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dimanche

 

 

 

Ce sont des remarques sur le texte d’évangile des dimanches

de trois années liturgiques types : Matthieu, Marc et Luc,

selon la liste de la Fédération protestante de France.

 

Cette année est une année « Matthieu ».

 

N.B. :

Ce ne sont que des notes de bas de page, illisibles et sans intérêt en tout cas

si l’on n’a pas d’abord lu le passage des Écritures concerné.

 

 

 

                                                 Pour aller à :

une année « Matthieu »

                                       une année « Marc »

une année « Luc »

une année « Matthieu »

 

 

 

 

 

 

 

Années « Matthieu »

 

(ici, 2010–2011)

 

 

 

Premier dimanche de l’avent 

 

Le Fils de l’humain vient

 

Évangile selon Matthieu, chapitre 24, versets 37 à 44.                                                                               

(Psaume : 122 – Ésaïe 2, versets 1 à 5 – Épître de Paul aux Romains 13, versets 11 à 14)                                

 

À l’époque, le cataclysme soudain est synonyme de fin de l’éon en cours,

tout comme le déluge de Noé inaugurait un nouvel éon, celui de notre histoire actuelle.

Question centrale de la pensée apocalyptique : qui entrera dans l’éon à venir ?

Il faut attendre la fin du chapitre 25 pour comprendre le critère de choix.

Cette pensée ignore le débat qui opposera la grâce et le mérite.

Elle suppose ici que l’éon à venir est le dernier des Règnes, le Règne de Dieu.

Tout le chapitre est consacré à ce thème, lié à l’annonce de la fin du temple,

premier événement de la Fin et annonce de la venue du Fils de l’humain.

L’humain enfin véritable, le nouvel Adam :

Fils d’Adam, fils de Dieu, écrivait Luc (3.38).

Comme un fils d’humain descendant des cieux (Daniel 7.13).

Dans le temps de la fin, à la durée inconnue, il faut être prêt, agir dans la justesse. 

 

 

 

 

Deuxième dimanche de l’avent

 

Changez de sens

 

Évangile selon Matthieu, chapitre 3, versets 1 à 12.

(Psaume 72 – Ésaïe 11, versets 1 à 10 ; Epître de Paul aux Romains 15, verset 4 à 9)                        

 

On s’arrêtera sur quelques termes :

"Convertissez-vous", c’est-à-dire "changez de sens" :

à la fois direction, perception et signification (orientation et compréhension).

Il ne crie pas dans le désert, il crie ceci : « Dans le désert, etc. », 

car ce peuple vit dans un désert – absence de sens, d’espoir, de justesse.

Baptiser, ici, c’est noyer dans l’eau les pénitents et les ramener purifiés à la vie :

dans un souffle (un esprit) c’est les redéfinir, dans un feu, les refondre.

Confesser ses péchés : reconnaître que l’on vit dans l’injustesse,

Le "péché" (hamartía) est une erreur, sur le "sens" de la vie, plus qu’une faute.

Pharisiens (séparés) et sadducéens (justes) : partis dominants mais opposés.

"Pierres", "enfants" : eben et ben (hébreu) ; jeu de mots plein de sens :

les deux permettent de bâtir dans la durée. 

 

 

 

 

Troisième dimanche de l’avent

 

Déjà de l’autre côté

 

Évangile selon Matthieu, chapitre 11, versets 2 à 11.

(Psaume 146 – Ésaïe 35, versets 1 à 10 ; Epître de Jacques 5, verset 7 à 10)                                        

 

Jean-Baptiste parle de l’avenir et conseille de s’y préparer.

Cet avenir qu’on espère est Celui qui ouvrira la porte du Règne à venir.

Cécité, surdité, boiterie, lèpre sont des perversions de la Création bonne.

La misère aussi, comme chez les prophètes, cette liste étant tirée

du livre d’Ésaïe : Ancien et Nouveau Testaments, même combat…

La bonne nouvelle est l’annonce du Règne : justice/justesse,

paix et bonheur véritables : qui peut chuter (skandalisthè)

en voyant des pauvres croire à la justice, cette promesse du Nazaréen ?

Si Jean est le plus grand, c’est que lui seul est arrivé tout au bord du Règne.

La logique est temporelle, liée au basculement des temps :

Jésus est déjà de l’autre côté, et à sa suite, le plus petit dans le Règne de Dieu,

passé dès aujourd’hui dans le monde heureux, est allé plus loin que Jean.

 

 

 

 

Quatrième dimanche de l’avent

 

Fils du Souffle

 

Évangile selon Matthieu, chapitre 1, versets 18 à 25.

(Psaume 24 – Ésaïe 7, versets 10 à 16 ; Épître de Paul aux Romains 1, verset 18 à 25)                                      

 

Ne pas sauter tout de suite à l’Esprit Saint de nos traductions et traditions :

Le texte : elle s’est trouvée enceinte par un souffle saint,

et : ce qui est engendré en elle est d’un souffle, un saint.

Noter l’indéfini, cet esprit venu de Dieu n’est pas encore circonscrit.

Certes, pneũma signifie aussi bien esprit que souffle, mais recevoir d’abord l’image,

physique : un être habité par la puissance d’un souffle nouveau.

Dans Ésaïe, non la vierge, mais la jeune femme.

Ici, il y a plus que l’avenir promis à Israël par Ésaïe : cette citation aménagée

établit le lien entre le passé d’Israël et le messie nazaréen, mais aussi la nouveauté

radicale de "l’annonce seigneuriale" (euaggélion, évangile) qui apporte la paix.

On est vers 80, en milieu juif, le rôle principal est confié à Joseph, un homme

qui descend du roi David ; la place éminente de la jeune femme n’apparaîtra

que vers 100, au sein d’une culture moins judéenne, dans l’évangile de Jean.

 

 

 

 

Noël

25 décembre 2010

Dimanche 26 décembre 

 

Un astre nouveau          

 

Évangile selon Matthieu, chapitre 2               

(Samedi : Psaume : 98  – Ésaïe 52, versets 7 à 10 – Épître aux Hébreux 1, versets 1 à 6)                                                  

(Dimanche : Psaume 128 – Proverbes 23, versets 15 à 26 ; Epître de Paul aux Colossiens 3, versets 12 à 21)

 

Non des rois, mais les grands savants de l’époque, sages liant sens et savoir.

Un astre nouveau paraît, observé à son lever (plutôt qu’à l’Orient, même mot grec),

signe d’une ère nouvelle à l’échelle de l’univers. Ces mages sont des voyants

qui font de la prospective géopolitique.

 

Hérode et le Tout-Jérusalem, sans voix, gelés dans l’éternelle logique tordue

de l’empire (Hérode, mort en – 4, féal des empereurs romains).

Matthieu arrange les citations et les datations pour établir le lien entre Jésus

et le roi David d’une part (Bethléem), lien positif de filiation,

Jésus et le roi Hérode d’autre part, lien négatif d’opposition.

 

Au cœur de cette histoire à portée mondiale : le massacre – croix qui donne sens,

signifiant l’ambiguïté foncière de l’être humain, pris entre sagesse et violence.

Bethléem, ville du roi-messie David, et la Judée deviennent centre de ce monde-là.

Mais si le récit concernant le massacre donne son sens à la naissance du messie,

l’inverse est vrai, selon une figure de style typique des Écritures : en sandwich.

Car le messie entre dans l’histoire réelle de l’espèce humaine, celle de la violence,

dans le camp des perdants.

 

L’Égypte, image complexe : terre de refuge, mais aussi lieu typique de la diaspora

juive de l’époque (école d’Alexandrie) et icône de l’Empire à haïr (ainsi Cléopâtre,

amie d’Hérode). Dans l’évangile selon Mathieu, le retour entame une sorte de

pèlerinage pascal : le parcours de Jésus partant de l’exil dans la violence, pour en

arriver au sacrifice à Jérusalem.

 

 

 

 

Dimanche 2 janvier 2011

 

Sorti d’une Égypte

 

Évangile selon Matthieu, chapitre 2, versets 19 à 23.

(Psaume 72 – Ésaïe 61, verset 10, à 62, verset 3 ; Epître de Paul aux Éphésiens 1, versets 3 à 6, et 15 à 18)                

 

Le messie, donc, entre dans l’histoire réelle de l’espèce humaine, celle de la violence,

dans le camp des perdants. Ici, dans le camp des migrants et des réfugiés.

L’image de l’Égypte, dans la Bible, est complexe. Elle est terre de refuge, certes,

mais aussi lieu typique d’une diaspora juive assez libre à l’égard des courants

identitaires revendiqués par les écoles présentes en Judée à l’époque (pharisienne,

par exemple) : l’école d’Alexandrie tente de faire communiquer la tradition biblique

avec la philosophie grecque, d’où la traduction en grec (Septante) de la Bible hébraïque.

Plus traditionnellement, l’Égypte est aussi, depuis l’Exode, l’icône de l’Empire à haïr

en tant que système despotique païen (noter que Cléopâtre est l’amie d’Hérode…).

Dans l’évangile selon Mathieu, le retour de Jésus en terre israélite entame

une sorte de long pèlerinage pascal qui part de l’exil, dans la violence et l’impureté,

pour aller jusqu’au sacrifice de la croix à Jérusalem.

 

 

 

 

Dimanche 9 janvier 2011

 

Un nouveau souffle

 

Évangile selon Matthieu, chapitre 3, versets 13 à 17.

(Psaume 29 – Ésaïe 42, versets 1 à 9 ; Épître de Paul aux Romains 12, versets 1 à 8)                                                        

 

Baptême : pour un changement du sens de la vie, un retournement,

il faut une mort de l’être antérieur – on est ce qu’on a vécu – on naît à ce qu’on va vivre.

Jean sait qu’il devrait lui aussi entrer dans la nouvelle ère à vivre.

Ce qui est juste (justesse) : une histoire nouvelle doit avoir un début.

Se départir de toute conception essentialiste : le baptême ne change pas l’être,

mais l’existence.

Ce qu’il va vivre : Fils bien-aimé (= roi véritable, ou messie ; voir Psaume 2,7).

L’eau d’en-bas et le souffle d’en-haut (l’eau s’est ouverte, le ciel aussi) ;

N.B. : les manuscrits anciens portent pnéũma théoû : un souffle (ou un esprit) de Dieu.

Le fleuve emporte l’ancien vécu, le souffle emmène vers le neuf à vivre (Matthieu 4,1).

« En lui j’ai mis mon assentiment », plutôt que mon affection ou ma joie (éudókêsa).

La Voix (Psaume 29) unit l’image du roi-messie à celle du vrai Serviteur (Ésaïe 42,1).

 

 

 

 

Dimanche 16 janvier 2011

 

Les yeux rouges du messie 

 

Évangile selon Jean, chapitre 2, versets 1 à 11.

(Psaume 66 – Exode 33, versets 17b à 23 ; Épître de Paul aux Romains 12, versets 4 à 16)                                                              

 

Le Jésus de Jean ne fait pas des miracles mais quelques "signes" (sêméîon).

Prendre ce terme au sens propre : ce qui n’est pas la chose signifiée mais s’y réfère,

ce qui vous renvoie à la chose signifiée, et aussi ce qui l’assure, comme un sceau. 

Le baptême d’eau était une mort purificatrice (Jean 1,33 et 2,6), le troisième jour

(2,1) est jour de résurrection, noces de Dieu et des humains, banquet messianique :

le messie a les yeux rouges de vin (Genèse 49,11-12), puisque le vin réjouit le cœur de

l’être humain (Psaume 104,15). Le programme est donc à l’ivresse, à la joie,

à l’avenir nuptial, que des bonnes choses ! C’est le but final signifié par avance (2,10),

car le bon d’une chose est dans sa fin (Ecclésiaste 7,8).

On se demande comment certaines Églises peuvent interdire le vin aujourd’hui ?

Elles restent dans le registre des signes baptismaux, alors que le vin de Cana,

comme le sang du Christ, comme le vin de la Cène, c'est l'annonce vertigineuse

d'une réalité qui est là alors même que nous ne la voyons pas, qui nous environne

alors même que nous nous croyons seuls : le Règne de Dieu qui s’est approché

de nous. 

 

 

 

 

Dimanche 23 janvier 2011

 

L’alliance des chefs 

 

Évangile selon Matthieu, chapitre 8, versets 5 à 13.

(Psaume 117 – 2 Rois 5, versets 9 à 19a ; Épître de Paul aux Romains 1, versets 14 à 17)                                                 

Le militaire païen et Jésus ont le même point de vue sur eux-mêmes :

pour eux, il y a deux sortes de personnes qui comptent, dans la vie :

ce n’est pas ma personne qui compte, mais celui qui souffre (ici, le garçon),

et aussi celui qui a le pouvoir d’agir. La différence porte seulement

sur l’ennemi et sur le type de pouvoir : un guerrier reconnaît un guerrier,

un chef reconnaît un chef, un même ennemi les rassemble à l’occasion.

On voit ici, dans le regard du militaire, un Jésus guerrier, au combat contre

ce qui fait du mal aux gens, un chef de guerre, valeureux dans ce combat-là.

Les chefs d’Israël (ce sont eux qui sont visés, non les juifs en général)

n’ont pas reconnu dans la douleur du peuple l’ennemi à combattre,

ils n’ont donc pas pu reconnaître le chef de guerre capable d’y parvenir.

Ce point de vue offensif est pourtant de valeur universelle.

 

 

 

 

Dimanche 30 janvier 2011

 

Signe de victoire 

 

Évangile selon Marc, chapitre 4, versets 35 à 41.

(Psaume 93 – Ésaïe 51, versets 9 à 16 ; Deuxième épître de Paul aux Corinthiens 1, versets 8 à 11)                                                 

 

Le règne de Dieu que Jésus annonce est aussi le règne de sa victoire

sur les forces du chaos primordial, or l’une des figues de ce chaos,

dans l’imaginaire biblique, depuis toujours, est la mer : le dieu biblique,

dans les poèmes de nature épique (ex. : Psaume 74,10-23) qui lui sont consacrés,

combat, vainc et domine les forces que la mer contient, ainsi que les monstres

qu’elle renferme, figures de l’innommable, de l’indifférencié et du mortifère.

Par rapport à cela, la particularité de ce récit de Marc est qu’il se passe

dans une région paumée et malfamée, sur un lac de taille ridicule :

même s’il nous paraît aujourd’hui comme un prodige de nature mythologique,

le signe est ici à la mesure de l’humilité du héraut faisant l’annonce du règne.

Il s’agit d’un choix, ce n’est pas Dieu qui agit, en gloire sur son trône,

c’est l’annonce, par son envoyé, de ce que signifie le règne qui vient,

la défaite des puissances de mort qui règnent sur la barque universelle.     

 

 

 

 

Dimanche 6 février 2011

 

Le blé germe    

 

Évangile selon Matthieu, chapitre 13, versets 24 à 30.                                                                 

(Psaume 73 – Ésaïe 40, versets 12 à 25 – Première épître de Paul aux Corinthiens 1, versets 4 à 9)                             

 

On se demande pourquoi les disciples de Jésus lui demandent d’expliquer

cette parabole (versets 36 à 43), d’autant que l’explication… n’explique pas

qui est le diable (l’ennemi, dans nos versets d’aujourd’hui) ni d’où il sort.

C’est pourtant la question qu’un moderne va se poser immédiatement

et que je souligne dans ma traduction en rétablissant ce quelqu’un du texte grec

(ánthrôpos, verset 28) que les traducteurs ignorent habituellement : on ne sait pas

quel est ce diable. Dans la Bible hébraïque, le livre de Job le présente comme

l’un des agents de Dieu, chargé de mettre le juste (ici le bon blé) à l’épreuve.

Il est alors la tentation de mal faire, de faire du mal en s’éloignant de Dieu.

On apprend en revanche dans l’explication (verset 37) que le semeur

est le fils de l’humain (surnom de Jésus), l’être humain tel que Dieu le veut.

L’erreur serait de penser qu’il est aussi le maître de maison (verset 27).

Bref, ce champ semé de bon et de mauvais, aux visées partagées entre celles

du maître véritable et de son ennemi, c’est le monde. Et ce temps-ci n’y est pas

propice à l’éradication du mauvais par l’action violente des agents du maître.

On se demande alors par quelle aberration les Églises subséquentes ont pu

tenter de le faire avec tant de persévérance et pendant si longtemps !

C’est l’ennemi, sans doute, qui les aura polluées…

Plus généralement, on se tourne vers les promesses de l’avenir (le blé germe).

En attendant, un monde de la justesse ne saurait être imposé.

 

 

 

 

Dimanche 13 février 2011

 

Entre les temps    

 

Évangile selon Matthieu, chapitre 17, versets 1 à 9.                                                                 

(Psaume 97 – Exode 3, versets 1 à 10 – Deuxième épître de Paul aux Corinthiens 4, versets 6 à 10)                                

 

La découpe en chapitres et versets est très tardive ; le texte disait (16,2817,2) :

Amen je vous dis qu’il en est parmi ceux qui se tiennent ici qui, non, ne trouveront

pas la mort avant de voir le Fils de l’humain venir dans son règne. Aussi, après six jours,

Jésus prend avec lui Pierre, et Jacques et Jean son frère, et il les fait monter sur une haute

montagne, à l’écart, et il a été transformé devant eux...

Attention à la traduction : Car le fils de l’humain doit venir dans la gloire de son père avec

ses messagers (non ses anges ; 16,27), d'où ensuite la présence de Moïse et Élie (17,3),

les messagers du Père par excellence dans les Écritures.

La transfigurationpréfigure la gloire à venir, c'est un temps onirique, entre les temps,

temps de la fin de ce monde-ci (côlâm hazzèh) avancé jusqu'à ces trois gars-là

pour qu'ils puissent donner sens à la résurrection (17,9) au bon moment (kairós).

En attendant : il s'agit d'écouter son enseignement croire et obéir.

 

 

 

 

Dimanche 20 février 2011

 

Une autre loi    

 

Évangile selon Matthieu, chapitre 20, versets 1 à 16.                                                                 

(Psaume 18 – Jérémie 9, versets 22 & 23 – Première épître de Paul aux Corinthiens 9, versets 24 à 27)                     

 

La parabole s’inscrit dans un ensemble qui part de la question : « Que dois-je faire

de bon pour avoir une vie qui traverse les temps ? » (19,16). Il n’y a pas de rapport

entre cette bonté à réaliser – et qui est efficacité de ce qui est bon, non psychologie

du brave type – et cette vie qui est plus que la vie, qui est d’une autre qualité,

ce que les disciples n’envisagent pas, bien qu’ils aient tout quitté pour suivre Jésus,

se faisant socialement "derniers". D’où la parabole, qui répond à Pierre, leur

porte-parole : Jésus leur rappelle que ce qui est à faire, c’est se placer sous la loi

du règne des cieux, inverse de celle qui régit la société. La question de la rétribution

ou de la valeur de l’œuvre accomplie n’y a plus grand sens puisque tout y dépend

de la bonté du maître des cieux, bonté acquise par principe, puisque c’est cela la foi.

N’est rembarré que celui qui renaude, fier de sa contribution à l’œuvre du maître.

Encore faut-il souligner qu’il reçoit sa part : personne n’est rejeté…

 

 

 

 

Dimanche 27 février 2011

 

Celui qui est sorti                                                        

 

Évangile selon Luc, chapitre 8, versets 4 à 15.                                                                 

(Psaume 44 – Ésaïe 55, versets 10 à 12a – Épître aux Hébreux 9, versets 12 & 13)                                                                           

 

Une parabole est un récit, inventé ou non, qui veut vous changer, vous, l’auditeur.

Son but est de vous amener à faire la volonté du Père qui est dans les cieux,

à devenir sœur ou frère du Fils de l'humain. Celle du semeur est un récit simple,

sauf qu'on ne sait pas de quoi il parle : quel semeur, quelle semence ?

D’où l’explication : il s’agit des "mystères du règne de Dieu", selon lesquels

la parole de Dieu (versets 10 & 11), la volonté du Père, mise en œuvre,

suscite d’heureuses conséquences. Offerte et destinée au bonheur des gens,

elle demande néanmoins de l'effort, il y faut une bonne terre : un grand désir.

Un désir à la mesure du désir de celui qui est sorti (des cieux ?) pour semer.

La raison des paraboles : on ne marchera sur ce chemin que par une démarche

de recherche : oreilles pour entendre, œil pour voir – désir pour recevoir.

Comment gagnerais-tu un trésor sans avoir eu à le chercher ?

 

 

 

 

Dimanche 6 mars 2011

 

L’aboutissement 

 

Évangile selon Marc, chapitre 8, versets 31 à 38.                                                                 

(Psaume 31 – Amos 2, versets 21 à 24 – Première épître de Paul aux Corinthiens 13, versets 1 à 13)                                         

 

C’est un suicide. En l’exécutant, c’est l’humanité que les autorités assassinent,

elles qui sont les émanations autorisées de l’humanité, ses représentants.

En effet, l’expression le Fils de l’humain (ou Fils de l’homme, mais c’est sexiste),

ainsi transposée à partir d’une langue sémitique signifie simplement l’Être humain.

Parlant ainsi, Jésus se situe donc comme figure de l’ensemble de l’humanité.

On voit ici l’aboutissement inéluctable de l’errance et de la violence humaine,

on n’y peut plus rien, dit ce récit : le messie doit être tué, parce que l’humanité

connue ne peut que disparaître. Seul, Dieu peut créer une humanité nouvelle.

C’est le sens de la résurrection du Christ, et les disciples du messie tué et relevé

doivent accepter cette logique : une autre serait mensongère, néfaste pour l’humain.

Ils doivent suivre derrière, ou en rester à Satan, image de la séparation radicale

qui existe entre les humains, et entre Dieu et les humains. 

 

 

 

 

Dimanche 13 mars 2011

premier dimanche du carême

 

L’épreuve en trois embûches         

 

Évangile selon Matthieu, chapitre 4, versets 1 à 11.                                                                 

(Psaume 91 – Genèse 3, versets 1 à 19 – Épître aux Hébreux 4, versets 14 à 16)                                                                

 

Plutôt bénéfique, le rôle du diábolos, accusateur systématique présent dans le livre

de Job (hébreu, le satân). Le monde est remis à cette puissance-là, l’Épreuve

(verset 6), qui se manifeste ainsi, pratiquement, comme ennemie de l’humain,

quoique répondant au dessein ultime du Dieu tout-puissant : une dialectique

ancienne mise en œuvre ici par Matthieu. Les trois épreuves fondamentales, liées

aux errements habituels de l’humanité, sont donc soumises à l’humain véritable

(fils de l’humain) : les épreuves économique (le pain), religieuse (le sanctuaire)

et politique (le pouvoir). Il n’y a pas d’épreuve concernant les mœurs intimes,

ressortissant de l’une des trois premières ou des trois, elles ne sont sans doute 

pas fondamentales, contrairement à ce que suppose l’usage ultérieur des Églises.

Se dessine le chemin par lequel les humains peuvent sortir de leur malheur :

suivre l’unique humain véritable dans son parcours semé des trois embûches.       

 

 

 

 

Dimanche 20 mars 2011

deuxième dimanche du carême

 

Le seul qui restait         

 

Évangile selon Marc, chapitre 12, versets 1 à 12.                                                                 

(Psaume 25 – Ésaïe 5, versets 1 à 7 – Épître de Paul aux Romains 5, versets 1 à 11)                                                           

 

Le fils assassiné est le seul fidèle qui subsistait, et malgré la mort,

il devient le fondement : cette pierre rejetée et réhabilitée (ressuscitée).

Ces deux thèmes sont reliés par la figure sous-jacente du messie fils de Dieu. 

À ces deux thèmes correspondent deux comportements adverses,

celui des paysans spoliateurs et meurtriers et celui des mauvais bâtisseurs,

évoquant tous deux les grands-prêtres et les principaux responsables judéens. 

Ce que la vigne évoque est complexe. Elle se réfère certes au peuple élu

(verset 1, qui reprend le début du magnifique poème de la vigne dans Ésaïe 5),

mais aussi à l’apanage du messie judéen (Genèse 49,10-12) : on revient au sens

du peuple élu, élection qui vaut quand règne "Seigneur" et sa justice/justesse.

Le rejet du fils est pierre d’achoppement, mais là où il est la pierre sur laquelle

on se base pour construire, là se trouve la vigne bien-aimée, le peuple de Dieu.

 

Note technique : cette pierre n’est pas une clé de voûte mais la première pierre posée, base

sur laquelle les bâtisseurs alignent et fondent toutes les autres. L’image rejoint le sens premier

des mots hébreux émounâ ("foi") et amén ("c’est vrai !") : il s’agit de se fonder solidement.

 

 

 

 

Dimanche 27 mars 2011

troisième dimanche du carême

 

Basculement           

 

Évangile selon Luc, chapitre 9, versets 57 à 62.                                                                 

(Psaume 25 – 1 Rois 19, versets 1 à 8 – Épître de Paul aux Éphésiens 5, versets 1 à 8)                                                                       

 

Dans cette histoire, il y un avant et un après : ceux qui s’en vont vers l’après,

marchant sur le chemin qui mène à Jérusalem et à Golgotha,

et ceux qui en restent à ce qui est avant.

Parmi ceux qui vont vers l’après, il y a ceux aussi qui iront vers un lieu :

ils croient aux lieux, il y a bien un lieu où se vit la vraie vie ?

Non ; pas même la ville sainte de tous les pèlerinages, de toutes les vies rêvées.

Et il y donc ceux, enfin, qui se retournent vers avant, attachés à tout passé qui passe,

à leurs origines et à leurs milieux, qui comprennent aussi leurs avoirs.

Mais la vie est devant, après, à inventer, à construire, à bâtir en règne de justesse.

Entre l’avant et l’après, là où gît la différence, on change de route,

resterait-on sur la même aux dires des gens. On a basculé vers ce que Paul

appelle liberté. Paradoxe de l’évangile : tu te mets sous un règne... en liberté.

 

 

 

 

Dimanche 3 avril 2011

quatrième dimanche du carême

 

Le grain des Grecs

 

Évangile selon Jean, chapitre 12, versets 20 à 26.                                                                 

(Psaume 122 – Ésaïe 54, versets 7 à 10 – Deuxième épître de Paul aux Corinthiens 1, versets 3 à 7)                                                  

 

Question : qu’en est-il des goyim, des païens : qu’en pense Jésus ?

Voici que le monde se met à sa suite ! disaient de lui les pharisiens (v. 19) :

ainsi de ces Grecs, des prosélytes du temple judéen, annonciateurs de ces hellénistes

membres de la toute première Église de Jérusalem (Actes 6) et des incirconcis

mêlés aux Judéens des communautés fondées par Paul.

L’évangile selon Jean prête ici à Jésus un point de vue précis sur le statut

de ces Grecs au regard de sa foi  à lui : sa mort occasionnera beaucoup de fruit,

tout être qui croira en lui entrera dans la vie, tous seront appelés.

Déjà, des Galiléens au nom grec (Philippe, André) sont disciples de Jésus

et servent d’interprètes (on en déduit que Jésus ne parlait pas le grec).

Il est présenté ici comme universaliste, ce qui pourrait ne pas être historique, mais se

référerait à la situation de la communauté qui a vu naître cet évangile vers l’an 100.

Le règne du Père céleste, son étendue, touche l’ensemble de l’humanité.

L’enjeu : vivre pour soi seul, selon la loi qui prime en ce monde (v. 31),

ou mourir pour qu’une multitude se lève et vive pour l’étendue des temps

(non dans la linéarité sans fin d’une éternité platonicienne, mais dans la plénitude).

Ici, il ne s’agit pas du thème du sacrifice sanglant calqué sur ceux du temple,

la métaphore utilisée est liée aux lois physiques, biologiques, de la création :

le grain qui meurt étant l’humain par excellence, il donne vie à l’humanité nouvelle.

