, je traduis par "annonce de paix" (v. 14 et 15).*
Chez les prophètes hébreux,
les "visitations" de Dieu à son peuple sont le plus
souvent présentées comme des
temps terribles pour les fauteurs de violence injuste.
Mais le tout premier message du
Jésus de Marc (verset 15) est celui-ci : le Dieu
souverain a décidé de visiter
son peuple dans une intention très positive, son règne
de justice va être établi là
où il ne l’est pas, il est temps de se mettre en situation
en "changeant de
sens" (conversion) vers la justesse. Dans la logique de Marc,
c’est une annonce positive
pour les pauvres, et une menace pour les dirigeants.
Au cours du récit de Marc, le
discours de Jésus va évoluer, de cette annonce
accompagnée de signes de
puissance destinés à l’avérer, vers l'acceptation de sa
mission personnelle. De
héraut, il devient le héros d'une histoire destinée à réaliser
le projet contenu dans
l'annonce. C'est une mission "cruciale" à valeur universelle
(meurtre puis résurrection),
annonçant une apocalypse mondiale au déroulement
semblable (catastrophe puis
avènement d'une ère de bonheur).
* Pour plus de précision sur le sens du
mot évangile, cliquer ici pour trouver
le texte intitulé Les mots du discours évangélique.
Dimanche 29 janvier 2012
L’Unique
et le multiple
Évangile selon Marc, chapitre
1, versets 21 à 28.
(Psaume :
95 – Deutéronome 18, versets 15 à 20 – Première épître de Paul aux
Corinthiens 7, versets 32 à 35)
Qu’une personne soit un
"individu", un indivisé,
est une idée que l’on n’accepte
plus depuis Freud, croient les
contemporains, pourtant, bien des cultures craignent
la coexistence de plusieurs
entités dans un seul sujet. Entre autres, ce récit le montre.
L’enjeu de cette histoire,
c’est la capacité (éxousía, traduit
par pouvoir, verset 22)
de mettre en œuvre le sens et
la force de la parole : ici, de rendre un être cohérent,
comme signe/annonce de ce qui
se passe quand Dieu règne (verset 15).
Les mots souffle impur (pneúma
akathárton) sont traduits le plus souvent par esprit
impur, mais je tiens à l’image du souffle : au sens biblique,
même personnifié, il est
ce qui va et qui vient en nous, mais toujours pour nous pousser dans un
sens ou
dans un autre ! Un être habité par plusieurs souffles n’est pas pur : ce type malade
a du souffle, bien sûr, mais
il en a un trop grand nombre, et pas tous bons ; bloqué,
mal inspiré, il n’est pas unifié, pas un, ni vers Dieu, ni comme
Dieu : « Écoute,
Israël, le Seigneur notre Dieu
est le Seigneur Un » (début du Chemâ,
credo israélite).
Dimanche 5 février 2012
Il
est sorti
Évangile selon Marc, chapitre
1, versets 29 à 39.
(Psaume :
147 – Job 7, versets 1 à 7 – Première épître de Paul aux Corinthiens 9,
versets 16 à 23)
Marc ne détaille pas ce que
dit Jésus, ni quand il s’adresse aux gens,
ni quand il prie (versets 15,
22, 35, 38), sa parole est brève. C’est un héraut
habité par l’urgence :
annoncer ! Un maître mot de ce début de Marc : aussitôt
(1,10,12,18,20,21,23,29,30,42 ; 2,8,12). L’annonce se fait par parole et par
actes-signes
(malades guéris, démons
chassés) montrant ce qu’il advient quand Dieu règne :
un peuple sain et saint.
Urgence telle, qu’il guérit pendant le sabbat,
quoique encore dans le secret
de la maisonnée (versets 29-31).
La Galilée (= la Zone), région
interlope peuplée de plusieurs ethnies et religions,
aux foules abandonnées, est
choisie plutôt que la prestigieuse ville sainte
de Jérusalem, cité des
prêtres, des savants et des puissants.
Aujourd’hui, cela se passerait
en Seine-Saint-Denis.
Ambiguïté voulue de
l’expression c’est pour cela que je suis
sorti (verset 38) :
sorti de la maison ce jour-là, ou bien du monde de
Dieu (verset 11) ?
Dimanche 12 février 2012
Évangile selon Marc, chapitre
1, versets 40 à 45.
(Psaume :
102 – Lévitique 13, versets 1-2 & 45-46 – Première épître de Paul aux
Corinthiens 10, verset 31 à 11, verset 1)
Je reprends ce que j’avais déjà écrit au sujet de ce passage en
m’inspirant
de l’interprétation de Louis Simon (dans Mon Jésus, éd.
Olivétan) :
Pour un lépreux purifié, le livre du Lévitique prescrit ceci : on
présente au prêtre
deux pigeons : l'un est sacrifié, et avec son sang on asperge l'autre,
qu'on relâche
vivant (Lévitique 14, 4-7). Jésus fait expressément référence à ce
sacrifice
(verset 44), or la vie de l’un y est au prix de la mort de l’autre.
C’est ce que dit cette histoire : on n’est pur qu’au prix de la
mort du Christ.
Chaque miracle, aussi, approche le Jésus de Marc de sa mort de
colombe
sacrifiée pour la vie des autres (voir aussi Jonas, hébreu yônâ, qui signifie colombe).
fait croître la demande de miracles (verset 45), qui rend la foule
sourde à la parole
du héraut du règne de Dieu, alors même que l’acte de puissance est
pourtant
signe de ce même règne… C’est le tragique, dans l’évangile selon Marc.
Dimanche 19 février 2012
Aime-toi !
Évangile selon Marc, chapitre
2, versets 1 à 12.
(Psaume :
41 – Ésaïe 43, versets 1-2 & 45-46 – Deuxième épître de Paul aux
Corinthiens 1, versets 18 à 22)
On peut interpréter ces récits comme précédemment, en mettant en avant
l’intervention de la phase d’écriture, qui a pu donner un sens
parabolique
à la narration. Mais il faut aussi savoir repérer, en particulier chez
Marc,
premier évangile connu (trente ans après les faits), le caractère
concret des
souvenirs des témoins, ruraux galiléens encore éberlués : le
brancard, le toit,
les quatre amis, les lettrés qui renaudent. Il y a là du visuel. Jésus
a été un
thaumaturge, un guérisseur aux grands pouvoirs, comme on en rencontre
dans toutes les cultures traditionnelles. Mais dans tout cet évangile,
l’œuvre
bonne n’est pas considérée en soi, mais comme un signe d’autre chose,
l’occasion et la possibilité pour chacun, handicapé ou non, de repartir
à
zéro dans le domaine qui compte vraiment : le pardon du passé quel
qu’il
soit (en grec, littéralement : tes
erreurs ont été relâchées) : aime-toi !
Dimanche 26 février 2012
L’annonce de paix
Évangile selon Marc, chapitre
1, versets 12 à 15.
(Psaume :
25 – Genèse 9, versets 8 à 15 – Première épître de Pierre 3, versets 18 à
22)
Sous prétexte de calendrier liturgique, c’est seulement maintenant que
vient
la tentation de Jésus, qui intervient dans l’évangile juste après son
baptême…
Ici, j’admire cette concision propre à Marc, pressé d’en arriver à
cette première
étape : les aventures extraordinaires du Nazaréen en Galilée.
Au passage, il évoque le prophète Élie (un texte à relire : 1 Rois
19, 1-14),
l’un des annonciateurs des destinées de Jean le Baptiste et de Jésus
(Marc 9, 1-13).
Le résumé du propos de Jésus (verset 15) est l’évangile proprement dit :
l’annonce, éuaggélion, que
fait l’envoyé d’un grand roi aux sujets de celui-ci
pour les avertir de sa venue bienveillante ; annonce créatrice de
fidélité renouvelée
à ses lois (un changement de sens, dans les pensées et dans les
conduites).
Elle est une heureuse nouvelle, ou annonce de bonheur, de chalom,
en ce sens
que cette venue va solder tous les comptes en vue d’un redémarrage à
neuf.
Dimanche 4 mars 2012
La
pratique
Évangile selon Marc, chapitre
9, versets 2 à 10.
(Psaume :
116 – Genèse 22, versets 1 à 18 – épître de Paul aux Romains 8, versets 31
à 34)
Le sens de cette sélection ne peut être comprise sans le verset qui
précède (9,1) :
(Et
il leur disait – Amèn je vous dis ceci ––– il en est certains – qui se trouvent ici
qui n’éprouveront pas la mort
– avant d’avoir vu le règne de Dieu – …).
Le
discours de la voix et l’annonce de la résurrection (versets 7 et 9)
résument
l’accomplissement,
en Jésus, de la Loi (Moïse) et des Prophètes (Élie), ces deux
parties
constitutives, à l’époque, des Écritures bibliques antérieures.
L’ensemble
du récit se situe dans le registre d’une théophanie (apparition divine),
avec
la métamorphose, les apparitions, la nuée mystérieuse et la voix céleste :
parenthèse
au sein de notre espace/temps, irruption de réalités de la fin des temps.
Les
premiers chrétiens attendaient la fin des temps pour tout de suite :
elle
n’est pas venue et l’évangile, après une génération et plus, en présente ici
une
anticipation, avec cette conclusion, qui vient après le rappel, dans les
chapitres
précédents, de l’action bonne de Jésus : l’essentiel est
dans la pratique
(verset
7 : Écoutez-le), enracinée dans la mort et la résurrection du
Christ,
non
dans l’attentisme ou la contemplation mystique (les trois tentes de Simon).
Dimanche 11 mars 2012
Le
corps/temple
Évangile selon Jean, chapitre
2, versets 13 à 25.
(Psaume :
19 – Exode 20, versets 1 à 17 – première épître de Paul aux Corinthiens 1,
versets 22 à 25)
À partir du moment où les disciples du Galiléen croient,
le Temple de pierre, souillé,
se perd pour eux comme Maison du Père (v. 16).
En ce temps (vers 100 après JC) où le temple de Jérusalem est détruit,
la foi dans le nom du Christ offre pourtant un temple, présent
là où se trouve
le corps du Christ : lieu universel, accessible à toute personne
qui croit en Jésus, fils, c’est-à-dire maison, je dirai
même corps, du Père.
Il n'y a plus alors de Terre sainte, ou plus exactement, c'est toute la
terre
qui peut devenir un espace de sainteté si le Christ y est présent en
esprit
dans la vie des gens qui l'acceptent pour leur Seigneur.
Ils vont transposer à toute l'étendue de la terre l'ensemble des
promesses
faites à Israël, promesses réalisées selon eux en Jésus Christ,
messie
relevé d'entre les morts pour la vie de tous, sans aucune
discrimination.
Il fallait pour cela, dans cette optique, que ce temple/corps soit
détruit,
puis surgisse (ressuscite), signe
offert à la foi de tout être devenu corps/temple :
« Vous êtes le temple de Dieu », écrit saint Paul (1
Corinthiens 3,16).
Dimanche 18 mars 2012
Le
signe du serpent
Évangile selon Jean, chapitre
3, versets 14 à 21.
(Psaume :
137 – 2 Chroniques 36, versets 14 à 23 –Épître de Paul aux Éphésiens 2,
versets 4 à 10)
Le serpent d’airain de Moïse
évoque les antiques caducées, ces insignes,
soit du messager royal, soit
de la médecine divine. La croix s’apparente à ces signes :
le crucifié représente alors
le porteur du jugement du Père céleste (versets 17-21),
et celui vers qui se tourner
pour une vie qui traverse les âges (versets 15-16).
Selon ce signe du serpent
élevé, la croix prend un sens complexe et paradoxal :
– Elle est une
élévation (verset 14) : l’abject devient le sublime,
car c’est cela la révélation
évangélique : que Dieu se montre dans l’humilité dernière.
– Elle est un enseignement :
celui qui pend au bois est l’unique fidèle (ou fils).
– Elle est une
exposition : le crucifié est exposé à la haine universelle (verset 20)
car la violence haineuse est
propre à l’humain, autre révélation.
– Elle est une pierre de
touche : les uns se découvrent enfants de Dieu à leur insu,
porteurs qu’ils sont de la
bonté, et d’autres, praticiens du malheur.
Dimanche 25 mars 2012
Le
grain qui meurt
Évangile selon Jean, chapitre
12, versets 20 à 33.
(Psaume :
51 – Jérémie 31, versets 31 à 34 –Épître aux Hébreux 5, versets 7 à 9)
Question : qu’en est-il
des goyim, des païens : qu’en
pense Jésus ?
Voici que le monde se met à sa suite ! disent de lui les
pharisiens (v. 19) :
ainsi de ces Grecs, des
prosélytes du temple judéen, annonciateurs de ces hellénistes
membres de la toute première
Église de Jérusalem (Actes 6) et des incirconcis
mêlés aux Judéens des communautés
fondées par Paul.
L’évangile selon Jean prête
ici à Jésus un point de vue précis sur le statut
de ces Grecs au regard de la
foi chrétienne : sa mort occasionnera beaucoup
de fruits,
tout être qui croira en lui
entrera dans la vie, tous seront appelés.
Déjà, des Galiléens au nom
grec (Philippe, André) sont disciples de Jésus
et servent d’interprètes (on
en déduit que Jésus ne parlait pas le grec).
Il est présenté ici comme
universaliste, ce qui pourrait ne pas être historique, mais se
référerait à la situation de
la communauté qui a vu naître cet évangile vers l’an 100.
La gloire du Père céleste, l’étendue de son règne, touche l’ensemble
de l’humanité.
L’enjeu : vivre pour soi
seul, selon la loi qui prime en ce monde (v. 31),
ou mourir pour qu’une
multitude se lève et vive pour la durée
du temps
(non dans la linéarité sans
fin d’une éternité platonicienne, mais dans la plénitude).
Ici, il ne s’agit pas du thème
du sacrifice sanglant calqué sur ceux du temple,
la métaphore utilisée est liée
aux lois physiques, biologiques, de la création :
le grain qui meurt étant l’humain par excellence, il donne vie à
l’humanité nouvelle.
Dimanche 1er avril 2012
Évangile selon Marc, chapitre
11, versets 1 à 11.
(Psaume :
24 – Ésaïe 50, versets 4 à 7 –Épître de Paul aux Philippiens 2, versets 6
à 11)
L’histoire de l’ânon ressemble
fort aux méthodes de la clandestinité,
avec ses gens qui collaborent
sans se connaître et ses mots de passe.
On retrouve dans Marc (14, 13) cette notation selon
laquelle il existe
en Judée un milieu acquis
souterrainement au prophète galiléen.
La manifestation elle-même
semble organisée de la même manière,
le but étant de mettre en
scène un prétendant au rôle de roi-messie.
Au sens politico-religieux, la
séquence est subversive pour les Romains.
Jésus avait prévenu qu’il
n’entrerait pas dans cette manip (10, 32-38),
lui opposant la séquence
mort/résurrection du Fils de l’Humain.
Les zélés lui forcent-ils la
main, ou, comme cela ressort plutôt du récit,
assume-t-il ce malentendu ? Une ambiguïté qui aurait peut-être un sens :
c’est dans la condition
malheureuse, tordue, de l’histoire humaine
que l’œuvre du Seigneur-Dieu
s’accomplit.
Mais Celui qui vient ne
peut que tromper l’attente des humains.
Évangile selon Jean, chapitres
18 & 19.
Psaume
29
Dans cet évangile, Jésus ne dit pas Mon Dieu pourquoi m’as-tu
abandonné – début
du Psaume 22 – mais il y a deux évocations de ce Psaume, dont la structure est faite
de deux parties : les deux premiers tiers sont un appel à Dieu de la part d’un fidèle
persécuté, le troisième tiers commence par tu m’as répondu (mots bizarrement absents
de certaines traductions, fin du v. 22), et est un hymne de reconnaissance : évoquer
ce psaume au moment de la
crucifixion fait donc espérer la résurrection à venir.
La
loi romaine obligeait Pilate à fournir un motif ; après que Jésus ait été
condamné
pour
motif religieux par les prêtres, il le condamne pour un motif politique global,
ce
qui réunit l’ensemble des atteintes possibles aux institutions
humaines ;
mais
sur le motif, il lui donne deux titres correspondants : homme de Dieu* et
roi.
La tradition fait du disciple bien-aimé l’auteur de cet évangile. Il est possible que les
Églises de la mer Égée pour lesquelles il a été écrit aient vénéré particulièrement la
mère de Jésus, alors que les
Églises orientales de l’époque vénéraient plutôt Joseph.
Le récit montre un Jésus totalement conscient d’être arrivé au bout et à bout (deux
sens du verbe tétélétéstai (c’est achevé, c’est accompli, v. 30) de l’œuvre de son Père
céleste, ce qui est l’un des thèmes centraux de cet évangile, dans lequel le Fils a
pour mission d’opérer ce qui doit l’être pour permettre aux fidèles de le rejoindre
auprès du Père, devoir dont la
croix (non la résurrection) est l’aboutissement.
Dimanche 8 avril 2012
Le
Jour Un
Évangile selon Jean, chapitre
20, versets 1 à 10.
(Psaume :
118, versets 1 à 20 – Actes des Apôtres 10, versets 34 à 43 – Première
épître de Paul aux Corinthiens 5, versets 6 à 8)
C’est le jour UN (verset 1),
pas seulement le premier de la semaine,
ni le premier de l’ère
chrétienne, mais le jour de la nouvelle création.
Dieu sort un nouvel humain, un
nouveau monde, du néant, du chaos innommable.
L’histoire commence un peu
avant, les ténèbres (Genèse 1,2) sont encore présentes,
car l’éveillé n’est pas encore
apparu,
mais la tombe, lieu par
excellence de l’inexistence ostensible de l’être, est déjà vide.
On y a tout rangé.
Le tombeau vide, c’est la
vidange paradoxale de la vacuité, cela annonce la plénitude,
ce qui mène "l’autre
disciple" à la foi, bien avant qu’il ait vu l’éveillé.
C’est un thème typique de
l’évangile selon Jean : heureux qui croit sans avoir vu.
Cela s’adresse à tous ceux, à
venir, qui, jamais dans le monde ancien, ne verront.
"L’autre disciple"
est proche des femmes (19,26-27),
aussi anticipe-t-il ce qui
sera donné aux femmes : voir, entre leurs pleurs,
le nouveau jardinier du monde
nouveau (Jean 20,15-16 ;
Genèse 2,8).
Dimanche 15 avril 2012
Vocation à la
justesse
Évangile selon Jean, chapitre
20, versets 19 à 31.
(Psaume :
118, versets 17 à 23 – Actes des Apôtres 4, versets 32 à 35 – Première
épître de Jean 5, versets 1 à 6)
Cette sélection empêche de
voir que les versets 19 à 23 font partie du récit
de la sélection précédente,
celle du jour Un, du jour de la (ré)surrection ;
les versets suivants, avec
Thomas, huit jours après, reviennent néanmoins
sur le même sujet : ceux
qui croient sans avoir vu. Les autres disciples, eux, ont vu
– Pierre étant leur témoin –
mais ils n’ont pas encore cru (sauf l’autre disciple, verset 8,
un sacrément meilleur
disciple !).