 

 

 

 

Dimanche 10 avril 2011

cinquième dimanche du carême

 

Le monde à l’envers             

 

Évangile selon Marc, chapitre 10, versets 35 à 45.                                                                 

(Psaume 43 – Genèse 22, versets 1 à 3 – Épître aux Hébreux 5, versets 7 à 9)                                                                                      

Un roi marche sur une capitale pour un combat final et victorieux, au cours

duquel ses vassaux vont avoir à se distinguer s’ils veulent qu’il partage

sa gloire et ses conquêtes avec eux. Quoique tremblants (verset 32),

les plus valeureux ne reculeront, ni devant le danger, ni devant le rappel

ultérieur de leurs mérites. Or ceux-là s’attendent à se partager le monde,

lors de leur entrée en gloire dans le nouvel éon qui verra l’intronisation,

par le Dieu de l’univers, de leur messie miraculeux resté encore clandestin.

C’était bien vu, mais complètement à côté : leur roi renverse les priorités,

il invente un monde cul par dessus tête, dans lequel, par exemple,

nos financiers d’aujourd’hui n’auraient en vue que le bonheur du peuple

et agiraient en conséquence sans se soucier de leurs gains à eux.

Persuadé d’ailleurs qu’un tel monde serait le seul vivable et durable…

 

 

 

 

Dimanche 17 avril 2011

dimanche des Rameaux

 

Qui veut du secours ?             

 

Évangile selon Jean, chapitre 12, versets 12 à 19.                                                                 

(Psaumes 22 & 118 – Ésaïe 50, versets 4 à 9 – Épître de Paul aux Philippiens 2, versets 5 à 11)                                                         

 

C’est la particularité de l’évangile selon Jean de mettre en rapport l’entrée

et l’acclamation royales de Jésus à Jérusalem avec la résurrection de son ami Lazare.

Noter que, contrairement à Matthieu, Jean utilise de façon médiatisée, par flash back,

la citation des prophètes, citation qui avalise la royauté de Jésus en tant que messie.

Du coup, l’affirmation de cette royauté devient pour le lecteur, non seulement

un fait du passé, une narration, mais plutôt un acte de foi des disciples ultérieurs.

Quant au lien avec Lazare, il fait passer cette royauté, du peuple d’Israël

au niveau universel de la question de la vie et de la mort : Jésus est le maître,

non seulement de la ville sainte, mais aussi de la vie redevenue sainte/saine…

Le nom de Lazare signifie « Celui dont Dieu est le secours », terme qui répond

aux Hosanna (« Oh sauve-nous ! ») de la foule. C’est un thème majeur :

tout cela ne s’entend que concernant les gens qui ont besoin de secours.

Tous ? Sans doute, répond malicieusement l’évangéliste en notant l’amertume

des orgueilleux, eux qui sont dans le déni : « Le monde marche derrière lui ! ».

 

 

 

 

Vendredi 22 avril 2010

Vendredi saint

 

Le Fils accompli

 

Évangile selon saint Jean, chapitre 19, versets 16 à 30

(Psaume : 22 – Esaïe 52, verset 13, à 53, verset 12 – Deuxième épître de Paul aux Corinthiens 5, verset 14, à 5, verset 10)                                                                                                                                                                                                  

 

Dans cet évangile, Jésus ne dit pas Mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné – début

du Psaume 22 – mais il y a deux évocations de ce Psaume, dont la structure est faite

de deux parties : les deux premiers tiers sont un appel à Dieu de la part d’un fidèle

persécuté, le troisième tiers commence par tu m’as répondu (mots bizarrement absents

de certaines traductions, fin du v. 22), et est un hymne de reconnaissance : évoquer

le début au moment de la crucifixion fait donc attendre la résurrection à venir.

 

Précisions : ce qui est dit hébreu ici est en fait de l’araméen ; ainsi gulgotâ (le crâne :

haggulgoleth en hébreu, ho kraníos en grec, calvaria en latin, qui a donné calvaire) ;

nazôr pourrait désigner un homme de Dieu plutôt qu’un habitant de Nazareth.

 

La loi romaine oblige Pilate à fournir un motif ; après que Jésus ait été condamné

pour motif religieux par les prêtres, il le condamne pour un motif politique global,

ce qui réunit l’ensemble des atteintes possibles aux institutions humaines ; 

mais sur le motif, il lui donne deux titres correspondants : homme de Dieu et roi.

 

La tradition fait du disciple bien-aimé l’auteur de cet évangile. Il est possible que les

Églises de la mer Égée pour lesquelles il a été écrit aient vénéré particulièrement la

mère de Jésus, alors que les Églises orientales de l’époque vénéraient plutôt Joseph.

 

Le récit montre un Jésus totalement conscient d’être arrivé au bout et à bout (deux

sens du verbe tétélétéstai (c’est achevé, c’est accompli, v. 30) de l’œuvre de son Père

céleste, ce qui est l’un des thèmes centraux de cet évangile, dans lequel le Fils a

pour mission d’opérer ce qui doit l’être pour permettre aux fidèles de le rejoindre

auprès du Père, devoir dont la croix (non la résurrection) est l’aboutissement.

 

 

 

 

Dimanche 24 avril 2011

Pâques

 

Le soleil s’était levé              

 

Évangile selon Marc, chapitre 16, versets 1 à 8.                                                                 

(Psaumes 139 & 18 – 1 Samuel 2, versets 1 à 8 – Première épître de Paul aux Corinthiens 15, versets 1 à 11)                               

 

Au premier jour d’une nouvelle semaine commence une nouvelle Histoire :

le soleil s’est levé… Trois mots (en grec) qui disent tout. 

Manifestement tronqué, le texte de cet évangile s’arrête en faisant en sorte

que le rôle des femmes soit renvoyé du côté des corps morts et des tombes,

de l’embaumement, et que le dernier mot les concernant soit le mot « peur ».

On peut imaginer que le récit original continuait par la mise en valeur de leur

rôle de premiers témoins et de messagères, comme dans les autres évangiles.

Mais c’est justement qu’elles n’ont démérité en rien, or la nouvelle Histoire

est offerte à des hommes, certes, mais privés de tout mérite : absents pour

cause de lâcheté, disparus dans la fuite et le reniement (ch. 14, 50-51 ; 66-72).

Cet évangile insiste beaucoup sur cette inadéquation des Douze à leur mission.

Cela aura paru une bonne base de départ pour cette nouvelle Histoire,

elle qui ne sera due qu’à leur seule rencontre avec un Jésus d’avenir,

et qui repartira des lieux du début, en Galilée. Sans le corps mort du passé.

Huit versets sans fioriture pour dire que désormais, le corps neuf est à faire…

 

 

 

 

Dimanche 1er mai 2011 

 

Soulevés par un souffle                

 

Évangile selon Jean, chapitre 20, versets 19 à 29.                                                                 

(Psaumes 116 – Ésaïe 40, versets 26 à 31 – Première épître de Pierre 1, versets 3 à 9)                                                     

 

La sélection n’est pas correcte : les versets 19 à 23 font partie du récit du jour Un,

jour de la (ré)surrection ; les versets suivants, avec Thomas, huit jours après,

reviennent néanmoins sur le même sujet : ceux qui croient sans avoir vu.

Ils ont vu mais ils n’ont pas encore cru : ils ont peur des Judéens, ils s’enferment :

il faudra que lui paraisse pour qu’ils croient, c’est-à-dire qu’ils sortent (verset 21) :

la foi est mouvement vers les autres… pour le pardon : Paix pour vous ! (trois fois) :

assurance (si la mort elle-même est surmontée, quelle faute ne l’est pas ?),

justesse dans la vie. La paix donnée, tu la prends ou tu la rejettes.

Selon cet évangile, l’Esprit est communiqué aux disciples immédiatement,

non cinquante jours plus tard, à la Pentecôte : la passion et la résurrection n’ont pas

interrompu l’œuvre du Père, car le souffle de l’envoyé suscite de nouveaux envoyés.

Il souffle sur eux un souffle saint : le premier sens du mot pnéũma est "souffle",

il s’agit d’être habité et soulevé par un souffle enthousiaste : où se trouve du divin.

 

 

 

 

Dimanche 8 mai 2011 

 

Mort du berger                

 

Évangile selon Jean, chapitre 10, versets 11 à 31.                                                                 

(Psaumes 23 – Ézéchiel 34, versets 1 à 31 – Première épître de Pierre 2, versets 21b à 25)                                                             

 

Un berger a reçu autorité sur le troupeau de la part du propriétaire de celui-ci.

Il fait partie de la maison du maître, et c’est en ce sens que les brebis sont à lui,

Surtout s’il est fils du maître…

Il n’abandonne pas ses brebis, il accomplit tout acte nécessaire à leur bien.

Ainsi, pour le Jésus de l’évangile selon Jean, sauver sa vie serait les abandonner,

se conduire en mercenaire ; et se défaire de sa vie, c’est les mener en sûreté. 

Les brebis en question composeront un troupeau futur,

qu’ils soient d’une bergerie ou d’une autre, d’un faux berger ou d’un autre :

l’humanité future, troupeau composé des amis du berger véritable,

n’est pas d’une seule origine ou appartenance. Ici ou là sont des gens

qui appartiennent au Christ, qu’ils sachent ou non l’appeler Seigneur, ou Messie,

ou Fils de Dieu, à leur manière ils le connaissent et sont connus de lui.

 

 

 

 

Dimanche 15 mai 2011 

 

La parole-acte

 

Évangile selon Jean, chapitre 15, versets 1 à 8.                                                                 

(Psaumes 66 – Genèse 1, verset 31, à 2, verset 4a – Première épître de Jean 5, versets 1 à 4)                                          

 

Dans la culture qui paraît là, dont l’idéal est la justesse,

un disciple accompli a reçu la parole de son maître de telle sorte que,

son maître absent, il puisse transmettre la même parole à ceux qui suivront.

C’est un lien physique, comme toute parole vraie, et ce qui importe,

ce sont les fruits portés par cette parole, c’est-à-dire les comportements induits.

Jésus est la vigne (image biblique d’un peuple juste façonné par Dieu)

parce qu’il est juste, absolument conforme, obéissant, à la volonté divine.

Ce moi obsédant n’est pas la marque d’un narcissisme,

mais de cette absolue conformité à la parole de Dieu, dans le faire et le dire.

Il est lui-même cette parole-acte, cette vie-en-Dieu, et il est le seul à l’être.

À qui veut vivre en Dieu, tout l’évangile selon saint Jean affirme

qu’on ne le peut qu’en s’incorporant à ce maître-là, et en se l’incorporant.  

 

 

 

 

Dimanche 22 mai 2011 

 

Le maître paradoxal  

 

Évangile selon Matthieu, chapitre 11, versets 25 à 30.                                                                 

(Psaumes 98 – Ésaïe 12, versets 1 à 6 – Épître de Paul aux Colossiens 3, versets 12 à 17)                                                              

 

C’est le « temps » (kairos) d’un tournant qui voit Jésus reconnaître son échec :

après la mission de ses disciples, les grandes cités, avec leurs écoles rabbiniques

et leurs synagogues – les sages et les intelligents – ne le suivent pas.

En revanche, les foules « fatiguées et chargées » des démunis l’écoutent,

le suivent, le rejoignent en nombre ; les païens eux-mêmes le pourraient (v. 22).

Alors Jésus prend conscience de sa mission véritable :

il voit dans cette situation la main de Dieu, qui le destine à devenir le maître

paradoxal, celui qui libère les humbles du poids qu’on leur impose.

Il reconnaît dans son échec une réussite elle aussi paradoxale.

On le sait, les lecteurs de tout temps le savent, cette mission s’accomplit

lorsque, de maître des démunis innocents sacrifiés par la société des grands,

il devient lui-même leur serviteur, démuni, innocent et sacrifié.

 

 

 

 

Dimanche 29 mai 2011 

 

Un langage codé 

 

Évangile selon Jean, chapitre 16, versets 23b à 33.                                                                 

(Psaume 66 – Exode 32, versets 7 à 14 – Première épître de Paul à Timothée 2, versets 1 à 6a)                                      

 

On ne peut demander quoi que ce soit, du moins à bon escient, au Père céleste

tant que l’on n’est pas entré dans ses desseins, que Jésus seul révèle.

Selon la pensée de cet évangile, le secret s’en tient d’abord dans la nécessité

provisoire du malheur, puisque le monde, pétri de mort, est fait de telle sorte

qu’il n’accepte pas le don de l’amour ; mais le secret de Dieu, révélé par Jésus,

réside aussi dans la foi en la victoire de celui-ci sur la mort, reine du monde.

Par construction, cela est incompréhensible aux yeux du monde, d’où la nécessité

d’un langage codé, à base de dits énigmatiques, tels que l’évangile selon Jean

en est rempli, et que même des proches de Jésus ne peuvent vraiment saisir.

C’est dans la foi seule en un Jésus « issu de Dieu » que le mystère se dévoile

et que les croyants, alors pleins de joie, sont renseignés en clair sur le sens

de son ministère, de sa mort et, pour les lecteurs, de sa résurrection. 

 

 

 

 

Jeudi 2 juin 2011

Ascension

 

Présent partout     

 

Évangile selon Luc, chapitre 24, versets 50 à 53.                                                                 

(Psaume 47 – 1 Rois 8, versets 22 à 28 – Actes des Apôtres 1, versets 3 à 11)                                                                                                                      

 

Quelle épreuve, pour la foi, que le temps ! On comprend bien les disciples de Jésus,

qui lui demandaient, au moment où il va les laisser seuls sans lui :

"Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas établir le Royaume ?"

Mais la réponse qui leur est donnée leur ôte toute tranquillité : le maître est parti.

Cela les installe dans un temps qu'il vont devoir gérer sans sécurité visible :

"Vous n'avez pas à connaître les temps et les moments que le Père a fixés",

leur avait-il dit, pas rassurant du tout ! Ils sont donc devenus les témoins

d'un Christ invisible, et les citoyens d’un royaume qui n'est pas de ce monde.

Curieusement, cela les installe aussi dans la joie : même s’ils continuent

à pratiquer leur bonne vieille religion juive, ils semblent avoir intégré

que Celui qui n’a pas de lieu à lui sur la Terre est donc présent partout,

son Esprit se manifestant où il veut – ce que Luc vise ici à faire comprendre.  

 

 

 

 

Dimanche 5 juin 2011 

 

La dangereuse vérité   

 

Évangile selon Jean, chapitre 15, verset 26, à chapitre 16, verset 4.                                                                 

(Psaume 27 – Jérémie 31, versets 31 à 34 – Épître de Paul aux Éphésiens 3, versets 14 à 21)                                                                                           

 

La question posée par le contexte : qui, des représentants patentés du monde

ou de Jésus, se tient dans la ligne qui va du Père céleste au monde et inversement ?

(Pour Jean, la vraie vie pleine suppose la communion avec les vues du Créateur.)

Affirmer que c’est Jésus, en témoigner, revient à se faire haïr et persécuter

(témoigner : marturéô, qui a donné "martyre"). C’est encore vrai aujourd’hui

de diverses manières lorsque le témoignage est effectif, donc fort dérangeant.

Devient nécessaire aux témoins un défenseur, ou avocat (paráklêtos, d’où le terme

de Paraclet pour désigner l’Esprit saint). Il est celui que l’on appelle à son secours

devant une mortelle accusation. C’est comme le souffle (ou esprit) qui élève

au-dessus d’elle-même la personne qui témoigne d’une vérité, dangereuse

pour elle, mais dont elle est habitée. L’enjeu n’est donc pas de savoir si Monsieur

Jésus de Nazareth est le bon gourou, mais où se trouve la vérité qui peut éclairer

le monde sur lui-même, sur sa violence, et sur le Père céleste qui l’attend. 

 

 

 

 

Dimanche 12 juin 2011 

Pentecôte

 

Construire la parole     

 

Évangile selon Jean, chapitre 14, versets 22 à 27.                                                                 

(Psaume 118 – Nombres 11, versets 25 à 29 – Actes des Apôtres 2, versets 1 à 18)                                                                               

 

Ce n’est pas parce que le Christ est ou semble absent qu’il l’est : 

son absence est sa façon de venir à nous, comme une question fondamentale

toujours posée, celle de la fabrication de sa parole ici et aujourd’hui :

non sa mise en pratique, comme si elle était intangible et ne demandait

qu’à passer dans des actes déjà déterminés, mais la construction d’un réel

qui lui soit accordé. 

Le défenseur, ce souffle (pneúma) conseilleur (paraklètos) est celui qui, à la fois,

pousse à agir et inspire le juste mode d’action. On fera de lui le saint Esprit,

ce qui posera d’innombrables questions portant sur sa relation au Père et au Fils...

Aimer Jésus, c’est discerner et faire ce qui est cohérent avec lui,

comme avec le Père, et avec sa parole, qui est lui aujourd’hui.

Une telle existence est la vie éternelle ici et maintenant.

 

 

 

 

Dimanche 19 juin 2011  

 

Un trou d’air

 

Évangile selon Jean, chapitre 3, versets 1 à 15.                                                                 

(Psaume 8 – Ésaïe 6, versets 1 à 13 – Épître de Paul aux Romains 11, versets 32 à 36)                                                                    

 

Pour naître « d’en-haut », il faut savoir que l’on est mort… Renier « la chair »,

non au profit d’une âme éventuelle qui n’a rien de biblique, mais pour repartir

à neuf et dans le bon sens. En sorte que ta vie soit vraiment la vie.

Ce qu’on appelle la chair, dans les Écritures, n’est rien d’autre que notre histoire,

elle est tout ce qui nous a faits, tissée du passé de toute l’espèce humaine,

de ses premiers temps, et même avant, aux tribulations de nos proches ascendants.

Elle est faite de toute nos solidarités. Des plus concrètes aux plus impalpables.

Le pessimisme biblique y voit partout la marque d’une violence congénitale

qui structure, au plus profond, une Création pourtant née d’un dessein positif.

Naître « d’en-haut », c’est s’insérer dans ce dessein, trouver le chemin de la vie

positive à laquelle nous sommes normalement voués. C’est coton…

à moins qu’un souffle puissant ne balaie en soi les implications de la violence.

Selon cet évangile, ce souffle naît en quelque sorte du trou d’air et du remous

produits par l’irruption et le passage du divin dans l’histoire des humains.

Celle-ci connaît alors la volonté bonne, l’agir pour le bien, la préférence altruiste,

l’aptitude au pardon, le choix de la vérité, toutes choses que « la chair »,

l’esprit de violence, rend ennuyeuses, et que l’esprit de vie rend passionnantes.  

 

 

 

 

Dimanche 26 juin 2011  

 

Change de sens maintenant !

 

Évangile selon Luc, chapitre 16, versets 19 à 31.                                                                 

(Psaume 13 – Deutéronome 6, versets 4 à 9 – Première épître de Jean 4, versets 16b à 21)                                                                

 

Dieu n’apparaît pas dans ce récit : on y parle d’une sagesse élémentaire.

 

Admirer d’abord l’usage très libre qui est fait du folklore juif de l’époque,

mais sans y voir du tout des représentations objectives de l’après-mort :

– les juifs étaient supposés s’être trouvés présents en promesse dans la semence,

à la fois physique et spirituelle, d’Abraham, leur père, et ils y retournaient ;

– typique de cette culture, le détournement des images de la mère vers le père !

– la géhenne était ce ravin proche de Jérusalem où étaient brûlées les ordures ;

– le grand abîme entre vrais et faux juifs morts disait l’irrémédiable ;

– les cinq frères, comme ailleurs les cinq maris de la Samaritaine, personnifiaient

les cinq livres de la Torah ou encore les Psaumes, répartis en cinq livres.

 

Tout résonne ici avec le devoir d’observer la Torah de justice, condition du bonheur

(Psaume 1) dont Lazare (Aidé-de-Dieu), seul nommé, fut privé. Il est donc exonéré

de ce devoir, tandis que le riche, anonyme car légion, a joui sans rien rendre,

donc contre la Torah dont, juif, il connaissait pourtant les termes.

La morale, faisant chiasme, est celle du retournement des conditions.

Le sens de ta vie est joué en un jour inconnu : change de sens maintenant.

 

 

 

 

Dimanche 3 juillet 2011  

 

Tous cherchés

 

Évangile selon Luc, chapitre 14, versets 16 à 24.                                                                 

(Psaume 18 – Ésaïe 55, versets 1 à 5 – Épître de Paul aux Éphésiens 2, versets 17 à 22)                                                  

 

C’est une parabole, avec ses incohérences constitutives.

Jésus y révèle le désir souverain du Père : que tous ses enfants humains

soient finalement réunis autour de lui, sans qu'un seul manque.

Ce n’est pas lui qui décide de l’exclusion, mais tous sont libres de se démettre.

Son désir s’exprime quelle que soit la bonne ou la mauvaise volonté

de ceux qui font partie du premier cercle de ses amis, ceux de son peuple...

Or chez Luc, cette parabole s’adresse aux juifs pharisiens qui l’ont invité,

dans un contexte où il est question de préséance et d’humilité.

À eux, les religieux, de se joindre, ou non, à la multitude des nations,

à l'espèce humaine en son ensemble, bons ou mauvais – qui peut en juger ? –

tous invités par Dieu – voire contraints pour les derniers des derniers, les perdus –

à vivre de son règne : une invitation au banquet, image d’un monde heureux.  

 

 

 

 

Dimanche 10 juillet 2011  

 

Pour le plaisir du maître

 

Évangile selon Luc, chapitre 15, versets 1 à 10.                                                                 

(Psaume 25 – Ézéchiel 18, versets 1 à 32 – Première épître de Paul à Timothée 1, versets 12 à 17)                                              

 

À quoi servent les brebis du troupeau ? À être tondues, abattues et mangées,

et à faire des petits qui eux-mêmes… Elles sont là pour le bien de leur maître.

Question d’actualité : à quoi sert l’argent grec – la drachme – d’une femme ?

À faire les courses ! À acheter à manger, à payer le loyer, à rembourser des dettes…

En perdre une – surtout au taux élevé de l’époque biblique – est une catastrophe.

Tout comme perdre une brebis de son troupeau, pour un pâtre de la Grèce actuelle.

Ce qui est perdu va donc terriblement manquer à son maître, à sa maîtresse :

à l’instance pour le bien de laquelle tout cela existe.

Il ou elle en attend de la joie (versets 7 et 10), c’est de son bonheur qu’il s’agit.

C’est l’un des côtés de la parabole : le plaisir que Dieu trouve, ou non, en chacun.

N’allons pas trop vite de l’autre côté, le côté de nous autres.

Côté où ceux qui sont déjà rassemblés dans les réserves du maître ou de la maîtresse

ne perdent rien, dans leur fierté d’être mis au service de son projet,

et où ceux qui sont errants ou cachés ratent la chance de lui donner ce plaisir :

faire avancer le règne d’un paisible bonheur. 

 

 

 

 

Dimanche 17 juillet 2011  

 

Sagesse

 

Évangile selon Luc, chapitre 6, versets 36 à 42.                                                                 

(Psaume 27 – Genèse 50, versets 15 à 21 – Épître de Paul aux Romains 14, versets 10 à 13)                                          

 

Le découpage est arbitraire. En fait, ces paroles font partie de la version réduite

du sermon sur la montagne que livre l’évangile selon Luc. Notre section

est la deuxième partie de ce sermon attribué à Jésus, elle suit les Béatitudes.

Une troisième partie évoque la fécondité et la solidité de qui est habité par

la bonté, caractéristique de celui qui se fonde réellement sur la parole de Jésus.  

Le thème général concerne la relation du croyant avec les autres :

amour et compassion, à l’image du comportement du maître, guide clairvoyant

(versets 39-40). Cela suppose que l’on se juge aussi lucidement qu’on le fait

pour les autres, comme le dit l’image de la paille et de la poutre (versets 41-42).

En tout cela, même dans la rigueur des Béatitudes de Luc, on trouve simplement

un enseignement de sagesse, de justesse et de justice à peine marqué

par l’évocation, presque superflue, d’une rétribution dans le Règne de Dieu…

 

 

 

 

Dimanche 24 juillet 2011  

 

La sainteté en acte

 

Évangile selon Luc, chapitre 5, versets 1 à 11.                                                                 

(Psaume 27 – Genèse 12, versets 1 à 4a – Première épître de Paul aux Corinthiens 1, versets 18 à 25)                                       

 

Quand Simon voit le saint homme prêcher depuis son bateau, cela est pour lui

dans la norme. C’est ensuite que tout dérape.

Ce qui se passe, avec cette pêche hors norme, c’est l’irruption du monstrueux :

la puissance d’une sainteté en acte (faire le bien en nourrissant les humains) est

lue par Simon comme un sacré terrible, cause de destruction de pauvres humains

aux outils dérisoires (le bateau manque de s’enfoncer) et surtout à l’impureté

congénitale. Si le Dieu saint est là, c’est pour lui la mort de l’humain.

Un seul mot de Jésus retourne la situation : « N’aie pas peur ». Tout ce qui suivra,

depuis lors jusqu’à aujourd’hui, naît de là : le croyant cesse de craindre…

Or on aurait pu penser que l’efficacité économique de la sainteté en acte

demanderait à être utilisée par ces artisans. Mais elle se convertit au contraire en

abandon : la richesse et la puissance, pourtant recherchées par toutes les entreprises

du monde, leur semblent apparemment des leurres : au lieu de ramasser leur pêche,

ils laissent tout aux autres, lac, bateaux et poisson en nombre… et maisonnée.

Conséquences : leur famille va continuer à mener sa vie en faisant son boulot ;

et les trois saints hommes, entre autres, vont changer à terme la face du monde.     

 

 

 

 

Dimanche 31 juillet 2011  

 

La liberté d’agir 

 

Évangile selon Mattieu, chapitre 28, versets 16 à 20.                                                                 

(Psaume 28 – Ésaïe 43, versets 1 à 7 – Épître de Paul aux Romains 6, versets 3 à 11)                                                       

 

Ce sont les derniers mots de l’évangile selon Matthieu, dans lequel les disciples

hommes sont informés du tombeau vide en un second temps, par les femmes.

C’est donc le seul passage où ils se trouvent en présence du ressuscité.

C’est un temps entre les temps, aussi entre les certitudes (verset 17) :

entre leur vie de disciples amis d’un maître allant malgré eux vers la croix,

et de fidèles disciples envoyés en mission par un maître partant de la croix,

s’en délivrant pour une histoire à faire dont elle est la matrice.

On reconnaît ici l’existence d’un langage ecclésial (Père, Fils, Esprit saint)

déjà construit depuis les années soixante (une génération auparavant).

Le mot liberté (verset 18) est un des sens d’éxousía, traduit souvent par pouvoir,

ce qui en colore trop le sens vers une domination de type impérial, alors qu’ici,

Jésus affirme plutôt avoir reçu de Dieu la liberté et la capacité de faire répandre

son appel au changement (dont le baptême est le signe) et son enseignement.

Les disciples reçoivent de lui mandat d’agir en ce sens :

Matthieu ne connaît d’Église qu’envoyée vers les autres, non pour construire

un monde chrétien, mais pour faire entendre partout l’annonce de paix.

 

 

 

 

Dimanche 7 août 2011  

 

Un récit codé   

 

Évangile selon Jean, chapitre 6, versets 1 à 15.                                                                 

(Psaume 47 – Exode 16, versets 2 à 18 – Actes des Apôtres 2, versets 41 à 47)                                                                   

 

On peut lire ce récit comme un message codé, en remarquant ces éléments

qui peuvent se référer à certains thèmes de la Bible hébraïque :

– le repas de la Pâque juive est tout proche – les douze paniers, comme

les douze tribus d’Israël – les cinq pains comme les cinq livres de Moïse

(Thora ou Pentateuque) ou les cinq livres des Psaumes – les restes réunis,

comme on se réunit dans le lieu de réunion (la synagogue, mot grec) – le pain

d’orge, nourriture de base du petit peuple, appelé aussi maza en grec ou en latin,

à rapprocher de l’hébreu matsa, le pain sans levain de la Pâque… – ou même

les cinq mille hommes, comme les cinq mille agneaux sacrifiés pour l’inauguration

de la Pâque restaurée par Josias (2 Chr. 35, 9) – de même les deux poissons :

au lieu du mot grec habituel qu’on trouve dans les autres évangiles (ikhthus),

Jean utilise le terme rare de Nombres 11, 22, opsárion (petite friture), lié aux

cailles survenant dans le désert, nourriture miraculeuse venue du Dieu de Moïse.

On peut ainsi penser qu’il s’agit là d’un récit qui se rapporte à l’Exode et à la Pâque,

réécrit vers l’an 90 à partir d’une tradition qui semble remonter au Nazaréen Jésus

et à ses débuts galiléens : le Reste d’Israël (une figure des temps derniers désignant,

chez les prophètes, les véritables adorateurs du Dieu biblique) n’est pas perdu,

le Jésus de Jean en réunit les morceaux éparpillés dans la synagogue véritable,

à la suite d’une eucharistie propre à donner vie aux foules humaines en recherche. 

 

 

 

 

Dimanche 14 août 2011  

 

Un devoir de saveur     

 

Évangile selon Matthieu, chapitre 5, versets 13 à 16.                                                                 

(Psaume 48 – Ésaïe 2, versets 1 à 5 – Épître de Paul aux Éphésiens 5, versets 8b à 14)                                                     

 

Le sel : ce qui donne envie de manger la vie, de la rendre savoureuse,

de lui permettre de rester vivable et aimable.

La lumière : ce qui fait briller la vie, ce qui permet de voir et d’admirer,

et de glorifier, non le croyant mais le Père de toutes choses.

Être à ce point responsables, comptables de cela – un devoir de saveur...

Saveur, dans le monde, des victimes accablées pour cause de justesse :

cette exhortation suit immédiatement les Béatitudes et l’annonce de la persécution.

La douleur n’y est pas magnifiée mais, vue de façon réaliste, elle est nécessaire

étant donné le règne réel de la violence injuste chez les humains.

Mais le maître mot, inaugural, est le bonheur : « Heureux êtes-vous ».

Ce bonheur, cette saveur, cette lumière sont pourtant plus promises qu’affirmées :

cela s’adresse à ceux et celles qui combattent le malheur du monde.

 

 

 

 

Dimanche 21 août 2011  

 

Une bonne affaire       

 

Évangile selon Matthieu, chapitre 25, versets 14 à 30.                                                                 

(Psaume 54 – Jérémie 1, versets 4 à 10 – Épître de Paul aux Philippiens 3, versets 7 à 14)                                                                 

 

On est dans les révélations concernant la fin d’une longue période cosmique,

avec la destruction annoncée du temple de Jérusalem (chapitre 24).

Mais « à quoi sera semblable le règne des cieux » qui vient (25,1) ?

À une fête : « entre dans la joie de ton seigneur » (25,21).

La parabole des dix demoiselles de la noce (25,1-13) a pour thème la nécessité

de rester fidèle à cette attente dont on ne connaît pas la durée :

à l’époque, l’effervescence des tout premiers chrétiens commence à retomber,

le Christ n’étant pas revenu pour régner en gloire comme on l’espérait.

L’histoire des trois serviteurs renchérit : il ne suffit pas d’attendre la fête :

la vie sous la seigneurie du Christ, plutôt qu’un béat espoir de gloire,

suscite un service, dont le texte qui suit précise les modalités (25,31-46) :

"Dieu premier servi !", certes, mais cela suscite le service des derniers.

Le bon serviteur est l’économe avisé de cette affaire juteuse :

l’accroissement de la fraternité agissante sur la Terre. 

 

 

 

 

Dimanche 28 août 2011  

 

Rien à sauver         

 

Évangile selon Luc, chapitre 19, versets 41 à 48.                                                                 

(Psaume 55 – Exode 19, versets 1 à 6 – Épître de Paul aux Romains 11, versets 25 à 32)                                                                 

 

La Jérusalem de l’époque était à la fois le centre religieux des Israélites,

alors très largement dispersés dans l’Empire romain et au-delà, et l’une des

principales places économiques de l’Empire. Cela était dû à l’importance centrale

du temple, qui monopolisait toute la pratique sacrificielle liée à la Loi de Moïse,

d’où l’importance du pèlerinage annuel lors de la Pâque, alors que les adeptes

des autres religions sacrifiaient dans d’innombrables temples locaux.

Le découpage qui est proposé ici souligne le lien qui existe, selon l’évangéliste,

entre le détournement du sens du temple et l’annonce de la ruine de Jérusalem.

Comme souvent, il est question de la façon dont les puissants, religieux ou politiques,

s’emparent des attributs du sacré pour les mettre à leur service.

Cela touche à la fois les liens et les lieux de l’identitaire (Jérusalem, pôle du peuple juif)

et du religieux (le temple), toujours mêlés : les vider de leur sens amènera leur ruine.

Mais, selon l’ancien adage grec, les dieux rendent fous ceux qu’ils veulent perdre.

Fous et aveugles, au point de chercher à faire taire celui qui émet une vérité qui,

prise en compte, pourrait provoquer un retournement salvateur, attendu par le peuple.

L’inspection (ou visitation) dernière a eu lieu : il n’y a rien à sauver là-dedans !

Mais la fin du temple, c’est aussi la fin de la religion biblique antérieure :

par quoi la remplacer ? C’est cela réponse à cette question qui distinguera

à l’avenir juifs et chrétiens, talmud et évangile.

 

 

 

 

Dimanche 4 septembre 2011  

 

Qualifié !         

 

Évangile selon Luc, chapitre 18, versets 9 à 14.                                                                 

(Psaume 68 – 2 Samuel 12, versets 1 à 15a – Épître de Paul aux Éphésiens 2, versets 4 à 10)                                                             

 

On n’en est pas encore à l’histoire de Zachée (chapitre 19) :

un vilain monsieur qui va rembourser ses victimes, et au-delà.

Ici, le collecteur de taxes, par définition voleur, impur et collabo, est déclaré juste.

Il ne s’est engagé à rien, il se borne à se reconnaître voleur, impur et collabo.

Fautif conscient d’être fautif, donc juste, aimé, Dieu n’aimant que les pécheurs.

Cela s’adresse aux gens honnêtes, purs et patriotes.

Déclaré juste, le vilain monsieur est qualifié pour entrer sous le Règne :

qu’y fera-t-il, se montrera-t-il adapté au Règne de la justice/justesse ?

La balle est dans son camp.

Le voilà devant une aventure ouverte à mener, non sans risques très concrets.

Quant au premier des deux, il est statique, il pratique sa religion.

Il n’est pas condamné, seulement remis à sa place.

 

 

 

 

Dimanche 11 septembre 2011  

 

Bienfaisance individuelle ?         

 

Évangile selon Marc, chapitre 7, versets 31 à 37.                                                                 

(Psaume 70 – Ésaïe 29, versets 17 à 24 – Actes des Apôtres 9, versets 1 à 20)                                                                   

 

Encore un peu de temps, et le Liban se changera en verger. […] En ce jour-là,

les sourds entendront les paroles du livre, et, délivrés de l’obscurité et des ténèbres,

les aveugles verront, écrit le prophète Ésaïe à propos des temps messianiques.

Le messie est donc là, qui plus est en terre étrangère (au Liban), marquant ainsi

l’universalité de sa mission, et des sourds, des muets, etc., sont guéris.

Pourquoi, alors, les temps messianiques ne sont-ils pas installés sur la terre ?

C’est que, répond notre évangile, le règne de Dieu s’est approché, avec Jésus,

en sorte que son instauration définitive puisse trouver des peuples avertis, préparés.

Les miracles de Jésus sont donc des signes avertisseurs, raison pour laquelle

tous les sourds, muets, aveugles, boiteux ne sont pas guéris… ni tous les humiliés,

prisonniers, etc. (Ésaïe), rachetés ni délivrés. Les signes doivent donc rester discrets,

sous peine de faire croire à la venue immédiate et définitive des temps messianiques.

Mais il est possible que Jésus, lui-même, n’ait eu conscience que tardivement

de l’inutilité de la bienfaisance individuelle face à la prégnance de la violence,

et qu’il ait conclu plus tard que la publicité à cet égard trahissait le sens véritable

de sa mission, puisque le messie devait être condamné à mort, message de Dieu 

à une espèce qui s’autodétruit en tuant le fils de l’homme, portant le blasphème

à son comble en tuant le fils de Dieu. Reste le message tout simple de Jésus

au malheureux enfermé dans son mal, figure de la maladie humaine : Ouvre-toi ! 

 

 

 

 

Dimanche 18 septembre 2011  

 

La vie avec l’autre

 

Évangile selon Luc, chapitre 10, versets 25 à 37.                                                                 

(Psaume 74 – Genèse 4, versets 1 à 16a – Première épître de Jean 4, versets 7 à 12)                                                       

 

Le prochain, en grec, c’est celui qui est à côté.

En hébreu, c’est un ami, ou un autre, mais bien connu.

Ce Samaritain n’est pas un prochain, mais un étranger, un adversaire, un inconnu.

Et un impur : s’il te touche, tu dois retourner à Jérusalem, au temple, te faire purifier :

sale type ! Mais quand tu es au plus bas, vraiment foutu, tu supportes sans difficulté

de devoir ta vie à ce méprisable. C’est dur, le voilà ton prochain,

ce que tu acceptes en assumant ton peu d’être face à lui, lui pardonnant

d’être ce qu’il est, et surtout : lui pardonnant de te rendre ainsi débiteur.

Si les rôles se renversent, tu deviendras son autre bienfaisant…

Et tu ne le peux qu’en étant pardonné toi aussi de cela.

L’exemple (la parabole) est extrême, mais s’applique à chacun.

Retournements, légèreté des êtres, et l’enjeu est la vraie vie.

 

 

 

 

Dimanche 25 septembre 2011  

 

Guérir sans exiger

 

Évangile selon Luc, chapitre 17, versets 11 à 19.                                                                 

(Psaume 84 – Genèse 28, versets 10 à 19a – Épître de Paul aux Romains 8, versets 12 à 17)                                                          

 

Lépreux ? Peu importe alors que tu sois juif ou samaritain : proscrits tous pareils.

Et vis-à-vis de ce lot d’impureté, existent deux attitudes, pas plus :

Tu le tiens à l’écart, maudit, condamné à n’être que rebut.

Tu chasses à coup de pierres ces malvenus, semblables à nos sans-papiers.

Tu édictes pour eux des lois d’éloignement, comme dans la boue des camps de roms.

Ou tu guéris chacun, sans demander qui est qui.

Jésus fait mine de s’étonner, car le seul qui revient est celui qui a le plus reçu.

Est alors qualifié pour le Règne celui qui saisit que guérir sans exiger est œuvre divine.

Encore a-t-il fallu que la pitié du maître soit d’abord demandée…

(il ne faut pas passer comme de rien sur la guérison subite des dix lépreux,

il y a là comme une féérie, coup de baguette magique évoquée avec si peu

de flonflon qu’elle devient pure parabole de la gratuité.)

 

 

 

 

Dimanche 2 octobre 2011  

 

Temps fermé, temps ouvert

 

Évangile selon Luc, chapitre 12, versets 13 à 21.                                                                 

(Psaumes 104 & 65 – Ésaïe 58, versets 7 à 12 – Deuxième épître de Paul aux Corinthiens 9, versets 6 à 15)                             

 

Avant, il avait en vivres une moisson d’avance, une année donnée.

Désormais, des années en réserve, amasser du bien c’est du temps pris sur la mort.

Il abat des greniers pour voir loin, non pour le jour le jour.

Ce paradoxe : au jour le jour le temps est infini,

mais il est fini pour qui se construit des calendriers d’années à venir.

Et il avait ce rêve de vivre sur du solide, du bâti, établi, durable.

Il n’espérait plus le bonheur d’un inattendu, le don d’un instant d’éternité.

Il faudrait vivre avec du bien sans croire en lui ?

Et dans ces greniers comblés, où va-t-il mettre de l’autre… et de l’Autre ?

Dans quel creux hospitalier ?

Il est donc mort et ne le sait pas... il ne reste qu’à concrétiser cela : qu’il meure.

Voilà son trop plein mis en partage, pour d’autres : ce bonheur lui vient trop tard !

 

 

 

 

Dimanche 9 octobre 2011  

 

Celui qui vient dans le monde

 

Évangile selon Jean, chapitre 11, versets 1 à 45.                                                                           

(Psaume 86 – Lamentations 3, versets 22 à 32 – Seconde épître de Paul à Timothée 1, versets 7 à 10)                         

 

Contrairement aux trois autres évangiles (les évangiles dits "synoptiques"),

l’évangile selon Jean relate peu de miracles, celui-ci étant le plus… surprenant.

Ce ne sont pas des actes de puissance en elle-même, mais des "signes" offerts à la foi,

le but étant de faire voir le sens de la venue de Jésus :

il est "celui qui vient dans le monde" : l’irruption du temps dernier dans le présent.

C’est pourquoi la résurrection finale est au présent pour le bien-aimé,

Lazare ("celui que Dieu aide"), ressuscité au futur antérieur.

En fait, le récit continue jusqu’au verset 54 :

cet évangile aime les récits longs (d’où la longueur de ces notes),

et présente volontiers aussi le procès fait par les autorités judéennes à Jésus,

suite à chacun ou presque de ses faits et dits.

C’est comme une nouvelle à thème : Qu’est-ce que la vraie vie, qu’est-ce que la mort ?

Cela se dit dans les termes d’une culture qui nous est étrangère :

beaucoup de juifs pharisiens de l’époque voyaient la mort comme un sommeil

entre la vie de ce monde-ci (côlâm hazzèh) et la vie du monde qui vient (côlâm habbâh),

dans laquelle on entrait après un Jugement dernier universel,

peut-être à la fin du dernier des éons (de longues périodes comparable à nos ères).

Ici, il s’agit de présenter Jésus comme maître de la vie (y compris des temps de la sienne)

par suite de son union totale avec le Père céleste (c’est le sens du terme "Fils de Dieu").

Ce que nous appelons mort est vu comme un aspect de l’existence

telle que le Père céleste la considère.

Noter la description précise d’un milieu porteur, plus caché en Judée qu’en Galilée,

dans cette vie aventureuse, et les aspects clandestin (vs 16 & 54) et politique (vs 48-50)

qu’elle revêt aussi puisque tout se tient dans le monde du Père.

 

 

 

 

Dimanche 16 octobre 2011  

 

Rattrapé, arrêté, dépassé

 

Évangile selon Matthieu, chapitre 15, versets 21 à 28.                                                     

(Psaume 138 – Ésaïe 49, versets 1 à 6 – Épître de Paul aux Romains 10, versets 9 à 18)                   

 

Il est parfois dépassé par la foi de païens "venus de l’Orient et de l’Occident",

comme celle de ce centurion romain du chapitre 8 (versets 5 à 13)

dont cette femme cananéenne est le pendant féminin.

Lui voulait la guérison de son paĩs (à la fois enfant, garçon et domestique),

elle, elle veut celle de sa fille, mais, selon les normes de l’époque, étant femme,

elle est encore plus éloignée que lui de la pureté requise :

du moins de cette pureté formelle récusée par Jésus juste auparavant (15, 1-20).

Il est ainsi rattrapé par sa propre affirmation : la païenne lui enseigne cela.

Dépassé et arrêté. Comme on le voit dans le récit des mouvements :

elle criait derrière les disciples qui suivaient, elle passe devant leur maître…

Est souligné l’écart croissant entre l’opposition des importants de son peuple

et la confiance de toute sorte de représentants des foules impures.

 

 

 

 

Dimanche 23 octobre 2011  

 

Une pratique

 

Évangile selon Marc, chapitre 12, versets 28 à 34.                                                                       

(Psaume 122 – Exode 20, versets 1 à 17 – Épître de Paul aux Romains 14, versets 17 à 19)                             

 

On a là un principe d’interprétation de l’ensemble des prescriptions de la Thorâ.

Noter que l’amour, ici, n’est pas un sentiment, mais la capacité de faire du bien.

Tout venant du divin, vu comme roi/père, c’est lui qu’il faut rendre heureux.

Comment le faire ? En rendant heureux ses sujets/enfants, constitutifs de son règne

C’est pourquoi ces deux commandements n’en font qu’un : faire ceci, c’est faire cela.

Tu aimeras de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force  

traduit l’hébreu de Deutéronome 6,5, qui se termine ainsi : de tout ton beaucoup !

Chacun des autres évangiles traduit ce terme bizarre (= tes capacités ?) différemment.

Il y a là des différences de conception à propos de l’être humain* mais celui-ci

est appelé à aimer selon l’ensemble des fonctions constitutives connues à l’époque,

sensorielles, émotionnelles, intellectuelles, etc. : complètement.

L’amour, en tant que pratique, est le but du jeu. 

 

* Voir sur ce site la page humain.

 

 

 

 

Fête de la Réformation

Dimanche 30 octobre 2011  

 

Les bonheurs paradoxaux

 

Évangile selon Matthieu, chapitre 5, versets 2 à 10.                                                                                 

(Psaume 46 – Ésaïe 60, versets 6, 7 & 12 – Épître de Paul aux Romains 3, versets 1 à 31)               

  

Le premier mot du Sermon (5,1–7,29), comme du livre des Psaumes, est bonheur. 

C’est le titre, qui dit le but, mais aussi le don paradoxal,

en accord avec ce qui est juste (dikaiosúnê, verset 10) chez ces êtres intégrés au Règne :

bonheur de qui, au sein du malheur d’être, vit par avance la libération universelle.

Les pauvres à l’esprit (texto) : ceux dont l’engagement ne repose sur aucun intérêt extérieur.

Les doux : la terre est à ceux qui ne la conquièrent pas.

Noter que les futurs, ici, disent aussi le sens profond, actuel, des situations.

Pour ceux qui pleurent, consolation, non rétribution ni vengeance.   

Les purs au cœur (texto) : leur discernement (le cœur) est unifié, pas faussé, pas divisé.

Baisse de régime après le verset 10 : c’est écrit sur un autre rythme, non plus poème

mais précision sur les destinataires du poème, disciples voués au martyre.

Aussi le verset 12 annonce-t-il banalement une récompense, ou plutôt un salaire,  

au lieu d’une justesse retrouvée en adéquation au Règne.

 

 

 

 

Dimanche 6 novembre 2011  

 

Ici et maintenant 

 

Évangile selon Luc, chapitre 17, versets 20 à 30.                                                                                      

(Psaume 90 – Job 14, versets 1 à 6 – Épître de Paul aux Romains 14, versets 7 à 9)                           

  

Deux thèmes mis ensemble par Luc : l’aujourd’hui, et la fin du temps présent.

Le temps présent n’est pas nécessairement le dernier temps de l’histoire humaine,

dans la conception du monde qui s’illustre ici. Il y est l’une des longues périodes

(aiôn, ou éon, en grec) qui se succèdent et finissent toutes dans un affaissement

cause de catastrophes. La fin du temps présent (hâ‘olam hazzeh, ou ce temps-ci,

en hébreu) doit voir l’apparition apocalyptique de Celui qui inaugurera le temps

futur (hâ‘olam habbâ, le monde qui vient) et sa magnificence retrouvée.

La question de chacun est alors : serai-je de ceux qui passeront ce cap ?

La première réponse de Jésus (vs. 20 et 21) écarte cette conception traditionnelle

et reflète une vision plus existentielle : c’est aujourd’hui que Dieu règne sur vous

ou non ! Là est l’important, et l’on peut avoir l’impression que ce qui suit est une

concession à la pensée courante, le but étant de souligner l’urgence de la décision.  

 

 

 

 

Dimanche 13 novembre 2011  

 

La loi du faible 

 

Évangile selon Matthieu, chapitre 25, versets 31 à 46.                                                     

(Psaume 50 – Jérémie 8, versets 4 à 7 – Épître de Paul aux Romains 8, versets 18 à 25)                  

  

Cela concerne l’ensemble de l’humanité (les nations), pas seulement les croyants.

Il s’agit des brebis et des chèvres (non des boucs) : non un doux et un puant,

mais deux espèces différentes, représentant deux mondes possibles,

deux côtés de la réalité, main droite et main gauche : côté pour soigner la bouche,

qui fait vivre, et côté pour soigner l’anus, qui renvoie à la corruption.  

L’image de l’humain véritable (fils de l’humain), humanité voulue par Dieu,

n’y est plus le messie (le christ) d’Israël, elle modèle royalement l’avenir :

dans "le monde qui vient", le sort réservé au faible devient le critère de sélection,

en dehors de toute considération de mérite ou de pureté.

Dans ce modèle, le monde qui oublie le faible est caduc, il disparaîtra.

Le critère de choix entre brebis et chèvres dépend des actes réels,

non d’une adhésion, d’une connaissance ou d’une religion préalables. 

 

 

 

 

Dimanche 20 novembre 2011 

Dernier dimanche de l’année liturgique ou Dimanche du Christ Roi 

 

Car préparer la noce, c’est déjà la noce !   

 

Évangile selon Matthieu, chapitre 25, versets 1 à 13.                                                                    ma traduction                                                           

(Psaume 85 – Ésaïe 65, versets 17 à 25 – Apocalypse 21, versets 1 à 7)                 

  

Il s’agit du règne des cieux, du règne de Dieu.

Ce qu’il faut garder en tête, c’est que c’est une histoire de mariage, c’est une noce.

La mariée attend son époux, et disons bien qu’elle en est heureuse.

C’est son histoire à elle, à elle qui est dans la nuit, à elle dont l’époux approche.

Et l’histoire se concentre sur son entourage, sur ses demoiselles d’honneur,

celles qui vont introduire l’époux jusqu’à la chambre de la mariée.

Et si l’époux ne trouvait personne, en arrivant, rien que la nuit de son épouse ?

Non, il y aura toujours des filles pas bêtes pour l’accueillir, l’introduire et entrer avec lui

pour faire la fête, en une histoire heureuse qui est elle du règne de Dieu !

C’est alors la fête des croyants, à préparer maintenant et ici, fête à venir…

qui ne vient jamais et dont l’attente elle-même est cette histoire du règne de Dieu

qui s’est approché, s’approche : imminent – dont il faut s’occuper, soyons sensés !

 

 

Fin de l’année liturgique

 

 

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On peut rejoindre le passage de son choix en cliquant,

dans la liste suivante, sur l’élément correspondant :

 

 

Année Matthieu

 

(ici, 2010-2011)

 

 

Matthieu 24, 37-44 – À l’avènement du Fils de l’Homme – 28 novembre 2010

 

Matthieu 3, 1-12 – Convertissez-vous – 5 décembre 2010

 

Matthieu 11, 2-11 – Celui qui doit venir – 12 décembre 2010

 

Matthieu 1, 18-25 – Elle enfantera un fils – 19 décembre 2010

 

Matthieu 2 – Nous avons vu son étoile – 25 et 26 décembre 2010

 

Matthieu 2, 19-23 – Dans une ville appelée Nazareth – 2 janvier 2011

 

Matthieu 3, 13-17 – Les cieux s’ouvrirent – 9 janvier 2011

 

Jean 2, 1-11 – Faites ce qu’il vous dira – 16 janvier 2011

 

Matthieu 8, 5-13 – Une aussi grande foi – 23 janvier 2011

 

Marc 4, 35-41 – Pourquoi avez-vous peur ? – 30 janvier 2011 

 

Matthieu 13, 24-30 – C’est un ennemi – 6 février 2011 

 

Matthieu 17, 1-9 – Il a été transfiguré – 13 février 2011

 

Matthieu 20, 1-16 – Ces derniers n’ont travaillé qu’une heure – 20 février 2011

 

Luc 8, 4-15 – Le semeur est sorti pour semer – 27 février 2011

 

Marc 8, 31-38 – Arrière de moi, Satan ! – 6 mars 2011

 

Matthieu 4, 1-11 – Il fut tenté par le diable – 13 mars 2011

 

Marc 12, 1-12 – Un homme planta une vigne – 20 mars 2011

 

Luc 9, 57-62 – Les renards ont des tanières – 27 mars 2011

 

Jean 12, 20-26 – Si le grain ne meurt – 3 avril 2011

 

Marc 10, 35-45 – Quiconque veut être grand – 10 avril 2011

 

Jean 12, 12-19 – Ton roi vient – 17 avril 2011

 

Jean 19, 19-30 – Tout est accompli – 22 avril 2011

 

Marc 16, 1-8 – Il n’est pas ici – 24 avril 2011

 

Jean 20, 19-29 – La paix soit avec vous ! – 1er mai 2011

 

Jean 10, 11-31 – Le bon berger – 8 mai 2011

 

Jean 15, 1-8 – Demeurez en moi – 15 mai 2011

 

Matthieu 11, 25-30 – Mon joug est doux – 22 mai 2011

 

Jean 16, 23b-33 – Demandez et vous recevrez – 29 mai 2011

 

Luc 24, 50-53 – Il fut enlevé au ciel – 2 juin 2011

 

Jean 15, 26 à 16, 4 – L’Esprit de vérité – 5 juin 2011  

 

Jean 14, 22-27 – Je vous laisse la paix – 12 juin 2011

 

Jean 3, 1-15 – L’Esprit d’En-Haut – 19 juin 2011

 

Luc 16, 19-31 – Ils ont Moïse et les prophètes – 26 juin 2011

 

Luc 14, 16-24 – Contrains-les d’entrer – 3 juillet 2011

 

Luc 15, 1-10 – Elle se réjouit – 10 juillet 2011

 

Luc 6, 36-42 – La paille et la poutre – 17 juillet 2011

 

Luc 5, 1-11 – N’aie pas peur – 24 juillet 2011

 

Matthieu 28, 16-20 – Je suis avec vous – 31 juillet 2011

 

Jean 6, 1-15 – Réunissez les morceaux – 7 août 2011  

 

Matthieu 5, 13-16 – Vous êtes le sel de la terre – 14 août 2011

 

Matthieu 25, 14-30 – Entre dans la joie de ton maître – 21 août 2011

 

Luc 19, 41-48 – Une caverne de brigands – 28 août 2011

 

Luc 18, 9-14 – Qui s’abaisse sera élevé – 4 septembre 2011

 

Marc 7, 31-37 – Ouvre-toi – 11 septembre 2011

 

Luc 10, 25-37 – Qui est mon prochain ? – 18 septembre 2011

 

Luc 17, 11-19 – N’y a-t-il que ce lépreux ? – 25 septembre 2011

 

Luc 12, 13-24 – Riche pour Dieu – 2 octobre 2011

 

Jean 11, 1-45 – Je suis la résurrection et la vie – 9 octobre 2011

 

Matthieu 15, 21-28 – Ô femme, ta foi est grande – 16 octobre 2011

 

Marc 12, 28-34 – Tu aimeras – 23 octobre 2011

 

Matthieu 5, 2-10 – Heureux les pauvres – 30 octobre 2011

 

Luc 17, 20-30 – Le royaume de Dieu est au milieu de vous – 6 novembre 2011

 

Matthieu 25, 31-46 – Les bénis de mon Père – 13 novembre 2011

 

Matthieu 25, 1-13 –  Venez, les bénis de mon Père – 20 novembre 2011  

 

 

 

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 Années « Marc »

 

(ici, 2011–2012)

 

 

 

Premier dimanche de l’avent

Dimanche 27 novembre 2011

 

Rester concentré !                                                 

 

Évangile selon Marc, chapitre 13, versets 33 à 37.                                                                                     

(Psaume : 80 – Ésaïe 63, versets 16, à 64, verset 7 – première épître de Paul aux Corinthiens 1, versets 3 à 9)                                                            

 

C’est la conclusion de ce que l’on appelle souvent l’apocalypse de Marc (ch. 13) :

annonce des guerres à venir et de la ruine de Jérusalem

envisagées comme catastrophes liées à la fin attendue de l’ère (éon),

et retour en gloire de l’humain par excellence (le fils de l’humain de Daniel 7,10)

comme souverain universel inaugurant l’éon futur.