Ils ont peur des Judéens
(non des Juifs, eux-mêmes le sont quoique Galiléens).
Ils s’enferment : il
faudra que lui paraisse pour qu’ils croient, c’est-à-dire qu’ils sortent
(verset 21) : la foi est
mouvement vers les autres… pour le pardon :
Paix pour vous !
(trois fois). Châlom ‘aléikhem, Salaam ‘aléikoum, Paix pour
vous :
c’est pour eux une assurance,
car si la mort elle-même est surmontée,
quelle faute ne le sera
pas ? Mais c’est surtout la vocation à la justesse, dans la vie.
La paix donnée, tu la prends
ou tu la rejettes.
Dimanche 22 avril 2012
Le
démarrage
Évangile selon Luc, chapitre
24, versets 35 à 48.
(Psaume :
4 – Actes des Apôtres 3, versets 11 à 19 – Première épître de Jean 2,
versets 1 à 5)
Les mots employés sont précis.
Voici quelques termes fondamentaux :
Conversion (métánoïa) :
changement de compréhension et d’orientation de la vie
vers ce qui est utile au
bonheur (le propre, dès ici-bas, du règne de Dieu).
Paix sur vous :
salutation habituelle (Jésus est là comme d’habitude),
mais aussi programme
d’ensemble : la paix, dans les langues sémitiques,
inclut toutes les conditions pratiques,
individuelles et sociales, d’une vie heureuse.
Pardon : les
erreurs passées ne sont plus prises en compte.
Le péché, vu comme erreur
compulsive, toujours recommencée
sous ses divers aspect, et qui
touche fondamentalement au sens même de la vie.
On peut toujours
(re)commencer : c’est ce qu’enseigne ce surgissement (anástasis)
du Christ, entre autres
enseignements.
Un commencement toujours
devant, un retournement toujours à entreprendre.
Dimanche 29 avril 2012
La
vie ou la croix
Évangile selon Jean, chapitre
10, versets 11 à 18.
(Psaume :
118, versets 24 à 29 – Actes des Apôtres 4, versets 8 à 12 – Première
épître de Jean 3, versets 1 & 2)
Un berger a reçu autorité sur
le troupeau de la part du propriétaire.
Il fait partie de la maison du
maître, et c’est en ce sens que les brebis sont à lui,
Surtout s’il est fils du
maître (maître, brebis, berger, fils : on parle en parabole).
Il n’abandonne pas ses brebis,
il accomplit tout acte nécessaire à leur bien.
Ainsi, pour le Jésus de
l’évangile selon Jean, sauver sa vie serait les abandonner,
se conduire en
mercenaire ; et se défaire de sa vie, c’est les mener en sûreté.
Les brebis en question
composeront un troupeau futur,
qu’ils soient d’une bergerie
ou d’une autre, d’un faux berger ou d’un autre :
l’humanité future, troupeau
composé des amis du berger véritable,
n’est pas d’une seule origine
ou appartenance. Ici ou là sont des gens
qui appartiennent au Christ,
qu’ils sachent ou non l’appeler Seigneur, ou Messie,
ou Fils de Dieu, à leur
manière ils le connaissent et sont connus de lui.
Dimanche 6 mai 2012
La
parole-acte
Évangile selon Jean, chapitre 15,
versets 1 à 8.
(Psaume :
22 – Actes des Apôtres 9, versets 26 à 31 – Première épître de Jean 3,
versets 18 & 24)
Dans la culture qui paraît là,
dont l’idéal est la justesse,
un disciple accompli a reçu la
parole de son maître de telle sorte que,
son maître absent, il puisse
transmettre la même parole à ceux qui suivront.
C’est un lien physique,
comme toute parole vraie ; et ce qui importe,
ce sont les fruits portés par
cette parole, c’est-à-dire les comportements induits.
Jésus est la vigne
(image biblique d’un peuple juste façonné par Dieu)
parce qu’il est juste,
absolument conforme, obéissant, à la volonté divine.
Ce moi obsédant n’est
pas la marque d’un narcissisme,
mais de cette absolue
conformité à la parole de Dieu, dans le faire et le dire.
Il est lui-même cette
parole-acte, cette vie-en-Dieu, et il est le seul à l’être.
À qui veut vivre en Dieu, tout
l’évangile selon saint Jean affirme
qu’on ne le peut qu’en
s’incorporant à ce maître-là, et en se l’incorporant.
Dimanche 13 mai 2012
Le
collectif
Évangile selon Jean, chapitre
15, versets 9 à 17.
(Psaume :
98 – Actes des Apôtres 10, versets 25 à 48 – Première épître de Jean 4,
versets 1 à 11)
Porter du fruit ou garder
les commandements, c’est s’aimer les uns les autres.
Il est à noter que c’est un
commandement collectif, non personnel.
Il s’agit d’une discipline de
groupe, fondant une communauté sainte.
Se souvenir que l’amour, dans
les Écritures, n’est pas un sentiment,
et que le commandement d’amour
évoque donc bien une conduite praticable :
faire pour les autres ce que
l’on voudrait qu’ils fassent pour soi.
Mais dans l’évangile selon
saint Jean, il s’agit de plus : aimer les autres,
non pas comme soi-même,
mais plus que soi-même, à l’image du Christ
(comme je vous ai aimés)
et du Père céleste (comme mon Père m’a aimé).
Il s’agit de se démettre de
soi-même, ce que l’on ne peut réussir sans Dieu.
C’est donc ce qui est à lui
demander (verset 16) et qui sera accordé.
Paul aurait écrit ici qu’il
s’agit de se constituer sur terre en corps du Christ.
Jeudi 17 mai 2012
Évangile selon saint Marc, chapitre 16, versets 9 à 20
(Psaume :
47 – Actes des Apôtres 1, versets 1 à 11 – Épître de Paul aux Éphésiens 4,
versets 1 à 13)
L’absent présent
Ce texte,
attribué à l’évangile de Marc, est postérieur à sa rédaction, il n’apparaît
pas dans
tous les manuscrits. Il fait montre à la fois d’un style et de conceptions fort
différents
de ce qui précède, et à vrai dire nettement moins pertinents.
La fin
abrupte de l’évangile (car elles avaient peur, 16,8) aura poussé des
copistes
ultérieurs
à ajouter une fin plus conforme à leur spiritualité.
Seule,
l’œuvre de saint Luc (évangile et Actes des Apôtres) reprend ce thème de
l’Ascension,
ceci de façon plus précise et plus visuelle : on y voit Jésus monter vers
les cieux
et disparaître de la vue des apôtres, astucieusement caché par une nuée…
À partir
d’un fait – Jésus n’est plus présent physiquement – on voit ici comment
un
processus narratif se met en branle et se développe en quelques décennies.
Chez Marc,
le thème central reste celui de la mission, qui suppose, chez ses acteurs,
la foi en
la résurrection. On ne ressent plus le besoin de préciser ce qu’il en est de
cette annonce
de paix (éuaggélion), devenue l’évangile, au contenu supposé
connu,
sinon pour
préciser que sa portée est universelle (v. 15).
Enfin, on
insiste sur la permanence de l’action terrestre du Christ malgré son départ
vers les
cieux.
Dimanche 20 mai 2012
Évangile selon saint Jean,
chapitre 17, versets 11 à 19.
(Psaume : 103 – Actes des Apôtres 1, versets 15 à 26 – Première épître de Jean 4, versets 11 à 16)
Ne pas oublier qu’il s’agit d’une logique particulière à l’évangile selon Jean :
Le-Christ-qui-va-mourir, parole/vérité venue du Père céleste, lui confie ses disciples,
non comme des élèves ou des obligés mais comme des amis sauvés d’un péril.
Il s’agit des conditions de leur existence en ce monde où règnent les ténèbres.
La sainteté, ici, consiste à se séparer du monde alors même que l’on vit dans le
monde. Pour le Christ de Jean, cela signifie s’accepter victime consacrée, comme
dans le cadre d’un sacrifice rituel. Mais le fond de la chose consiste en une chaîne
d’amour filant sans rupture, du Père-céleste-qui-est-amour aux disciples plongés
dans la violence du monde, et de ceux-ci vers le Père céleste. C’est ainsi que l’Un
est dans les autres, et les autres dans l’Un. La mort du Christ est le passage obligé
entre les deux sphères, parce ce qu’il est lui-même le lieu où elles communiquent
alors que les ténèbres du monde les séparent. C’est aussi une dynamique, un
mouvement ascendant passant
par la croix, mort promise de ce monde.
Évangile selon saint Jean,
chapitre 15, versets 26 et 27 ; & chapitre 16, versets 12 à 15.
(Psaume : 104 – Actes des Apôtres 2, versets 1 à 11 – Épître de Paul aux Galates 5, versets 16 à 25)
La dangereuse vérité
Ce découpage sort ces paroles
de leur contexte, de la question propre à Jean :
qui, des représentants
patentés (civils ou religieux) du monde ou de Jésus,
est dans la ligne qui va du
Père céleste au monde et inversement ?
Affirmer que c’est Jésus, en
témoigner, revient à se faire haïr et persécuter
(témoigner : marturéô,
qui a donné "martyre"). Un défenseur devient nécessaire
aux témoins, un avocat (paráklêtos,
qui a donné le terme théologique de Paraclet
pour désigner l’Esprit saint).
Il est celui que l’on appelle à son secours
devant une mortelle accusation.
C’est comme le souffle (ou esprit) qui élève
au-dessus d’elle-même la
personne qui témoigne d’une vérité, dangereuse
pour elle, mais dont elle est
habitée. L’enjeu n’est pas de savoir si Monsieur
Jésus de Nazareth est le bon
gourou, mais où se trouve la vérité qui peut éclairer
le monde sur lui-même, sur sa violence, et sur le Père céleste qui l’attend.
Évangile selon Matthieu,
chapitre 28, versets 16 à 20.
(Psaume : 33 – Deutéronome 4, versets 32 à 40 – Épître de Paul aux Romains 8, versets 14 à 17)
La liberté d’agir
Ce sont les derniers mots de
l’évangile selon Matthieu, dans lequel les disciples
hommes sont informés du
tombeau vide, en un second temps, par les femmes.
C’est donc le seul passage où
ils se trouvent en présence du ressuscité.
C’est un temps entre les
temps, aussi entre les certitudes (verset 17) :
entre leur vie de disciples
amis d’un maître allant malgré eux vers la croix,
et de fidèles disciples
envoyés en mission par un maître partant de la croix,
s’en délivrant pour une
histoire à faire dont elle est la matrice.
On reconnaît ici l’existence d’un
langage ecclésial (Père, Fils et Saint-Esprit)
déjà construit depuis les
années soixante (une génération auparavant).
Le mot liberté (verset
18) est un des sens d’éxousía, traduit souvent par pouvoir,
ce qui en colore trop le sens vers une domination de type impérial, alors qu’ici,
Jésus affirme plutôt avoir reçu de Dieu la liberté et la capacité de faire répandre
son appel au changement (dont le baptême est le signe) et son enseignement.
Les disciples reçoivent de lui mandat d’agir en ce sens :
Matthieu ne connaît d’Église que missionnaire.
Évangile selon Marc, chapitre
14, versets 12 à 26.
(Psaume : 116 – Exode 24, versets 3 à 8 – Épître aux Hébreux 9, versets 11 à 15)
La fête collective
Jésus et ses disciples à table
pour la dernière fois. Trois actes pour un jeudi.
Dans le premier, on retrouve
cet intérêt de l’évangile selon Marc pour les
ambiances de
clandestinité : il existe à Jérusalem, plus généralement en Judée,
un milieu qui se met
souterrainement au service du messie galiléen :
cloisonnement, signes de
reconnaissance, lieux préparés en secret.
C’était déjà l’ambiance
subversive du récit initial de la Pâque, au temps de Moïse.
Deuxième acte, même
ambiance : un traître. Qui ? Chacun s’en sait capable…
où il est question du sort
injuste du juste, trahi par les siens (Judas-Judée).
!!! –
le messie est un Juif galiléen : les traîtres sont des Juifs judéens, non les
Juifs !
Le troisième acte revient sur
le repas pascal lui-même, agneau, pain azyme et vin.
La Pâque est ce repas
sacrificiel où l’agneau remplace les premiers-nés
condamnés (Exode 13) : le
thème central en est la libération d’un peuple
à l’égard des puissances
néfastes qui le tenaient en servitude.
La solution finale de
cela : non la mort, mais le banquet, la fête collective.
Évangile selon Marc, chapitre
4, versets 26 à 34.
(Psaume : 92 – Ézéchiel 17, versets 22 à 24 – Deuxième épître de Paul aux Corinthiens 5, versets 6 à 10)
Trois conditions pour un règne
Le règne de Dieu, pour
ici-même, c’est comme quand trois conditions sont réunies :
une semence jetée, une terre
productrice, enfin un moment propice à la récolte.
Ceci acquis, les choses
avancent et se concluent d’elles-mêmes.
Ces trois : la parole de
Dieu, son accueil par ta richesse humaine, le temps où tu produis.
Et ce temps est peut-être dans
ton aujourd’hui, comme il sera au jour de ta récapitulation.
Quand Dieu règne, c’est quand
tu produis. Ce règne n’est pas un endroit où un temps.
Dans l’attente on ne le voit
pas, ou peu, il est tout petit.
Mais ce qui en sort à la fin
(n’importe quel moment qui fait une fin), c’est comme pour
la colombe Jonas, assommée de
soleil dans le désert, quand elle revit (Jonas 4).
La parabole ne dit pas la
chose, elle suggère que tu serais heureux si tu devenais
toi-même l’un de ses
personnages : une terre qui produit en sorte que vienne la fraîcheur,
réparatrice pour toi,
l’oiseau, comme pour toutes les nuées d’oiseaux.
Évangile selon Luc, chapitre
1er, versets 57 à 80.
(Psaume : 139 – Ésaïe 49, versets 1 à 16 – Actes des Apôtres 13, versets 22 à 26)
Ils étaient vieux et sans descendance.
En eux, la lignée des prêtres se tarissait, la vieille religion mourait.
Le Temple n’avait plus d’avenir.
Il n’avait plus rien à produire, car la fille et femme de prêtres était stérile.
Il n’avait plus rien à dire, car le prêtre était muet.
D’ailleurs il ne croyait pas aux paroles qui se disaient là.
C’était la fin.
Puis un enfant est né, qu’on appela Jean, Yo‘hanan, Mon-Seigneur-a-fait-grâce.
Une vie nouvelle, une histoire nouvelle.
Elle repartait du désert, cette vie, elle quittait la
ville sainte, elle abandonnait le lieu saint,
à immerger dans les gloires et les sacrifices du passé,
elle se souciait des vies et de leurs actes, elle allait parler d’un avenir à naître.
Qui venait.
Évangile selon Marc, chapitre
5, versets 21 à 43.
(Psaume : 30 – Ézéchiel 18, versets 21 à 32 – Deuxième épître de Paul aux Corinthiens 8, versets 7 à 15)
Un peuple qui meurt
Une histoire à l’intérieur
d’une histoire : elles s’expliquent l’une par l’autre.
Elles marquent la fin heureuse
de douze années de crise (versets 25 et 42).
Douze années : une
période de la vie, mais aussi l’image d’un temps de l’histoire,
de celle du peuple d’Israël d’alors…
ou de l’histoire humaine, tout simplement.
Voici un peuple qui n’a plus d’avenir, mais ce temps-là s’achève, tout est relancé.
Cela sous deux visages :
deux femmes en mal d’enfantement à deux périodes de la vie.
Femme adulte qui n’a pas pu
porter d’enfant pendant douze ans,
et fille de douze ans devenant
pubère, quasiment morte.
Histoire actuelle… Ce peuple
ne croit plus à l’avenir : ses médecins (ses élites)
ont cessé de soigner, ils se
bornent à faire du fric – pire, ils rendent malades.
Ses foules ? Devant la
fin annoncée, leur porte-parole coupe les ponts (verset 35).
Elles, elles se moquent
(verset 40), cyniques et sceptiques.
Il lui suffit pourtant d’y
croire (verset 34), il lui suffit d’une parole vraie (verset 41)
pour aller en paix, heureux,
et pour se remettre à manger.
Évangile selon Marc, chapitre
6, versets 1 à 6.
(Psaume : 123 – Ézéchiel 2, versets 2 à 5 – Deuxième épître de Paul aux Corinthiens 12, versets 7 à 10)
Les installés
"Les foules fatiguées et
chargées" de la Galilée affluent, selon cet évangile,
autour de Jésus pour être
guéries, pardonnées, enseignées et aimées.
Dans cette configuration, le miracle
arrive, en réponse à un terrible manque.
C’est aussi une réponse à la
violence et à l’injustice, à la non-justesse
dont elles souffrent, elles
qui ne sont rien, humains de base toujours méprisés.
L’action miraculeuse du
messie, dit Marc, est la réponse de Dieu à cela.
On voit plus tard qu’elle est
pur signe, inopérante s’il s’agit de changer le monde,
et que le messie ne peut que
s’aligner sur l’autodestruction de l’humanité,
laissant à vif l’espérance
d’une résurrection annoncée.
Les bonnes gens de Nazareth
n’entrent pas dans cette tragédie,
ne demandent rien, n’auront
donc rien, bons représentants de l’attitude
constante des installés à
l’égard des prophètes, cela depuis Amos (– 8ème siècle).
Évangile selon Marc, chapitre
6, versets 7 à 13.
(Psaume : 85 – Amos 7, versets 12 à 15 – Épître de Paul aux Éphésiens 1, versets 3 à 14)
Un commando
C’est une sorte d’action de
commando, rapide, discrète et potentiellement
efficace. Là encore, il n’est
pas prévu qu’elle aboutisse à un retournement
complet de la situation du
peuple d’Israël, la venue du messie Jésus n’étant
pas le dernier mot d’une
glorieuse histoire finale, mais l’annonce de celle-ci,
à terme, à une date inconnue.
Il s’agit de poser des signes :
des retournements obtenus en
quelques villages galiléens, présageant de la
possibilité pour le peuple de
changer. Changer de sens (on traduit d’habitude
par conversion), c’est
aussi bien comprendre autrement sa situation réelle,
sa dépendance à l’égard du
règne de Dieu et de nul autre, que se comporter
autrement, selon les
enseignements de Jésus, qui découlent de ce règne.
Les guérisons accomplies par
les envoyés font partie des signes de l’annonce
de la venue du messie qu’on trouve
dans les Écritures juives.
Évangile selon Marc, chapitre
6, versets 30 à 34.
(Psaume : 23 – Jérémie 23, versets 1 à 6 – Épître de Paul aux Éphésiens 2, versets 13 à 18)
Une lecture de l’histoire
Entre le récit précédent et
celui-ci, il y a le meurtre de Jean le Baptiste,
qui survient au moment où
Jésus devient célèbre : disparition de l’un avec
passage de témoin à l’autre,
mais changement de ton : il ne s’agit plus
de la repentance et du pardon
des péchés prêchés à toute la Judée (1,4-5),
centre mondial du peuple
d’Israël, mais de la condition misérable des foules,
dans les marges galiléennes.