Ces temps de la fin supposent des tribulations pour les fidèles :

ils seront pour eux une occasion de discerner le sens des événements

et de subir victorieusement la persécution.

En attendant, il s’agit de ne pas se déconcentrer (veillez !), "le-monde-qui-vient"… vient.

Il se peut que ces versets 33 à 37 aient été la fin d’un premier état de cet évangile,

consacré à l’instruction de fidèles en attente après la disparition de Jésus. 

On aurait ajouté plus tard les récits de la passion du Christ, à des fins liturgiques.     

   

 

 

 

Deuxième dimanche de l’avent

Dimanche 4 décembre 2011

 

Un nouveau souffle                                                 

 

Évangile selon Marc, chapitre 1, versets 1 à 8.                                                                                                                                              

(Psaume : 85 – Ésaïe 40, versets 1 à 11 – Deuxième épître de Pierre 3, versets 8 à 14)                                     

 

Je pense que le premier verset est le titre qui résume l’ensemble du livre :

ce que raconte celui-ci est un commencement, l’histoire continue…

Autre chose : la citation du prophète interrompt un développement logique :

Selon ce qui est écrit dans le prophète Ésaïe (citation) Jôánnès est arrivé.

L’immersion (ou baptême) marque un changement du sens de la vie,

une inversion (ou conversion) de sa direction en effaçant les erreurs passées.

J’évite ces termes : baptême, conversion, péché, saint esprit, trop ensoutanés :

il s’agit du vécu des gens plus que de leur religion instituée.

L’immersion évoque la noyade volontaire d’un passé douloureux

en vue d’un présent refondé, riche du souffle d’un avenir à faire ;

le terme péché, rendu par erreurs passées, signifiait d’abord ratage.

Que plus fort que lui marche derrière lui est opposé à l’ordre humain :

image type du prophète (vêture et nourriture), il parle selon la logique 

du Dieu biblique qui place toujours en premier le moins considéré.

 

 

 

 

Troisième dimanche de l’avent

Dimanche 11 décembre 2011

 

Un déjà-là inconnu                                              

 

Évangile selon Jean, chapitre 1, versets 6 à 8, et 19 à 28.                                                                                                                  

(Psaume : Luc 1, versets 46 à 54 – Ésaïe 61, versets 1 à 11 – Première épître de Paul aux Thessaloniciens 5, versets 16 à 24)                                  

 

Ils savent tous qu’ils vivent la fin de leur monde, vieux et sclérosé ;

ses ressorts ont manifestement cessé de donner de l’énergie et du sens.

C’est vrai de tout l’Empire, en particulier dans ses principaux centres :

décadence, violence, arrogance, cruauté, misère, ignorance, superstition.

C’est vrai de la vision du monde portée par les gestionnaires de la Loi de Moïse,

profondément démoralisés par leur soumission à l’ordre gréco-romain,

qu’elle soit, selon les diverses écoles, volontaire, seulement subie ou combattue.

C’est pourquoi sont évoquées les figures traditionnelles (le messie, Élie, le prophète)

de l’annonce d’une nouvelle ère, images qui préexistent, bien connues de ce public.

Ce monde-qui-vient est plus surprenant dans cet évangile que dans les autres :

le baptiseur n’y est même pas prophète, il est autre, presque anonyme : une voix.

Ce qu’il annonce est un présent inconnu (v. 26) : un déjà-là extrêmement autre.

Tant il est vrai que le règne de Dieu rôde autour de nous et parmi nous… 

 

 

 

 

Quatrième dimanche de l’avent

Dimanche 18 décembre 2011

 

Un grand souffle                                              

 

Évangile selon Luc, chapitre 1, versets 26 à 38.                                                                                                         

(Psaume : 89 – 2 Samuel 7, versets 1 à 16 – Épître de Paul aux Romains 16, versets 25 à 27)                                         

 

Par-delà le langage codé d’une culture située et datée, antique et proche-orientale,

c’est le récit d’une intervention décisive de la sainteté dans un monde perdu.

Il y faut la présence, l’inventivité, le souffle, d’un Dieu capable de tout,

et la part impuissante mais bénévole de l’espèce humaine (juste une gamine).

Le mot grec parthénos signifie "vierge" et désignait simplement une jeune fille.

Nommée ainsi et à ce point obéissante, Marie est ici la figure d’un peuple d’Israël

enfin fidèle à son dieu (voir Amos 5,1-2 et Ésaïe 7,14).

Deux mises au point : si elle était vierge avant, rien n’est dit sur la suite à ce sujet ;

dans le texte de Luc, contrairement à celui de Matthieu, rien ne dit non plus

que le souffle saint n’agisse pas pendant une ordinaire et prochaine nuit de noces.

Amusant aussi de constater que le nom Gabriel signifie "Dieu est mon homme",

à rapprocher des mots d’Ève : J’ai acquis un homme, avec mon Seigneur (Gen. 4,1).

Ceci dit, la conception virginale semble bien être objet de foi pour l’évangéliste,

désireux de faire de Jésus, à la fois un être dépourvu des tares humaines,

et l’héritier authentique du roi David, serviteur et vicaire du dieu d’Israël.

Le titre de Fils de Dieu reprend l’antique affirmation, très politique, de la filiation

divine des rois du Proche Orient ("Moi, Ramsès, fils de Râ") : Psaume 2 (v. 6-7).

 

 

 

 

Noël

Dimanche 25 décembre 2011

 

L’arrivée du Dire

 

Évangile selon Jean, chapitre 1, versets 1 à 18.                                                                                                                    

(Psaume : 98 – Ésaïe 52, versets 7 à 10 – Épître aux Hébreux 1, versets 1 à 6)                                    

 

J’ai préféré Dire, plutôt que Parole, ici, pour traduire le terme grec lógos* :

« au commencement » (Genèse 1), Dieu ne parle pas, il dit… et la chose existe.

Ce qu’il me plaît à souligner, c’est qu’il s’agit d’un poème ! Une écriture forme-sens.

On ne peut pas dire autrement ce que crée cet écrit sans en changer le sens.

À souligner aussi qu’une philosophie s’exprime ici autant qu’une théologie :

philosophie du Dire de Dieu, du Dire comme Dieu : créateur, maître de la vie,

vie d’ici et de maintenant et surtout vie-lumière qui est la vraie vie.

Une vie qui est une mort, appelée monde (kósmos), comparable aux ténèbres,

s’oppose en effet à une vie véritable, dont la lumière est l’image.

Noter qu’on n’est pas dans la description de l’essence des choses

mais dans l’existentiel ; aussi, l’essentiel advient, il arrive, il est histoire

(c’est-à-dire, dans les termes de l’hébreu biblique : chair), et par conséquent passion. 

 

* Ce lógos de Jean n’est pas celui des philosophes grecs, il n’est pas la raison que l’on peut retrouver

dans l’ensemble du monde perceptible, mais à la fois une pensée, une volonté et une énergie créatrices

extérieures à ce monde. Pour trouver une image, c’est un peu comme une conscience cosmique amicale

qui serait aussi un big bang !

 

 

 

 

Dimanche 1er janvier 2012

 

La vue devenue parole  

 

Évangile selon Luc, chapitre 2, versets 16 à 21.                                                                                                         

(Psaume : 67 – Nombres 6, versets 22 à 27 – Épître de Paul aux Galates 4, versets 4 à 7)                                 

 

Les uns le disent à d’autres qui le disent à d’autres encore, et ainsi de suite.

C’est une histoire de transmission, dont le point de départ est, cependant,

le fait que les uns ont vu ce que les autres leur avaient dit qu’ils verraient.

Ce n’est pas le fait de la naissance d’un bébé, même né dans les conditions

précaires de ce voyage dû à une dépendance honnie à l’égard d’impies impurs,

qui pourrait étonner, mais le fait que l’annonce en a été faite de façon prophétique.

Il y fallait donc des anges, ou bien plus exactement des messagers (ággeloi) célestes,

faute sans doute de ces prophètes humains dont l’espèce avait disparu

(Jean le baptiste n’a que six mois).

Selon le vocabulaire biblique habituel, le cœur de Marie n’est pas le réceptacle

de ses sentiments, mais sa capacité de discerner et de comprendre avec justesse.

Elle est bien placée pour relier l’ensemble des événements à un sens de l’histoire

qui lui fut dévoilé neuf mois plus tôt. Elle est dans le secret de Dieu.     

 

 

 

 

Épiphanie

Dimanche 8 janvier 2012

 

Une ère nouvelle

 

Évangile selon Matthieu, chapitre 2, versets 1 à 12.                                                                                                                          

(Psaume : 72 – Ésaïe 60, versets 1 à 6 – Épître de Paul aux Éphésiens 3, versets 2 à 6)                                     

 

Ce ne sont pas des rois, mais les savants de l’époque, astrologues zoroastriens,

des sages liant sens et savoir, tels des "Prix Nobel" de ce temps-là.

Un astre nouveau paraît, observé à son lever (plutôt qu’à l’Orient, même mot grec),

signe d’une ère nouvelle à l’échelle de tout l’univers.

Bethléem, ville du roi-messie David, et la Judée deviennent le centre du cosmos.

Ces mages sont des voyants qui font de la prospective géopolitique au niveau mondial.

Hérode et le Tout-Jérusalem, grands-prêtres et théologiens mêlés, restent sans voix,

gelés dans l’éternelle logique tordue du pouvoir, celle de l’empire qu’au fond ils servent  

(Hérode le Grand, mort en – 4, rebâtisseur du temple et féal des empereurs romains).

Matthieu arrange les citations et les datations pour établir le lien entre Jésus

et le roi David d’une part (Bethléem), lien positif de filiation,

Jésus et le roi Hérode d’autre part, lien négatif d’opposition.

 

 

 

 

Dimanche 15 janvier 2012

 

Une liturgie messianique

 

Évangile selon Jean, chapitre 1, versets 35 à 42.                                                                                                                  

(Psaume : 40 – 1 Samuel 3, versets 3 à 16 – Première épître de Paul aux Corinthiens 6, versets 13 à 20)                                   

 

L’ensemble 1,19-2,12, élément d’une construction théologique et liturgique de

l’histoire de Jésus propre à Jean, donne une grande importance aux jours et heures. 

De l’annonce de la présence du messie (1,26) faite par le Baptiste aux noces de Cana,

première manifestation de Jésus messie, les événements tiennent en sept jours.

D’où la mention du verset 39 (la dixième heure, soit 16 h.) qui rend attentif à cela.

Cette semaine inaugurale contient les principaux thèmes de l’évangile.  

En ce troisième jour : apparition de disciples non pas appelés mais volontaires :

être disciple consiste alors à devenir chercheur (et donc trouveur) de messie. 

L’annonce principale : Jésus est l’agneau de Dieu (verset 36), animal pur, pacifique

et innocent, que les prêtres sacrifiaient pour l’annulation du poids des fautes.

On inaugure ici un lien central, quoique paradoxal, propre à la foi évangélique

mais présent surtout chez Jean dans le thème liturgique de l’agneau : le messie,

héros élu de Dieu pour apporter une délivrance, accomplira cela en étant sacrifié. 

En ce sens, l’évangile se donne pour thème essentiel la reconnaissance et la purge

de la violence universelle propre aux humains (c’était le but des sacrifices sanglants).

 

 

 

 

Dimanche 22 janvier 2012

 

L'annonce de paix

 

Évangile selon Marc, chapitre 1, versets 14 à 20.                                                                                                      

(Psaume : 25 – Jonas 3, versets 1 à 10 – Première épître de Paul aux Corinthiens 7, versets 29 à 31)                                         

 

L’éuaggélion (évangile) était primitivement une proclamation bienveillante faite

par héraut à la population au nom d’un souverain. Vu la crainte que pouvaient

néanmoins susciter les visites royales, je traduis par "annonce de paix" (v. 14 et 15).*

Chez les prophètes hébreux, les "visitations" de Dieu à son peuple sont le plus

souvent présentées comme des temps terribles pour les fauteurs de violence injuste.

Mais le tout premier message du Jésus de Marc (verset 15) est celui-ci : le Dieu

souverain a décidé de visiter son peuple dans une intention très positive, son règne

de justice va être établi là où il ne l’est pas, il est temps de se mettre en situation

en "changeant de sens" (conversion) vers la justesse. Dans la logique de Marc,

c’est une annonce positive pour les pauvres, et une menace pour les dirigeants. 

Au cours du récit de Marc, le discours de Jésus va évoluer, de cette annonce

accompagnée de signes de puissance destinés à l’avérer, vers l'acceptation de sa

mission personnelle. De héraut, il devient le héros d'une histoire destinée à réaliser

le projet contenu dans l'annonce. C'est une mission "cruciale" à valeur universelle

(meurtre puis résurrection), annonçant une apocalypse mondiale au déroulement

semblable (catastrophe puis avènement d'une ère de bonheur).

 

* Pour plus de précision sur le sens du mot évangile, cliquer ici pour trouver

le texte intitulé Les mots du discours évangélique.

 

 

 

 

Dimanche 29 janvier 2012

 

L’Unique et le multiple 

 

Évangile selon Marc, chapitre 1, versets 21 à 28.                                                                                                                              

(Psaume : 95 – Deutéronome 18, versets 15 à 20 – Première épître de Paul aux Corinthiens 7, versets 32 à 35)                           

 

Qu’une personne soit un "individu", un indivisé, est une idée que l’on n’accepte

plus depuis Freud, croient les contemporains, pourtant, bien des cultures craignent

la coexistence de plusieurs entités dans un seul sujet. Entre autres, ce récit le montre.

L’enjeu de cette histoire, c’est la capacité (éxousía, traduit par pouvoir, verset 22)

de mettre en œuvre le sens et la force de la parole : ici, de rendre un être cohérent,

comme signe/annonce de ce qui se passe quand Dieu règne (verset 15).

Les mots souffle impur (pneúma akathárton) sont traduits le plus souvent par esprit

impur, mais je tiens à l’image du souffle : au sens biblique, même personnifié, il est

ce qui va et qui vient en nous, mais toujours pour nous pousser dans un sens ou

dans un autre ! Un être habité par plusieurs souffles n’est pas pur : ce type malade

a du souffle, bien sûr, mais il en a un trop grand nombre, et pas tous bons ; bloqué,

mal inspiré, il n’est pas unifié, pas un, ni vers Dieu, ni comme Dieu : « Écoute,

Israël, le Seigneur notre Dieu est le Seigneur Un » (début du Chemâ, credo israélite).

 

 

 

 

Dimanche 5 février 2012

 

Il est sorti 

 

Évangile selon Marc, chapitre 1, versets 29 à 39.                                                                                                                              

(Psaume : 147 – Job 7, versets 1 à 7 – Première épître de Paul aux Corinthiens 9, versets 16 à 23)                                             

 

Marc ne détaille pas ce que dit Jésus, ni quand il s’adresse aux gens,

ni quand il prie (versets 15, 22, 35, 38), sa parole est brève. C’est un héraut

habité par l’urgence : annoncer ! Un maître mot de ce début de Marc : aussitôt

(1,10,12,18,20,21,23,29,30,42 ; 2,8,12). L’annonce se fait par parole et par actes-signes

(malades guéris, démons chassés) montrant ce qu’il advient quand Dieu règne :

un peuple sain et saint. Urgence telle, qu’il guérit pendant le sabbat,

quoique encore dans le secret de la maisonnée (versets 29-31).

La Galilée (= la Zone), région interlope peuplée de plusieurs ethnies et religions,

aux foules abandonnées, est choisie plutôt que la prestigieuse ville sainte

de Jérusalem, cité des prêtres, des savants et des puissants.

Aujourd’hui, cela se passerait en Seine-Saint-Denis.

Ambiguïté voulue de l’expression c’est pour cela que je suis sorti (verset 38) :

sorti de la maison ce jour-là, ou bien du monde de Dieu (verset 11) ?

 

 

 

 

Dimanche 12 février 2012

 

Mort de la colombe                                                                                                                                        

 

Évangile selon Marc, chapitre 1, versets 40 à 45.                                                                                                                             

(Psaume : 102 – Lévitique 13, versets 1-2 & 45-46 – Première épître de Paul aux Corinthiens 10, verset 31 à 11, verset 1)                     

 

Je reprends ce que j’avais déjà écrit au sujet de ce passage en m’inspirant

de l’interprétation de Louis Simon (dans Mon Jésus, éd. Olivétan) :

Pour un lépreux purifié, le livre du Lévitique prescrit ceci : on présente au prêtre

deux pigeons : l'un est sacrifié, et avec son sang on asperge l'autre, qu'on relâche

vivant (Lévitique 14, 4-7). Jésus fait expressément référence à ce sacrifice

(verset 44), or la vie de l’un y est au prix de la mort de l’autre.

C’est ce que dit cette histoire : on n’est pur qu’au prix de la mort du Christ.

Chaque miracle, aussi, approche le Jésus de Marc de sa mort de colombe 

sacrifiée pour la vie des autres (voir aussi Jonas, hébreu yônâ, qui signifie colombe).

Il ne faut pas le dire encore (versets 43-44) car, paradoxe, chaque miracle

fait croître la demande de miracles (verset 45), qui rend la foule sourde à la parole

du héraut du règne de Dieu, alors même que l’acte de puissance est pourtant

signe de ce même règne… C’est le tragique, dans l’évangile selon Marc.

 

 

 

 

Dimanche 19 février 2012

 

Aime-toi !                                                                                                                                                         

 

Évangile selon Marc, chapitre 2, versets 1 à 12.                                                                                                                               

(Psaume : 41 – Ésaïe 43, versets 1-2 & 45-46 – Deuxième épître de Paul aux Corinthiens 1, versets 18 à 22)                                

 

On peut interpréter ces récits comme précédemment, en mettant en avant

l’intervention de la phase d’écriture, qui a pu donner un sens parabolique

à la narration. Mais il faut aussi savoir repérer, en particulier chez Marc,

premier évangile connu (trente ans après les faits), le caractère concret des

souvenirs des témoins, ruraux galiléens encore éberlués : le brancard, le toit,

les quatre amis, les lettrés qui renaudent. Il y a là du visuel. Jésus a été un

thaumaturge, un guérisseur aux grands pouvoirs, comme on en rencontre

dans toutes les cultures traditionnelles. Mais dans tout cet évangile, l’œuvre

bonne n’est pas considérée en soi, mais comme un signe d’autre chose,

l’occasion et la possibilité pour chacun, handicapé ou non, de repartir à

zéro dans le domaine qui compte vraiment : le pardon du passé quel qu’il

soit (en grec, littéralement : tes erreurs ont été relâchées) : aime-toi !

 

 

 

 

Premier dimanche du carême

Dimanche 26 février 2012

 

L’annonce de paix                                                                                                                                          

 

Évangile selon Marc, chapitre 1, versets 12 à 15.                                                                                                                             

(Psaume : 25 – Genèse 9, versets 8 à 15 – Première épître de Pierre 3, versets 18 à 22)                                  

 

Sous prétexte de calendrier liturgique, c’est seulement maintenant que vient

la tentation de Jésus, qui intervient dans l’évangile juste après son baptême…

Ici, j’admire cette concision propre à Marc, pressé d’en arriver à cette première

étape : les aventures extraordinaires du Nazaréen en Galilée.

Au passage, il évoque le prophète Élie (un texte à relire : 1 Rois 19, 1-14),

l’un des annonciateurs des destinées de Jean le Baptiste et de Jésus (Marc 9, 1-13).

Le résumé du propos de Jésus (verset 15) est l’évangile proprement dit :

l’annonce, éuaggélion, que fait l’envoyé d’un grand roi aux sujets de celui-ci

pour les avertir de sa venue bienveillante ; annonce créatrice de fidélité renouvelée

à ses lois (un changement de sens, dans les pensées et dans les conduites).

Elle est une heureuse nouvelle, ou annonce de bonheur, de chalom, en ce sens

que cette venue va solder tous les comptes en vue d’un redémarrage à neuf.

 

 

 

 

Deuxième dimanche du carême

Dimanche 4 mars 2012

 

La pratique                                                       

 

Évangile selon Marc, chapitre 9, versets 2 à 10.                                                    

(Psaume : 116 – Genèse 22, versets 1 à 18 – épître de Paul aux Romains 8, versets 31 à 34)                                          

 

Le sens de cette sélection ne peut être comprise sans le verset qui précède (9,1) :

(Et il leur disait – Amèn je vous dis ceci ––– il en est certains – qui se trouvent ici

qui n’éprouveront pas la mort – avant d’avoir vu le règne de Dieu – …).

Le discours de la voix et l’annonce de la résurrection (versets 7 et 9) résument

l’accomplissement, en Jésus, de la Loi (Moïse) et des Prophètes (Élie), ces deux

parties constitutives, à l’époque, des Écritures bibliques antérieures.

L’ensemble du récit se situe dans le registre d’une théophanie (apparition divine),

avec la métamorphose, les apparitions, la nuée mystérieuse et la voix céleste :

parenthèse au sein de notre espace/temps, irruption de réalités de la fin des temps.

Les premiers chrétiens attendaient la fin des temps pour tout de suite :

elle n’est pas venue et l’évangile, après une génération et plus, en présente ici

une anticipation, avec cette conclusion, qui vient après le rappel, dans les

chapitres précédents, de l’action bonne de Jésus : l’essentiel est dans la pratique

(verset 7 : Écoutez-le), enracinée dans la mort et la résurrection du Christ,

non dans l’attentisme ou la contemplation mystique (les trois tentes de Simon).

 

 

 

 

Troisième dimanche du carême

Dimanche 11 mars 2012

 

Le corps/temple                                                                                                                                              

 

Évangile selon Jean, chapitre 2, versets 13 à 25.                                                                                                                              

(Psaume : 19 – Exode 20, versets 1 à 17 – première épître de Paul aux Corinthiens 1, versets 22 à 25)                                        

 

À partir du moment où les disciples du Galiléen croient,

le Temple de pierre, souillé, se perd pour eux comme Maison du Père (v. 16). 

En ce temps (vers 100 après JC) où le temple de Jérusalem est détruit,

la foi dans le nom du Christ offre pourtant un temple, présent là où se trouve

le corps du Christ : lieu universel, accessible à toute personne

qui croit en Jésus, fils, c’est-à-dire maison, je dirai même corps, du Père.

Il n'y a plus alors de Terre sainte, ou plus exactement, c'est toute la terre

qui peut devenir un espace de sainteté si le Christ y est présent en esprit

dans la vie des gens qui l'acceptent pour leur Seigneur.

Ils vont transposer à toute l'étendue de la terre l'ensemble des promesses

faites à Israël, promesses réalisées selon eux en Jésus Christ, messie 

relevé d'entre les morts pour la vie de tous, sans aucune discrimination.

Il fallait pour cela, dans cette optique, que ce temple/corps soit détruit,

puis surgisse (ressuscite), signe offert à la foi de tout être devenu corps/temple :

« Vous êtes le temple de Dieu », écrit saint Paul (1 Corinthiens 3,16).

 

 

 

 

Quatrième dimanche du carême

Dimanche 18 mars 2012

 

Le signe du serpent                                                                                                                             

 

Évangile selon Jean, chapitre 3, versets 14 à 21.                                                                                                                              

(Psaume : 137 – 2 Chroniques 36, versets 14 à 23 –Épître de Paul aux Éphésiens 2, versets 4 à 10)                                             

 

Le serpent d’airain de Moïse évoque les antiques caducées, ces insignes,

soit du messager royal, soit de la médecine divine. La croix s’apparente à ces signes :

le crucifié représente alors le porteur du jugement du Père céleste (versets 17-21),

et celui vers qui se tourner pour une vie qui traverse les âges (versets 15-16).

Selon ce signe du serpent élevé, la croix prend un sens complexe et paradoxal :

– Elle est une élévation (verset 14) : l’abject devient le sublime,

car c’est cela la révélation évangélique : que Dieu se montre dans l’humilité dernière.

– Elle est un enseignement : celui qui pend au bois est l’unique fidèle (ou fils).

– Elle est une exposition : le crucifié est exposé à la haine universelle (verset 20)

car la violence haineuse est propre à l’humain, autre révélation.

– Elle est une pierre de touche : les uns se découvrent enfants de Dieu à leur insu,

porteurs qu’ils sont de la bonté, et d’autres, praticiens du malheur. 

 

 

 

 

Cinquième dimanche du carême

Dimanche 25 mars 2012

 

Le grain qui meurt 

       

Évangile selon Jean, chapitre 12, versets 20 à 33.                                                                                                                            

(Psaume : 51 – Jérémie 31, versets 31 à 34 –Épître aux Hébreux 5, versets 7 à 9)                                             

 

Question : qu’en est-il des goyim, des païens : qu’en pense Jésus ?

Voici que le monde se met à sa suite ! disent de lui les pharisiens (v. 19) :

ainsi de ces Grecs, des prosélytes du temple judéen, annonciateurs de ces hellénistes

membres de la toute première Église de Jérusalem (Actes 6) et des incirconcis

mêlés aux Judéens des communautés fondées par Paul.

L’évangile selon Jean prête ici à Jésus un point de vue précis sur le statut

de ces Grecs au regard de la foi chrétienne : sa mort occasionnera beaucoup de fruits,

tout être qui croira en lui entrera dans la vie, tous seront appelés.

Déjà, des Galiléens au nom grec (Philippe, André) sont disciples de Jésus

et servent d’interprètes (on en déduit que Jésus ne parlait pas le grec).

Il est présenté ici comme universaliste, ce qui pourrait ne pas être historique, mais se

référerait à la situation de la communauté qui a vu naître cet évangile vers l’an 100.

La gloire du Père céleste, l’étendue de son règne, touche l’ensemble de l’humanité.

L’enjeu : vivre pour soi seul, selon la loi qui prime en ce monde (v. 31),

ou mourir pour qu’une multitude se lève et vive pour la durée du temps

(non dans la linéarité sans fin d’une éternité platonicienne, mais dans la plénitude).

Ici, il ne s’agit pas du thème du sacrifice sanglant calqué sur ceux du temple,

la métaphore utilisée est liée aux lois physiques, biologiques, de la création :

le grain qui meurt étant l’humain par excellence, il donne vie à l’humanité nouvelle.

 

 

 

 

Dimanche des Rameaux

Dimanche 1er avril 2012

 

Celui qui vient                                                                                                                                                 

 

Évangile selon Marc, chapitre 11, versets 1 à 11.                                                                                                                             

(Psaume : 24 – Ésaïe 50, versets 4 à 7 –Épître de Paul aux Philippiens 2, versets 6 à 11)                                 

 

L’histoire de l’ânon ressemble fort aux méthodes de la clandestinité,

avec ses gens qui collaborent sans se connaître et ses mots de passe.

On retrouve dans Marc (14, 13) cette notation selon laquelle il existe

en Judée un milieu acquis souterrainement au prophète galiléen.

La manifestation elle-même semble organisée de la même manière,

le but étant de mettre en scène un prétendant au rôle de roi-messie.

Au sens politico-religieux, la séquence est subversive pour les Romains.

Jésus avait prévenu qu’il n’entrerait pas dans cette manip (10, 32-38),

lui opposant la séquence mort/résurrection du Fils de l’Humain.

Les zélés lui forcent-ils la main, ou, comme cela ressort plutôt du récit,

assume-t-il ce malentendu ? Une ambiguïté qui aurait peut-être un sens :

c’est dans la condition malheureuse, tordue, de l’histoire humaine

que l’œuvre du Seigneur-Dieu s’accomplit.

Mais Celui qui vient ne peut que tromper l’attente des humains.

 

 

 

 

Vendredi saint

Vendredi 6 avril 2012

 

Fin de la mission

 

Évangile selon Jean, chapitres 18 & 19.

Psaume 29                                                                                                                                           

(Psaume : 1 – Ésaïe 52, versets 13, à 53, verset 12 – Épître aux Hébreux 4, versets 14, à 5, verset 10)

 

Dans cet évangile, Jésus ne dit pas Mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné – début

du Psaume 22 – mais il y a deux évocations de ce Psaume, dont la structure est faite

de deux parties : les deux premiers tiers sont un appel à Dieu de la part d’un fidèle

persécuté, le troisième tiers commence par tu m’as répondu (mots bizarrement absents

de certaines traductions, fin du v. 22), et est un hymne de reconnaissance : évoquer

ce psaume au moment de la crucifixion fait donc espérer la résurrection à venir.

La loi romaine obligeait Pilate à fournir un motif ; après que Jésus ait été condamné

pour motif religieux par les prêtres, il le condamne pour un motif politique global,

ce qui réunit l’ensemble des atteintes possibles aux institutions humaines ; 

mais sur le motif, il lui donne deux titres correspondants : homme de Dieu* et roi.

La tradition fait du disciple bien-aimé l’auteur de cet évangile. Il est possible que les

Églises de la mer Égée pour lesquelles il a été écrit aient vénéré particulièrement la

mère de Jésus, alors que les Églises orientales de l’époque vénéraient plutôt Joseph.

Le récit montre un Jésus totalement conscient d’être arrivé au bout et à bout (deux

sens du verbe tétélétéstai (c’est achevé, c’est accompli, v. 30) de l’œuvre de son Père

céleste, ce qui est l’un des thèmes centraux de cet évangile, dans lequel le Fils a

pour mission d’opérer ce qui doit l’être pour permettre aux fidèles de le rejoindre

auprès du Père, devoir dont la croix (non la résurrection) est l’aboutissement.

 

* Le mot araméen nâzor évoque un homme de Dieu plutôt qu’un habitantt de Nazareth.

 

 

 

 

Pâques

Dimanche 8 avril 2012

 

Le Jour Un                                                                                                                                                       

 

Évangile selon Jean, chapitre 20, versets 1 à 10.                                                                                                                              

(Psaume : 118, versets 1 à 20 – Actes des Apôtres 10, versets 34 à 43 – Première épître de Paul aux Corinthiens 5, versets 6 à 8)                                  

 

C’est le jour UN (verset 1), pas seulement le premier de la semaine,

ni le premier de l’ère chrétienne, mais le jour de la nouvelle création.

Dieu sort un nouvel humain, un nouveau monde, du néant, du chaos innommable.

L’histoire commence un peu avant, les ténèbres (Genèse 1,2) sont encore présentes,

car l’éveillé n’est pas encore apparu,

mais la tombe, lieu par excellence de l’inexistence ostensible de l’être, est déjà vide.

On y a tout rangé.

Le tombeau vide, c’est la vidange paradoxale de la vacuité, cela annonce la plénitude,

ce qui mène "l’autre disciple" à la foi, bien avant qu’il ait vu l’éveillé.

C’est un thème typique de l’évangile selon Jean : heureux qui croit sans avoir vu.

Cela s’adresse à tous ceux, à venir, qui, jamais dans le monde ancien, ne verront.

"L’autre disciple" est proche des femmes (19,26-27),

aussi anticipe-t-il ce qui sera donné aux femmes : voir, entre leurs pleurs,

le nouveau jardinier du monde nouveau (Jean 20,15-16 ; Genèse 2,8).

 

 

 

 

Dimanche 15 avril 2012

 

Vocation à la justesse                                                                                                                                    

 

Évangile selon Jean, chapitre 20, versets 19 à 31.                                                                                                                            

(Psaume : 118, versets 17 à 23 – Actes des Apôtres 4, versets 32 à 35 – Première épître de Jean 5, versets 1 à 6)                        

 

Cette sélection empêche de voir que les versets 19 à 23 font partie du récit

de la sélection précédente, celle du jour Un, du jour de la (ré)surrection ;

les versets suivants, avec Thomas, huit jours après, reviennent néanmoins

sur le même sujet : ceux qui croient sans avoir vu. Les autres disciples, eux, ont vu

– Pierre étant leur témoin – mais ils n’ont pas encore cru (sauf l’autre disciple, verset 8,

un sacrément meilleur disciple !).

Ils ont peur des Judéens (non des Juifs, eux-mêmes le sont quoique Galiléens).

Ils s’enferment : il faudra que lui paraisse pour qu’ils croient, c’est-à-dire qu’ils sortent

(verset 21) : la foi est mouvement vers les autres… pour le pardon :

Paix pour vous ! (trois fois). Châlom ‘aléikhem, Salaam ‘aléikoum, Paix pour vous :

c’est pour eux une assurance, car si la mort elle-même est surmontée,

quelle faute ne le sera pas ? Mais c’est surtout la vocation à la justesse, dans la vie.

La paix donnée, tu la prends ou tu la rejettes.

 

 

 

 

Dimanche 22 avril 2012

 

Le démarrage                                                                                                                                   

 

Évangile selon Luc, chapitre 24, versets 35 à 48.                                                                                                                              

(Psaume : 4 – Actes des Apôtres 3, versets 11 à 19 – Première épître de Jean 2, versets 1 à 5)                                      

 

Les mots employés sont précis. Voici quelques termes fondamentaux : 

Conversion (métánoïa) : changement de compréhension et d’orientation de la vie

vers ce qui est utile au bonheur (le propre, dès ici-bas, du règne de Dieu).

Paix sur vous : salutation habituelle (Jésus est là comme d’habitude),

mais aussi programme d’ensemble : la paix, dans les langues sémitiques,

inclut toutes les conditions pratiques, individuelles et sociales, d’une vie heureuse.

Pardon : les erreurs passées ne sont plus prises en compte.

Le péché, vu comme erreur compulsive, toujours recommencée

sous ses divers aspect, et qui touche fondamentalement au sens même de la vie.

On peut toujours (re)commencer : c’est ce qu’enseigne ce surgissement (anástasis)

du Christ, entre autres enseignements.

Un commencement toujours devant, un retournement toujours à entreprendre.

 

 

 

 

Dimanche 29 avril 2012

 

La vie ou la croix                                                                                                                              

 

Évangile selon Jean, chapitre 10, versets 11 à 18.                                                                                                                            

(Psaume : 118, versets 24 à 29 – Actes des Apôtres 4, versets 8 à 12 – Première épître de Jean 3, versets 1 & 2)                        

 

Un berger a reçu autorité sur le troupeau de la part du propriétaire.

Il fait partie de la maison du maître, et c’est en ce sens que les brebis sont à lui,

Surtout s’il est fils du maître (maître, brebis, berger, fils : on parle en parabole).

Il n’abandonne pas ses brebis, il accomplit tout acte nécessaire à leur bien.

Ainsi, pour le Jésus de l’évangile selon Jean, sauver sa vie serait les abandonner,

se conduire en mercenaire ; et se défaire de sa vie, c’est les mener en sûreté. 

Les brebis en question composeront un troupeau futur,

qu’ils soient d’une bergerie ou d’une autre, d’un faux berger ou d’un autre :

l’humanité future, troupeau composé des amis du berger véritable,

n’est pas d’une seule origine ou appartenance. Ici ou là sont des gens

qui appartiennent au Christ, qu’ils sachent ou non l’appeler Seigneur, ou Messie,

ou Fils de Dieu, à leur manière ils le connaissent et sont connus de lui.

 

 

 

 

Dimanche 6 mai 2012

 

La parole-acte                                                                                                                                              

 

Évangile selon Jean, chapitre 15, versets 1 à 8.                                                                                                                                

(Psaume : 22 – Actes des Apôtres 9, versets 26 à 31 – Première épître de Jean 3, versets 18 & 24)                                             

 

Dans la culture qui paraît là, dont l’idéal est la justesse,

un disciple accompli a reçu la parole de son maître de telle sorte que,

son maître absent, il puisse transmettre la même parole à ceux qui suivront.

C’est un lien physique, comme toute parole vraie ; et ce qui importe,

ce sont les fruits portés par cette parole, c’est-à-dire les comportements induits.

Jésus est la vigne (image biblique d’un peuple juste façonné par Dieu)

parce qu’il est juste, absolument conforme, obéissant, à la volonté divine.

Ce moi obsédant n’est pas la marque d’un narcissisme,

mais de cette absolue conformité à la parole de Dieu, dans le faire et le dire.

Il est lui-même cette parole-acte, cette vie-en-Dieu, et il est le seul à l’être.

À qui veut vivre en Dieu, tout l’évangile selon saint Jean affirme

qu’on ne le peut qu’en s’incorporant à ce maître-là, et en se l’incorporant. 

 

 

 

 

Dimanche 13 mai 2012

 

Le collectif                                                                                                                                          

 

Évangile selon Jean, chapitre 15, versets 9 à 17.                                                                                                                              

(Psaume : 98 – Actes des Apôtres 10, versets 25 à 48 – Première épître de Jean 4, versets 1 à 11)                               

 

Porter du fruit ou garder les commandements, c’est s’aimer les uns les autres.

Il est à noter que c’est un commandement collectif, non personnel.

Il s’agit d’une discipline de groupe, fondant une communauté sainte.

Se souvenir que l’amour, dans les Écritures, n’est pas un sentiment,

et que le commandement d’amour évoque donc bien une conduite praticable :

faire pour les autres ce que l’on voudrait qu’ils fassent pour soi.

Mais dans l’évangile selon saint Jean, il s’agit de plus : aimer les autres,

non pas comme soi-même, mais plus que soi-même, à l’image du Christ

(comme je vous ai aimés) et du Père céleste (comme mon Père m’a aimé).

Il s’agit de se démettre de soi-même, ce que l’on ne peut réussir sans Dieu.

C’est donc ce qui est à lui demander (verset 16) et qui sera accordé.

Paul aurait écrit ici qu’il s’agit de se constituer sur terre en corps du Christ.

 

 

 

 

Ascension                                                                                                                                                                    

Jeudi 17 mai 2012

 

Évangile selon saint Marc, chapitre 16, versets 9 à 20

(Psaume : 47 – Actes des Apôtres 1, versets 1 à 11 – Épître de Paul aux Éphésiens 4, versets 1 à 13)

 

L’absent présent                                                                                                                                               

 

Ce texte, attribué à l’évangile de Marc, est postérieur à sa rédaction, il n’apparaît

pas dans tous les manuscrits. Il fait montre à la fois d’un style et de conceptions fort

différents de ce qui précède, et à vrai dire nettement moins pertinents.

La fin abrupte de l’évangile (car elles avaient peur, 16,8) aura poussé des copistes

ultérieurs à ajouter une fin plus conforme à leur spiritualité.

Seule, l’œuvre de saint Luc (évangile et Actes des Apôtres) reprend ce thème de

l’Ascension, ceci de façon plus précise et plus visuelle : on y voit Jésus monter vers

les cieux et disparaître de la vue des apôtres, astucieusement caché par une nuée…

À partir d’un fait – Jésus n’est plus présent physiquement – on voit ici comment

un processus narratif se met en branle et se développe en quelques décennies. 

Chez Marc, le thème central reste celui de la mission, qui suppose, chez ses acteurs,

la foi en la résurrection. On ne ressent plus le besoin de préciser ce qu’il en est de

cette annonce de paix (éuaggélion), devenue l’évangile, au contenu supposé connu,

sinon pour préciser que sa portée est universelle (v. 15).

Enfin, on insiste sur la permanence de l’action terrestre du Christ malgré son départ

vers les cieux.

 

 

 

 

Dimanche 20 mai 2012

 

Évangile selon saint Jean, chapitre 17, versets 11 à 19.                                                                                 

(Psaume : 103 – Actes des Apôtres 1, versets 15 à 26 – Première épître de Jean 4, versets 11 à 16)

 

La mort de ce monde                                                                                                                                      

 

Ne pas oublier qu’il s’agit d’une logique particulière à l’évangile selon Jean :

Le-Christ-qui-va-mourir, parole/vérité venue du Père céleste, lui confie ses disciples,

non comme des élèves ou des obligés mais comme des amis sauvés d’un péril.

Il s’agit des conditions de leur existence en ce monde où règnent les ténèbres.

La sainteté, ici, consiste à se séparer du monde alors même que l’on vit dans le

monde. Pour le Christ de Jean, cela signifie s’accepter victime consacrée, comme

dans le cadre d’un sacrifice rituel. Mais le fond de la chose consiste en une chaîne

d’amour filant sans rupture, du Père-céleste-qui-est-amour aux disciples plongés

dans la violence du monde, et de ceux-ci vers le Père céleste. C’est ainsi que l’Un

est dans les autres, et les autres dans l’Un. La mort du Christ est le passage obligé

entre les deux sphères, parce ce qu’il est lui-même le lieu où elles communiquent

alors que les ténèbres du monde les séparent. C’est aussi une dynamique, un

mouvement ascendant passant par la croix, mort promise de ce monde.

 

 

 

 

Pentecôte

Dimanche 27 mai 2012

 

Évangile selon saint Jean, chapitre 15, versets 26 et 27 ; & chapitre 16, versets 12 à 15.                                                                                        

(Psaume : 104 – Actes des Apôtres 2, versets 1 à 11 – Épître de Paul aux Galates 5, versets 16 à 25)

 

La dangereuse vérité                                                                                                                          

 

Ce découpage sort ces paroles de leur contexte, de la question propre à Jean :

qui, des représentants patentés (civils ou religieux) du monde ou de Jésus,

est dans la ligne qui va du Père céleste au monde et inversement ?

Affirmer que c’est Jésus, en témoigner, revient à se faire haïr et persécuter

(témoigner : marturéô, qui a donné "martyre"). Un défenseur devient nécessaire

aux témoins, un avocat (paráklêtos, qui a donné le terme théologique de Paraclet

pour désigner l’Esprit saint). Il est celui que l’on appelle à son secours

devant une mortelle accusation. C’est comme le souffle (ou esprit) qui élève

au-dessus d’elle-même la personne qui témoigne d’une vérité, dangereuse

pour elle, mais dont elle est habitée. L’enjeu n’est pas de savoir si Monsieur

Jésus de Nazareth est le bon gourou, mais où se trouve la vérité qui peut éclairer

le monde sur lui-même, sur sa violence, et sur le Père céleste qui l’attend. 

 

 

 

 

Dimanche 3 juin 2012

 

Évangile selon Matthieu, chapitre 28, versets 16 à 20.                                                                                   

(Psaume : 33 – Deutéronome 4, versets 32 à 40 – Épître de Paul aux Romains 8, versets 14 à 17)

 

La liberté d’agir                                                                                                                                              

 

Ce sont les derniers mots de l’évangile selon Matthieu, dans lequel les disciples

hommes sont informés du tombeau vide, en un second temps, par les femmes.

C’est donc le seul passage où ils se trouvent en présence du ressuscité.

C’est un temps entre les temps, aussi entre les certitudes (verset 17) :

entre leur vie de disciples amis d’un maître allant malgré eux vers la croix,

et de fidèles disciples envoyés en mission par un maître partant de la croix,

s’en délivrant pour une histoire à faire dont elle est la matrice.

On reconnaît ici l’existence d’un langage ecclésial (Père, Fils et Saint-Esprit)

déjà construit depuis les années soixante (une génération auparavant).

Le mot liberté (verset 18) est un des sens d’éxousía, traduit souvent par pouvoir,

ce qui en colore trop le sens vers une domination de type impérial, alors qu’ici,

Jésus affirme plutôt avoir reçu de Dieu la liberté et la capacité de faire répandre

son appel au changement (dont le baptême est le signe) et son enseignement.

Les disciples reçoivent de lui mandat d’agir en ce sens :

Matthieu ne connaît d’Église que missionnaire.

 

 

 

 

Dimanche 10 juin 2012

 

Évangile selon Marc, chapitre 14, versets 12 à 26.     

(Psaume : 116 – Exode 24, versets 3 à 8 – Épître aux Hébreux 9, versets 11 à 15)

 

La fête collective                                                                                                                                            

 

Jésus et ses disciples à table pour la dernière fois. Trois actes pour un jeudi.

Dans le premier, on retrouve cet intérêt de l’évangile selon Marc pour les

ambiances de clandestinité : il existe à Jérusalem, plus généralement en Judée,

un milieu qui se met souterrainement au service du messie galiléen :

cloisonnement, signes de reconnaissance, lieux préparés en secret.

C’était déjà l’ambiance subversive du récit initial de la Pâque, au temps de Moïse.

Deuxième acte, même ambiance : un traître. Qui ? Chacun s’en sait capable…

La cène répète le repas de l’Exode, et le thème du traître certains Psaumes

où il est question du sort injuste du juste, trahi par les siens (Judas-Judée).

!!! – le messie est un Juif galiléen : les traîtres sont des Juifs judéens, non les Juifs !

Le troisième acte revient sur le repas pascal lui-même, agneau, pain azyme et vin.

La Pâque est ce repas sacrificiel où l’agneau remplace les premiers-nés

condamnés (Exode 13) : le thème central en est la libération d’un peuple

à l’égard des puissances néfastes qui le tenaient en servitude.

La solution finale de cela : non la mort, mais le banquet, la fête collective.

 

 

 

 

Dimanche 17 juin 2012

 

Évangile selon Marc, chapitre 4, versets 26 à 34.     

(Psaume : 92 – Ézéchiel 17, versets 22 à 24 – Deuxième épître de Paul aux Corinthiens 5, versets 6 à 10)

 

Trois conditions pour un règne                                                                        

 

Le règne de Dieu, pour ici-même, c’est comme quand trois conditions sont réunies :

une semence jetée, une terre productrice, enfin un moment propice à la récolte.

Ceci acquis, les choses avancent et se concluent d’elles-mêmes.

Ces trois : la parole de Dieu, son accueil par ta richesse humaine, le temps où tu produis.

Et ce temps est peut-être dans ton aujourd’hui, comme il sera au jour de ta récapitulation.

Quand Dieu règne, c’est quand tu produis. Ce règne n’est pas un endroit où un temps.

Dans l’attente on ne le voit pas, ou peu, il est tout petit.

Mais ce qui en sort à la fin (n’importe quel moment qui fait une fin), c’est comme pour

la colombe Jonas, assommée de soleil dans le désert, quand elle revit (Jonas 4).

La parabole ne dit pas la chose, elle suggère que tu serais heureux si tu devenais

toi-même l’un de ses personnages : une terre qui produit en sorte que vienne la fraîcheur,

réparatrice pour toi, l’oiseau, comme pour toutes les nuées d’oiseaux.   

 

 

 

 

Dimanche 24 juin 2012

 

Évangile selon Luc, chapitre 1er, versets 57 à 80.     

(Psaume : 139 – Ésaïe 49, versets 1 à 16 – Actes des Apôtres 13, versets 22 à 26)

 

La naissance de l’immergeur                                                                               

 

Ils étaient vieux et sans descendance.

En eux, la lignée des prêtres se tarissait, la vieille religion mourait.

Le Temple n’avait plus d’avenir.

Il n’avait plus rien à produire, car la fille et femme de prêtres était stérile.

Il n’avait plus rien à dire, car le prêtre était muet.

D’ailleurs il ne croyait pas aux paroles qui se disaient là.

C’était la fin.

Puis un enfant est né, qu’on appela Jean, Yo‘hanan, Mon-Seigneur-a-fait-grâce.

Une vie nouvelle, une histoire nouvelle.

Elle repartait du désert, cette vie, elle quittait la ville sainte, elle abandonnait le lieu saint,

à immerger dans les gloires et les sacrifices du passé,

elle se souciait des vies et de leurs actes, elle allait parler d’un avenir à naître.

Qui venait.

 

 

 

 

Dimanche 1er juillet 2012

 

Évangile selon Marc, chapitre 5, versets 21 à 43.     

(Psaume : 30 – Ézéchiel 18, versets 21 à 32 – Deuxième épître de Paul aux Corinthiens 8, versets 7 à 15)

 

Un peuple qui meurt                                                                                        

 

Une histoire à l’intérieur d’une histoire : elles s’expliquent l’une par l’autre.

Elles marquent la fin heureuse de douze années de crise (versets 25 et 42).

Douze années : une période de la vie, mais aussi l’image d’un temps de l’histoire,

de celle du peuple d’Israël d’alors… ou de l’histoire humaine, tout simplement.

Voici un peuple qui n’a plus d’avenir, mais ce temps-là s’achève, tout est relancé.

Cela sous deux visages : deux femmes en mal d’enfantement à deux périodes de la vie.

Femme adulte qui n’a pas pu porter d’enfant pendant douze ans,

et fille de douze ans devenant pubère, quasiment morte.

Histoire actuelle… Ce peuple ne croit plus à l’avenir : ses médecins (ses élites)

ont cessé de soigner, ils se bornent à faire du fric – pire, ils rendent malades.

Ses foules ? Devant la fin annoncée, leur porte-parole coupe les ponts (verset 35).

Elles, elles se moquent (verset 40), cyniques et sceptiques.

Il lui suffit pourtant d’y croire (verset 34), il lui suffit d’une parole vraie (verset 41)

pour aller en paix, heureux, et pour se remettre à manger.

 

 

 

 

Dimanche 8 juillet 2012

 

Évangile selon Marc, chapitre 6, versets 1 à 6.     

(Psaume : 123 – Ézéchiel 2, versets 2 à 5 – Deuxième épître de Paul aux Corinthiens 12, versets 7 à 10)

 

Les installés                                                                                              

 

"Les foules fatiguées et chargées" de la Galilée affluent, selon cet évangile,

autour de Jésus pour être guéries, pardonnées, enseignées et aimées.

Dans cette configuration, le miracle arrive, en réponse à un terrible manque.

C’est aussi une réponse à la violence et à l’injustice, à la non-justesse

dont elles souffrent, elles qui ne sont rien, humains de base toujours méprisés.

L’action miraculeuse du messie, dit Marc, est la réponse de Dieu à cela.

On voit plus tard qu’elle est pur signe, inopérante s’il s’agit de changer le monde,

et que le messie ne peut que s’aligner sur l’autodestruction de l’humanité,

laissant à vif l’espérance d’une résurrection annoncée.

Les bonnes gens de Nazareth n’entrent pas dans cette tragédie,

ne demandent rien, n’auront donc rien, bons représentants de l’attitude

constante des installés à l’égard des prophètes, cela depuis Amos (– 8ème siècle).    

 

 

 

 

Dimanche 15 juillet 2012

 

Évangile selon Marc, chapitre 6, versets 7 à 13.     

(Psaume : 85 – Amos 7, versets 12 à 15 – Épître de Paul aux Éphésiens 1, versets 3 à 14)

 

Un commando                                                               

 

C’est une sorte d’action de commando, rapide, discrète et potentiellement

efficace. Là encore, il n’est pas prévu qu’elle aboutisse à un retournement

complet de la situation du peuple d’Israël, la venue du messie Jésus n’étant

pas le dernier mot d’une glorieuse histoire finale, mais l’annonce de celle-ci,

à terme, à une date inconnue. Il s’agit de poser des signes :

des retournements obtenus en quelques villages galiléens, présageant de la

possibilité pour le peuple de changer. Changer de sens (on traduit d’habitude

par conversion), c’est aussi bien comprendre autrement sa situation réelle,

sa dépendance à l’égard du règne de Dieu et de nul autre, que se comporter

autrement, selon les enseignements de Jésus, qui découlent de ce règne.

Les guérisons accomplies par les envoyés font partie des signes de l’annonce

de la venue du messie qu’on trouve dans les Écritures juives.

 

 

 

 

Dimanche 22 juillet 2012

 

Évangile selon Marc, chapitre 6, versets 30 à 34.     

(Psaume : 23 – Jérémie 23, versets 1 à 6 – Épître de Paul aux Éphésiens 2, versets 13 à 18)

 

Une lecture de l’histoire                                                                 

 

Entre le récit précédent et celui-ci, il y a le meurtre de Jean le Baptiste,

qui survient au moment où Jésus devient célèbre : disparition de l’un avec

passage de témoin à l’autre, mais changement de ton : il ne s’agit plus

de la repentance et du pardon des péchés prêchés à toute la Judée (1,4-5),

centre mondial du peuple d’Israël, mais de la condition misérable des foules,

dans les marges galiléennes. Si ces gens sont appelés à la repentance,

ils sont aussi guéris (6,12-13), autre changement, et bientôt nourris (6,35-42) :

l’évangile selon Marc établit ainsi une séquence logique entre les événements :

un précurseur lucide prépare le milieu israélite à des changements

venus on ne sait d’où et demandant un nouvel état d’esprit – les premiers signes

annonciateurs de ce changement surviennent en force en Galilée : au lecteur

de s’attendre au grand chambardement final dans le centre judéen (chapitre 13).

C’est une lecture de l’histoire : vers 70, cet évangile interprète la destruction

– alors imminente ou tout juste survenue – de Jérusalem et du temple

par les Romains comme fin d’un cycle cosmique ouvrant sur l’apparition,

en un temps indécidable, du Fils de l’homme venu inaugurer le règne de Dieu. 

Mais les trois derniers chapitres de l’évangile changent de registre et semblent

remplacer cette venue céleste par l’annonce de la passion/résurrection du messie.     

 

 

 

 

Dimanche 29 juillet 2012

 

Évangile selon Jean, chapitre premier, versets 1 à 15.     

(Psaume : 145 – 2 Rois 4, versets 42 à 44 – Épître de Paul aux Éphésiens 4, versets 1 à 16)

 

La Présence                                                                             

 

Le Dire, plutôt que la Parole, pour traduire le grec lógos, non seulement parce

que masculin, mais surtout parce que les premiers mots, Au commencement,

évoquent les premiers mots de toutes les Écritures (Genèse 1), où Dieu dit,

ce qui équivaut à une création. Le Dire de Dieu est création du vrai monde,

celui de la lumière. Or l’histoire (vrai sens du mot chair) des humains

est ténèbres et mensonge, née du refus. Toute l’histoire est là, dans ce poème,

du moins selon l’évangile de Jean : le scandale du refus de la lumière

par ceux qui vivent dans les ténèbres ; le choix de la lumière par certains,

ce qui correspond à un engendrement par lequel ils deviennent enfants de Dieu ;

et surtout, la présence ici-bas de Dieu (shkinâ, en hébreu, qu’évoque le mot

grec skinê, la tente habitée par lui) en la seule personne du Christ Dire de Dieu.

La venue du Christ est une nouvelle création, celle d’une nouvelle ère, avec

la gloire et la vérité qui en accompagnent les grands débuts… pour qui croit.

(voir aussi, ci-dessus, la note du 25 décembre).

 

 

 

 

Dimanche 5 août 2012

 

Évangile selon Jean, chapitre 6, versets 24 à 35.     

(Psaume : 78 – Exode 16, versets 2 à 15 – Épître de Paul aux Éphésiens 4, versets 17 à 24)

 

La nourriture de l’avenir                                                                        

 

Se souvenir de la conception générale du monde supposée par cet évangile :

non l’Histoire, mais une succession d’éons (longues périodes commençant dans

la gloire et se terminant dans la catastrophe, leur énergie devenue trop faible).

Non notre cosmologie, mais un empilement de ciels, le plus haut, LE ciel,

habité par le Père-Empereur-Dieu (vie absolue, lumière), le plus bas par les

Enfers (vie totalement atone, ténèbres). Les ciels intermédiaires étant habités

par des puissances plus ou moins opérantes et bénéfiques, souvent mortelles

(le modèle est le mode de fonctionnement des empires orientaux antiques). 