Si ces gens sont appelés à la repentance,
ils sont aussi guéris (6,12-13), autre
changement, et bientôt nourris (6,35-42) :
l’évangile selon Marc établit
ainsi une séquence logique entre les événements :
un précurseur lucide prépare
le milieu israélite à des changements
venus on ne sait d’où et
demandant un nouvel état d’esprit – les premiers signes
annonciateurs de ce changement
surviennent en force en Galilée : au lecteur
de s’attendre au grand
chambardement final dans le centre judéen (chapitre 13).
C’est une lecture de
l’histoire : vers 70, cet évangile interprète la destruction
– alors imminente ou tout
juste survenue – de Jérusalem et du temple
par les Romains comme fin d’un
cycle cosmique ouvrant sur l’apparition,
en un temps indécidable, du
Fils de l’homme venu inaugurer le règne de Dieu.
Mais les trois derniers
chapitres de l’évangile changent de registre et semblent
remplacer cette venue céleste
par l’annonce de la passion/résurrection du messie.
Évangile selon Jean, chapitre
premier, versets 1 à 15.
(Psaume : 145 – 2 Rois 4, versets 42 à 44 – Épître de Paul aux Éphésiens 4, versets 1 à 16)
La Présence
Le Dire, plutôt que la Parole,
pour traduire le grec lógos, non seulement parce
que masculin, mais surtout
parce que les premiers mots, Au commencement,
évoquent les premiers mots de
toutes les Écritures (Genèse 1), où Dieu dit,
ce qui équivaut à une
création. Le Dire de Dieu est création du vrai monde,
celui de la lumière. Or
l’histoire (vrai sens du mot chair) des humains
est ténèbres et mensonge, née du
refus. Toute l’histoire est là, dans ce poème,
du moins selon l’évangile de
Jean : le scandale du refus de la lumière
par ceux qui vivent dans les
ténèbres ; le choix de la lumière par certains,
ce qui correspond à un
engendrement par lequel ils deviennent enfants de Dieu ;
et surtout, la présence
ici-bas de Dieu (shkinâ, en hébreu, qu’évoque le mot
grec skinê, la tente
habitée par lui) en la seule personne du Christ Dire de Dieu.
la gloire et la vérité qui en
accompagnent les grands débuts… pour qui croit.
(voir aussi, ci-dessus, la
note du 25 décembre).
Évangile selon Jean, chapitre
6, versets 24 à 35.
(Psaume : 78 – Exode 16, versets 2 à 15 – Épître de Paul aux Éphésiens 4, versets 17 à 24)
La nourriture de l’avenir
Se souvenir de la conception
générale du monde supposée par cet évangile :
non l’Histoire, mais une
succession d’éons (longues périodes commençant dans
la gloire et se terminant dans
la catastrophe, leur énergie devenue trop faible).
Non notre cosmologie, mais un
empilement de ciels, le plus haut, LE ciel,
habité par le Père-Empereur-Dieu
(vie absolue, lumière), le plus bas par les
Enfers (vie totalement atone, ténèbres). Les ciels intermédiaires étant habités
par des puissances plus ou
moins opérantes et bénéfiques, souvent mortelles
(le modèle est le mode de
fonctionnement des empires orientaux antiques).
L’enjeu est alors de passer
dans la Vie de l’éon suivant, cet évangile supposant
qu’il s’agit du dernier, l’éon
des éons, sous la seule gouvernance de Dieu.
La nourriture de ce ciel et de
cet éon n’est pas notre pain, mais le Christ.
Il est évidemment possible que
cela se réfère à l’eucharistie, mais incertain
car le récit de la Cène ne
figure pas dans cet évangile.
Le message : la seule
vraie vie, pleine et entière, se vit sous le règne de Dieu,
en communion avec le Christ,
parole qui enseigne et dirige, lumière qui illumine,
pain qui nourrit au sens où
avoir foi libère à l’égard de dépendances morbides.
Évangile selon Jean, chapitre
6, versets 41 à 51.
(Psaume : 34, versets 1 à 9 – 1 Rois 19, versets 4 à 8 – Épître de Paul aux Éphésiens 4, verset 30, à 5, verset 2)
Le signe du
pain
Nous sommes dans une séquence
qui lie l’image du pain à la vie sur-temporelle
offerte à ceux qui ont foi
dans le Christ ; au fil du récit, on passe de la matérialité
du signe (la multiplication
des pains) à la réalité de ce à quoi, en fait, il se référait,
à savoir ce qui fait vivre
("le pain de vie"), non seulement dans l’histoire présente,
mais de façon radicale, quel que
soit l’espace-temps dans lequel on se trouve.
Ce "pain" n’est
autre que la chair du Christ (verset 51), offerte, c’est-à-dire
l’existence terrestre qu’il
sacrifie pour les siens. C’est en effet le sens habituel
du mot chair dans les
Écritures (bichrâ en araméen, bâsâr en hébreu, sarx en
grec).
Ceux qui se repaissent du
récit de cette existence et la font leur, ce qui est la foi,
entrent ainsi dans la vie par
excellence, entièrement consacrée à l’œuvre voulue
par le Père céleste –
c’est aussi ce que signifie le signe de l’eucharistie, autre
matérialité liée à une réalité
opérationnelle : le don de sa vie par amour.
Évangile selon Jean, chapitre
6, versets 51 à 58.
(Psaume
34, versets 1 à 9 – Proverbes 9, versets 1 à 6 – Épître de Paul aux
Éphésiens 5, versets 15 à 20)
Je résiste à voir dans ces
passages de l’évangile, comme on le fait souvent,
une simple évocation du rite
eucharistique : il ne raconte pas le dernier repas,
ni ne cite les paroles dites
d’institution de la Cène, cela doit avoir un sens :
pour moi, il tient à conférer
à ce thème de la chair à manger et du sang à boire
un sens moins directement
liturgique, déplaçant le corporel, réel mais second,
de la manducation des espèces
eucharistiques vers un aspect corporel premier,
la présence réelle du Christ
dans l’existence du croyant, ce qui est pour lui la foi.
Mâcher la chair et boire le sang
signifient alors s’incorporer le récit de l’existence
terrestre du Christ ainsi que
sa vie actuelle, les faire totalement siens,
comme écrit Paul :
« Ce n’est pas moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi ».
Ce qui inclut évidemment le fait
christique central : la mort à soi-même.
Dans sa culture, pour nous
exotique, Jean dit que c’est ainsi que l’on dépasse
les limites spatio-temporelles du monde, se défaisant ainsi de sa loi mortifère.
Évangile selon Jean, chapitre
6, versets 60 à 69.
(Psaume 34, versets 16 à 23 – Josué 24, versets 1 à 18 – Épître de Paul aux Éphésiens 5, versets 21 à 32)
Pour cet évangile, la foi dans
le Christ, fils de l’humain et fils de Dieu,
est une incorporation dans
votre existence, une intégration en vous
de ce que signifie la vie
terrestre de Jésus de Nazareth.
On ne le fait pas toujours pour avoir été témoin des miracles qu’il accomplit :
les signes puissants qu’il
manifeste ne sont interprétés de la bonne façon
par certains, tels que les
Douze, que saisis dans leur esprit, pas seulement
dans leur aspect
concret ; il existe un type d’intelligence qui confère du souffle
(de l’esprit, pnéúma) à
l’expérience vécue de ceux qui assistent à tel ou tel fait,
leur permettant de percevoir
ce qu’il signifie, en quoi et de quoi il est signe.
Le miracle ne dit rien, il a
même tendance à brouiller les pistes, et il en va
de même de la parabole, par
exemple celle de la chair du maître à mâcher,
tout comme de la lettre d’une
écriture – c’est l’esprit, le souffle, qui vous soulève.
Évangile selon Marc, chapitre
7, versets 1 à 23.
(Psaume 15 – Deutéronome 4, versets 1 à 8 – Épître de Jacques 1, versets 17 à 27)
Du pouvoir intégriste
Deux thèmes, donc, l’imposture
des directeurs de conscience du peuple,
et la question de la souillure venue du dedans de la personne.
Sur la question du lavement
les mains, il ne s’agit pas d’hygiène personnelle !
L’époque juive considérée ne
craint que la souillure, dont l’origine lui paraît
se trouver dans le fait
d’établir un contact avec la pourriture, la décomposition,
réelle ou possible, et par
conséquent avec la mort. Il s’agit de l’impur,
souillure matérielle mais
aussi rituelle, liée à des interdits arbitraires (tabous).
Les règles, traditionnelles ou inventées, offrent évidemment aux dirigeants
politico-religieux, alors en réaction
contre l’hellénisation des esprits
et l’autorité de l’empereur
païen, l’occasion d’exercer leur pouvoir intégriste
sur les simples gens, ainsi
que de servir leurs intérêts matériels (le corbân),
comme de nos jours là où l’on
craint la séduction d’un Occident impur.
La démarche de Jésus, selon
l’évangile, consiste à déplacer cet impur,
de la propreté et du rite vers
l’éthique, dans la ligne des prophètes.
Une logique qui amènera à
terme la suppression des interdits alimentaires,
(Il déclarait pur tous les
aliments, texte sans doute ultérieur) et, plus largement,
la doctrine du salut par la
foi personnelle, chez Paul, au lieu du salut
par l’obéissance à la loi. Se
profile aussi l’idée selon laquelle l’être humain,
voué au bien, est néanmoins
foncièrement habité par le mal (verset 21).
Évangile selon Marc, chapitre
7, versets 31 à 37.
(Psaume 146 – Ésaïe 35, versets 4 à 7 – Épître de Jacques 2, versets 1 à 5)
Ouvre-toi !
Quand les sourds
entendront, quand les muets parleront, quand les aveugles, etc.,
l’allégresse et la joie
s’approcheront, la douleur et le gémissement s’enfuiront,
la gloire du Liban leur
sera donnée, écrit à peu près le prophète Ésaïe à propos
de ces temps où l’on verra
la gloire de mon Seigneur, la magnificence de notre Dieu,
ces temps que l’on appelle
messianiques. Or dans l’évangile de Marc le messie est là,
qui plus est en terre
étrangère (au Liban), marquant ainsi l’universalité de sa mission,
et des sourds, des muets,
etc., sont guéris. Pourquoi, alors, les temps messianiques
ne sont-ils pas installés sur
la terre ? C’est que, répond cet évangile, le règne de Dieu
s’est approché, avec Jésus,
en sorte que son instauration définitive soit objet
d’espérance. Les miracles de
Jésus sont donc des signes avertisseurs, raison
pour laquelle tous les sourds,
muets, aveugles, boiteux ne sont pas guéris…
ni tous les humiliés,
prisonniers, etc. (Ésaïe), rachetés ni délivrés.
Les signes doivent donc rester
discrets, sauf à donner prise à qui prétendrait détenir
le pouvoir sur les temps
messianiques. Il est possible aussi que Jésus, lui-même, n’ait
eu conscience que tardivement
de l’inutilité de la bienfaisance individuelle face à la
prégnance de la violence, et
qu’il ait conclu plus tard que la publicité à cet égard
trahissait le sens véritable
de sa mission, puisque le messie devait être condamné
à mort, message en acte de
Dieu à une espèce qui s’autodétruit en tuant le fils de
l’homme, et
porte ainsi le blasphème à son comble en tuant le fils de Dieu.
Reste le message tout simple
de Jésus au malheureux enfermé dans son mal,
figure de la maladie
humaine : Ouvre-toi !
Évangile selon Marc, chapitre
8, versets 27 à 35.
(Psaume 116 – Ésaïe 50, versets 5 à 9 – Épître de Jacques 2, versets 14 à 18)
Rappel : l’expression le Fils
de l’humain (ou Fils de l’homme, mais c’est sexiste),
ainsi transposée à partir d’une langue sémitique (araméen ou hébreu) signifie tout
simplement l’Être humain ; en hébreu, de la même manière, un fils de boulangerie
est tout simplement un boulanger, et pour dire dans cette langue un être humain,
ou l’être humain, mais aussi l’humanité, on dit Ben Adam, fils d’Adam.
Parlant ainsi, Jésus se situe comme figure de l’ensemble de l’humanité.
En l’assassinant lui, c’est l’humanité que les autorités assassinent, alors même
qu’elles sont les émanations autorisées de l’humanité. C’est un suicide,
mais c’est l’aboutissement inéluctable de l’errance et de la violence humaine,
on ne peut plus rien contre : le messie doit être tué. Seul, Dieu peut créer une
humanité nouvelle : l’humain disparu peut faire place à un humain nouveau.
Les disciples du messie tué et relevé doivent accepter cette logique : une autre
serait mensongère. Ils doivent suivre derrière, ou en rester à Satan, image de la
séparation radicale qui existe entre les humains, et entre Dieu et les humains.
C’est du moins ce que je comprends de ces paroles de Jésus transmises par Marc.
Évangile selon Marc, chapitre
9, versets 30 à 37.
(Psaume 54 – Jérémie 11, versets 18 à 20 – Épître de Jacques 3, verset 16, à 4, verset 3)
Il semble qu’il y ait un tournant, au chapitre 9 de l’évangile selon Marc.
Jésus y paraît ne plus vraiment s’attacher aux actes de puissance dont il
a empli la Galilée, il y circule désormais, autant que possible, incognito.
Il lui faut passer, de la puissance bénéfique liée au règne de Dieu qu’il annonce,
à la marche vers le grand jugement qui aura lieu à Jérusalem, en Judée.
C’est ce détachement du désir de pouvoir qui trouble les disciples, pour lesquels
la gloire et le pouvoir restent liés à ce qui vient de Dieu.
Dans cette culture, l’enfant est l’image même de la dépendance et surtout de
l’insignifiance. Un enfant n’est rien en soi, comme le serviteur, même s’il
garantit cependant la continuité des lignées et de la mémoire des ancêtres.
Il est totalement dé-pendant : ainsi en est-il, selon Jésus, de lui-même,
semblable à un petit enfant par rapport au Père céleste.
Évangile selon Marc, chapitre
9, versets 38 à 48.
(Psaume 19 – Nombres 11, versets 25 à 29 – Épître de Jacques 5, versets 1 à 6)
Deux ensembles. Le premier (38-42) exclut totalement la constitution d’une
institution liée à Jésus. Le seul intérêt à prendre en compte est celui du sort des gens :
possédés (v. 38), c’est-à-dire victimes d’une puissance mauvaise, ou "petits" (v. 42).
Toute personne qui fait du bien aux gens agit dans le même sens que Jésus.
Toute personne qui cause du mal au "petit" est condamnée.
Pour l’évangéliste, ce "petit" est celui qui met sa vie sous le règne de Dieu : justice
sociale et justesse de vie. Le faire chuter signifie l’amener à quitter cette juste voie.
Le second thème (43-48) reprend ce dernier point : entrer dans la vie (c’est-à-dire
se placer sous le règne de Dieu) entraîne à court terme des choix douloureux :
la violence injuste et dangereuse qui règne sur le monde est présente en chacun,
dans tous nos moyens vitaux : c’est l’actualité de ce texte, l’appel au choix vital.
Précision : ce passage est rempli d’expressions
populaires courantes à l’époque :
le verset 40, la grosse meule du verset 42, cette
mention énigmatique, leur ver,
du verset 48, qui évoque les derniers mots du livre
d’Ésaïe (66,24) où il est
question du cadavre, pourrissant sans fin, des
ennemis de Dieu...
– Vingt-septième dimanche du
temps de l’Église
Évangile selon Marc, chapitre
10, versets 2 à 16.
(Psaume 128 – Genèse 2, versets 18 à 24 – Épître aux Hébreux 2, versets 9 à 11)
Une seule
humanité
Ici, avec Jésus, au mépris de la tradition patriarcale propre à la charia de l’époque,
la femme n’est plus une dépendance de l’homme – père ou époux –,
elle est au bénéfice d’un droit, à égalité, au sein d’une unité de base, le couple.
À ce titre, elle fait désormais partie de l’histoire.
Je rappelle en effet que le terme traduit par chair, v. 8, signifie en fait l’ensemble
des conditions et des liens qui déterminent l’existence des êtres.
On constate ici l’évolution d’une société clanique vers le modèle familial réduit.
Ces paroles reprennent aussi, à l’inverse, un thème de la loi de Moïse souvent
oublié par les hommes à l’époque : l’adultère ne concerne pas que les femmes…
La suite du texte reprend le thème de la défense des éléments les plus faibles,
ici les enfants, dont la dépendance est utilisée comme parabole de la soumission
à l’égard du règne de Dieu proposée aux humains (voir ci-dessus au dimanche 30).
Ou
– Fête
des Récoltes ou de la Reconnaissance
Évangile selon Luc, chapitre
12, versets 15 à 21
Psaume – 1 Chroniques 29,
versets 10 à 14 – Épître de Paul aux Galates 6, versets 4 à 10
Temps fermé ou temps ouvert
Avant, il avait une moisson d’avance pour vivre, une année donnée.
Désormais, avec des années de réserve, c’est-à-dire
des années en réserve,
amasser du bien est pour lui du temps pris sur la mort.
Il abat des greniers pour voir loin, non pour le jour le jour.
Ce paradoxe : au jour le jour le temps est infini, mais le temps est fini
pour qui se construit des calendriers d’années à venir.
Et il avait ce rêve de vivre sur du solide, du bâti, de l’établi, du durable.
Il n’espérait plus le bonheur d’un inattendu, le don d’un instant d’éternité.
Il faudrait vivre avec du bien sans croire en ce bien ?
Et surtout : lui qui est seul, dans ces greniers comblés, où va-t-il mettre l’autre ?
Dans quel creux hospitalier recevra-t-il les autres ?
Il est mort, déjà mort, il ne le sait pas... il ne reste qu’à concrétiser cela.
Et voilà son trop plein mis en partage : pour lui ce bonheur vient trop tard !
Évangile selon Marc, chapitre
10, versets 17 à 30.
(Psaume 90 – Proverbes 3, versets 18 à 24 – Épître aux Hébreux 4, versets 12 et 13)
Le plein et le vide
Plusieurs choses. D’abord
cette remarque que le règne de Dieu est, à la fois,
ici et maintenant, et dans le
"temps" à venir. La question n’est pas de gagner
son paradis, chose impossible
aux humains (v. 27), mais de vivre sous le règne
de Dieu, quel que soit le
"temps" (l’éon, selon les termes de l’époque).
Ensuite, apparaît
manifestement un double régime, par rapport à cette exigence.
Le régime des gens comme tout
le monde, qui peuvent se contenter de vivre en
conformité avec les impératifs
de base du règne, les commandements ;
et le régime de ceux qui ont
en eux un plus grand désir de Dieu, ceux auxquels
une chose manque (v.
21). À ceux-là est donnée (v. 30) l’errance et la nudité,
avec l’évidence de la persécution, puisque les humains ne sont pas bons (v. 18).
La richesse n’est pas rejetée
en soi, mais comme obstacle à l’heureuse (heureux
les pauvres…) recherche de ce vide qui laisse entrer Dieu en soi.
Évangile selon Marc, chapitre
10, versets 35 à 45.