L’enjeu est alors de passer dans la Vie de l’éon suivant, cet évangile supposant

qu’il s’agit du dernier, l’éon des éons, sous la seule gouvernance de Dieu.

La nourriture de ce ciel et de cet éon n’est pas notre pain, mais le Christ.

Il est évidemment possible que cela se réfère à l’eucharistie, mais incertain

car le récit de la Cène ne figure pas dans cet évangile.

Le message : la seule vraie vie, pleine et entière, se vit sous le règne de Dieu,

en communion avec le Christ, parole qui enseigne et dirige, lumière qui illumine,

pain qui nourrit au sens où avoir foi libère à l’égard de dépendances morbides.   

 

 

 

 

Dimanche 12 août 2012

 

Évangile selon Jean, chapitre 6, versets 41 à 51.     

(Psaume : 34, versets 1 à 9 – 1 Rois 19, versets 4 à 8 – Épître de Paul aux Éphésiens 4, verset 30, à 5, verset 2)

 

Le signe du pain                                                                                    

 

Nous sommes dans une séquence qui lie l’image du pain à la vie sur-temporelle

offerte à ceux qui ont foi dans le Christ ; au fil du récit, on passe de la matérialité

du signe (la multiplication des pains) à la réalité de ce à quoi, en fait, il se référait,

à savoir ce qui fait vivre ("le pain de vie"), non seulement dans l’histoire présente,

mais de façon radicale, quel que soit l’espace-temps dans lequel on se trouve.

Ce "pain" n’est autre que la chair du Christ (verset 51), offerte, c’est-à-dire

l’existence terrestre qu’il sacrifie pour les siens. C’est en effet le sens habituel

du mot chair dans les Écritures (bichrâ en araméen, bâsâr en hébreu, sarx en grec).

Ceux qui se repaissent du récit de cette existence et la font leur, ce qui est la foi,

entrent ainsi dans la vie par excellence, entièrement consacrée à l’œuvre voulue

par le Père céleste – c’est aussi ce que signifie le signe de l’eucharistie, autre

matérialité liée à une réalité opérationnelle : le don de sa vie par amour.  

 

 

 

 

Dimanche 19 août 2012

 

Évangile selon Jean, chapitre 6, versets 51 à 58.     

(Psaume 34, versets 1 à 9 – Proverbes 9, versets 1 à 6 – Épître de Paul aux Éphésiens 5, versets 15 à 20)

 

S’incorporer                                                                                                      

 

Je résiste à voir dans ces passages de l’évangile, comme on le fait souvent,

une simple évocation du rite eucharistique : il ne raconte pas le dernier repas,

ni ne cite les paroles dites d’institution de la Cène, cela doit avoir un sens :

pour moi, il tient à conférer à ce thème de la chair à manger et du sang à boire

un sens moins directement liturgique, déplaçant le corporel, réel mais second,

de la manducation des espèces eucharistiques vers un aspect corporel premier,

la présence réelle du Christ dans l’existence du croyant, ce qui est pour lui la foi.

Mâcher la chair et boire le sang signifient alors s’incorporer le récit de l’existence

terrestre du Christ ainsi que sa vie actuelle, les faire totalement siens,

comme écrit Paul : « Ce n’est pas moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi ».

Ce qui inclut évidemment le fait christique central : la mort à soi-même.

Dans sa culture, pour nous exotique, Jean dit que c’est ainsi que l’on dépasse  

les limites spatio-temporelles du monde, se défaisant ainsi de sa loi mortifère.

 

 

 

 

Dimanche 26 août 2012

 

Évangile selon Jean, chapitre 6, versets 60 à 69.     

(Psaume 34, versets 16 à 23 – Josué 24, versets 1 à 18 – Épître de Paul aux Éphésiens 5, versets 21 à 32)

 

Pas de signe sans le souffle                                                                              

 

Pour cet évangile, la foi dans le Christ, fils de l’humain et fils de Dieu,

est une incorporation dans votre existence, une intégration en vous

de ce que signifie la vie terrestre de Jésus de Nazareth.

On ne le fait pas toujours pour avoir été témoin des miracles qu’il accomplit :

les signes puissants qu’il manifeste ne sont interprétés de la bonne façon

par certains, tels que les Douze, que saisis dans leur esprit, pas seulement

dans leur aspect concret ; il existe un type d’intelligence qui confère du souffle

(de l’esprit, pnéúma) à l’expérience vécue de ceux qui assistent à tel ou tel fait,

leur permettant de percevoir ce qu’il signifie, en quoi et de quoi il est signe.

Le miracle ne dit rien, il a même tendance à brouiller les pistes, et il en va

de même de la parabole, par exemple celle de la chair du maître à mâcher,

tout comme de la lettre d’une écriture – c’est l’esprit, le souffle, qui vous soulève.

 

 

 

 

Dimanche 2 septembre 2012

 

Évangile selon Marc, chapitre 7, versets 1 à 23.     

(Psaume 15 – Deutéronome 4, versets 1 à 8 – Épître de Jacques 1, versets 17 à 27)

 

Du pouvoir intégriste                                                                

 

Deux thèmes, donc, l’imposture des directeurs de conscience du peuple,

et la question de la souillure venue du dedans de la personne.

Sur la question du lavement les mains, il ne s’agit pas d’hygiène personnelle !

L’époque juive considérée ne craint que la souillure, dont l’origine lui paraît

se trouver dans le fait d’établir un contact avec la pourriture, la décomposition,

réelle ou possible, et par conséquent avec la mort. Il s’agit de l’impur,

souillure matérielle mais aussi rituelle, liée à des interdits arbitraires (tabous).

Les règles, traditionnelles ou inventées, offrent évidemment aux dirigeants

politico-religieux, alors en réaction contre l’hellénisation des esprits

et l’autorité de l’empereur païen, l’occasion d’exercer leur pouvoir intégriste

sur les simples gens, ainsi que de servir leurs intérêts matériels (le corbân),

comme de nos jours là où l’on craint la séduction d’un Occident impur.

La démarche de Jésus, selon l’évangile, consiste à déplacer cet impur,

de la propreté et du rite vers l’éthique, dans la ligne des prophètes.

Une logique qui amènera à terme la suppression des interdits alimentaires,

(Il déclarait pur tous les aliments, texte sans doute ultérieur) et, plus largement,

la doctrine du salut par la foi personnelle, chez Paul, au lieu du salut

par l’obéissance à la loi. Se profile aussi l’idée selon laquelle l’être humain,

voué au bien, est néanmoins foncièrement habité par le mal (verset 21).  

 

 

 

 

Dimanche 9 septembre 2012

 

Évangile selon Marc, chapitre 7, versets 31 à 37.     

(Psaume 146 – Ésaïe 35, versets 4 à 7 – Épître de Jacques 2, versets 1 à 5)

 

Ouvre-toi !                                                                                  

 

Quand les sourds entendront, quand les muets parleront, quand les aveugles, etc.,

l’allégresse et la joie s’approcheront, la douleur et le gémissement s’enfuiront,

la gloire du Liban leur sera donnée, écrit à peu près le prophète Ésaïe à propos

de ces temps où l’on verra la gloire de mon Seigneur, la magnificence de notre Dieu,

ces temps que l’on appelle messianiques. Or dans l’évangile de Marc le messie est là,

qui plus est en terre étrangère (au Liban), marquant ainsi l’universalité de sa mission,

et des sourds, des muets, etc., sont guéris. Pourquoi, alors, les temps messianiques

ne sont-ils pas installés sur la terre ? C’est que, répond cet évangile, le règne de Dieu

s’est approché, avec Jésus, en sorte que son instauration définitive soit objet

d’espérance. Les miracles de Jésus sont donc des signes avertisseurs, raison

pour laquelle tous les sourds, muets, aveugles, boiteux ne sont pas guéris…

ni tous les humiliés, prisonniers, etc. (Ésaïe), rachetés ni délivrés.

Les signes doivent donc rester discrets, sauf à donner prise à qui prétendrait détenir

le pouvoir sur les temps messianiques. Il est possible aussi que Jésus, lui-même, n’ait

eu conscience que tardivement de l’inutilité de la bienfaisance individuelle face à la

prégnance de la violence, et qu’il ait conclu plus tard que la publicité à cet égard

trahissait le sens véritable de sa mission, puisque le messie devait être condamné

à mort, message en acte de Dieu à une espèce qui s’autodétruit en tuant le fils de

l’homme, et porte ainsi le blasphème à son comble en tuant le fils de Dieu.

Reste le message tout simple de Jésus au malheureux enfermé dans son mal,

figure de la maladie humaine : Ouvre-toi !

 

 

 

 

Dimanche 16 septembre 2012

 

Évangile selon Marc, chapitre 8, versets 27 à 35.     

(Psaume 116 – Ésaïe 50, versets 5 à 9 – Épître de Jacques 2, versets 14 à 18)

 

Inéluctable                                                                                            

 

Rappel : l’expression le Fils de l’humain (ou Fils de l’homme, mais c’est sexiste),

ainsi transposée à partir d’une langue sémitique (araméen ou hébreu) signifie tout

simplement l’Être humain ; en hébreu, de la même manière, un fils de boulangerie

est tout simplement un boulanger, et pour dire dans cette langue un être humain,

ou l’être humain, mais aussi l’humanité, on dit Ben Adam, fils d’Adam.

Parlant ainsi, Jésus se situe comme figure de l’ensemble de l’humanité.

En l’assassinant lui, c’est l’humanité que les autorités assassinent, alors même

qu’elles sont les émanations autorisées de l’humanité. C’est un suicide,

mais c’est l’aboutissement inéluctable de l’errance et de la violence humaine,

on ne peut plus rien contre : le messie doit être tué. Seul, Dieu peut créer une

humanité nouvelle : l’humain disparu peut faire place à un humain nouveau.

Les disciples du messie tué et relevé doivent accepter cette logique : une autre

serait mensongère. Ils doivent suivre derrière, ou en rester à Satan, image de la

séparation radicale qui existe entre les humains, et entre Dieu et les humains.

C’est du moins ce que je comprends de ces paroles de Jésus transmises par Marc.

 

 

 

 

Dimanche 23 septembre 2012

 

Évangile selon Marc, chapitre 9, versets 30 à 37.     

(Psaume 54 – Jérémie 11, versets 18 à 20 – Épître de Jacques 3, verset 16, à 4, verset 3)

 

Dépendant                                                                                             

 

Il semble qu’il y ait un tournant, au chapitre 9 de l’évangile selon Marc.

Jésus y paraît ne plus vraiment s’attacher aux actes de puissance dont il

a empli la Galilée, il y circule désormais, autant que possible, incognito.

Il lui faut passer, de la puissance bénéfique liée au règne de Dieu qu’il annonce,

à la marche vers le grand jugement qui aura lieu à Jérusalem, en Judée.

C’est ce détachement du désir de pouvoir qui trouble les disciples, pour lesquels

la gloire et le pouvoir restent liés à ce qui vient de Dieu.

Dans cette culture, l’enfant est l’image même de la dépendance et surtout de

l’insignifiance. Un enfant n’est rien en soi, comme le serviteur, même s’il 

garantit cependant la continuité des lignées et de la mémoire des ancêtres.

Il est totalement dé-pendant : ainsi en est-il, selon Jésus, de lui-même,

semblable à un petit enfant par rapport au Père céleste.

 

 

 

 

Dimanche 30 septembre 2012

 

Évangile selon Marc, chapitre 9, versets 38 à 48.     

(Psaume 19 – Nombres 11, versets 25 à 29 – Épître de Jacques 5, versets 1 à 6)

 

Un choix vital                                                                                         

 

Deux ensembles. Le premier (38-42) exclut totalement la constitution d’une

institution liée à Jésus. Le seul intérêt à prendre en compte est celui du sort des gens :

possédés (v. 38), c’est-à-dire victimes d’une puissance mauvaise, ou "petits" (v. 42).

Toute personne qui fait du bien aux gens agit dans le même sens que Jésus.

Toute personne qui cause du mal au "petit" est condamnée.

Pour l’évangéliste, ce "petit" est celui qui met sa vie sous le règne de Dieu : justice

sociale et justesse de vie. Le faire chuter signifie l’amener à quitter cette juste voie.

Le second thème (43-48) reprend ce dernier point : entrer dans la vie (c’est-à-dire

se placer sous le règne de Dieu) entraîne à court terme des choix douloureux :

la violence injuste et dangereuse qui règne sur le monde est présente en chacun,

dans tous nos moyens vitaux : c’est l’actualité de ce texte, l’appel au choix vital.

 

Précision : ce passage est rempli d’expressions populaires courantes à l’époque :

le verset 40, la grosse meule du verset 42, cette mention énigmatique, leur ver,

du verset 48, qui évoque les derniers mots du livre d’Ésaïe (66,24) où il est

question du cadavre, pourrissant sans fin, des ennemis de Dieu... 

 

 

 

 

Dimanche 7 octobre 2012, deux possibilités :

 

– Vingt-septième dimanche du temps de l’Église

Évangile selon Marc, chapitre 10, versets 2 à 16.     

(Psaume 128 – Genèse 2, versets 18 à 24 – Épître aux Hébreux 2, versets 9 à 11)

 

Une seule humanité                                                                              

 

Ici, avec Jésus, au mépris de la tradition patriarcale propre à la charia de l’époque,

la femme n’est plus une dépendance de l’homme – père ou époux –,

elle est au bénéfice d’un droit, à égalité, au sein d’une unité de base, le couple.

À ce titre, elle fait désormais partie de l’histoire.

Je rappelle en effet que le terme traduit par chair, v. 8, signifie en fait l’ensemble

des conditions et des liens qui déterminent l’existence des êtres.

On constate ici l’évolution d’une société clanique vers le modèle familial réduit.

Ces paroles reprennent aussi, à l’inverse, un thème de la loi de Moïse souvent

oublié par les hommes à l’époque : l’adultère ne concerne pas que les femmes…

La suite du texte reprend le thème de la défense des éléments les plus faibles,

ici les enfants, dont la dépendance est utilisée comme parabole de la soumission

à l’égard du règne de Dieu proposée aux humains (voir ci-dessus au dimanche 30).

 

Ou

 

Fête des Récoltes ou de la Reconnaissance

Évangile selon Luc, chapitre 12, versets 15 à 21

Psaume – 1 Chroniques 29, versets 10 à 14 – Épître de Paul aux Galates 6, versets 4 à 10  

 

Temps fermé ou temps ouvert                                                          

 

Avant, il avait une moisson d’avance pour vivre, une année donnée.

Désormais, avec des années de réserve, c’est-à-dire des années en réserve,

amasser du bien est pour lui du temps pris sur la mort.

Il abat des greniers pour voir loin, non pour le jour le jour.

Ce paradoxe : au jour le jour le temps est infini, mais le temps est fini

pour qui se construit des calendriers d’années à venir.

Et il avait ce rêve de vivre sur du solide, du bâti, de l’établi, du durable.

Il n’espérait plus le bonheur d’un inattendu, le don d’un instant d’éternité.

Il faudrait vivre avec du bien sans croire en ce bien ?

Et surtout : lui qui est seul, dans ces greniers comblés, où va-t-il mettre l’autre ?

Dans quel creux hospitalier recevra-t-il les autres ?

Il est mort, déjà mort, il ne le sait pas... il ne reste qu’à concrétiser cela.

Et voilà son trop plein mis en partage : pour lui ce bonheur vient trop tard !

 

 

 

 

Dimanche 14 octobre 2012

 

Évangile selon Marc, chapitre 10, versets 17 à 30.     

(Psaume 90 – Proverbes 3, versets 18 à 24 – Épître aux Hébreux 4, versets 12 et 13)

 

Le plein et le vide                                                                                  

 

Plusieurs choses. D’abord cette remarque que le règne de Dieu est, à la fois,

ici et maintenant, et dans le "temps" à venir. La question n’est pas de gagner

son paradis, chose impossible aux humains (v. 27), mais de vivre sous le règne

de Dieu, quel que soit le "temps" (l’éon, selon les termes de l’époque).

Ensuite, apparaît manifestement un double régime, par rapport à cette exigence.

Le régime des gens comme tout le monde, qui peuvent se contenter de vivre en

conformité avec les impératifs de base du règne, les commandements ;

et le régime de ceux qui ont en eux un plus grand désir de Dieu, ceux auxquels

une chose manque (v. 21). À ceux-là est donnée (v. 30) l’errance et la nudité,

avec l’évidence de la persécution, puisque les humains ne sont pas bons (v. 18).

La richesse n’est pas rejetée en soi, mais comme obstacle à l’heureuse (heureux

les pauvres…) recherche de ce vide qui laisse entrer Dieu en soi.

 

 

 

 

Dimanche 21 octobre 2012

 

Évangile selon Marc, chapitre 10, versets 35 à 45.     

(Psaume 33 – Ésaïe 53, versets 10 & 11 – Épître aux Hébreux 4, versets 14 à 16)

 

Le monde à l’envers                                                                

 

Un roi marche sur une capitale pour un combat final et victorieux au cours

duquel ses vassaux vont avoir à se distinguer s’ils veulent qu’il partage

sa gloire et ses conquêtes avec eux. Quoique tremblants (verset 32),

les plus valeureux ne reculeront, ni devant le danger, ni devant le rappel

ultérieur de leurs mérites. Or ceux-là s’attendent à se partager le monde,

lors de leur entrée en gloire dans le nouvel éon qui verra l’intronisation,

par le Dieu de l’univers, de leur messie miraculeux resté encore clandestin.

C’était bien vu, mais complètement à côté : leur roi renverse les priorités,

il invente un monde cul par dessus tête, dans lequel, par exemple,

les financiers d’aujourd’hui n’auraient en vue que le bonheur des peuples

et agiraient en conséquence sans se soucier de leurs gains à eux.

Persuadé d’ailleurs qu’un tel monde serait le seul vivable et durable…

 

 

 

 

Dimanche 28 octobre 2012, deux possibilités :

 

– Évangile selon Marc, chapitre 10, versets 46 à 52.     

(Psaume 126 – Jérémie 31, versets 7 à 9 – Épître aux Hébreux 5, versets 1 à 6)

 

La vision juste                                                                          

 

L’aveugle est désigné par un nom qui n’est pas le sien, il est fils de…

Or, en araméen, cela ne désigne pas forcément le fils de quelqu’un, mais aussi

le porteur d’une qualité morale ou sociale attachée à cet individu (fils d’impureté 

= impur). Ici, cela introduit un double sens, sans doute opéré à dessein, car

Bar Timée, en araméen, signifierait probablement Fils d’impureté, alors que

Timée (timaíos), dans le grec de cet évangile, évoque l’inverse : la dignité ou 

l’honneur. Cet impur a donc ainsi recouvré sa dignité…

L’évangile dit ici, de façon parabolique, que la foi en Jésus messie (= fils de

David) et maître de vie (rabbouni = mon maître) suffit à faire passer l’être

humain de la souillure à la dignité, et de l’aveuglement à une vision juste

qui conduit évidemment à suivre (= être disciple) le Nazaréen.

Ce titre aussi a un sens, il ne signifie pas vraiment habitant de Nazareth mais

plutôt Celui qui s’éloigne (pour méditer à l’écart ?) ou bien le Couronné, terme

dû peut-être à une tonsure liée à un vœu ou  plus simplement à une calvitie…

Comme celle du prophète Élisée, capable de ressusciter un mort ?

 

Ou

 

Fête de la Réformation 

Évangile selon Jean, chapitre 6, versets 35 à 40.     

(Psaume 126 – Ésaïe 49, versets 8 à 13 – Épître de Paul aux Galates 2, versets 16 à 20a)

 

Le monde à l’envers                                                                

 

Nous sommes dans une séquence (6, 22-59) qui lie l’image du pain à la vie

sur-temporelle offerte à ceux qui croient dans le Christ ; au fil du récit,

on passe de la matérialité du signe (la multiplication des pains) à la réalité

de ce à quoi, en fait, il se référait, à savoir ce qui fait vivre ("le pain de vie"),

non seulement dans l’histoire présente, mais de façon radicale, quel que soit

l’espace-temps dans lequel on se trouve.

Ce "pain" n’est autre que la chair du Christ (verset 51) offerte, c’est-à-dire

l’existence terrestre qu’il sacrifie pour les siens. C’est en effet le sens habituel

du mot chair dans les Écritures (bichrâ en araméen, bâsâr en hébreu, sarx

en grec). Ceux qui se repaissent du récit de cette existence et la font leur,

ce qui est la foi, entrent ainsi dans la vie par excellence, entièrement consacrée

à l’œuvre voulue par le Père céleste.

C’est aussi ce que signifie le signe de l’eucharistie, autre matérialité liée, selon

la coutume de cet évangile, à une réalité à vivre : le don de sa vie par amour.  

 

 

 

 

Dimanche 4 novembre 2012 

 

Évangile selon Marc, chapitre 12, versets 28 à 34.     

(Psaume 119, versets 97 à 106 – Deutéronome 6, versets 2 à 6 – Épître aux Hébreux 7, versets 23 à 28)

 

Le but du jeu                                                                                         ma traduction 

 

On a là un principe d’interprétation de l’ensemble des prescriptions de la Thora.

Noter que l’amour, ici, n’est pas un sentiment, mais la capacité de faire du bien.

Tout venant du divin, vu comme roi/père, c’est lui qu’il faut rendre heureux.

Comment le faire ? En rendant heureux ses sujets/enfants, constitutifs de son règne

C’est pourquoi ces deux commandements n’en font qu’un : faire ceci, c’est faire cela.

Tu aimeras de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force  

traduit l’hébreu de Deutéronome 6,5, qui se termine en fait ainsi : de tout ton beaucoup !

Chacun des autres évangiles traduit ce terme bizarre (= tes capacités ?) différemment.

Il y a là des différences de conception à propos de l’être humain* mais celui-ci

est appelé à aimer selon l’ensemble des fonctions constitutives connues à l’époque,

sensorielles, émotionnelles, intellectuelles, etc. : complètement.

L’amour, en tant que pratique, est le but du jeu. 

 

* Voir sur ce site la page humain.

 

 

 

 

Dimanche 11 novembre 2012 

 

Évangile selon Marc, chapitre 12, versets 38 à 44.     

(Psaume 146 – 1 Rois 17, versets 10 à 16 – Épître aux Hébreux 9, versets 24 à 28)

 

Les généreux et les importants                                                 

 

Ah comme ce texte est actuel ! Il parle des généreux et des importants…

À cette différence près que pour se faire bien voir, se mettre en avant,

se placer dans l’aire du pouvoir (social, économique, politique),

il ne s’agit plus, aujourd’hui et ici, de faire mine d’être dévot.

Cela reste vrai ailleurs, en Iran par exemple, peut-être aussi aux États-Unis,

mais chez nous il s’agit bien toujours d’être en vue, et de faire ce qu’il faut

pour y parvenir, quel que soit le domaine considéré.

C’est là que l’on rejoint ces tartufes de la Jérusalem de Jésus.

Car ça paye, ça fait vivre largement, ça détourne les vraies richesses,

produites par les autres, vers sa pomme à soi, vers ceux du cercle enchanté.

On peut alors faire le généreux, donner de son temps et de son argent

pour les pauvres ou pour la planète (c’est plus actuel), car ça paye.

Or la veuve joue un autre jeu, où il ne s’agit de rien d’autre que d’amour.

La veuve aime Dieu, son temple, son peuple, elle obéit à sa loi de justice…

On ne dit pas ici si cet amour est bien ou mal placé, ce n’est pas le sujet.

Cela aurait pourtant eu de l’intérêt car le rôle financier du temple

était très important, à l’époque, dans tout l’Empire, et l’on n’est pas trop sûr

de pouvoir affirmer que son immense trésor allait vraiment vers les pauvres…   

 

 

 

 

Dimanche 18 novembre 2012 

 

Évangile selon Marc, chapitre 13, versets 24 à 32.     

(Psaume 16 – Daniel 12, versets 1 à 3 – Épître aux Hébreux 10, versets 11 à 18)

 

The times they are a-changing                                                ma traduction 

 

Ce chapitre 13 est appelé l’apocalypse de Marc (du grec apokálupsis :

dévoilement, révélation) : partant de l’annonce de la destruction du temple

et de la ville sainte (qui se produira environ quarante ans plus tard),

il a pour objet principal d’associer cette catastrophe à celles qui,

selon le type de pensée apocalyptique très présente dans cette culture,

annoncent la fin de l’éon et précèdent l’arrivée d’un nouvel éon.

Il s’agit ici d’insister sur cet élément de la foi des premiers chrétiens

qui considère le destin historique du Christ comme fin de l’histoire présente.

Cela est étranger à nos conceptions chronologiques actuelles, car c’est 

à tout moment, et pour chacun comme pour toute société, qu’il devient vrai

dans la foi, selon ce type de pensée, que telle génération (ou être humain,

ou peuple : grec geneà) ne passera pas avant que tout cela n’arrive (verset 30).

Devant le Christ qui vous arrive, chacun (ou chaque génération, chaque

époque) peut se trouver confronté à la fin possible de son monde ou de sa

façon de se situer dans le monde, inopinément, de toute façon dangereusement,

et à la survenue d’un temps où Dieu règne. Le monde de chacun au sein

même du temps présent, ou un autre monde et un autre temps, à venir.

 

 

 

 

Dimanche 25 novembre 2012 

 

Évangile selon Jean, chapitre 18, versets 33 à 37.     

(Psaume 93 – Daniel 7, versets 13 & 14 – Apocalypse 1, versets 5 à 8)

 

Royauté absolue                                                                      ma traduction 

 

L’année liturgique se termine en ce dimanche du Christ-Roi, enseignement dernier.

Ensuite c’est l’avent, nouveau commencement dans l’attente de Noël.

 

On oublie trop la qualité littéraire des évangiles : la scène vaut celles des plus grands

dramaturges de l’Antiquité.

La première question de Pilate pourrait amener Jésus à répondre comme lui 

(« Est-ce que moi, je suis un Judéen ? ») en jouant sur le double sens du mot Judéen

(ioudaîós, trop rapidement traduit le plus souvent par juif) : est-il tout simplement juif,

ou plutôt habitant de Judée et donc partisan du pouvoir des grands de Jérusalem ?

La réponse de Jésus aurait alors signifié que, n’étant pas judéen, venant de la Galilée

méprisée, il ne saurait être roi des Judéens. Une telle réponse pouvait le sauver.

Or il porte la question à un autre niveau, il n’en est pas, comme son geôlier, à discuter

de questions de pouvoir. C’est ce qui va le condamner puisqu’il n’offre ainsi aucun

échappatoire à Pilate. Son procès va se jouer sur le terrain où lui-même l’a placé,

celui de la vérité, du moins celle que, selon l’évangile de Jean, il n’a cessé de prêcher,

dont il est la Parole, la voix (fin du verset 37).

Vérité du règne absolu, quoique invisible, de l’amour.  