(Psaume 33 – Ésaïe 53, versets 10 & 11 – Épître aux Hébreux 4, versets 14 à 16)
Le monde à l’envers
Un roi marche sur une capitale
pour un combat final et victorieux au cours
duquel ses vassaux vont avoir
à se distinguer s’ils veulent qu’il partage
sa gloire et ses conquêtes
avec eux. Quoique tremblants (verset 32),
les plus valeureux ne
reculeront, ni devant le danger, ni devant le rappel
ultérieur de leurs mérites. Or
ceux-là s’attendent à se partager le monde,
lors de leur entrée en gloire
dans le nouvel éon qui verra l’intronisation,
par le Dieu de l’univers, de
leur messie miraculeux resté encore clandestin.
C’était bien vu, mais
complètement à côté : leur roi renverse les priorités,
il invente un monde cul par
dessus tête, dans lequel, par exemple,
les financiers d’aujourd’hui
n’auraient en vue que le bonheur des peuples
et agiraient en conséquence
sans se soucier de leurs gains à eux.
Persuadé d’ailleurs qu’un tel
monde serait le seul vivable et durable…
– Évangile selon Marc,
chapitre 10, versets 46 à 52.
(Psaume 126 – Jérémie 31, versets 7 à 9 – Épître aux Hébreux 5, versets 1 à 6)
La vision juste
L’aveugle est désigné par un
nom qui n’est pas le sien, il est fils de…
Or, en araméen, cela ne
désigne pas forcément le fils de quelqu’un, mais aussi
le porteur d’une qualité
morale ou sociale attachée à cet individu (fils d’impureté
= impur). Ici, cela introduit
un double sens, sans doute opéré à dessein, car
Bar Timée, en araméen,
signifierait probablement Fils d’impureté, alors que
Timée (timaíos), dans
le grec de cet évangile, évoque l’inverse : la dignité ou
l’honneur. Cet impur a donc
ainsi recouvré sa dignité…
L’évangile dit ici, de façon
parabolique, que la foi en Jésus messie (= fils de
David) et maître de vie (rabbouni
= mon maître) suffit à faire passer l’être
humain de la souillure à la
dignité, et de l’aveuglement à une vision juste
qui conduit évidemment à
suivre (= être disciple) le Nazaréen.
Ce titre aussi a un sens, il
ne signifie pas vraiment habitant de Nazareth mais
plutôt Celui qui s’éloigne (pour
méditer à l’écart ?) ou bien le Couronné, terme
dû peut-être à une tonsure
liée à un vœu ou plus simplement à
une calvitie…
Comme celle du prophète
Élisée, capable de ressusciter un mort ?
Ou
Évangile selon Jean, chapitre
6, versets 35 à 40.
(Psaume 126 – Ésaïe 49, versets 8 à 13 – Épître de Paul aux Galates 2, versets 16 à 20a)
Le monde à l’envers
Nous sommes dans une séquence
(6, 22-59) qui lie l’image du pain à la vie
sur-temporelle offerte à ceux
qui croient dans le Christ ; au fil du récit,
on passe de la matérialité du
signe (la multiplication des pains) à la réalité
de ce à quoi, en fait, il se
référait, à savoir ce qui fait vivre ("le pain de vie"),
non seulement dans l’histoire
présente, mais de façon radicale, quel que soit
l’espace-temps dans lequel on
se trouve.
Ce "pain" n’est
autre que la chair du Christ (verset 51) offerte, c’est-à-dire
l’existence terrestre qu’il
sacrifie pour les siens. C’est en effet le sens habituel
du mot chair dans les
Écritures (bichrâ en araméen, bâsâr en hébreu, sarx
en grec). Ceux qui se
repaissent du récit de cette existence et la font leur,
ce qui est la foi, entrent
ainsi dans la vie par excellence, entièrement consacrée
à l’œuvre voulue par le Père
céleste.
C’est aussi ce que signifie le
signe de l’eucharistie, autre matérialité liée, selon
la coutume de cet évangile, à
une réalité à vivre : le don de sa vie par amour.
Évangile selon Marc, chapitre
12, versets 28 à 34.
(Psaume 119, versets 97 à 106 – Deutéronome 6, versets 2 à 6 – Épître aux Hébreux 7, versets 23 à 28)
Le but
du jeu ma traduction
On a là un principe
d’interprétation de l’ensemble des prescriptions de la Thora.
Noter que l’amour, ici, n’est
pas un sentiment, mais la capacité de faire du bien.
Tout venant du divin, vu comme
roi/père, c’est lui qu’il faut rendre heureux.
Comment le faire ? En
rendant heureux ses sujets/enfants, constitutifs de son règne
C’est pourquoi ces deux
commandements n’en font qu’un : faire ceci, c’est faire cela.
Tu aimeras … de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute
ta force
traduit
l’hébreu de Deutéronome 6,5, qui se termine en fait ainsi : de
tout ton beaucoup !
Chacun
des autres évangiles traduit ce terme bizarre (= tes capacités ?)
différemment.
Il
y a là des différences de conception à propos de l’être humain* mais celui-ci
est
appelé à aimer selon l’ensemble des fonctions constitutives connues à l’époque,
sensorielles,
émotionnelles, intellectuelles, etc. : complètement.
L’amour,
en tant que pratique, est le but du jeu.
* Voir sur ce site la page humain.
Évangile selon Marc, chapitre
12, versets 38 à 44.
(Psaume 146 – 1 Rois 17, versets 10 à 16 – Épître aux Hébreux 9, versets 24 à 28)
Les généreux et les importants
Ah comme ce texte est
actuel ! Il parle des généreux et des importants…
À cette différence près que
pour se faire bien voir, se mettre en avant,
se placer dans l’aire du
pouvoir (social, économique, politique),
il ne s’agit plus, aujourd’hui
et ici, de faire mine d’être dévot.
Cela reste vrai ailleurs, en
Iran par exemple, peut-être aussi aux États-Unis,
mais chez nous il s’agit bien
toujours d’être en vue, et de faire ce qu’il faut
pour y parvenir, quel que soit
le domaine considéré.
C’est là que l’on rejoint ces
tartufes de la Jérusalem de Jésus.
Car ça paye, ça fait vivre
largement, ça détourne les vraies richesses,
produites par les autres, vers
sa pomme à soi, vers ceux du cercle enchanté.
On peut alors faire le
généreux, donner de son temps et de son argent
pour les pauvres ou pour la
planète (c’est plus actuel), car ça paye.
Or la veuve joue un autre jeu,
où il ne s’agit de rien d’autre que d’amour.
La veuve aime Dieu, son
temple, son peuple, elle obéit à sa loi de justice…
On ne dit pas ici si cet amour
est bien ou mal placé, ce n’est pas le sujet.
Cela aurait pourtant eu de
l’intérêt car le rôle financier du temple
était très important, à
l’époque, dans tout l’Empire, et l’on n’est pas trop sûr
de pouvoir affirmer que son
immense trésor allait vraiment vers les pauvres…
Évangile selon Marc, chapitre
13, versets 24 à 32.
(Psaume 16 – Daniel 12, versets 1 à 3 – Épître aux Hébreux 10, versets 11 à 18)
The times they are a-changing
ma traduction
Ce chapitre 13 est appelé
l’apocalypse de Marc (du grec apokálupsis :
dévoilement,
révélation) : partant de l’annonce de la destruction du temple
et de la ville sainte (qui se
produira environ quarante ans plus tard),
il a pour objet principal
d’associer cette catastrophe à celles qui,
selon le type de pensée
apocalyptique très présente dans cette culture,
annoncent la fin de l’éon et
précèdent l’arrivée d’un nouvel éon.
Il s’agit ici d’insister sur
cet élément de la foi des premiers chrétiens
qui considère le destin
historique du Christ comme fin de l’histoire présente.
Cela est étranger à nos
conceptions chronologiques actuelles, car c’est
à tout moment, et pour chacun
comme pour toute société, qu’il devient vrai
dans la foi, selon ce type de
pensée, que telle génération (ou être humain,
ou peuple : grec geneà)
ne passera pas avant que tout cela n’arrive (verset 30).
Devant le Christ qui vous
arrive, chacun (ou chaque génération, chaque
époque) peut se trouver
confronté à la fin possible de son monde ou de sa
façon de se situer dans le
monde, inopinément, de toute façon dangereusement,
et à la survenue d’un temps où
Dieu règne. Le monde de chacun au sein
même du temps présent, ou un
autre monde et un autre temps, à venir.
Évangile selon Jean, chapitre
18, versets 33 à 37.
(Psaume 93 – Daniel 7, versets 13 & 14 – Apocalypse 1, versets 5 à 8)
Royauté absolue
ma traduction
L’année liturgique se termine en
ce dimanche du Christ-Roi, enseignement dernier.
Ensuite c’est l’avent, nouveau
commencement dans l’attente de Noël.
On oublie trop la qualité
littéraire des évangiles : la scène vaut celles des plus grands
dramaturges de l’Antiquité.
La première question de Pilate
pourrait amener Jésus à répondre comme lui
(« Est-ce que moi, je
suis un Judéen ? ») en jouant sur le double sens du mot Judéen
(ioudaîós, trop
rapidement traduit le plus souvent par juif) : est-il tout simplement
juif,
ou plutôt habitant de Judée et
donc partisan du pouvoir des grands de Jérusalem ?
La réponse de Jésus aurait
alors signifié que, n’étant pas judéen, venant de la Galilée
méprisée, il ne saurait être
roi des Judéens. Une telle réponse pouvait le sauver.
Or il porte la question à un
autre niveau, il n’en est pas, comme son geôlier, à discuter
de questions de pouvoir. C’est
ce qui va le condamner puisqu’il n’offre ainsi aucun
échappatoire à Pilate. Son
procès va se jouer sur le terrain où lui-même l’a placé,
celui de la vérité, du moins
celle que, selon l’évangile de Jean, il n’a cessé de prêcher,
dont il est la Parole, la voix
(fin du verset 37).
Vérité du règne absolu,
quoique invisible, de l’amour.
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de page
Année
Marc
(ici,
2011–2012)
On
peut rejoindre le passage de son choix en cliquant,
dans
la liste suivante, sur l’élément correspondant :
Marc 13, 33-37 – À l’avènement du Fils de l’Homme – 27
novembre 20101
Marc 1, 1-8 – Le baptême de repentance – 4 décembre 2011
Jean 1, 6-8 & 19-28 – Son nom était Jean – 11 décembre 2011
Luc 1, 26-38 – Le Seigneur est avec toi – 18 décembre 2011
Jean 1, 1-18 – La Parole a été
faite chair – 25 décembre 2011
Luc 2, 16-21 – Allons jusqu’à
Bethléem – 1er janvier 2012
Matthieu 2, 1-12 – Nous avons vu son
étoile – 8 janvier 2012
Jean 1, 35-42 – Voici l’agneau
de Dieu – 15 janvier 2012
Marc 1, 14-20 – Le temps est
accompli – 22 janvier 2012
Marc 1, 21-28 – Sors de cet
homme – 29 janvier 2012
Marc 1, 29-39 – C’est pour cela que
je suis sorti – 5 février 2012
Marc 1, 40-45 – Je le veux, sois pur
– 12 février 2012
Marc 2, 1-12 – Tes péchés te sont
pardonnés – 19 février 2012
Marc 1, 12-15 – Le règne de Dieu
est proche – 26 février 2012
Marc 9, 2-10 – Écoutez-le !
– 4 mars 2012
Jean 2, 13-25 – Détruisez ce temple
– 11 mars 2012
Jean 3, 14-21 – Il faut que le
Fils de l’Homme soit élevé – 18 mars 2012
Jean 12, 20-33 – L’heure est venue
– 25 mars 2012
Marc 11, 1-11 – Hosanna ! –
1er avril 2012
Jean 18 & 19 – Tout est accompli
– 6 avril 2012
Jean 20, 1-10 – Il vit et il crut – 8
avril 2012
Jean 20, 19-31 – La paix soit
avec vous – 15 avril 2012
Luc 24, 35-48 – Vous êtes
témoins – 22 avril 2012
Jean 10, 11-18 – Je suis le bon
berger – 29 avril 2012
Jean 15, 1-8 – Je suis la vigne – 6
mai 2012
Jean 15, 9-17 – Aimez-vous les
uns les autres – 13 mai 2012
Marc 16, 15-20 – Il fut enlevé au
ciel – 17 mai 2012
Jean 17, 11-19 – Ils sont dans le
monde – 20 mai 2012
Jean 15, 26-27 et 16, 12-15 –
Quand viendra le Paraclet – 24 mai 2012
Matthieu 28, 16-20 – Baptisez-les –
3 juin 2012
Marc 14, 12-26 – Est-ce moi ? –
10 juin 2012
Marc 4, 26-34 – Semblable à un
grain de sénevé – 17 juin 2012
Luc 1, 57-80 – Son nom est Jean
– 24 juin 2012
Marc 5, 21-43 – Ne crains pas,
crois seulement – 1er juillet 2012
Marc 6, 1-6 – Il ne put faire
là aucun miracle – 8 juillet 2012
Marc 6, 7-13 – Il les envoya deux
à deux – 15 juillet 2012
Marc 6, 30-34 – Des brebis qui
n’ont pas de berger – 22 juillet 2012
Jean 1, 1-15 – La Parole était
Dieu – 29 juillet 2012
Jean 6, 24-35 – Je suis le
pain de vie – 5 août 2012
Jean 6, 41-51 – Je suis le pain de
vie – 12 août 2012
Jean 6, 51-58 – Sa
chair à manger – 19 août 2012
Jean 6, 60-69 – C’est
l’esprit qui vivifie – 26 août 2012
Marc 7, 1-23 – Ce
peuple m’honore des lèvres – 2 septembre 2012
Marc 7, 31-37 –
Ouvre-toi – 9 septembre 2012
Marc 8, 27-35 –
Qui dites-vous que je suis ? – 16 septembre 2012
Marc 9, 30-37 – Qui
est le plus grand ? – 23 septembre 2012
Marc 9, 38-48 – Qui
n’est pas contre nous est pour nous – 30 septembre 2012
Marc 10, 2-16 – Ils sont
une seule chair – 7 octobre 2012
Luc 12, 16-21 – Je
sais ce que je ferai – 7 octobre 2012
Marc 10, 17-30 – Le chas
d’une aiguille – 14 octobre 2012
Marc 10, 35-45 – L’un à
ta droite et l’autre à ta gauche – 21 octobre 2012
Marc 10, 46-52 – Fils
de David, aie pitié de moi ! – 28
octobre 2012
Jean 6, 35-40 – Je suis
le pain de vie – 28 octobre 2012
Marc 12, 28-34 – Tu
aimeras – 4 novembre 2012
Marc 12, 38-44 –
Elle a mis de son nécessaire – 11 novembre 2012
Marc 13, 24-32 – Mes
paroles ne passeront pas – 18 novembre 2012
Jean 18, 33-37 – Es-tu
le roi des Juifs ? – 25 novembre 2012
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Années « Luc »
(ici,
2009–2010)
Dimanche 29 novembre 2009
Évangile selon saint Luc,
chapitre 21, versets 25 à 36.
(Psaume :
25 – Jérémie 33, versets 14 à 16 –
Première
épître de Paul aux Thessaloniciens 3, verset 12 à 4, verset 2)
Un sens à l’histoire
Ce chapitre 21 de Luc est
parallèle à l’apocalypse de Marc (chapitre 13,
voir au 15 novembre), mais il
lui est sans doute postérieur d’une vingtaine
ou d’une trentaine d’années.
Comme elle, il clôt l’enseignement final du
Christ, avant la Pâque et le
récit de la Passion. Ce sont les mêmes thèmes,
mais le ton est différent, en
particulier dans ces versets 25-36 où apparaît
précisément le fait historique
du siège de Jérusalem par les légions romaines
en l’an 70 (verset 20). Ce
fait, annoncé ou non par Jésus dans les années
trente, est utilisé ici, dans
les années quatre-vingt, comme prodrome de ce
qui attend l’humanité entière
(par exemple, verset 35). Le cadre dans lequel
se situent la révélation
finale et le jugement attendus est désormais universel :
on les sort du cadre
conceptuel purement juif de leur culture d’origine pour
s’intéresser désormais à
l’ensemble des peuples méditerranéens (verset 25).
Ce faisant, s’introduit dans
le monde gréco-latin l’idée, nouvelle pour lui,
d’un sens de l’histoire.
Dimanche 6 décembre 2009
Évangile selon saint Luc,
chapitre 3, versets 1 à 6.
(Psaume :
126 – Ésaïe 60, versets 1 à 11 – Épître de Paul aux Philippiens 1, versets
4 à 11)
Avant le Grand Soir
Après l’évangile de l’enfance selon
Luc, voici le début du ministère de Jésus.
Il commence en fait par ce
tournant dans la vocation du prophète Jean Baptiste.
C’est scrupuleusement
daté (28 ap. JC) et situé dans l’histoire de la Palestine :
On est sous l’empereur Tibère, et localement sous le roi Hérode le Grand.
On insiste donc sur le caractère historique des faits, afin de faire savoir
qu’il ne s’agit pas d’une légende ou d’un mythe à la manière gréco-latine.
On ne sait rien du type de
message habituel à Jean mais il est possible
que les versets 7 à 14 en
donnent une idée : ce qui fait le vrai croyant,
c’est la justesse de sa
conduite morale et sociale, or celle-ci est abandonnée
par des Israélites alors
passibles d’une condamnation divine imminente.
Son baptême est un rite de
repentance et de purification impliquant la
décision de changer. Il se
peut que ce message ait parlé plutôt à des milieux
réprouvés par les autorités
religieuses de Jérusalem (versets 12 et 14).
Le nouveau est dans cette
annonce d’une libération universelle (verset 6,
reprenant Ésaïe 40,3-5), sorte de Grand
Soir dont Jésus sera présenté
comme l’exécuteur (verset 17).
Dimanche 13 décembre 2009
Évangile selon saint Luc,
chapitre 3, versets 10 à 18.
(Psaume :
Ésaïe 12 – Sophonie 3, versets 14 à 20 – Épître de Paul aux Philippiens 4,
versets 4 à 7)
Un roi vient
Il n’est pas facile de savoir
si cette annonce que fait Jean (v. 18), cet éuaggélion
que l’on traduit
habituellement par "évangile", est la même que celle de Jésus.
Le mot grec, désignant primitivement la proclamation faite par un héraut pour
annoncer la visitation d’une cité par son roi, promesse de paix mais aussi menace
de jugement et de charges à venir, pourrait simplement concerner ici ce que dit
Jean de la venue du messie, ce roi envoyé par Dieu.
Cette annonce est faite à des milieux réprouvés, considérés comme impurs.
Ces exhortations de Jean, même si elles sont assumées par l’évangéliste, sont en
décalage par rapport au message de Jésus, qui sonne, non comme un ensemble de
recommandations de modération et de compassion, mais comme l’ensemble des
signes du temps messianique dans lequel renaîtra une nouvelle énergie vitale
(voir chapitre 4,18-19) due à la puissance de Dieu.
Dimanche 20 décembre 2009
Évangile selon saint Luc, chapitre 1, versets 39 à 45.
(Psaume :
80 – Michée 5, versets 1 à 4 – Épître aux Hébreux 10, versets
5 à 10)
Une libération
Ce petit qui saute, le fils de
Zacharie (Zakhar-Yah = Dieu s’est souvenu), c’est
Jean (Yo-hanan =
Dieu a fait grâce), le Baptiste. Sa mère, Élisabeth (Éli-chèvèt =
de famille sacerdotale, était
pourtant stérile. Avec Jésus (Yéchou’ = il sauvera),
tous ces noms ont un sens lié
à l’histoire dont ils sont les protagonistes.
Le saut du petit dans le
ventre montre qu’on est au début de ce développement
narratif allant vers le
merveilleux qui donnera les évangiles apocryphes.
Le Magnificat, hymne
inspiré des psaumes bibliques, est remarquable par son
thème central :
l’établissement futur de la justice (en hébreu, le temps des
verbes, un parfait,
indiquerait, non une action passée, mais un fait certain).
La naissance de Jésus est donc
mise ici sous le signe d’une libération de la
postérité d’Abraham à l’égard
des facteurs du malheur qui frappe les humbles.
On peut supposer que, dans
l’esprit de l’évangéliste, cette postérité inclut les
disciples du Christ. Luc
démontre ainsi sa veine socio-politique égalitaire et
anti-impériale.
* Plutôt que le sens le plus évident à la
lecture : Mar-Yam = amère mer…?
Vendredi 25 décembre 2009
Évangile selon saint Luc,
chapitre 2, versets 1 à 20.
(Psaume :
98 – Ésaïe 9, versets 1 à 6 – Épître aux Hébreux 1, versets 1 à 6)
Une heureuse condition de vie
Il descend du roi David, ce
qui le qualifie comme messie potentiel, mais il naît
dans des conditions
précaires : contradiction fondatrice qui colore le discours des
messagers (c’est le sens du
mot ággélos ; "ange" évoque des images inexactes).
Cependant, la naissance misérable
est une caractéristique d’un héros royal
bienfaiteur du peuple dans les
récits antiques.
Les paroles du premier
messager :
– un "sauveur",
terme très rare pour désigner Jésus dans les évangiles ;
il évoque en premier lieu un
secours militaro-politique d’origine divine ;
– le "messie" (ou
"christ"), est le vicaire royal ou sacerdotal du dieu d’Israël,
il est l’élu oint pour établir
et maintenir le règne du Seigneur-Dieu…
or "Seigneur", sans
l’article est un nom propre qui désigne Dieu lui-même…
L’hymne du chœur des
messagers :
il évoque la correspondance
enfin établie entre les deux mondes, celui d’en bas
et celui d’en haut : avec
cette naissance, la gloire de Dieu explose dans les cieux
quand la paix règne sur
la terre, son amour pour les humains étant manifesté.
Noter que la "paix"
est un terme plein, qui signifie une heureuse condition de vie.
Dimanche 27 décembre 2009
Évangile selon saint Luc,
chapitre 2, versets 40 à 52.
(Psaume :
84 – 1 Samuel 1, versets 20 à 28 – Première épître de Jean 3, versets 1 à
24)
La vraie naissance
Notez bien cela, nous dit-on
ici : si vous cherchez Jésus, vous ne le trouverez pas
parmi ceux qui s’éloignent du
lieu saint, vous ne le trouverez qu’au troisième jour,
vous ne le trouverez qu’en
relation avec ce qui est au Père céleste.
C’est à ses douze ans que vous le trouverez, jeune adulte avec la vie devant soi.
Au troisième jour, celui de son éveil hors du tombeau.
Dans ce qui est au Père
céleste : ne s’occupant de rien d’autre,
ne se perdant pas dans la
foule de ceux qui s’éloignent de ce qui est de Dieu.
Il n’est donc pas perdu, il
suffit de le chercher là où il est nécessairement,
sous la grâce de
Dieu : sous le règne de la bonté gratuite et de la justesse.
C’était notre page
d’interprétation post-pascale, dans laquelle on tient à
souligner la vraie naissance
du Christ, au dimanche de Pâques plus qu’au
solstice d’hiver, fête de la
lumière, certes, mais aussi du dieu Mercure.
Dimanche 3 janvier 2010
Évangile selon saint Matthieu,
chapitre 2, versets 1 à 12.
(Psaume :
72 – Ésaïe 60, versets 1 à 6 – Épître de Paul aux
Éphésiens 3, versets 2 à 6)
L’ancien et le nouveau
Ce sont les Prix Nobel de l’époque,
plus le mystère de savoirs millénaires.
L’astrologie est appliquée ici
à la succession de grandes périodes appelées éons.
J’ai déjà beaucoup parlé d’eux
(voir sur dominicales 2009 par exemple).
Un astre nouveau introduit
dans le monde un temps nouveau inauguré par
un être à part, dans lequel
Matthieu voit le roi-messie de son peuple,
annoncé par les prophètes.
Rien ne sera plus pareil, un nouveau monde apparaît.
Intéressant de voir le
politique tenter d’instrumentaliser le savoir : domaine
où l’on n’a rien inventé
depuis lors… fin de race, intrigue et courte vue.
Ces temps où l’ancien moribond
côtoie le neuf encore vagissant sont
évidemment considérés comme
pleins de menaces et de périls pour tous.
Les présents, des produits
rares, connotent les richesses mythiques de l’Orient
mais ont aussi des valeurs
symboliques : solidité et durée, pureté et sacralité,
perfection et beauté.
Dimanche 10 janvier 2010
Évangile selon saint Luc,
chapitre 3, versets 15 à 22.
(Psaume :
104 – Ésaïe 40, versets 1 à 11 – Épître de Paul à Tite 2, versets 11-14
& 3, versets 4 à 7)
La Parole ordalie
proposer, d’après les paroles que Luc met dans la bouche de Jean (dans
le
souffle saint et le feu), n’est donc pas un rite, mais un mode d’être, de vivre,
que les disciples ont sans doute ritualisé ultérieurement, mais qui
consiste à
vivre en fonction de la Passion, ce "baptême" dont il dit
devoir être baptisé
(Luc 12,50). D’ailleurs,
l’injonction « baptisez-les au nom du Père, du Fils et
de l’Esprit saint » (Matthieu 28,19) ne figure pas dans Luc. Vivre selon
l’Esprit,
ce "souffle saint", c’est donc suivre le Christ dans l’esprit
de sa Passion, habité
par un souffle qui vous meut et vous dynamise en ce sens. La
signification de ce
feu dans lequel le croyant est plongé est plus ambiguë. On pense au
flammes de
l’Enfer, de la Géhenne, à ce genre de chose, d’autant qu’au verset 17,
il est dit
ceci : il va brûler la balle – en un feu qui ne s’éteint pas !
Mais c’est aller trop vite
et ce feu, mis en parallèle au souffle saint, a aussi un sens positif,
en tout cas
chez les anciens prophètes comme Ésaïe ou Ézéchiel, chez lesquels il
symbolise
la Parole de Dieu, prononcée ou écrite, ou encore la capacité de la
répandre.
C’est là, sans doute qu’est l’ordalie : cette Parole te juge, selon
la manière dont
tu la reçois, te faisant vivre pleinement ou non.
Dimanche 17 janvier 2010
Évangile selon saint Jean,
chapitre 2, versets 1 à 12.
(Psaume :
96 – Ésaïe 62, versets 1 à 5 – Première épître de Paul aux Corinthiens 12,
versets 4 à 11)
Les yeux rouges du messie
Le Jésus de Jean ne fait pas des miracles mais quelques
"signes" (sêméîon).
Prendre ce terme au sens propre : ce qui n’est pas la chose
signifiée mais s’y réfère,
ce qui vous renvoie à la chose signifiée, et aussi ce qui l’assure,
comme un sceau.
Le baptême d’eau était une mort purificatrice (Jean 1,33 et 2,6), le troisième
jour
(2,1) est jour de résurrection, noces de Dieu et
des humains, banquet messianique :
le messie a les yeux rouges de vin (Genèse 49,11-12), puisque le
vin réjouit le cœur de
l’humain
(Psaume 104,15). Le programme est donc à l’ivresse, à la joie, à l’avenir
nuptial, que des bonnes choses ! C’est le but final signifié par
avance (2,10), car
le bon d’une chose est dans sa fin (Ecclésiaste 7,8).
On se demande comment certaines Églises peuvent interdire le vin
aujourd’hui ?
Elles restent dans le registre mortifère des signes baptismaux, alors
que le vin
de Cana, comme le sang du Christ, comme le vin de la Cène, c'est l'annonce
vertigineuse d'une réalité qui est là alors même que nous ne la voyons
pas,
qui nous environne alors même que nous nous croyons seuls : le Règne de
Dieu
qui s’est approché de nous.
Dimanche 24 janvier 2010
Évangile selon saint Luc,
chapitre 4, versets 14 à 21.
(Psaume :
19 – Ésaïe 61, versets 1 à 6 – Première épître de Paul aux Corinthiens 12,
versets 12 à 30)
La
puissance de la parole
Le choix par Luc de ce passage du livre d’Ésaïe n’est pas gratuit,
il replace le message de Jésus dans la veine des prophètes de son
peuple.
Ceux-ci sont habités par une théo-logie (parole référée à Dieu)
de la justice :
qui dit Seigneur-Dieu dit dénonciation de la situation faite aux
opprimés
(pauvres parce qu’appauvris, captifs parce que vaincus, aveugles parce
que trompés).
Tirer Jésus hors de ce contexte intellectuel, social, économique et
politique
lié en son temps aux conditions faites par l’Empire romain revient
à détourner vers une suavité idéalisée, utile aux oppresseurs, le sens
de son appel
au refus de la volonté de pouvoir et d’avoir, et donc le sens de sa
mort...
Les restes de particularisme hébreu présents dans Ésaïe (Israël, peuple
opprimé
mais promis à la liberté) sont relus de façon universaliste. À terme,
l’Empire
ne s’en remettra jamais, malgré son art de la récupération
(Constantin).
Dimanche 31 janvier 2010
Évangile selon saint Luc,
chapitre 4, versets 21 à 30.
(Psaume :
71 – Jérémie 1, versets 4 à 9 – Première épître de Paul aux Corinthiens
12, verset 31, à 13, verset 13)
Les commentaires habituels sont sans doute influencés par les récits
parallèles
de Matthieu 13 et Marc 6, aussi voient-ils ici un refus d’écouter Jésus
de la part
des gens de Nazareth, ses compatriotes. Or le récit est clair :
chez Luc, c’est
Jésus qui refuse de répondre à la demande qui lui est faite et qui
oppose à celle-ci
la menace d’une préférence, de la part de Dieu, pour des étrangers
non-juifs.
Luc n’était sans doute pas juif, il est vrai, en tout cas pas de
Palestine, et il
détourne manifestement un récit bien connu pour faire de la première
prise de
parole publique de Jésus, dans la synagogue de son village, non
seulement une
parabole de son parcours personnel à venir, mais aussi de celui de son
message,
ultérieurement, dans l’Empire romain.
Dans la ligne de son maître Paul, il montre un Jésus qui anticipe dès le
début,
et le refus profond de sa messianité de la part des autorités, dans les
synagogues,
et le déploiement de son message vers les païens. Ceci malgré l’intérêt
que le
peuple galiléen lui aurait porté, tant à Cafernaoum qu’à Nazareth.
Tout peut être recommencé ailleurs, autrement, par d’autres, l’évangile
n’est
à personne.
Dimanche 7 février 2010
Évangile selon saint Luc,
chapitre 5, versets 1 à 11.
(Psaume :
138 – Ésaïe 6, versets 1 à 8 – Première épître de Paul aux Corinthiens 15,
versets 1 à 11)
Un
petit roman
Avant d’en arriver à ce récit, je vais inventer un petit roman à partir
du passage
de Luc 4, versets
38-39 :
familiale (oĩkos) vivent ensemble les parents, les fils avec
leurs épouses et leurs
enfants, les employés et les domestiques, le plus souvent membres de la
parenté.
Si ce gendre nommé Simon vit là aussi avec l’une des filles de la maison
et leurs
enfants, c’est peut-être qu’il a d’abord été un employé particulièrement
apprécié,
autrement, il aurait emmené sa femme chez ses propres parents.
Cette maisonnée est celle de pêcheurs, comme d’autres se consacrent au
tissage
ou aux métiers du bâtiment. Il est courrant qu’elles hébergent de saints
hommes
qui ont quitté leur famille pour enseigner et prêcher. C’est ce qui se
passe avec
Jésus, et c’est ce qui va se passer pour Simon. S’ils ont souvent laissé
dans ce but
femme et enfants, cela ne gêne pas, car les enfants sont plus ceux de la
maisonnée
que ceux de tel homme. Dans ce cas, l’épouse reste avec ses parents,
parfois
soulagée de ne pas avoir à enfanter davantage et à supporter la tyrannie
de sa
belle-mère. Aujourd’hui encore, nombre de femmes de pays orientaux
préfèrent
pour cette raison l’état de nonne à celui d’épouse. L’importance
accordée chez
nous à l’épanouissement sexuel, des femmes comme des hommes, n’est pas
une
valeur de ces sociétés traditionnelles.
[C’est, je pense, à partir de ce genre de situation que Luc organise son histoire.
Jean (21,1-11), moins
sociologue et plus ecclésiologue que lui, la sort de ce contexte.]
Bref, quand Simon voit son saint homme prêcher depuis son bateau, cela
est dans
la norme. C’est ensuite que tout dérape.
Ce qui se passe, avec cette pêche hors norme, c’est l’irruption du
monstrueux :
la puissance d’une sainteté en acte (faire le bien en nourrissant les
humains) est
lue par Simon comme un sacré terrible, cause de destruction de pauvres
humains
aux outils dérisoires (le bateau manque de s’enfoncer) et surtout à
l’impureté
congénitale. Si Dieu est là, c’est la mort de l’humain.
Un seul mot de Jésus retourne la situation : N’aie pas peur.
À partir de là, on pourrait penser que l’efficacité économique de la
sainteté en acte
demanderait à être utilisée par ces artisans. Mais elle se convertit au
contraire en
abandon : la richesse et la puissance, pourtant recherchées par
toutes les maisons
du monde, leur semblent apparemment des leurres : au lieu de
ramasser le poisson,
ils laissent tout aux autres, lac, bateaux et poisson en nombre…
Conséquences : une maisonnée va continuer à mener sa vie en faisant
son boulot ;
trois saint hommes, entre autres, vont changer à terme la face du monde.
Dimanche 14 février 2010
Évangile selon saint Luc,
chapitre 6, versets 17 à 26.
(Psaume :
1 – Jérémie 17, versets 5 à 8 – Première épître de Paul aux Corinthiens
15, versets 12 à 20)
Un
Ciel partisan
Avec Luc, les béatitudes c’est simple : il s’agit de ces disciples qui suivent Jésus.
Ils sont les pauvres, les affamés, les affligés, etc., de ce temps-là (vers l’an 80).
On est dans une période de persécutions des chrétiens, en effet.
C’est le premier moment de ce discours, qui donne un portrait des vrais prophètes.
Ils ne peuvent être à la fois disciples du Christ et protégés par le pouvoir.
Mais ce discours se tient, non sur la montagne, comme dans Matthieu,
mais sur le plat, au milieu des foules accablées de tourments.
On voit alors que les prophètes persécutés sont nécessairement en phase
avec ces foules misérables qui peuplaient l’empire.
C’est en cela que Luc est le plus social des quatre évangiles.
Il pose une adéquation de fond entre la situation des mal lotis et la prédication
chrétienne. Pour cette dernière, tout autre lien social est pour lui le fait de
faux prophètes. Le Ciel de Luc
est partisan.
Premier dimanche du Carême
Dimanche 21 février 2010
Évangile selon saint Luc,
chapitre 4, versets 1 à 13.
(Psaume :
91 – Deutéronome 26, versets 4 à 10 – Épître de Paul aux Romains 10,
versets 8 à 13)
Trois
embûches
Ce découpage annule un lien nécessaire : Luc lie la tentation de Jésus
à son baptême, à son élection (Tu es mon fils) et à la généalogie qui donne
le sens de celle-ci (chapitre 3, verset 38). Tout cela doit être mis à l’épreuve,
ce qui est le rôle, ici bénéfique, du diábolos, accusateur systématique présent
dans le libre de Job (hébreu, le satân). Le monde est remis à cette puissance-là,
l’Épreuve (verset 6), qui se manifeste ainsi, pratiquement, comme ennemie
de l’humain, quoique répondant au dessein ultime du Dieu tout-puissant :
du moins cette dialectique ancienne est-elle mise en œuvre ici par Luc.
Les trois épreuves fondamentales, liées aux errements habituels de l’humanité,
sont donc soumises à l’humain véritable (fils d’Adam fils de Dieu) : les épreuves
économique (le pain), politique (le pouvoir) et religieuse (les anges), la pire.
Il n’y a pas d’épreuve concernant les mœurs intimes qui, ressortissant de l’une
des trois premières épreuves ou des trois, ne sont sans doute pas fondamentales,
contrairement à ce que suppose l’usage ultérieur des Églises.
L’occasion finale concerne le moment où le Christ doit accepter sa passion.
Se dessine le chemin par lequel les humains peuvent sortir de leur malheur :
suivre l’unique humain véritable dans son parcours semé des trois embûches.
Jusqu’à la dernière, le don de
soi-même. Mais bien sûr, lui seul y réussit.
Deuxième dimanche du Carême
Dimanche 28 février 2010
Évangile selon saint Luc,
chapitre 9, versets 28 à 36.
(Psaume :
27 – Genèse 15, versets 5 à 18 – Épître de Paul aux Philippiens : 3,
verset 17, à 4, verset 1)
Des
percées dans l’Histoire
Ce récit est une des réponses possibles données par Luc à cette affirmation
ambiguë de Jésus, qui précède
immédiatement : Je vous dis, en vérité, il y a
quelques-uns de ceux qui se
trouvent ici, qui, non, n’éprouvent pas la mort
jusqu’à ce qu’ils voient le règne de Dieu (verset 27, traduction littérale).
Huit jour après, trois de ces présents, dans un contexte onirique (verset 32)
par définition hors du temps vécu, voient Jésus transfiguré et interlocuteur des
plus puissants prophètes, les seuls qui n’ont pas de tombeau (Deutéronome
34,6 et 2 Rois 2,11) et par conséquent indifférents à la temporalité.
Ce Jésus en gloire préfigure le Fils de l’Humain lors de son retour final (21,27).
Il s’agit d’une vision d’anticipation, le Règne bousculant la continuité historique,
ou, si l’on préfère, il s’agit d’une trouée de ce temps, par laquelle le divin se laisse
entrevoir, théophanie (rencontre avec le divin : apparitions, nuée, voix céleste)
qui interprète la mort imminente de l’élu comme départ, sortie (éxodos, verset 31)
hors de l’histoire humaine, décidément trouée, sujette à visitations.