 

 

 

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Année Marc

 

(ici, 2011–2012)

 

On peut rejoindre le passage de son choix en cliquant,

dans la liste suivante, sur l’élément correspondant :

 

 

Marc 13, 33-37 – À l’avènement du Fils de l’Homme – 27 novembre 20101

 

Marc 1, 1-8 – Le baptême de repentance – 4 décembre 2011   

 

Jean 1, 6-8 & 19-28 – Son nom était Jean – 11 décembre 2011

 

Luc 1, 26-38 – Le Seigneur est avec toi – 18 décembre 2011 

 

Jean 1, 1-18 – La Parole a été faite chair – 25 décembre 2011

 

Luc 2, 16-21 – Allons jusqu’à Bethléem – 1er janvier 2012

 

Matthieu 2, 1-12 – Nous avons vu son étoile – 8 janvier 2012

 

Jean 1, 35-42 – Voici l’agneau de Dieu – 15 janvier 2012

 

Marc 1, 14-20 – Le temps est accompli – 22 janvier 2012

 

Marc 1, 21-28 – Sors de cet homme – 29 janvier 2012

 

Marc 1, 29-39 – C’est pour cela que je suis sorti – 5 février 2012

 

Marc 1, 40-45 – Je le veux, sois pur – 12 février 2012

 

Marc 2, 1-12 – Tes péchés te sont pardonnés – 19 février 2012

 

Marc 1, 12-15 – Le règne de Dieu est proche – 26 février 2012

 

Marc 9, 2-10 – Écoutez-le ! – 4 mars 2012

 

Jean 2, 13-25 – Détruisez ce temple – 11 mars 2012

 

Jean 3, 14-21 – Il faut que le Fils de l’Homme soit élevé – 18 mars 2012   

 

Jean 12, 20-33 – L’heure est venue – 25 mars 2012

 

Marc 11, 1-11 – Hosanna ! – 1er avril 2012

 

Jean 18 & 19 – Tout est accompli – 6 avril 2012

 

Jean 20, 1-10 – Il vit et il crut – 8 avril 2012

 

Jean 20, 19-31 – La paix soit avec vous – 15 avril 2012

 

Luc 24, 35-48 – Vous êtes témoins – 22 avril 2012  

 

Jean 10, 11-18 – Je suis le bon berger – 29 avril 2012 

 

Jean 15, 1-8 – Je suis la vigne – 6 mai 2012

 

Jean 15, 9-17 – Aimez-vous les uns les autres – 13 mai 2012

 

Marc 16, 15-20 – Il fut enlevé au ciel – 17 mai 2012

 

Jean 17, 11-19 – Ils sont dans le monde – 20 mai 2012

 

Jean 15, 26-27 et 16, 12-15 – Quand viendra le Paraclet  – 24 mai 2012  

 

Matthieu 28, 16-20 – Baptisez-les – 3 juin 2012  

 

Marc 14, 12-26 – Est-ce moi ? – 10 juin 2012  

 

Marc 4, 26-34 – Semblable à un grain de sénevé – 17 juin 2012   

 

Luc 1, 57-80 – Son nom est Jean – 24 juin 2012

 

Marc 5, 21-43 – Ne crains pas, crois seulement – 1er juillet 2012

 

Marc 6, 1-6 – Il ne put faire là aucun miracle – 8 juillet 2012

 

Marc 6, 7-13 – Il les envoya deux à deux – 15 juillet 2012 

 

Marc 6, 30-34 – Des brebis qui n’ont pas de berger – 22 juillet 2012 

 

Jean 1, 1-15 – La Parole était Dieu – 29 juillet 2012 

 

Jean 6, 24-35 – Je suis le pain de vie – 5 août 2012   

 

Jean 6, 41-51 – Je suis le pain de vie – 12 août 2012    

 

Jean 6, 51-58 – Sa chair à manger – 19 août 2012  

 

Jean 6, 60-69 – C’est l’esprit qui vivifie – 26 août 2012

 

Marc 7, 1-23 – Ce peuple m’honore des lèvres – 2 septembre 2012 

 

Marc 7, 31-37 – Ouvre-toi – 9 septembre 2012  

 

Marc 8, 27-35 – Qui dites-vous que je suis ? – 16 septembre 2012 

 

Marc 9, 30-37 – Qui est le plus grand ? – 23 septembre 2012 

 

Marc 9, 38-48 – Qui n’est pas contre nous est pour nous – 30 septembre 2012

 

Marc 10, 2-16 – Ils sont une seule chair – 7 octobre 2012

 

Luc 12, 16-21 – Je sais ce que je ferai – 7 octobre 2012  

 

Marc 10, 17-30 – Le chas d’une aiguille – 14 octobre 2012

 

Marc 10, 35-45 – L’un à ta droite et l’autre à ta gauche – 21 octobre 2012

 

Marc 10, 46-52 – Fils de David, aie pitié de moi !  – 28 octobre 2012  

 

Jean 6, 35-40 – Je suis le pain de vie – 28 octobre 2012  

 

Marc 12, 28-34 – Tu aimeras – 4 novembre 2012

 

Marc 12, 38-44 – Elle a mis de son nécessaire – 11 novembre 2012 

 

Marc 13, 24-32 – Mes paroles ne passeront pas – 18 novembre 2012 

 

Jean 18, 33-37 – Es-tu le roi des Juifs ? – 25 novembre 2012   

 

 

 

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Années « Luc »

 

(ici, 2009–2010)

 

 

 

Premier dimanche de l’Avent

Dimanche 29 novembre 2009

Évangile selon saint Luc, chapitre 21, versets 25 à 36.                                                                               

(Psaume : 25 – Jérémie 33, versets 14 à 16 –

Première épître de Paul aux Thessaloniciens 3, verset 12 à 4, verset 2)

 

Un sens à l’histoire     

 

Ce chapitre 21 de Luc est parallèle à l’apocalypse de Marc (chapitre 13,

voir au 15 novembre), mais il lui est sans doute postérieur d’une vingtaine

ou d’une trentaine d’années. Comme elle, il clôt l’enseignement final du

Christ, avant la Pâque et le récit de la Passion. Ce sont les mêmes thèmes,

mais le ton est différent, en particulier dans ces versets 25-36 où apparaît

précisément le fait historique du siège de Jérusalem par les légions romaines

en l’an 70 (verset 20). Ce fait, annoncé ou non par Jésus dans les années

trente, est utilisé ici, dans les années quatre-vingt, comme prodrome de ce

qui attend l’humanité entière (par exemple, verset 35). Le cadre dans lequel

se situent la révélation finale et le jugement attendus est désormais universel :

on les sort du cadre conceptuel purement juif de leur culture d’origine pour

s’intéresser désormais à l’ensemble des peuples méditerranéens (verset 25).

Ce faisant, s’introduit dans le monde gréco-latin l’idée, nouvelle pour lui,

d’un sens de l’histoire.

 

 

 

 

Deuxième dimanche de l’Avent

Dimanche 6 décembre 2009

Évangile selon saint Luc, chapitre 3, versets 1 à 6.                                                                                       

(Psaume : 126 – Ésaïe 60, versets 1 à 11 – Épître de Paul aux Philippiens 1, versets 4 à 11)

 

Avant le Grand Soir        

 

Après l’évangile de l’enfance selon Luc, voici le début du ministère de Jésus.

Il commence en fait par ce tournant dans la vocation du prophète Jean Baptiste.

C’est scrupuleusement daté (28 ap. JC) et situé dans l’histoire de la Palestine :

On est sous l’empereur Tibère, et localement sous le roi Hérode le Grand.

On insiste donc sur le caractère historique des faits, afin de faire savoir

qu’il ne s’agit pas d’une légende ou d’un mythe à la manière gréco-latine.

On ne sait rien du type de message habituel à Jean mais il est possible

que les versets 7 à 14 en donnent une idée : ce qui fait le vrai croyant,

c’est la justesse de sa conduite morale et sociale, or celle-ci est abandonnée

par des Israélites alors passibles d’une condamnation divine imminente.

Son baptême est un rite de repentance et de purification impliquant la

décision de changer. Il se peut que ce message ait parlé plutôt à des milieux

réprouvés par les autorités religieuses de Jérusalem (versets 12 et 14).

Le nouveau est dans cette annonce d’une libération universelle (verset 6,

reprenant Ésaïe 40,3-5), sorte de Grand Soir dont Jésus sera présenté

comme l’exécuteur (verset 17).

 

 

 

 

Troisième dimanche de l’Avent

Dimanche 13 décembre 2009

Évangile selon saint Luc, chapitre 3, versets 10 à 18.                                                                                    

(Psaume : Ésaïe 12 – Sophonie 3, versets 14 à 20 – Épître de Paul aux Philippiens 4, versets 4 à 7)

 

Un roi vient          

 

Il n’est pas facile de savoir si cette annonce que fait Jean (v. 18), cet éuaggélion

que l’on traduit habituellement par "évangile", est la même que celle de Jésus.

Le mot grec, désignant primitivement la proclamation faite par un héraut pour

annoncer la visitation d’une cité par son roi, promesse de paix mais aussi menace

de jugement et de charges à venir, pourrait simplement concerner ici ce que dit

Jean de la venue du messie, ce roi envoyé par Dieu.

Cette annonce est faite à des milieux réprouvés, considérés comme impurs.

Ces exhortations de Jean, même si elles sont assumées par l’évangéliste, sont en

décalage par rapport au message de Jésus, qui sonne, non comme un ensemble de

recommandations de modération et de compassion, mais comme l’ensemble des

signes du temps messianique dans lequel renaîtra une nouvelle énergie vitale

(voir chapitre 4,18-19) due à la puissance de Dieu.

 

 

 

 

Quatrième dimanche de l’Avent

Dimanche 20 décembre 2009

Évangile selon saint Luc, chapitre 1, versets 39 à 45.                                                                                     

(Psaume : 80 – Michée 5, versets 1 à 4 – Épître aux Hébreux 10, versets 5 à 10)

 

Une libération            

 

Ce petit qui saute, le fils de Zacharie (Zakhar-Yah = Dieu s’est souvenu), c’est

Jean (Yo-hanan = Dieu a fait grâce), le Baptiste. Sa mère, Élisabeth (Éli-chèvèt =

Mon dieu est un appui), parente judéenne de Marie (Mariam = élevée ?*) et fille  

de famille sacerdotale, était pourtant stérile. Avec Jésus (Yéchou’ = il sauvera),

tous ces noms ont un sens lié à l’histoire dont ils sont les protagonistes.

Le saut du petit dans le ventre montre qu’on est au début de ce développement

narratif allant vers le merveilleux qui donnera les évangiles apocryphes.

Le Magnificat, hymne inspiré des psaumes bibliques, est remarquable par son

thème central : l’établissement futur de la justice (en hébreu, le temps des

verbes, un parfait, indiquerait, non une action passée, mais un fait certain).

La naissance de Jésus est donc mise ici sous le signe d’une libération de la

postérité d’Abraham à l’égard des facteurs du malheur qui frappe les humbles.

On peut supposer que, dans l’esprit de l’évangéliste, cette postérité inclut les

disciples du Christ. Luc démontre ainsi sa veine socio-politique égalitaire et

anti-impériale.

 

* Plutôt que le sens le plus évident à la lecture : Mar-Yam = amère mer…?      

 

 

 

 

Noël

Vendredi 25 décembre 2009

Évangile selon saint Luc, chapitre 2, versets 1 à 20.                                                                                       

(Psaume : 98 – Ésaïe 9, versets 1 à 6 – Épître aux Hébreux 1, versets 1 à 6)

 

Une heureuse condition de vie            

 

Il descend du roi David, ce qui le qualifie comme messie potentiel, mais il naît

dans des conditions précaires : contradiction fondatrice qui colore le discours des

messagers (c’est le sens du mot ággélos ; "ange" évoque des images inexactes).

Cependant, la naissance misérable est une caractéristique d’un héros royal

bienfaiteur du peuple dans les récits antiques.

Les paroles du premier messager :

– un "sauveur", terme très rare pour désigner Jésus dans les évangiles ;

il évoque en premier lieu un secours militaro-politique d’origine divine ;

– le "messie" (ou "christ"), est le vicaire royal ou sacerdotal du dieu d’Israël,

il est l’élu oint pour établir et maintenir le règne du Seigneur-Dieu…

or "Seigneur", sans l’article est un nom propre qui désigne Dieu lui-même…

L’hymne du chœur des messagers :

il évoque la correspondance enfin établie entre les deux mondes, celui d’en bas

et celui d’en haut : avec cette naissance, la gloire de Dieu explose dans les cieux

quand la paix règne sur la terre, son amour pour les humains étant manifesté.

Noter que la "paix" est un terme plein, qui signifie une heureuse condition de vie.  

 

 

 

 

Dimanche 27 décembre 2009

Évangile selon saint Luc, chapitre 2, versets 40 à 52.                                                                                    

(Psaume : 84 – 1 Samuel 1, versets 20 à 28 – Première épître de Jean 3, versets 1 à 24)

 

La vraie naissance             

 

Notez bien cela, nous dit-on ici : si vous cherchez Jésus, vous ne le trouverez pas

parmi ceux qui s’éloignent du lieu saint, vous ne le trouverez qu’au troisième jour,

vous ne le trouverez qu’en relation avec ce qui est au Père céleste.

C’est à ses douze ans que vous le trouverez, jeune adulte avec la vie devant soi.

Au troisième jour, celui de son éveil hors du tombeau.

Dans ce qui est au Père céleste : ne s’occupant de rien d’autre,

ne se perdant pas dans la foule de ceux qui s’éloignent de ce qui est de Dieu.

Il n’est donc pas perdu, il suffit de le chercher là où il est nécessairement,

sous la grâce de Dieu : sous le règne de la bonté gratuite et de la justesse.

C’était notre page d’interprétation post-pascale, dans laquelle on tient à

souligner la vraie naissance du Christ, au dimanche de Pâques plus qu’au

solstice d’hiver, fête de la lumière, certes, mais aussi du dieu Mercure.

 

 

 

 

Épiphanie

Dimanche 3 janvier 2010

Évangile selon saint Matthieu, chapitre 2, versets 1 à 12.                                                                           

(Psaume : 72 – Ésaïe 60, versets 1 à 6 – Épître de Paul aux Éphésiens 3, versets 2 à 6)

 

L’ancien et le nouveau               

 

Ce sont les Prix Nobel de l’époque, plus le mystère de savoirs millénaires.

L’astrologie est appliquée ici à la succession de grandes périodes appelées éons.

J’ai déjà beaucoup parlé d’eux (voir sur dominicales 2009 par exemple).

Un astre nouveau introduit dans le monde un temps nouveau inauguré par

un être à part, dans lequel Matthieu voit le roi-messie de son peuple,

annoncé par les prophètes. Rien ne sera plus pareil, un nouveau monde apparaît.

 

Intéressant de voir le politique tenter d’instrumentaliser le savoir : domaine

où l’on n’a rien inventé depuis lors… fin de race, intrigue et courte vue.

 

Ces temps où l’ancien moribond côtoie le neuf encore vagissant sont

évidemment considérés comme pleins de menaces et de périls pour tous.

 

Les présents, des produits rares, connotent les richesses mythiques de l’Orient

mais ont aussi des valeurs symboliques : solidité et durée, pureté et sacralité,

perfection et beauté.   

 

 

 

 

Dimanche 10 janvier 2010

Évangile selon saint Luc, chapitre 3, versets 15 à 22.                                                                                    

(Psaume : 104 – Ésaïe 40, versets 1 à 11 – Épître de Paul à Tite 2, versets 11-14 & 3, versets 4 à 7)

 

La Parole ordalie

 

Il ne semble pas que Jésus ait baptisé des gens. L’immersion qu’il est censé

proposer, d’après les paroles que Luc met dans la bouche de Jean (dans le

souffle saint et le feu), n’est donc pas un rite, mais un mode d’être, de vivre,

que les disciples ont sans doute ritualisé ultérieurement, mais qui consiste à

vivre en fonction de la Passion, ce "baptême" dont il dit devoir être baptisé

(Luc 12,50). D’ailleurs, l’injonction « baptisez-les au nom du Père, du Fils et

de l’Esprit saint » (Matthieu 28,19) ne figure pas dans Luc. Vivre selon l’Esprit,

ce "souffle saint", c’est donc suivre le Christ dans l’esprit de sa Passion, habité

par un souffle qui vous meut et vous dynamise en ce sens. La signification de ce

feu dans lequel le croyant est plongé est plus ambiguë. On pense au flammes de

l’Enfer, de la Géhenne, à ce genre de chose, d’autant qu’au verset 17, il est dit

ceci : il va brûler la balle – en un feu qui ne s’éteint pas ! Mais c’est aller trop vite

et ce feu, mis en parallèle au souffle saint, a aussi un sens positif, en tout cas

chez les anciens prophètes comme Ésaïe ou Ézéchiel, chez lesquels il symbolise

la Parole de Dieu, prononcée ou écrite, ou encore la capacité de la répandre.

C’est là, sans doute qu’est l’ordalie : cette Parole te juge, selon la manière dont

tu la reçois, te faisant vivre pleinement ou non.

 

 

 

 

Dimanche 17 janvier 2010

Évangile selon saint Jean, chapitre 2, versets 1 à 12.                                                                                      

(Psaume : 96 – Ésaïe 62, versets 1 à 5 – Première épître de Paul aux Corinthiens 12, versets 4 à 11)

 

Les yeux rouges du messie 

 

Le Jésus de Jean ne fait pas des miracles mais quelques "signes" (sêméîon).

Prendre ce terme au sens propre : ce qui n’est pas la chose signifiée mais s’y réfère,

ce qui vous renvoie à la chose signifiée, et aussi ce qui l’assure, comme un sceau. 

Le baptême d’eau était une mort purificatrice (Jean 1,33 et 2,6), le troisième jour

(2,1) est jour de résurrection, noces de Dieu et des humains, banquet messianique :

le messie a les yeux rouges de vin (Genèse 49,11-12), puisque le vin réjouit le cœur de

l’humain (Psaume 104,15). Le programme est donc à l’ivresse, à la joie, à l’avenir

nuptial, que des bonnes choses ! C’est le but final signifié par avance (2,10), car

le bon d’une chose est dans sa fin (Ecclésiaste 7,8).

On se demande comment certaines Églises peuvent interdire le vin aujourd’hui ?

Elles restent dans le registre mortifère des signes baptismaux, alors que le vin

de Cana, comme le sang du Christ, comme le vin de la Cène, c'est l'annonce

vertigineuse d'une réalité qui est là alors même que nous ne la voyons pas,

qui nous environne alors même que nous nous croyons seuls : le Règne de Dieu

qui s’est approché de nous. 

 

 

 

 

Dimanche 24 janvier 2010

Évangile selon saint Luc, chapitre 4, versets 14 à 21.                                                                                      

(Psaume : 19 – Ésaïe 61, versets 1 à 6 – Première épître de Paul aux Corinthiens 12, versets 12 à 30)

 

La puissance de la parole 

 

Le choix par Luc de ce passage du livre d’Ésaïe n’est pas gratuit,

il replace le message de Jésus dans la veine des prophètes de son peuple.

Ceux-ci sont habités par une théo-logie (parole référée à Dieu) de la justice :

qui dit Seigneur-Dieu dit dénonciation de la situation faite aux opprimés

(pauvres parce qu’appauvris, captifs parce que vaincus, aveugles parce que trompés).

Tirer Jésus hors de ce contexte intellectuel, social, économique et politique

lié en son temps aux conditions faites par l’Empire romain revient

à détourner vers une suavité idéalisée, utile aux oppresseurs, le sens de son appel

au refus de la volonté de pouvoir et d’avoir, et donc le sens de sa mort...

Les restes de particularisme hébreu présents dans Ésaïe (Israël, peuple opprimé

mais promis à la liberté) sont relus de façon universaliste. À terme, l’Empire

ne s’en remettra jamais, malgré son art de la récupération (Constantin). 

 

 

 

 

Dimanche 31 janvier 2010

Évangile selon saint Luc, chapitre 4, versets 21 à 30.                                                                                      

(Psaume : 71 – Jérémie 1, versets 4 à 9 – Première épître de Paul aux Corinthiens 12, verset 31, à 13, verset 13)

 

Anticipation    

 

Les commentaires habituels sont sans doute influencés par les récits parallèles

de Matthieu 13 et Marc 6, aussi voient-ils ici un refus d’écouter Jésus de la part

des gens de Nazareth, ses compatriotes. Or le récit est clair : chez Luc, c’est

Jésus qui refuse de répondre à la demande qui lui est faite et qui oppose à celle-ci

la menace d’une préférence, de la part de Dieu, pour des étrangers non-juifs.

 

Luc n’était sans doute pas juif, il est vrai, en tout cas pas de Palestine, et il

détourne manifestement un récit bien connu pour faire de la première prise de

parole publique de Jésus, dans la synagogue de son village, non seulement une

parabole de son parcours personnel à venir, mais aussi de celui de son message,

ultérieurement, dans l’Empire romain.

 

Dans la ligne de son maître Paul, il montre un Jésus qui anticipe dès le début,

et le refus profond de sa messianité de la part des autorités, dans les synagogues,

et le déploiement de son message vers les païens. Ceci malgré l’intérêt que le

peuple galiléen lui aurait porté, tant à Cafernaoum qu’à Nazareth.

 

Tout peut être recommencé ailleurs, autrement, par d’autres, l’évangile n’est

à personne.

 

 

 

 

Dimanche 7 février 2010

Évangile selon saint Luc, chapitre 5, versets 1 à 11.                                                                                       

(Psaume : 138 – Ésaïe 6, versets 1 à 8 – Première épître de Paul aux Corinthiens 15, versets 1 à 11)

 

Un petit roman    

 

Avant d’en arriver à ce récit, je vais inventer un petit roman à partir du passage

de Luc 4, versets 38-39 :

Selon la coutume des gens de la classe moyenne basse, dans la grande maison

familiale (oĩkos) vivent ensemble les parents, les fils avec leurs épouses et leurs

enfants, les employés et les domestiques, le plus souvent membres de la parenté.

Si ce gendre nommé Simon vit là aussi avec l’une des filles de la maison et leurs

enfants, c’est peut-être qu’il a d’abord été un employé particulièrement apprécié,

autrement, il aurait emmené sa femme chez ses propres parents.

Cette maisonnée est celle de pêcheurs, comme d’autres se consacrent au tissage

ou aux métiers du bâtiment. Il est courrant qu’elles hébergent de saints hommes

qui ont quitté leur famille pour enseigner et prêcher. C’est ce qui se passe avec

Jésus, et c’est ce qui va se passer pour Simon. S’ils ont souvent laissé dans ce but

femme et enfants, cela ne gêne pas, car les enfants sont plus ceux de la maisonnée

que ceux de tel homme. Dans ce cas, l’épouse reste avec ses parents, parfois

soulagée de ne pas avoir à enfanter davantage et à supporter la tyrannie de sa

belle-mère. Aujourd’hui encore, nombre de femmes de pays orientaux préfèrent

pour cette raison l’état de nonne à celui d’épouse. L’importance accordée chez

nous à l’épanouissement sexuel, des femmes comme des hommes, n’est pas une

valeur de ces sociétés traditionnelles.

[C’est, je pense, à partir de ce genre de situation que Luc organise son histoire.

Jean (21,1-11), moins sociologue et plus ecclésiologue que lui, la sort de ce contexte.]  

Bref, quand Simon voit son saint homme prêcher depuis son bateau, cela est dans

la norme. C’est ensuite que tout dérape.

Ce qui se passe, avec cette pêche hors norme, c’est l’irruption du monstrueux :

la puissance d’une sainteté en acte (faire le bien en nourrissant les humains) est

lue par Simon comme un sacré terrible, cause de destruction de pauvres humains

aux outils dérisoires (le bateau manque de s’enfoncer) et surtout à l’impureté

congénitale. Si Dieu est là, c’est la mort de l’humain.

Un seul mot de Jésus retourne la situation : N’aie pas peur.

À partir de là, on pourrait penser que l’efficacité économique de la sainteté en acte

demanderait à être utilisée par ces artisans. Mais elle se convertit au contraire en

abandon : la richesse et la puissance, pourtant recherchées par toutes les maisons

du monde, leur semblent apparemment des leurres : au lieu de ramasser le poisson,

ils laissent tout aux autres, lac, bateaux et poisson en nombre…

Conséquences : une maisonnée va continuer à mener sa vie en faisant son boulot ;

trois saint hommes, entre autres, vont changer à terme la face du monde.     

 

 

 

 

Dimanche 14 février 2010

Évangile selon saint Luc, chapitre 6, versets 17 à 26.                                                                                     

(Psaume : 1 – Jérémie 17, versets 5 à 8 – Première épître de Paul aux Corinthiens 15, versets 12 à 20)

 

Un Ciel partisan      

 

Avec Luc, les béatitudes c’est simple : il s’agit de ces disciples qui suivent Jésus.

Ils sont les pauvres, les affamés, les affligés, etc., de ce temps-là (vers l’an 80).

On est dans une période de persécutions des chrétiens, en effet.

C’est le premier moment de ce discours, qui donne un portrait des vrais prophètes.

Ils ne peuvent être à la fois disciples du Christ et protégés par le pouvoir.

Mais ce discours se tient, non sur la montagne, comme dans Matthieu,

mais sur le plat, au milieu des foules accablées de tourments.

On voit alors que les prophètes persécutés sont nécessairement en phase

avec ces foules misérables qui peuplaient l’empire.

C’est en cela que Luc est le plus social des quatre évangiles.

Il pose une adéquation de fond entre la situation des mal lotis et la prédication

chrétienne. Pour cette dernière, tout autre lien social est pour lui le fait de

faux prophètes. Le Ciel de Luc est partisan.

 

 

 

 

Premier dimanche du Carême

Dimanche 21 février 2010

Évangile selon saint Luc, chapitre 4, versets 1 à 13.                                                                                        

(Psaume : 91 – Deutéronome 26, versets 4 à 10 – Épître de Paul aux Romains 10, versets 8 à 13)

 

Trois embûches        

 

Ce découpage annule un lien nécessaire : Luc lie la tentation de Jésus

à son baptême, à son élection (Tu es mon fils) et à la généalogie qui donne

le sens de celle-ci (chapitre 3, verset 38). Tout cela doit être mis à l’épreuve,

ce qui est le rôle, ici bénéfique, du diábolos, accusateur systématique présent

dans le libre de Job (hébreu, le satân). Le monde est remis à cette puissance-là,

l’Épreuve (verset 6), qui se manifeste ainsi, pratiquement, comme ennemie

de l’humain, quoique répondant au dessein ultime du Dieu tout-puissant :

du moins cette dialectique ancienne est-elle mise en œuvre ici par Luc.

Les trois épreuves fondamentales, liées aux errements habituels de l’humanité,

sont donc soumises à l’humain véritable (fils d’Adam fils de Dieu) : les épreuves

économique (le pain), politique (le pouvoir) et religieuse (les anges), la pire.

Il n’y a pas d’épreuve concernant les mœurs intimes qui, ressortissant de l’une

des trois premières épreuves ou des trois, ne sont sans doute pas fondamentales,

contrairement à ce que suppose l’usage ultérieur des Églises.

L’occasion finale concerne le moment où le Christ doit accepter sa passion.

Se dessine le chemin par lequel les humains peuvent sortir de leur malheur :

suivre l’unique humain véritable dans son parcours semé des trois embûches.

Jusqu’à la dernière, le don de soi-même. Mais bien sûr, lui seul y réussit.       

 

 

 

 

Deuxième dimanche du Carême

Dimanche 28 février 2010

Évangile selon saint Luc, chapitre 9, versets 28 à 36.                                                                                     

(Psaume : 27 – Genèse 15, versets 5 à 18 – Épître de Paul aux Philippiens : 3, verset 17, à 4, verset 1)

 

Des percées dans l’Histoire      

 

Ce récit est une des réponses possibles données par Luc à cette affirmation

ambiguë de Jésus, qui précède immédiatement : Je vous dis, en vérité, il y a

quelques-uns de ceux qui se trouvent ici, qui, non, n’éprouvent pas la mort

jusqu’à ce qu’ils voient le règne de Dieu (verset 27, traduction littérale).

Huit jour après, trois de ces présents, dans un contexte onirique (verset 32)

par définition hors du temps vécu, voient Jésus transfiguré et interlocuteur des 

plus puissants prophètes, les seuls qui n’ont pas de tombeau (Deutéronome

34,6 et 2 Rois 2,11) et par conséquent indifférents à la temporalité.

Ce Jésus en gloire préfigure le Fils de l’Humain lors de son retour final (21,27).