Cela ne doit justement pas conduire les disciples à cesser de suivre l’enseignement
de l’élu absent (écoutez-le !),
définitivement consacré comme Fils de Dieu.
Troisième dimanche du Carême
Dimanche 7 mars 2010
Évangile selon saint Luc,
chapitre 13, versets 1 à 9.
(Psaume :
103 – Exode 3, versets 1 à 15 – Première épître de Paul aux Corinthiens
10, verset 1 à 12)
Une
chance
Qu’est-ce que j’ai fait au bon dieu ? Rien de plus que n’importe qui.
Les malheurs qui surviennent n’ont pas de signification particulière
quant à la qualité des uns ou des autres. Ils ne sont pas des punitions.
Ce qui importe au Jésus de Luc, c’est de retourner la question :
Qu’est-ce que tu n’as pas fait au bon dieu ?
Est-ce que tu as tourné toute ta vie vers la justesse ? Ou non ?
Si c’est non, ta vie est nulle, et ta mort n’aura pas plus de sens
que celle des victimes de malheurs dus à la malchance ou à la violence.
Sous-entendu : préférer la mort due aux conséquences d’un juste choix.
Ainsi fait Jésus.
Comme le figuier de la parabole, tant que tu es là, tu peux encore choisir
d’aller dans le sens de la vie, de l’agir juste : le vigneron te donne une chance…
Quatrième dimanche du Carême
Dimanche 14 mars 2010
Évangile selon saint Luc,
chapitre 15, versets 1 à 3 & 11 à 32.
(Psaume :
79 – Josué 5, versets 10 à 12 – Deuxième épître de Paul aux Corinthiens 5,
verset 17 à 21)
Changer de
sens
Certains termes employés indiquent qu’il s’agit en réalité d’exposer un point de vue
sur ceux qui transgressent la loi de Moïse, entre autres les lois de pureté rituelle
et la séparation d’avec les païens qui s’ensuit, mais aussi la collusion avec les Romains
(transgresser un commandement, s’embaucher chez un étranger, s’occuper des porcs).
D’autres indiquent que la visée dernière est celle du banquet de la fin des temps,
postérieur au jugement dernier (faire bombance, la riche vêture, les chœurs).
Tout est dans le choix, ou non, de changer de sens, un terme qui signifie aussi bien
le ressenti, l’état d’esprit, le mode d’action, la direction à suivre : partir ou revenir.
Quelle que soit la situation sociale de l’être éloigné de Dieu, elle est considérée ici
comme une déréliction (débauche, faim, honte), l’essentiel étant ce changement de sens
(je m’éloigne/je reviens, je m’enrichis/je m’humilie, etc. : conversion).
Cela est vrai aussi pour le fils aîné, qui évoque évidemment les interlocuteurs de Jésus,
fidèles à la lettre mais éloignés de l’esprit qui anime le Père céleste.
Rien n’est dit sur le comportement ultérieur qui serait demandé aux deux fils :
l’essentiel est dans ce lien au Père et à son esprit, et ce qui est sous-entendu,
c’est que cela consistait en pratique à se lier à Jésus, d’où l’importance de ces banquets
qu’il partageait avec les exclus, figures du grand banquet final (voir Psaume 23,5).
À noter que ce thème (j’étais au plus bas/je me suis tourné vers le Seigneur/
maintenant je suis heureux), est récurrent dans la spiritualité dite évangélique.
Cinquième dimanche du Carême
Dimanche 21 mars 2010
Évangile selon saint Jean,
chapitre 8, versets 1 à 11.
(Psaume :
126 – Ésaïe 43, versets 16 à 21 – Épître de Paul aux Philippiens 3, verset
8 à 14)
Où
la lettre est poussière
Un peu plus loin, Jésus dit Je ne juge personne (verset 15). C’est sans doute
la raison de l’insertion à cet endroit de cet épisode, qui jure avec l’ensemble
de l’évangile (certains manuscrits le placent d’ailleurs dans l’évangile selon Luc).
Mais dans la logique de Jean, la lumière (verset 12 : Je suis la lumière du monde)
est un principe objectif de jugement : ce n’est pas elle qui juge, mais les gens
eux-mêmes qui se découvrent tels qu’ils sont lorsqu’elle les éclaire.
Cet épisode en est une illustration.
À l’inverse, la Loi de Moïse apparaît comme l’outil de jugements instrumentalisés,
telle, que l’on ne peut que la transgresser au long d’une vie (ainsi les plus vieux…)
C’est le sens général, valable pour tout le monde, mais on voit bien qu’il existe là
une tendresse particulière à l’égard des femmes et de leur sexualité soumise :
les jugeurs sont situés comme des mâles, porteurs de l’autorité suprême
mais dont la fidélité (à leur femme comme à la Loi ?) est une imposture.
Les prophètes désignent souvent l’infidélité envers Dieu comme un adultère.
Ici, Jésus se pose comme supérieur à la lettre de la Loi,
sans doute est-ce pour cela qu’il écrit ici ce qui, par nature, s’envole et s’efface…
Dimanche des Rameaux
Dimanche 28 mars 2010
Évangile selon saint Luc,
chapitre 19, versets 28 à 44.
(Psaume :
48 – Ésaïe 50, versets 4 à 7 – Épître de Paul aux Philippiens 2, verset 6
à 11)
Le
règne aboli
Une foule déjà prête à manifester, un dispositif préparé à l’avance (l’âne),
des acolytes obéissant au mot de passe, le titre de seigneur, l’adjonction
des mots le roi à la citation du Psaume 118 (Béni soit celui…, v. 26) :
tout cela fait de ce récit, qui évoque l’intronisation du roi Salomon (1 Rois 1),
la tentative de coup d’État d’un milieu plutôt clandestin qui sort de l’ombre.
Jésus s’y présente comme messie (verset 40), ce qu’il aux yeux de l’auteur.
Il se rendra d’ailleurs directement au temple pour y faire la loi (verset 45).
Cela s’arrête là : pas de mesures en vue d’une prise effective du pouvoir,
cette séquence est la mise en scène paradoxale du refus d’un règne politique.
D’autant que la ruine de Jérusalem par les Romains en 70, annoncée ici a posteriori
(vers 90), montre la vanité d’une telle ambition : le roi des Juifs (INRI),
tout comme sa ville et son temple, est promis à la mort, c’est autrement qu’il règne.
Mais ce règne qui n’est plus ethnique ne l’empêche pas de pleurer
sur l’évanescence de tout ce qui fait qu’il est un humain, hébreu fils d’hébreu,
de la tribu de Juda, circoncis le huitième jour… (comme saint Paul l’aurait écrit,
cf Philippiens 3,5).
Vendredi saint
Vendredi 2 avril 2010
Évangile
selon saint Jean, chapitre 19, versets 17 à 30
(Psaume : 121 – Esaïe 52,
verset 13, à 53, verset 12 – Épître aux Hébreux 4, verset 14, à 5, verset 10)
Le
Fils est à bout
Dans cet évangile, Jésus ne dit pas Mon Dieu pourquoi m’as-tu
abandonné – début
du Psaume 22 – mais il y a deux évocations de ce Psaume, dont la structure est faite
de deux parties : les deux premiers tiers sont un appel à Dieu de la part d’un fidèle
persécuté, le troisième tiers commence par tu m’as répondu (mots bizarrement absents
de certaines traductions, fin du v. 22), et est un hymne de reconnaissance : évoquer
le début au moment de la crucifixion fait donc attendre la résurrection à venir.
Précisions :
ce qui est dit hébreu ici est en fait de l’araméen ; ainsi gulgotâ
(le crâne :
haggulgoleth
en hébreu, ho kraníos en grec, calvaria en latin, qui a
donné calvaire) ;
nazôr
pourrait désigner un homme de Dieu plutôt qu’un habitant de Nazareth.
La
loi romaine oblige Pilate à fournir un motif ; après que Jésus ait été
condamné
pour
motif religieux par les prêtres, il le condamne pour un motif politique global,
ce
qui réunit l’ensemble des atteintes possibles aux institutions
humaines ;
mais
sur le motif, il lui donne deux titres correspondants : homme de Dieu et roi.
La tradition fait du disciple bien-aimé l’auteur de cet évangile. Il est possible que les
Églises de la mer Égée pour lesquelles il a été écrit aient vénéré particulièrement la
mère de Jésus, alors que les Églises orientales de l’époque vénéraient plutôt Joseph.
Le récit montre un Jésus totalement conscient d’être arrivé au bout et à bout (deux
sens du verbe tétélétéstai (c’est achevé, c’est accompli, v. 30) de l’œuvre de son Père
céleste, ce qui est l’un des thèmes centraux de cet évangile, dans lequel le Fils a
pour mission d’opérer ce qui doit l’être pour permettre aux fidèles de le rejoindre
auprès du Père, devoir dont la
croix (non la résurrection) est l’aboutissement.
Dimanche
de Pâques
Dimanche 4 avril 2010
Évangile selon saint Luc,
chapitre 24, versets 1 à 11
(Psaume :
118, verset 1 à 20 – Exode 15, versets 1 à 11 – première épître de Paul
aux Corinthiens 15, versets 1 à 11)
Le
manquant a de l’avenir
Il faut admirer la pureté littéraire de ce récit : on oublie trop que les évangélistes,
non seulement ont inventé un genre littéraire, mais l’ont illustré magnifiquement.
On dit souvent que les évangiles sont chacun le résultat d’une œuvre collective,
non de tel ou tel de ces personnages auxquels on les a liés, Luc ici. C’est à la fois
vrai et faux : toute la matière vient de la tradition, orale puis écrite, mais l’œuvre
finale porte la marque d’un écrivain. Il n’y a jamais de vérité sans le style de cette
vérité, et ici, le style est de toute beauté : foin du puritanisme supposé évangélique !
Ceci dit, ce que raconte ce récit des années 80-90, à la suite des écrits connus de
nous des années 50, c’est que le tombeau était vide et que le cadavre manquait.
C’est plus tard qu’il situe les apparitions de celui qui s’est éveillé (êgérthê), ou levé,
voire dressé (anastênai) : noter ces verbes, qui n’évoquent pas l’image d’un retour
à la vie, comme le fait le mot résurrection, mais celle d’un mouvement dont on ne
connaît pas la suite mais qui laisse entendre qu’une histoire nouvelle est à venir.
La promesse de cette histoire est donc adressée en premier lieu à ces femmes,
qui sont les premières messagères (en grec, on les appellerait ággelai : anges, alors
que les deux êtres en qui nous verrions des anges sont appelés ándrés, hommes…),
ceci parce qu’elles se sont précisément souciée au départ de ce corps qui manque.
Dimanche 11 avril 2010
Évangile selon saint Jean,
chapitre 20, versets 19 à 31
(Psaume :
118, versets 21 à 29 – Actes des Apôtres 5, versets 12 à 16 – Apocalypse
1, versets 9 à 19)
Le
livre et le souffle
Ce sont des paroles de la fin (même si s’y ajoute un dernier chapitre) :
elles abordent la question du pardon des péchés, celle de la nécessité de la foi,
et le contenu doctrinal minimal de celle-ci.
Jésus pardonnait les péchés : Tes péchés sont pardonnés, va en paix. Il détenait
cette autorité pourtant réservée à Dieu. Qui va le faire désormais ?
Réponse : ceux qui ont reçu le souffle de Dieu : l’Esprit.
Il n’y a pas de récit de Pentecôte chez Jean, le Souffle y survient
dès le premier jour de naissance de la foi au Christ Jésus,
et directement par lui.
Sa fonction est de pardonner (ou non) : de permettre d’entrer sous le règne de Dieu.
Tu ne peux vivre sous ce règne si tu vis encore avec les marques du règne opposé.
Thème proche de celui de la nouvelle naissance des convertis.
Cela suppose la foi : croire que le Christ crucifié est vivant,
ce qui ne peut survenir que par l’entremise du livre, d’où la nécessité de l’Esprit :
le souffle qui transforme l’écrit en paroles présentes,
mais aussi la vérité du livre, qui suscite (ou non) le souffle qui le fait parler :
on est dans ce cercle (il y a donc des cercles non vicieux…).
Dimanche 18 avril 2010
Évangile selon saint Jean,
chapitre 21, versets 1 à 19
(Psaume :
30 – Actes des Apôtres 5, versets 27 à 41 – Apocalypse 5, versets 11 à 14)
De
la pêche à l’élevage
Deux scènes, en fait, pour une troisième (et donc dernière) apparition, destinée
à définir la fonction du disciple après le départ du maître, Pierre jouant le rôle
du disciple-type : comment l’on passe de la situation de pêcheur à celle de berger.
La pêche, image de la mission : ce n’est pas le disciple qui recrute, mais le maître,
lui seul a su où trouver les siens, ceci en grand nombre.
Le pasteur : il n’y a pas d’autre pasteur du troupeau ainsi constitué que celui qui
suit le maître, c-à-d l’imite (et finira, comme lui, là où il préférerait ne pas aller).
Or on ne peut suivre Jésus sans l’aimer personnellement, et ceci trois fois :
penser au triple commandement
d’amour de Moïse : Tu aimeras Seigneur ton
Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force (c-à-d avec intelligence,
sensibilité, mise en œuvre : bref, totalement).
Il y a une différence entre les
verbes agapáô et filéô, employés ici (as-tu de
l’affection pour moi ? et m’aimes-tu ?) et que l’on traduit habituellement tous les
deux par aimer. Agapáô évoque plutôt la tendre amitié qui unissait les membres
d’une même confrérie, alors que filéô recouvre à peu près tous les sens du verbe
français aimer, d’aimer faire du vélo à aimer d’amour, en passant par avoir de
l’amitié. Pierre, suivi finalement par Jésus, passe de la connivence fraternelle
(agapáô) à l’amour intégral (filéô).
On pense généralement que ce dernier chapitre de l’évangile selon Jean est une
adjonction qui fait suite à une réflexion sur la vie d’une Église déjà largement
constituée et soumise au danger.
Dimanche 25 avril 2010
Évangile selon saint Jean,
chapitre 10, versets 22 à 30
(Psaume :
100 – Actes des Apôtres 13, versets 14 à 52 – Apocalypse 7, versets 9 à
17)
De
Jérusalem à l’univers
Ces adversaires judéens ne représentent pas tous les Israélites mais les autorités
qui font la loi en Judée, sous l’autorité romaine. Dans le langage de l’évangile, le
mot judéens désigne, soit ces autorités, soit l’ensemble de ceux qui prennent parti
pour elles dans le monde. Pas d’antisémitisme ici : les auteurs sont juifs, mais
s’opposent aux représentants de l’ensemble des Juifs. Ce qui est reproché aux
Judéens, c’est de ne pas avoir reconnu la messianité du christ galiléen, alors que
Dieu s’est détourné de Jérusalem et de son temple. Ce temple n’a pas protégé le
peuple de la fureur romaine, trente ans environ avant la rédaction de ce livre.
Celui-ci pose que le messie protégera les croyants dans la durée des éons à venir.
On passe d’une foi liée à un espace terrestre et ethnique (temple, ville sainte,
terre sainte), à une foi déterritorialisée, liée de façon personnelle à un être
joignable en tout lieu et en tout temps, condition d’une foi universelle.
Dimanche 2 mai 2010
Évangile selon saint Jean,
chapitre 13, versets 31 à 35
(Psaume :
145 – Actes des Apôtres 14, versets 21 à 27 – Apocalypse 21, versets 1 à
5)
Le
drame
Il est glorifié : le verbe doxazô peut être traduit aussi par célébrer ; il évoque,
dans cet évangile, l’accomplissement total du drame (mort et résurrection)
qui apporte aux humains le salut, c’est-à-dire la vie en Dieu.
C’est pourquoi ce thème intervient juste à la suite de la décision de Judas de trahir :
c’est le début du récit tragique dont la fin est la victoire décisive sur la mort.
Jésus va vers cette gloire et personne d’autre ne peut aller jusque là.
L’idée, c’est qu’il est l’humain tel qu’en lui-même ("fils de l’humain"),
si bien que ce qui lui arrive est vrai de l’humanité, du moins de la partie
de celle-ci qui s’assume comme enfant de Dieu, puisqu’amie du Christ.
D’où le commandement qui correspond à cela : l’agápê (amour ou amitié).
Le terme ne désigne pas premièrement un sentiment,
mais un comportement mutuel positif, qui fait du bien aux autres.
Dimanche 9 mai 2010
Évangile selon saint Jean,
chapitre 14, versets 23 à 29
(Psaume :
67 – Actes des Apôtres 15, versets 1 à 29 – Apocalypse 21, versets 10 à
23)
Construire
la Parole
Ce n’est pas parce que le Christ est ou semble absent qu’il l’est :
son absence est sa façon de venir à nous, comme une question fondamentale
toujours posée, celle de la fabrication de sa parole ici et aujourd’hui :
non sa mise en pratique, comme si elle était intangible et ne demandait
qu’à passer dans des actes déjà déterminés, mais la construction d’un réel
qui lui soit accordé.
Le défenseur, ce souffle (pneúma) conseilleur (paraklètos) est celui qui, à la fois,
pousse à agir et inspire le juste mode d’action. On fera de lui le saint Esprit,
ce qui posera d’innombrables questions portant sur sa relation au Père et au Fils...
Aimer Jésus, c’est discerner et faire ce qui est cohérent avec lui,
comme avec le Père, et avec sa parole, qui est lui aujourd’hui.
Une telle existence est la vie éternelle ici et maintenant.
Dimanche 16 mai 2010
Évangile selon saint Jean,
chapitre 17, versets 20 à 26
(Psaume :
97 – Actes des Apôtres 7, versets 55 à 60 – Apocalypse 22, versets 12 à
20)
L’union
C’est la fin de la prière qui termine elle-même les discours d’adieux de Jésus
à ses disciples réunis pour le repas de la Pâque juive, juste avant la Passion.
Jésus prie son Père céleste au sujet de ses disciples et de ceux qui croient en lui.
Le thème central de ces dernières paroles est son union avec le Père.
C’est une sorte d’aspiration qui fait résider les croyants dans le Christ
comme lui-même réside dans le Père, et inversement : de même que le monde
est en nous alors que nous sommes dans le monde, de même, pour peu que nous
croyions en lui, le Christ est en nous et nous sommes dans le Christ.
Telle est du moins la logique de Jean. C’est ce lien qui est amour (agápè),
et qui a fait le monde alors même que le monde le rejette. La mission du Christ
consiste à aspirer ceux qui s’unissent à lui vers le Père,
dès ce monde où commence leur vie pleine et entière.
Pentecôte
Dimanche 23 mai 2010
Évangile selon saint Jean,
chapitre 14, versets 15 à 26
(Psaume :
104 – Actes des Apôtres 2, versets 1 à 13 – Épître de Paul aux Romains 8,
versets 8 à 17)
L’allié
"Un autre allié" ; C’est celui qu’en termes savants on appelle
le Paraclet
(grec paráklètos , latin advocatus :
avocat, défenseur, intercesseur, consolateur) :
Jésus est donc lui-même un
paraclet, un ami agissant, au sens de
l’agapè
("pratique de
l’amour-amitié" ; v. 15, "aimer", agapáô).
Cet esprit (pnéũma = souffle) n’est pas encore
la troisième Personne de la Trinité,
représentation plus tardive,
il est la présence impalpable – éprouvée et reconnue
des seuls amis de Jésus – d’une force d’âme qui donne assurance face à un
monde hostile.
Il est à la fois "auprès
de vous" et "en vous", non plus "devant vous" en chair
et en os.
Il semble ne devoir se
manifester qu’entre la mort du Christ et sa résurrection (v. 19).
La présence d’un paraclet est
ce qui permet l’observation des commandements,
non à la façon d’un subordonné
discipliné, mais comme pratique des œuvres
d’un Père bien-aimé :
"aimer", ici, n’est pas sentimental mais pratique :
celui qui aime Jésus prendra
soin des œuvres de son Père.
Dimanche 30 mai 2010
Évangile selon saint Jean,
chapitre 16, versets 12 à 15
(Psaume :
8 – Proverbes 8, versets 22 à 31 – Épître de Paul aux Romains 5, versets 1
à 5)
Le
souffle de la vérité
Ce souffle de la vérité,
Esprit saint ou Paraclet, est la puissance d’évidence
qui accrédite et explicite chez
les croyants ce qui ne peut être reçu et cru par eux
de leur propre chef, alors
même qu’ils en auraient l’expérience vécue, comme ce
sera le cas des disciples lors
de la mort et de la résurrection du Christ.
La vérité n’apparaît pas toute
entière de manière immédiate, c’est ce que souligne
l’évangéliste en écrivant il
vous guidera vers toute la vérité, et non dans toute la
vérité :
pour lui, c’est un
cheminement.
La vérité n’est pas non plus
le résultat d’acquisitions propres permettant d’accéder
à une révélation
nouvelle : le souffle de la vérité donne à comprendre et recevoir
ce qui est déjà acquis, ou ce
qui, devant survenir, est dans la droite ligne de la pensée
qui a présidé à tout ce qui
est déjà arrivé, la pensée-volonté du Père.
L’expression il me
glorifiera : ce verbe évoque dans la pensée sémitique l’image
du poids : les paroles du
Fils explicitées par le souffle de la vérité doivent être reçues
comme ayant le poids de la
pensée-volonté du Père : cet évangile utilise toujours
le mode relationnel sémitique
qui incluait les fils dans la vie des pères.
Dimanche 6 juin 2010
Évangile selon saint Luc,
chapitre 9, versets 11 à 17
(Psaume :
110 – Genèse 14, versets 18 à 20 – Première épître de Paul aux Corinthiens
11, versets 23 à 26)
Le
choix des foules
Toujours et partout ces
foules, en Galilée ; il s’agit d’un milieu, celui de ruraux
souvent déracinés et humiliés,
perclus de maladies physiques et psychiques,
abandonnés à leur sort par les
puissants et soumis à l’inquisition des religieux.
La suite des actions de Jésus
obéit à une hiérarchie pleine de sens : il nourrit
ceux qu’il a guéris, il guérit
ceux auxquels il a parlé, il parle à ceux qu’il a accueillis.
L’accueil est sans filtrage, aucune
condition n’est posée, il n’y a pas d’indignes,
la parole s’adresse à qui est
là par choix ; ce point est central car il renverse
les normes établies (pureté
rituelle, observance religieuse, conformité morale,
fidélité politique, voire identité
nationale), ce qui suppose un public pris par l’urgence
et qui n’a plus les moyens ni
l’envie de se soucier de la conformité de ses voisins.
Guérisons et nourriture sont
gratuites et ne sont que les conséquences de la parole,
d’où la nudité du récit de
miracle : arrive juste ce que suppose le règne de Dieu.
Dialectique : c’est la
démarche de ces foules qui fait venir en elles le règne de Dieu
mais c’est aussi parce que
quelqu’un leur a parlé en vérité que leur démarche aboutit.
Dimanche 13 juin 2010
Évangile selon saint Luc,
chapitre 7, versets 36 à chapitre 8, verset 3
(Psaume :
32 – II Samuel 12, versets 1 à 16 – Épître de Paul aux Galates 2, versets
16 à 21)
C’est ici le retournement complet annoncé par
l’évangile, ce que l’on nomme
trop rapidement aujourd’hui conversion. Noter
que le texte grec ne dit pas
"pardonner les péchés", mais plutôt
"laisser de côté les erreurs passées",
c’est un sens plus précis, qui suppose l’assurance
d’un avenir libéré, non
seulement de la culpabilité, mais aussi d’entraves
posées par le passé et les
déterminations environnantes qui s’y
rattachent : « Va en paix », ce dernier
terme (chalom, salaam) ayant un sens
plein, dans les langues sémitiques :
l’ensemble des conditions d’une existence heureuse
réunies. Plus important :
ce ne sont pas tes actes valeureux, ni amoureux, qui
te qualifient, c’est
l’inverse : parce que tu as été qualifiée, tes actes sont des actes d’amour.
Et tous sont qualifiés : qu’ils se basent là-dessus, ils vivront en êtres humains :
« Ta foi t’a sauvée ». C’est l’inverse du salut par les bonnes œuvres.
Ils vivront dans l’élégance et la générosité d’une vie humaine véritable.
Dimanche 20 juin 2010
Évangile selon saint Luc,
chapitre 9, versets 18 à 24
(Psaume :
63 – Zacharie 12, versets 10 & 11 ; et 13, verset 1 – Épître de
Paul aux Galates 3, versets 26 à 29)
Une
présence clandestine
Cela intervient entre la multiplication des pains et
la transfiguration,
donc dans un temps du récit où domine le thème de
l’authentification
du messie, par sa puissance thaumaturgique et sa
qualification céleste.
La découverte de Pierre (Roc) est donc bien
venue ; cependant, les foules,
ces assemblées caractéristiques de la déshérence de
la population galiléenne,
elle-même figure narrative de la conception qu’a Luc
des pauvres de l’Empire,
en restent au thème du précurseur, ce prophète
attendu, supposé venir
ou revenir pour préparer la venue du messie. Attentes
liée à une sensation
de fin du monde et, en conséquence, à une espérance
en un monde nouveau,
synonyme, à l’époque, d’un empire porté par une
garantie divine supérieure.
Ce que Luc transmet aux croyants de son temps, c’est
que le messie est
déjà présent, mais de façon clandestine, et que le
monde nouveau inauguré
est celui, non de la puissance impériale, mais du
primat du don de soi.
Dimanche 27 juin 2010
Évangile selon saint Luc,
chapitre 9, versets 51 à 62
(Psaume :
16 – I Rois 19, versets 16 & 21 ; et 13, verset 1 – Épître de
Paul aux Galates 5, versets 1 à 18)
Le
moment passe
Il y a des temps pour les événements : ni avant,
ni après. Art de vivre et de mourir.
Il y a donc des temps où se dresse une urgence. Il
n’est plus temps de rien d’autre.
C’est ainsi que le récit d’évangile présente souvent
cette urgence à ses protagonistes
et par suite à certains de ses lecteurs.
Ceux-ci ont alors à se décider car ce moment passe
vite, même s’il peut revenir.
Annoncer le règne de Dieu, vivre sous le règne de
Dieu. Ici et aujourd’hui.
D’autres temps existent aussi, ceux des jours
ordinaires de la famille et du travail,
temps acceptés ou subis : qui les vit
paisiblement n’attire en rien le feu du ciel.
Le Jésus de Luc est le sujet qui vit le temps de la
décision, celui dont chaque instant
est pour le lecteur un kairos, un temps
marqué, aussi n’a-t-il pas de demeure.
En aurait-il une qu’il en serait chassé, en veut-il
une qu’elle lui est refusée.
Il est celui qui marche, et le règne de Dieu marche
avec lui, moment parfait.
Dimanche 4 juillet 2010
Évangile selon saint Luc,
chapitre 10, versets 1 à 20
(Psaume :
66 – Ésaïe 66, versets 10 à 14 – Épître de Paul aux Galates 6, versets 14
à 18)
Visé :
un retournement
Toujours cette urgence : le règne de Dieu est
tout proche, on n’attend pas
mais il y faut du monde, les douze apôtres n’y
suffiront pas (Luc évoque déjà
là la mission des Églises de son temps, implantées
dans les nations païennes :
soixante-dix est le nombre des nations
païennes selon Genèse 10). Urgence :
pas d’impedimenta qui ralentiraient, pas de
discussions oiseuses sur la route,
pas de temps à perdre chez les sceptiques. Les signes
du règne sont là :
la paix de la salutation usuelle devient une
réalité lorsque l’écoute est positive
(le sens du mot sémitique, chalom, est
global : ce qui permet le bonheur),
les guérisons sont les premiers signes de la
gouvernance divine :
le roi-messie est là, annoncent les hérauts, il faut
changer de vie. Gloire divine
– dérisoire, vu la marginalité objective des
campagnes galiléennes d’alors –
à lire en fonction de la suite, d’abord
paradoxale (mort d’un repris de justice)
puis avérée : victoire finale sur Satan, figure
de tout ce qui évoque misère,
malheur, mal, mort. En ce moment prémonitoire, il va
s’abattre et disparaître,
certes causant aussi le deuil comme le fait l’éclair.
C’est une sorte de théâtre cosmique, dont l’enjeu est
la mort ou la vie,
ici et maintenant, comme dans nos anciens mistères,
et qui suscite, ou non,
le retournement des lecteurs-auditeurs vers Dieu et
sa justesse.
Dimanche 11 juillet 2010
Évangile selon saint Luc,
chapitre 10, versets 25 à 37
(Psaume :
19, versets 8 à 12 – Deutéronome 30, versets 10 à 14 – Épître de Paul aux
Colossiens 1, versets 15 à 20)
Dans l’optique de Luc, au lieu de Samaritain,
écrivez Galiléen, un non-proche,
face aux maîtres judéens qui tiennent en main le rite
et la doctrine,
et vous avez le portrait parabolique en acte de Jésus
lui-même.
Tu aimeras ton proche. Ton « proche »
est donc celui que tu aimes,
et réciproquement : celui qui t’aimes (ainsi le
Samaritain).
Proches sont aussi bien l’aimant et l’aimé, donc hors
de toute dépendance.
Et c’est l’amour qui fait les proches, non plus le
voisinage ou le cousinage.
Ne pas oublier, affleurant chez Luc, la connotation
socio-politique de cela.
Tout est alors dans la définition de cet amour. Selon
le sens biblique,
ce terme parle d’un comportement, non d’un sentiment
intérieur.
Le Samaritain est remué au ventre, il est ému,
au sens étymologique de ce mot :
poussé hors de lui – poussé hors de son
« identité », lointaine et antipathique.
L’amour du Samaritain est physique, actif, avisé,
prompt. Tel est le programme.
Ce n’est pas le rite (le prêtre) ni la piété (le lévite)
qui le permettent :
c’est le désir de faire du bien… à Dieu. C’est le
premier commandement,
dont la totale observance (cœur, âme, force, pensée)
entraîne tout le reste.
Dimanche 18 juillet 2010
Évangile selon saint Luc,
chapitre 10, versets 38 à 42
(Psaume :
15 – Genèse 18, versets 1 à 10 – Épître de Paul aux Colossiens 1, versets
24 à 28)
Jésus est ici l’homme qui marche (Christian
Bobin), ce prophète errant que de
pieuses personnes accueillent avec ses disciples lors
de certaines étapes galiléennes.
Il est surtout celui qui porte une Parole vitale pour
ceux qui acceptent de l’écouter.
L’œuvre de Luc (Évangile et Actes des Apôtres)
n’oublie jamais l’accueil que
des femmes aisées ont réservé à la première
prédication chrétienne et à ses
propagateurs. Les premières sont ces deux sœurs aux
rôles opposés déjà stéréotypés
par la tradition (on les retrouve ainsi dans
l’évangile selon Jean, mais judéennes).
Ces dames furent sans doute ses meilleures disciples,
ce que dit ici l’expression
traditionnelle juive désignant le disciple d’un
rabbi : assise aux pieds du maître.
Tout le texte joue habilement sur deux registres,
celui du repas et celui de la parole.
Il est besoin d’une seule chose : d’un seul
plat ou de simplement écouter ?
Elle a choisi la meilleure part : le
meilleur morceau ou la meilleure attitude ?
Doubles sens par lesquels pourrait-on percevoir une
évocation de l’eucharistie ?
Dimanche 25 juillet 2010
Évangile selon saint Luc, chapitre
11, versets 1 à 13
(Psaume :
138 – Genèse 18, versets 20 à 32 – Épître de Paul aux Colossiens 2,
versets 12 à 14)
Un
Notre Père de poche
Il y a donc deux Notre Père comme il y a
quatre évangiles ou deux récits de la
Création : invitations à la créativité du
croyant. Ce Notre Père de Luc va droit
à l’essentiel : Dieu et son règne à venir, le
minimum vital qu’est le pain pour
maintenant (mais la mention de ce pain peut évoquer
en même temps la Parole
qui annonce ce règne), la liberté reçue et donnée à
l’égard du poids du passé (ce
qu’on psychologise aujourd’hui en parlant de pardon),
une sécurité minimale.
Chez Matthieu, le thème privilégié est le
pardon-libération. Chez Luc, on souligne
le don de Dieu à qui demande, avec ces deux petites
paraboles. Il faut cependant
souligner – bémol – que l’on obtient réponse en
demandant le souffle de ce règne
de Dieu, qui chez Luc est un règne de justice et de
justesse. Il ne s’agit donc pas
d’obtenir des gratifications à la demande, mais de
recevoir de l’aide pour participer
à l’avancement de ce règne : pour Luc, cela
colore tout son Notre Père de poche :
outil pour le travail du croyant, arme pour son
combat.
Dimanche 1er août
2010
Évangile selon saint Luc, chapitre
12, versets 13 à 21
(Psaume :
90 – Ecclésiaste 1, verset 2, et 2, versets 21 à 23 – Épître de Paul aux
Colossiens 3, versets 1 à 11)
Mourir seul
Voilà un thème très « évangile selon
Luc » : le mépris de l’argent, de l’avoir,
ou plutôt de la passion de l’avoir. C’est pourquoi il
est conseillé, très concrètement,
que les partages d’argent ou de biens se fassent en
évitant le poids de cette passion
destructrice. Autrement, et plus généralement,
l’humain qui se fie à cette passion
meurt dans la solitude, il s’est privé de la relation
aux autres : l’imbécile
de la parabole, en conséquence, est seul, ne parle
qu’à lui, ne parle que de lui.
Socialement il est déjà mort. D’ailleurs, dans la
logique de l’évangile, il est mort
également pour Dieu, ce qui revient au même, tant
l’intérêt pour Dieu
et l’intérêt pour l’autre sont considérés ici comme
identiques et coextensifs.
C’est pourquoi ce n’est pas Dieu qui lui redemande sa
vie, mais un on
(littéralement, en grec, un ils) dont on ne
sait rien : tout ce monde, tant humain
que divin, dont il s’est gardé et pour lequel il n’a
rien gardé. Plus tu es riche
en ce sens, plus tu es seul. Et plus tu es mort.
Dimanche 8 août 2010
Évangile selon saint Luc, chapitre
12, versets 32 à 48
(Psaume :
33 – Ézéchiel 33, versets 10 à 16 – Épître aux Hébreux 11, versets 1 à 19)
Il est important de bien voir que le langage de Jésus
est parabolique, comme le
souligne Pierre : le thème des punitions ou de
la récompense est de cet ordre,
adapté au type des personnages de la parabole (un maître absent et son retour,
un serviteur, etc.), il serait donc déplacé de
considérer le règne libérateur de Dieu
comme obéissant à ce type de rapports, alors que,
pour rester dans le registre
parabolique, il vise à les remplacer par ceux qui
relient les convives partenaires
d’une noce.
Ceci dit, on trouve là plusieurs thèmes chers à
l’évangile, regroupés en deux volets :
– L’urgence de la décision, sachant que l’irruption
du règne de Dieu peut survenir
à tout moment, et la nécessité de s’affranchir de la
passion de l’avoir, qui aliène,
alors que l’offre du règne de Dieu permet dès
aujourd’hui une libération de l’être.
– Le fait qu’il n’y a pas de situation assise dans le
monde du règne de Dieu,
comme le montre la réponse de Jésus à la question de
Pierre : le règne s’adresse,
non aux disciples répertoriés, mais à celui, quel
qu’il soit, qui fait le boulot ;
ce qui veut dire aussi qu’il y a menace constante sur
la qualité de vrai disciple…
sachant néanmoins que, dans la parabole, le serviteur
inconséquent reste accepté
par son maître.
Dimanche 15 août 2010
Évangile selon saint Luc,
chapitre 1er, versets 39 à 56
(Psaume :
45 – Apocalypse 11, verset 19 & 12, versets 1 à 10 – Première épître
de Paul aux Corinthiens 15, versets 20 à 27)
Puissance
Deux générations, celle de la
longue attente qui va finir, et celle de l’irruption
de la nouvelle ère. Donc aussi l’enfant de la
promesse et celui de la réalisation.
Les verbes du poème de Marie (le Magnificat)
sont à comprendre, non comme
des passés (il a dispersé ou jeté les puissants,
élevé les humbles, etc.), mais,
selon une logique grammaticale plus sémitique que
grecque, comme des accomplis,
c’est-à-dire comme des faits certains, même si leurs
effets ne sont pas encore
perceptibles, comme lorsque le sort d’une bataille
laisse deviner quel sera à
terme le vainqueur de la guerre.
Le cantique de Marie est évidemment un psaume juif,
faisant d’Israël le paradigme
de tous les humbles, mais il est repris par Luc (le
non-juif ?) selon sa propre
logique, qui fait de l’enfant à naître, lui dont
l’existence sera à l’opposé de la
puissance des nantis et des orgueilleux, le maître de
la puissance véritable.
Dimanche 22 août 2010
Évangile selon saint Luc,
chapitre 13, versets 22 à 30
(Psaume :
117 – Ésaïe 66, versets 18 à 21 – Épître aux Hébreux 12, versets 5 à 13)
Passeras-tu ?
On est en août, je m’inspire ici de ce que j’écrivais
dans mes remarques de 2007 :
On cherche à se sauver de quoi, dans ce récit ?
Plutôt qu’entrer dans la vie
éternelle telle que nous imaginons l’éternité, peut-être
s’agit-il de survivre
à la catastrophe qui devait clore ce temps-là et se
trouver habilité à passer
dans le nouvel éon. L’image de la porte parle mieux s’il s’agit de ce passage.
Toujours se souvenir que nous ne vivons pas dans la même culture.
Il n’y avait pas une Histoire, mais une succession d’éons, ces longues durées.
Et qui finissaient mal, chacun, un autre monde devant redémarrer en gloire.
Cette pensée apocalyptique voyait l’énergie initiale se décomposer lentement.
Mais ici, "le monde qui vient" est sans doute le règne final.
C’est alors une ordalie, tu ne passes pas si tu
appartiens aux facteurs de
destruction. Or en ce monde, c’est le cas des "premiers", dit Luc...
Dimanche 29 août 2010
Évangile selon saint Luc,
chapitre 14, versets 1 à 14
(Psaume :
68 – Proverbes 4, versets 1 à 9 – Épître aux Hébreux 12, versets 18 à 24)
Riches et
pauvres
En fait, deux thèmes distincts (versets 1 à 6 et 7 à
14) dont le point commun,
très évangile selon Luc, est la relation du puissant
au faible.
– D’abord l’appel à la conformité entre le faire et
le dire, surtout quand ce dernier
est imposé au démuni par le nanti (il s’agit sans
doute ici de grands commerçants).
– Ensuite, des préséances dans une société très sélective (keklêménoi, exelégonto).
La logique générale (verset 11) pointe vers la logique du Règne futur.
Mais la parabole est au présent, ce qui colore ce futur d’une valeur actuelle.
De même pour ces soupers, banquets réels retournés, évoquant le Psaume 23 :
tous ces humiliés invités, et la table dressée face à leurs adversaires.
C’est le riche, pas forcément pharisien, qui est visé.
C’est aussi la logique des Béatitudes, qui privilégie ce qui est reçu dans le Règne.
Ce qu’on te rendrait dans la logique des échanges sociaux devient nul.
Un désir est suggéré : vivre sous le Règne dès
aujourd’hui.
Dimanche 5 septembre
Evangile selon Luc, chapitre 14, versets 25 à 33.
(Psaume 90 – Proverbes 8, versets 32 à 36 ; Epître à Philémon, versets 8 à 17)
Posséder ?
Je reprends ce que j’écrivais à ce sujet en
2007 :
Première impression : il préférerait y aller seul…
Deuxième temps, voir la finale : « … qu’il renonce à tout ce qu’il possède ».
Père, mère, femme, enfants, frères et sœurs vus comme des possessions…
Haïr ta possession de ceux-là.
Socialement, c’est un saut dans le vide.
Une liberté de la relation, où chacun est ce qu’il est face à l’autre.
Où les liens nés des histoires vécues ensemble (la chair) n’emprisonnent pas.
Où, cas limite, tu peux donc partir, tout laisser.
Bémol : en ce temps-là, la grande famille colmatait les brèches dues à ces départs…
Reste un prix à payer ou faire payer, une déchirure à subir ou faire subir.
Tu n’es pas obligé de sortir de la foule, on peut ne pas L’aimer à ce point.
Mais faire semblant, non.
Évangile selon Luc, chapitre 15, versets 1 à 32.
(Psaume 51 – Exode 32, versets 7 à 14 ; Première épître de Paul à Timothée 1, versets 12 à 17)
« Il était mort et il revit », verset 24 ; « il était mort et il vit », verset 32.
C’est le résultat de la metánoïa : « changement de sens » plutôt que « conversion ».
"Sens" : à la fois direction, perception et signification (orientation et compréhension).
Donc aussi : non pas « pécheur », mais « qui rate le but, qui se perd » (amartôlós).
Deux petites paraboles presque semblables :
Brebis perdue, brebis foutue – et perte pour le
berger.
Drachme perdue, la perte est seulement pour la dame, c’est moins grave.
Et pour le Père : perte des deux côtés – ou bien joie, bonheur.
Tu es mort, et revivre, vivre, suppose un changement de sens.
La mort n’est pas après, elle est avant.
Tu es perdu, et te trouver suppose que tu aies changé de sens.
Pas de morale : juste la loi du bonheur.
Et si tu crois vivre avec le Père, mais sans bonheur : perdu !
Évangile selon Luc, chapitre 16, versets 1 à 13.
(Psaume 113 – Amos 8, versets 4 à 7 ; Première épître de Paul à Timothée 2, versets 1 à 8)
Je crois que les versets 1 à 8 forment une parabole sur Jésus lui-même.
Jésus dilapidateur des biens du Père.
Le père de la parabole précédente pardonne au fils dilapidateur.
L’aîné est engagé à pardonner en vue d’une dilapidation festive.
Maintenant, le serviteur est à l’image de Jésus, gérant des biens du Père.
Qui pratique le pardon, cette dilapidation.
Il ne s’agit pas de malhonnêteté, mais d’injustice (adikía) : le pardon n’est pas juste.
On apprend que Dieu aime qui lui ôte le devoir de punir, d’exiger réparation.
Logique évangélique, qu’on retrouve au verset 13 ou il est question de choisir :
Pardonner ou condamner, dilapider ou thésauriser, être "injuste" ou être "juste"…
Prônant cette injustice, les versets 9 à 12 inversent la morale de Mamôn.
Vive le Mamôn tês adikías, le Mamon de "l’injustice" !
Évangile selon Luc, chapitre 16, versets 19 à 31.
(Psaume 146 – Amos 6, versets 1 à 7 ; Première épître de Paul à Timothée 6, versets 11 à 16)
Admirer d’abord l’usage très libre du folklore juif de l’époque :
– Abraham : tous les juifs, ses descendants, étaient déjà présents dans sa semence…
– Le feu de la géhenne.
– Le grand abîme entre les morts, séparant les vrais juifs et les faux.
– Cinq frères, un par livre de la Torah ou par livre des Psaumes, soit tous les juifs.
Tout cela résonne avec le devoir d’observer la Torah de justice.
C’est la vraie condition du bonheur (Psaume 1).
Lazare (Aidé-de-Dieu), seul nommé, fut privé de ce bonheur.
Donc exonéré de ce devoir.
Le riche, anonyme car légion, a joui en captateur égoïste, donc contre la Torah.
La morale, faisant chiasme, est celle du retournement des conditions.
Or tout est joué, au jour inconnu de toi : change maintenant.
Évangile selon Luc, chapitre 17, versets 5 à 10.
(Psaume 95 – Habacuc 1, versets 2 et 3, et 2, versets 2 à 4 ; Deuxième épître de Paul à Timothée 1, versets 6 à 14)
– La première partie n’a pas pour visée de critiquer
le manque de foi
des croyants, comme on le dit souvent, mais, je
pense, de les libérer du désir
de cette toute-puissance qui serait liée à la vertu
de leur religion :
ils n’ont pas la foi qu’il faudrait pour cela, et ce
serait d’ailleurs absurde.
– Nous sommes des serviteurs inutiles,
traduit-on souvent au dernier verset :
c’est l’une des bases de la morale puritaine
classique, qui a l’avantage de
supprimer tout sentiment hiérarchique entre les
croyants, et l’inconvénient
de susciter une incertitude angoissante sur soi-même.
Dans son contexte,
ce verset dit autre chose : vous êtes libérés du
devoir de bien faire parce que
vous êtes libérés de votre désir d’être
tout-puissant ; ce que vous faites,
c’est ce que vous pouvez faire, et vous savez très
bien en quoi cela consiste :
vous avez un boulot, faites-le ! Point barre.
Évangile selon Luc, chapitre 17, versets 11 à 19.
(Psaume 98 – II Rois 5, versets 14 à 17 ; Deuxième épître de Paul à Timothée 2, versets 8 à 13)
Lépreux ? Peu importe alors que tu sois juif ou samaritain : proscrits tous ensemble.
Et vis-à-vis de ce lot d’impureté, deux attitudes, pas plus :
– Tu le tiens à l’écart, maudit, condamné à n’être que rebut,
tu chasses à coup de pierres ces malvenus, semblables à nos sans-papiers,
tu édictes pour eux des lois d’éloignement, comme dans la boue des camps de roms.
– Ou tu guéris chacun, sans demander qui est qui.
Jésus fait mine de s’étonner, car le seul qui revient est celui qui a le plus reçu.
Est alors qualifié pour le Règne celui qui saisit que guérir sans exiger est œuvre divine.
Encore a-t-il fallu que la pitié du maître soit
d’abord demandée…
(il ne faut pas passer comme de rien sur la guérison subite des dix lépreux :
il y a là comme une féerie, coup de baguette magique évoquée avec si peu de flonflon
qu’elle devient pure parabole de la gratuité.)
Évangile selon Luc, chapitre 18, versets 1 à 8.
(Psaume 121 – Exode 17, versets 8 à 13 ; Deuxième épître de Paul à Timothée 3, verset 4, à 4, verset 2)
Le contexte n’est pas celui de la prière du chapitre 11 (l’ami sollicité)
car sous la violence, on ne demande pas du pain mais la "justice".
Noter que ce juge, comme souvent les violents
injustes dans les Écritures,
sait ce qu’il fait, ne dit pas « Je ne savais
pas », en quoi il est totalement
vraisemblable car en principe ils savent, même s’ils
se mentent à eux-mêmes.
Le contexte est celui du jugement porté sur les
vies : qui est juste ?
Qui vit dans la justesse, suivant une juste voie ?
La chute donne la réponse : est juste qui vit dans la foi.
Le terme grec (pístis) évoque un lien de
confiante dépendance à l’égard
d’une personne sûre, non le lien d’une doctrine.
Ayant foi en Dieu, tu te sais sauf, tu peux sortir de
la voie de la violence,
mais quand les juges et autres autorités sont sans
justice, tu n’as pas foi en eux.
Et quand le juste juge se tait ? Eh bien ta foi
en lui ne faiblira pas : tannes-le.
Évangile selon Luc, chapitre 18, versets 9 à 14.
(Psaume 34 – Deutéronome 10, verset 12, à 11, verset 1 ; Deuxième épître de Paul à Timothée 4, versets 6 à 18)
On n’en est pas encore à l’histoire de Zachée (chapitre 19) :
un vilain monsieur qui va rembourser ses victimes, et au-delà.
Ici, le collecteur de taxes, par définition voleur, impur et collabo, est déclaré juste.
Il ne s’est engagé à rien, il se borne à se reconnaître voleur, impur et collabo.
Fautif conscient d’être fautif, donc juste, aimé, Dieu n’aimant que les pécheurs.
Cela s’adresse aux gens honnêtes, purs et patriotes.
Déclaré juste, le vilain monsieur est qualifié pour entrer sous le Règne :
qu’y fera-t-il, se montrera-t-il adapté au Règne de la justice/justesse ?
La balle est dans son camp.
Le voilà devant une aventure ouverte à mener, non sans risques très concrets.
Le premier monsieur, lui, est statique, il pratique sa religion.
Il n’est pas condamné, seulement remis à sa place.
Évangile selon Luc, chapitre 19, versets 1 à 10.
(Psaume 154 – Ésaïe 45, verset 22 à 24 ; Deuxième épître de Paul à Thessaloniciens 1, versets 11, à 2, verset 2)
À Jéricho les murs tombent (ainsi que dans Josué
6) :
même le plus riche des exclus peut y être rendu à
l’humain,
aurait-il écrasé son propre peuple de taxes indues et
se serait-il prostitué
(servir l’empereur païen, impur, était considéré comme une prostitution) :
ainsi Zachée, aveugle sur lui-même et sur sa relation
aux autres.
Son nom, Zakkhayâ, évoque ironiquement l’intégrité.
Outre son office, il a pouvoir d’exploiter les
pauvres : il n’en profitera plus.
Guéri, il retourne à sa vérité : à sa vraie recherche ? (il cherchait à voir…)
On peut toujours être qualifié, au sein de la foule, de vrai fils d’Abraham
– à condition de monter à l’arbre, se révélant petit, aussi chef et riche que l’on soit.
– à condition de descendre de son arbre, petit homme plein de joie.
Un conseil scandaleux : soigner les riches et les puissants, aveugles impurs.
Évangile selon Luc, chapitre 20, versets 27 à 38.
(Psaume 17 – Daniel 3, verset 1 à 30 ; Deuxième épître de Paul à Thessaloniciens 2, verset 16, à 3, verset 5)
La question (avec le cas des sept frères) est de
style rabbinique.
Les réponses aussi, dont la logique peut nous échapper.
Premier point : la liberté de Dieu à l’égard de notre espace-temps fermé
et de ses institutions de survie : alliances, contrats, mariages, etc.
Avec aussi des dépendances humaines inconnues du
monde de Dieu,
pour lequel les femmes ne sont pas moins qualifiées que les hommes.
La logique du second point est contournée :
quand le Dieu d’Abraham, Isaac et Jacob se révèle à Moïse,
alors, Abraham, Isaac et Jacob sont vivants pour Moïse.
Non pour nous, mais pour le Seigneur – qui le révèle à Moïse.
Qui sont ceux qui en seront trouvés dignes (verset 35) ?
La réponse est dans la chute : Pour lui, tous sont vivants (verset 38).
Évangile selon Luc, chapitre 21, versets 5 à 19.
(Psaume 98 – Malachie 3, versets 19 et 20 ; Deuxième épître de Paul à Thessaloniciens 3, verset 7 à 12)
On part de la fausse question (la date de la fin) pour ramener le fidèle à la vraie.
La question de la fin : celle du temple de Jérusalem ? Celle de la fin de ce monde ?
Pour les juifs de l’époque, ce pouvait être la même chose,
et la réponse semble confondre – volontairement ou non – les deux questions.
– Luc écrit après la ruine de Jérusalem par les Romains en 70 de notre ère,
ruine précédée effectivement de persécutions, notamment sous Néron (en 68).
– Mais il prend aussi en compte un danger existant dès les années 40 :
se faire berner par des illuminés prétendant être Jésus revenu pour la fin des temps ;
aussi n’annonce-t-il pas la fin du monde et le retour du Christ pour bientôt
comme un temps ce fut espéré : la finale est retardée sine die.
Le message est que d’ici le retour du Christ, celui
qui se veut témoin du règne
de Dieu ne peut que souffrir et résister. Il est alors dans la vérité.
Évangile selon Luc, chapitre 23, versets 35 à 43. T
(Psaume 122 – 2 Samuel 5, versets 1 à 3 ; Épître de Paul aux Colossiens 1, versets 12 à 20)
Le peuple, les chefs, les soldats, les malfaiteurs.
Chez Luc, Jésus meurt loin des siens – femmes, mère, disciple bien-aimé :
en tient lieu un malfaiteur, seul baume.
Le peuple se tait, il regarde – on ne sait ce qu’il pense, on sait qu’il n’agit pas.
Les chefs parlent divinité, les soldats pouvoir : ciel et terre.
Les deux malfaiteurs confessent Jésus comme messie.
D’où la colère du premier : un messie incapable, passif, cela le tue !
Le second meurt sans douter du règne à venir.
On retrouve là l’usage du folklore de l’époque (voir 16.22-31).
Aucun moyen de parler clair dès qu’on sort de notre espace-temps :
les morts sont-ils : des gisants encore à juger ? perdus ? déjà bienheureux ?
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Luc
(ici,
2009–2010)
On
peut rejoindre le passage de son choix en cliquant,
dans
la liste suivante, sur l’élément correspondant :
Luc 21, 25-36 – Veillez donc et priez – 29
novembre 2009
Luc 3, 1-6 – Voix de celui qui crie dans le
désert – 6 décembre 2009
Luc 3, 10-18 – Il a son van à la main – 13
décembre 2009
Luc 1, 39-45 – Mon âme exalte le Seigneur – 20
décembre 2009
Luc 2, 1-20 – Il vous est né un sauveur –
25 décembre 2009
Luc 2, 40-52 – Pourquoi me
cherchiez-vous ? – 27 décembre 2009
Matthieu 2, 1-12 – Des mages venus d’orient – 3
janvier 2010
Luc 3, 15-22 – Il vous baptisera de l’Esprit
saint – 10 janvier 2010
Jean 2,1-12 – Ils n’ont plus de vin – 17 janvier
2010
Luc 4, 14-24 – La puissance de l’Esprit –
24 janvier 2010
Luc 4, 21-30 – Nul n’est prophète en sa
patrie – 31 janvier 2010
Luc 5, 1-11 – Ne crains pas – 7 février 2010
Luc 6, 17-26 – Heureux les pauvres – 14 février
2010
Luc 4, 1-13 – Il fut tenté part le diable –
21 février 2010
Luc 9, 28-36 – Écoutez-le – 28 février 2010
Luc 13, 1-9 – Le figuier stérile – 7 mars 2010
Luc 15, 1-3 & 11-32 – Mon fils était mort
et il est vivant – 14 mars 2010
Jean 8, 1-11 – Personne ne t’a condamnée ?
– 21 mars 2010
Luc 19, 28-44 – Le roi – 28 mars 2010
Jean 19, 17-30 – Il a rendu l’esprit – 2 avril
2010
Luc 24, 1-11 – Il n’est pas ici – 4 avril
2010
Jean 20, 19-31 – Je ne croirai pas – 11 avril
2010
Jean 21, 1-19 – M’aimes-tu ? – 18 avril
2010
Jean 10, 22-30 – Si tu es le Christ – 25
avril 2010
Jean 13, 31-35 – Là où vous le pouvez pas aller
– 2 mai 2010
Jean 14, 23-29 – L’Esprit saint vous
enseignera – 9 mai 2010
Jean 17, 20-26 – Que tous soient un – 16 mai
2010
Jean 14, 15-26 – L’Esprit de vérité – 23 mai
2010
Jean, 16, 12-15 – L’Esprit de vérité – 30 mai
2010
Luc 9, 11-17 – Tous mangèrent et se
rassasièrent – 6 juin 2010
Luc 7, 36 – 8, 3 – Va en paix – 13 juin
2010
Luc 9, 18-24 – Tu es le Christ – 20 juin
2010
Luc 9, 51-62 – permets-moi d’abord – 27 juin
2010
Luc 10, 1-20 – La moisson est grande – 4 juillet
2010
Luc 10, 25-37 – Un samaritain – 11 juillet 2010
Luc 10, 38-42 – Marthe et Marie – 18
juillet 2010
Luc 11, 1-13 – Comment prier – 25 juillet 2010
Luc 12, 13-21 – Ta vie t’es redemandée – 1er
août 2010
Luc 12, 32-48 – Ne crains pas – 8 août
2010
Luc 1, 39-56 – Il a élevé les humbles – 15 août
2010
Luc 13, 22-30 – La porte étroite – 22 août
2010
Luc 14, 1-14 – Mon ami, monte plus haut – 29
août 2010
Luc 14, 25-33 – Qu’il renonce à ce qu’il
possède – 5 septembre 2010
Luc 15, 1-32 – Revenu à la vie – 12 septembre 2010
Luc 16, 1-13 – Le maître loua l’économe infidèle – 19 septembre 2010
Luc 16, 19-31 – Ils ont Moïse et les prophètes – 26 septembre 2010
Luc 17, 5-10 – Des serviteurs inutiles – 3 octobre 2010
Luc 17, 11-19 – Ta foi t’a sauvé – 10 octobre 2010
Luc 18, 1-8 – Prier en
tout temps – 17 octobre 2010
Luc 18, 9-14 – Il se frappait la poitrine – 24 octobre 2010
Luc 19, 1-10 – Chercher et sauver ce qui était perdu – 31 octobre 2010
Luc 20, 27-38 – Pour lui,
tous sont vivants – 7 novembre 2010
Luc 21, 5-19 – Prenez garde que vous ne soyez séduits – 14
novembre 2010
Luc 23, 35-43 – Le roi des Juifs – 21 novembre 2010
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