Il s’agit d’une vision d’anticipation, le Règne bousculant la continuité historique,

ou, si l’on préfère, il s’agit d’une trouée de ce temps, par laquelle le divin se laisse

entrevoir, théophanie (rencontre avec le divin : apparitions, nuée, voix céleste)

qui interprète la mort imminente de l’élu comme départ, sortie (éxodos, verset 31)

hors de l’histoire humaine, décidément trouée, sujette à visitations.

Cela ne doit justement pas conduire les disciples à cesser de suivre l’enseignement

de l’élu absent (écoutez-le !), définitivement consacré comme Fils de Dieu.          

 

 

 

 

Troisième dimanche du Carême

Dimanche 7 mars 2010

Évangile selon saint Luc, chapitre 13, versets 1 à 9.                                                                                        

(Psaume : 103 – Exode 3, versets 1 à 15 – Première épître de Paul aux Corinthiens 10, verset 1 à 12)

 

Une chance        

 

Qu’est-ce que j’ai fait au bon dieu ? Rien de plus que n’importe qui.

Les malheurs qui surviennent n’ont pas de signification particulière

quant à la qualité des uns ou des autres. Ils ne sont pas des punitions.

Ce qui importe au Jésus de Luc, c’est de retourner la question :

Qu’est-ce que tu n’as pas fait au bon dieu ?

Est-ce que tu as tourné toute ta vie vers la justesse ? Ou non ?

Si c’est non, ta vie est nulle, et ta mort n’aura pas plus de sens

que celle des victimes de malheurs dus à la malchance ou à la violence.

Sous-entendu : préférer la mort due aux conséquences d’un juste choix.

Ainsi fait Jésus.

Comme le figuier de la parabole, tant que tu es là, tu peux encore choisir

d’aller dans le sens de la vie, de l’agir juste : le vigneron te donne une chance…     

 

 

 

 

Quatrième dimanche du Carême

Dimanche 14 mars 2010

Évangile selon saint Luc, chapitre 15, versets 1 à 3 & 11 à 32.                                                                      

(Psaume : 79 – Josué 5, versets 10 à 12 – Deuxième épître de Paul aux Corinthiens 5, verset 17 à 21)

 

Changer de sens        

 

Certains termes employés indiquent qu’il s’agit en réalité d’exposer un point de vue

sur ceux qui transgressent la loi de Moïse, entre autres les lois de pureté rituelle

et la séparation d’avec les païens qui s’ensuit, mais aussi la collusion avec les Romains 

(transgresser un commandement, s’embaucher chez un étranger, s’occuper des porcs).

D’autres indiquent que la visée dernière est celle du banquet de la fin des temps,

postérieur au jugement dernier (faire bombance, la riche vêture, les chœurs).

Tout est dans le choix, ou non, de changer de sens, un terme qui signifie aussi bien

le ressenti, l’état d’esprit, le mode d’action, la direction à suivre : partir ou revenir.

Quelle que soit la situation sociale de l’être éloigné de Dieu, elle est considérée ici

comme une déréliction (débauche, faim, honte), l’essentiel étant ce changement de sens

(je m’éloigne/je reviens, je m’enrichis/je m’humilie, etc. : conversion).

Cela est vrai aussi pour le fils aîné, qui évoque évidemment les interlocuteurs de Jésus,

fidèles à la lettre mais éloignés de l’esprit qui anime le Père céleste.

Rien n’est dit sur le comportement ultérieur qui serait demandé aux deux fils :

l’essentiel est dans ce lien au Père et à son esprit, et ce qui est sous-entendu,

c’est que cela consistait en pratique à se lier à Jésus, d’où l’importance de ces banquets

qu’il partageait avec les exclus, figures du grand banquet final (voir Psaume 23,5).

À noter que ce thème (j’étais au plus bas/je me suis tourné vers le Seigneur/

maintenant je suis heureux), est récurrent dans la spiritualité dite évangélique.

 

 

Cinquième dimanche du Carême

Dimanche 21 mars 2010

Évangile selon saint Jean, chapitre 8, versets 1 à 11.                                                                                     

(Psaume : 126 – Ésaïe 43, versets 16 à 21 – Épître de Paul aux Philippiens 3, verset 8 à 14)

 

Où la lettre est poussière        

 

Un peu plus loin, Jésus dit Je ne juge personne (verset 15). C’est sans doute

la raison de l’insertion à cet endroit de cet épisode, qui jure avec l’ensemble

de l’évangile (certains manuscrits le placent d’ailleurs dans l’évangile selon Luc).

Mais dans la logique de Jean, la lumière (verset 12 : Je suis la lumière du monde)

est un principe objectif de jugement : ce n’est pas elle qui juge, mais les gens

eux-mêmes qui se découvrent tels qu’ils sont lorsqu’elle les éclaire.

Cet épisode en est une illustration.

À l’inverse, la Loi de Moïse apparaît comme l’outil de jugements instrumentalisés,

telle, que l’on ne peut que la transgresser au long d’une vie (ainsi les plus vieux…)

C’est le sens général, valable pour tout le monde, mais on voit bien qu’il existe là

une tendresse particulière à l’égard des femmes et de leur sexualité soumise :

les jugeurs sont situés comme des mâles, porteurs de l’autorité suprême

mais dont la fidélité (à leur femme comme à la Loi ?) est une imposture.

Les prophètes désignent souvent l’infidélité envers Dieu comme un adultère.

Ici, Jésus se pose comme supérieur à la lettre de la Loi,

sans doute est-ce pour cela qu’il écrit ici ce qui, par nature, s’envole et s’efface…

 

 

 

 

Dimanche des Rameaux

Dimanche 28 mars 2010

Évangile selon saint Luc, chapitre 19, versets 28 à 44.                                                                                    

(Psaume : 48 – Ésaïe 50, versets 4 à 7 – Épître de Paul aux Philippiens 2, verset 6 à 11)

 

Le règne aboli          

 

Une foule déjà prête à manifester, un  dispositif préparé à l’avance (l’âne),

des acolytes obéissant au mot de passe, le titre de seigneur, l’adjonction

des mots le roi à la citation du Psaume 118 (Béni soit celui…, v. 26) :

tout cela fait de ce récit, qui évoque l’intronisation du roi Salomon (1 Rois 1),  

la tentative de coup d’État d’un milieu plutôt clandestin qui sort de l’ombre.

Jésus s’y présente comme messie (verset 40), ce qu’il aux yeux de l’auteur.

Il se rendra d’ailleurs directement au temple pour y faire la loi (verset 45).

Cela s’arrête là : pas de mesures en vue d’une prise effective du pouvoir,

cette séquence est la mise en scène paradoxale du refus d’un règne politique. 

D’autant que la ruine de Jérusalem par les Romains en 70, annoncée ici a posteriori

(vers 90), montre la vanité d’une telle ambition : le roi des Juifs (INRI),

tout comme sa ville et son temple, est promis à la mort, c’est autrement qu’il règne.

Mais ce règne qui n’est plus ethnique ne l’empêche pas de pleurer

sur l’évanescence de tout ce qui fait qu’il est un humain, hébreu fils d’hébreu,

de la tribu de Juda, circoncis le huitième jour… (comme saint Paul l’aurait écrit,

cf Philippiens 3,5).

 

 

 

 

Vendredi saint

Vendredi 2 avril 2010

Évangile selon saint Jean, chapitre 19, versets 17 à 30

(Psaume : 121 – Esaïe 52, verset 13, à 53, verset 12 – Épître aux Hébreux 4, verset 14, à 5, verset 10)                                         

 

Le Fils est à bout            

 

Dans cet évangile, Jésus ne dit pas Mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné – début

du Psaume 22 – mais il y a deux évocations de ce Psaume, dont la structure est faite

de deux parties : les deux premiers tiers sont un appel à Dieu de la part d’un fidèle

persécuté, le troisième tiers commence par tu m’as répondu (mots bizarrement absents

de certaines traductions, fin du v. 22), et est un hymne de reconnaissance : évoquer

le début au moment de la crucifixion fait donc attendre la résurrection à venir.

 

Précisions : ce qui est dit hébreu ici est en fait de l’araméen ; ainsi gulgotâ (le crâne :

haggulgoleth en hébreu, ho kraníos en grec, calvaria en latin, qui a donné calvaire) ;

nazôr pourrait désigner un homme de Dieu plutôt qu’un habitant de Nazareth.

 

La loi romaine oblige Pilate à fournir un motif ; après que Jésus ait été condamné

pour motif religieux par les prêtres, il le condamne pour un motif politique global,

ce qui réunit l’ensemble des atteintes possibles aux institutions humaines ; 

mais sur le motif, il lui donne deux titres correspondants : homme de Dieu et roi.

 

La tradition fait du disciple bien-aimé l’auteur de cet évangile. Il est possible que les

Églises de la mer Égée pour lesquelles il a été écrit aient vénéré particulièrement la

mère de Jésus, alors que les Églises orientales de l’époque vénéraient plutôt Joseph.

 

Le récit montre un Jésus totalement conscient d’être arrivé au bout et à bout (deux

sens du verbe tétélétéstai (c’est achevé, c’est accompli, v. 30) de l’œuvre de son Père

céleste, ce qui est l’un des thèmes centraux de cet évangile, dans lequel le Fils a

pour mission d’opérer ce qui doit l’être pour permettre aux fidèles de le rejoindre

auprès du Père, devoir dont la croix (non la résurrection) est l’aboutissement.

 

 

 

 

Dimanche de Pâques

Dimanche 4 avril 2010

Évangile selon saint Luc, chapitre 24, versets 1 à 11                                                                                       

(Psaume : 118, verset 1 à 20 – Exode 15, versets 1 à 11 – première épître de Paul aux Corinthiens 15, versets 1 à 11)

 

Le manquant a de l’avenir            

 

Il faut admirer la pureté littéraire de ce récit : on oublie trop que les évangélistes,

non seulement ont inventé un genre littéraire, mais l’ont illustré magnifiquement.

On dit souvent que les évangiles sont chacun le résultat d’une œuvre collective,

non de tel ou tel de ces personnages auxquels on les a liés, Luc ici. C’est à la fois

vrai et faux : toute la matière vient de la tradition, orale puis écrite, mais l’œuvre

finale porte la marque d’un écrivain. Il n’y a jamais de vérité sans le style de cette

vérité, et ici, le style est de toute beauté : foin du puritanisme supposé évangélique !

 

Ceci dit, ce que raconte ce récit des années 80-90, à la suite des écrits connus de

nous des années 50, c’est que le tombeau était vide et que le cadavre manquait.

C’est plus tard qu’il situe les apparitions de celui qui s’est éveillé (êgérthê), ou levé,

voire dressé (anastênai) : noter ces verbes, qui n’évoquent pas l’image d’un retour

à la vie, comme le fait le mot résurrection, mais celle d’un mouvement dont on ne

connaît pas la suite mais qui laisse entendre qu’une histoire nouvelle est à venir.

 

La promesse de cette histoire est donc adressée en premier lieu à ces femmes,

qui sont les premières messagères (en grec, on les appellerait ággelai : anges, alors

que les deux êtres en qui nous verrions des anges sont appelés ándrés, hommes…),

ceci parce qu’elles se sont précisément souciée au départ de ce corps qui manque.

 

 

 

 

Dimanche 11 avril 2010

Évangile selon saint Jean, chapitre 20, versets 19 à 31                                                                                 

(Psaume : 118, versets 21 à 29 – Actes des Apôtres 5, versets 12 à 16 – Apocalypse 1, versets 9 à 19)

 

Le livre et le souffle 

 

Ce sont des paroles de la fin (même si s’y ajoute un dernier chapitre) :

elles abordent la question du pardon des péchés, celle de la nécessité de la foi,

et le contenu doctrinal minimal de celle-ci.

Jésus pardonnait les péchés : Tes péchés sont pardonnés, va en paix. Il détenait

cette autorité pourtant réservée à Dieu. Qui va le faire désormais ?

Réponse : ceux qui ont reçu le souffle de Dieu : l’Esprit.

Il n’y a pas de récit de Pentecôte chez Jean, le Souffle y survient

dès le premier jour de naissance de la foi au Christ Jésus,

et directement par lui.

Sa fonction est de pardonner (ou non) : de permettre d’entrer sous le règne de Dieu.

Tu ne peux vivre sous ce règne si tu vis encore avec les marques du règne opposé.

Thème proche de celui de la nouvelle naissance des convertis.

Cela suppose la foi : croire que le Christ crucifié est vivant,

ce qui ne peut survenir que par l’entremise du livre, d’où la nécessité de l’Esprit :

le souffle qui transforme l’écrit en paroles présentes,

mais aussi la vérité du livre, qui suscite (ou non) le souffle qui le fait parler :

on est dans ce cercle (il y a donc des cercles non vicieux…).

 

 

 

 

Dimanche 18 avril 2010

Évangile selon saint Jean, chapitre 21, versets 1 à 19                                                                                  

(Psaume : 30 – Actes des Apôtres 5, versets 27 à 41 – Apocalypse 5, versets 11 à 14)

 

De la pêche à l’élevage   

 

Deux scènes, en fait, pour une troisième (et donc dernière) apparition, destinée

à définir la fonction du disciple après le départ du maître, Pierre jouant le rôle

du disciple-type : comment l’on passe de la situation de pêcheur à celle de berger.

 

La pêche, image de la mission : ce n’est pas le disciple qui recrute, mais le maître,

lui seul a su où trouver les siens, ceci en grand nombre. 

Le pasteur : il n’y a pas d’autre pasteur du troupeau ainsi constitué que celui qui

suit le maître, c-à-d l’imite (et finira, comme lui, là où il préférerait ne pas aller).

Or on ne peut suivre Jésus sans l’aimer personnellement, et ceci trois fois :

penser au triple commandement d’amour de Moïse : Tu aimeras Seigneur ton

Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force (c-à-d avec intelligence,

sensibilité, mise en œuvre : bref, totalement).

 

Il y a une différence entre les verbes agapáô et filéô, employés ici (as-tu de

l’affection pour moi ? et m’aimes-tu ?) et que l’on traduit habituellement tous les

deux par aimer. Agapáô évoque plutôt la tendre amitié qui unissait les membres

d’une même confrérie, alors que filéô recouvre à peu près tous les sens du verbe

français aimer, d’aimer faire du vélo à aimer d’amour, en passant par avoir de

l’amitié. Pierre, suivi finalement par Jésus, passe de la connivence fraternelle

(agapáô) à l’amour intégral (filéô).

 

On pense généralement que ce dernier chapitre de l’évangile selon Jean est une

adjonction qui fait suite à une réflexion sur la vie d’une Église déjà largement

constituée et soumise au danger.

 

 

 

 

Dimanche 25 avril 2010

Évangile selon saint Jean, chapitre 10, versets 22 à 30                                                                                

(Psaume : 100 – Actes des Apôtres 13, versets 14 à 52 – Apocalypse 7, versets 9 à 17)

 

De Jérusalem à l’univers     

 

Ces adversaires judéens ne représentent pas tous les Israélites mais les autorités

qui font la loi en Judée, sous l’autorité romaine. Dans le langage de l’évangile, le

mot judéens désigne, soit ces autorités, soit l’ensemble de ceux qui prennent parti

pour elles dans le monde. Pas d’antisémitisme ici : les auteurs sont juifs, mais

s’opposent aux représentants de l’ensemble des Juifs. Ce qui est reproché aux

Judéens, c’est de ne pas avoir reconnu la messianité du christ galiléen, alors que

Dieu s’est détourné de Jérusalem et de son temple. Ce temple n’a pas protégé le

peuple de la fureur romaine, trente ans environ avant la rédaction de ce livre.

Celui-ci pose que le messie protégera les croyants dans la durée des éons à venir.

On passe d’une foi liée à un espace terrestre et ethnique (temple, ville sainte,

terre sainte), à une foi déterritorialisée, liée de façon personnelle à un être

joignable en tout lieu et en tout temps, condition d’une foi universelle.

 

 

 

 

Dimanche 2 mai 2010

Évangile selon saint Jean, chapitre 13, versets 31 à 35                                                                               

(Psaume : 145 – Actes des Apôtres 14, versets 21 à 27 – Apocalypse 21, versets 1 à 5)

 

Le drame       

 

Il est glorifié : le verbe doxazô peut être traduit aussi par célébrer ; il évoque,

dans cet évangile, l’accomplissement total du drame (mort et résurrection)

qui apporte aux humains le salut, c’est-à-dire la vie en Dieu. 

C’est pourquoi ce thème intervient juste à la suite de la décision de Judas de trahir :

c’est le début du récit tragique dont la fin est la victoire décisive sur la mort.

Jésus va vers cette gloire et personne d’autre ne peut aller jusque là.

L’idée, c’est qu’il est l’humain tel qu’en lui-même ("fils de l’humain"),

si bien que ce qui lui arrive est vrai de l’humanité, du moins de la partie

de celle-ci qui s’assume comme enfant de Dieu, puisqu’amie du Christ.

D’où le commandement qui correspond à cela : l’agápê (amour ou amitié).

Le terme ne désigne pas premièrement un sentiment,

mais un comportement mutuel positif, qui fait du bien aux autres.

 

 

 

 

Dimanche 9 mai 2010

Évangile selon saint Jean, chapitre 14, versets 23 à 29                                                                              

(Psaume : 67 – Actes des Apôtres 15, versets 1 à 29 – Apocalypse 21, versets 10 à 23)

 

Construire la Parole 

 

Ce n’est pas parce que le Christ est ou semble absent qu’il l’est : 

son absence est sa façon de venir à nous, comme une question fondamentale

toujours posée, celle de la fabrication de sa parole ici et aujourd’hui :

non sa mise en pratique, comme si elle était intangible et ne demandait

qu’à passer dans des actes déjà déterminés, mais la construction d’un réel

qui lui soit accordé. 

Le défenseur, ce souffle (pneúma) conseilleur (paraklètos) est celui qui, à la fois,

pousse à agir et inspire le juste mode d’action. On fera de lui le saint Esprit,

ce qui posera d’innombrables questions portant sur sa relation au Père et au Fils...

Aimer Jésus, c’est discerner et faire ce qui est cohérent avec lui,

comme avec le Père, et avec sa parole, qui est lui aujourd’hui.

Une telle existence est la vie éternelle ici et maintenant.

 

 

 

 

Dimanche 16 mai 2010

Évangile selon saint Jean, chapitre 17, versets 20 à 26                                                                               

(Psaume : 97 – Actes des Apôtres 7, versets 55 à 60 – Apocalypse 22, versets 12 à 20)

 

L’union

 

C’est la fin de la prière qui termine elle-même les discours d’adieux de Jésus

à ses disciples réunis pour le repas de la Pâque juive, juste avant la Passion.

Jésus prie son Père céleste au sujet de ses disciples et de ceux qui croient en lui.

Le thème central de ces dernières paroles est son union avec le Père.

C’est une sorte d’aspiration qui fait résider les croyants dans le Christ

comme lui-même réside dans le Père, et inversement : de même que le monde

est en nous alors que nous sommes dans le monde, de même, pour peu que nous

croyions en lui, le Christ est en nous et nous sommes dans le Christ.

Telle est du moins la logique de Jean. C’est ce lien qui est amour (agápè),

et qui a fait le monde alors même que le monde le rejette. La mission du Christ

consiste à aspirer ceux qui s’unissent à lui vers le Père,

dès ce monde où commence leur vie pleine et entière.   

 

 

 

 

Pentecôte

Dimanche 23 mai 2010

Évangile selon saint Jean, chapitre 14, versets 15 à 26                                                                                 

(Psaume : 104 – Actes des Apôtres 2, versets 1 à 13 – Épître de Paul aux Romains 8, versets 8 à 17)

 

L’allié                                                                    

 

"Un autre allié" ; C’est celui qu’en termes savants on appelle le Paraclet

(grec paráklètos , latin advocatus : avocat, défenseur, intercesseur, consolateur) :

Jésus est donc lui-même un paraclet, un ami agissant, au sens de l’agapè

("pratique de l’amour-amitié" ; v. 15, "aimer", agapáô).

Cet esprit (pnéũma = souffle) n’est pas encore la troisième Personne de la Trinité,

représentation plus tardive, il est la présence impalpable – éprouvée et reconnue

des seuls amis de Jésus – d’une force d’âme qui donne assurance face à un monde hostile.

Il est à la fois "auprès de vous" et "en vous", non plus "devant vous" en chair et en os.

Il semble ne devoir se manifester qu’entre la mort du Christ et sa résurrection (v. 19).

La présence d’un paraclet est ce qui permet l’observation des commandements,

non à la façon d’un subordonné discipliné, mais comme pratique des œuvres

d’un Père bien-aimé : "aimer", ici, n’est pas sentimental mais pratique :

celui qui aime Jésus prendra soin des œuvres de son Père.   

 

 

 

 

Dimanche 30 mai 2010

Évangile selon saint Jean, chapitre 16, versets 12 à 15                                                                               

(Psaume : 8 – Proverbes 8, versets 22 à 31 – Épître de Paul aux Romains 5, versets 1 à 5)

 

Le souffle de la vérité                                                                 

 

Ce souffle de la vérité, Esprit saint ou Paraclet, est la puissance d’évidence

qui accrédite et explicite chez les croyants ce qui ne peut être reçu et cru par eux

de leur propre chef, alors même qu’ils en auraient l’expérience vécue, comme ce

sera le cas des disciples lors de la mort et de la résurrection du Christ.

La vérité n’apparaît pas toute entière de manière immédiate, c’est ce que souligne

l’évangéliste en écrivant il vous guidera vers toute la vérité, et non dans toute la vérité :

pour lui, c’est un cheminement.

La vérité n’est pas non plus le résultat d’acquisitions propres permettant d’accéder

à une révélation nouvelle : le souffle de la vérité donne à comprendre et recevoir

ce qui est déjà acquis, ou ce qui, devant survenir, est dans la droite ligne de la pensée

qui a présidé à tout ce qui est déjà arrivé, la pensée-volonté du Père.

L’expression il me glorifiera : ce verbe évoque dans la pensée sémitique l’image

du poids : les paroles du Fils explicitées par le souffle de la vérité doivent être reçues

comme ayant le poids de la pensée-volonté du Père : cet évangile utilise toujours

le mode relationnel sémitique qui incluait les fils dans la vie des pères.

 

 

 

 

Dimanche 6 juin 2010

Évangile selon saint Luc, chapitre 9, versets 11 à 17                                                                                       

(Psaume : 110 – Genèse 14, versets 18 à 20 – Première épître de Paul aux Corinthiens 11, versets 23 à 26)

 

Le choix des foules                                                                      

 

Toujours et partout ces foules, en Galilée ; il s’agit d’un milieu, celui de ruraux

souvent déracinés et humiliés, perclus de maladies physiques et psychiques,

abandonnés à leur sort par les puissants et soumis à l’inquisition des religieux.

La suite des actions de Jésus obéit à une hiérarchie pleine de sens : il nourrit

ceux qu’il a guéris, il guérit ceux auxquels il a parlé, il parle à ceux qu’il a accueillis.

L’accueil est sans filtrage, aucune condition n’est posée, il n’y a pas d’indignes,

la parole s’adresse à qui est là par choix ; ce point est central car il renverse

les normes établies (pureté rituelle, observance religieuse, conformité morale,

fidélité politique, voire identité nationale), ce qui suppose un public pris par l’urgence

et qui n’a plus les moyens ni l’envie de se soucier de la conformité de ses voisins.

Guérisons et nourriture sont gratuites et ne sont que les conséquences de la parole,

d’où la nudité du récit de miracle : arrive juste ce que suppose le règne de Dieu.

Dialectique : c’est la démarche de ces foules qui fait venir en elles le règne de Dieu

mais c’est aussi parce que quelqu’un leur a parlé en vérité que leur démarche aboutit.

 

 

 

 

Dimanche 13 juin 2010

Évangile selon saint Luc, chapitre 7, versets 36 à chapitre 8, verset 3                                                        

(Psaume : 32 – II Samuel 12, versets 1 à 16 – Épître de Paul aux Galates 2, versets 16 à 21)

 

Qualifiée                                                                           

 

C’est ici le retournement complet annoncé par l’évangile, ce que l’on nomme

trop rapidement aujourd’hui conversion. Noter que le texte grec ne dit pas

"pardonner les péchés", mais plutôt "laisser de côté les erreurs passées",

c’est un sens plus précis, qui suppose l’assurance d’un avenir libéré, non

seulement de la culpabilité, mais aussi d’entraves posées par le passé et les

déterminations environnantes qui s’y rattachent : « Va en paix », ce dernier

terme (chalom, salaam) ayant un sens plein, dans les langues sémitiques :

l’ensemble des conditions d’une existence heureuse réunies. Plus important :

ce ne sont pas tes actes valeureux, ni amoureux, qui te qualifient, c’est

l’inverse : parce que tu as été qualifiée, tes actes sont des actes d’amour.

Et tous sont qualifiés : qu’ils se basent là-dessus, ils vivront en êtres humains :

« Ta foi t’a sauvée ». C’est l’inverse du salut par les bonnes œuvres.

Ils vivront dans l’élégance et la générosité d’une vie humaine véritable.

 

 

 

 

Dimanche 20 juin 2010

Évangile selon saint Luc, chapitre 9, versets 18 à 24                                                                                      

(Psaume : 63 – Zacharie 12, versets 10 & 11 ; et 13, verset 1 – Épître de Paul aux Galates 3, versets 26 à 29)

 

Une présence clandestine                                                                       

 

Cela intervient entre la multiplication des pains et la transfiguration,

donc dans un temps du récit où domine le thème de l’authentification

du messie, par sa puissance thaumaturgique et sa qualification céleste.

La découverte de Pierre (Roc) est donc bien venue ; cependant, les foules,

ces assemblées caractéristiques de la déshérence de la population galiléenne, 

elle-même figure narrative de la conception qu’a Luc des pauvres de l’Empire,

en restent au thème du précurseur, ce prophète attendu, supposé venir

ou revenir pour préparer la venue du messie. Attentes liée à une sensation

de fin du monde et, en conséquence, à une espérance en un monde nouveau, 

synonyme, à l’époque, d’un empire porté par une garantie divine supérieure.

Ce que Luc transmet aux croyants de son temps, c’est que le messie est

déjà présent, mais de façon clandestine, et que le monde nouveau inauguré

est celui, non de la puissance impériale, mais du primat du don de soi.

 

 

 

 

Dimanche 27 juin 2010

Évangile selon saint Luc, chapitre 9, versets 51 à 62                                                                                    

(Psaume : 16 – I Rois 19, versets 16 & 21 ; et 13, verset 1 – Épître de Paul aux Galates 5, versets 1 à 18)

 

Le moment passe                                                                         

 

Il y a des temps pour les événements : ni avant, ni après. Art de vivre et de mourir.

Il y a donc des temps où se dresse une urgence. Il n’est plus temps de rien d’autre.

C’est ainsi que le récit d’évangile présente souvent cette urgence à ses protagonistes

et par suite à certains de ses lecteurs.

Ceux-ci ont alors à se décider car ce moment passe vite, même s’il peut revenir.

Annoncer le règne de Dieu, vivre sous le règne de Dieu. Ici et aujourd’hui. 

D’autres temps existent aussi, ceux des jours ordinaires de la famille et du travail,

temps acceptés ou subis : qui les vit paisiblement n’attire en rien le feu du ciel.

Le Jésus de Luc est le sujet qui vit le temps de la décision, celui dont chaque instant

est pour le lecteur un kairos, un temps marqué, aussi n’a-t-il pas de demeure.

En aurait-il une qu’il en serait chassé, en veut-il une qu’elle lui est refusée.

Il est celui qui marche, et le règne de Dieu marche avec lui, moment parfait.

 

 

 

 

Dimanche 4 juillet 2010

Évangile selon saint Luc, chapitre 10, versets 1 à 20                                                                                    

(Psaume : 66 – Ésaïe 66, versets 10 à 14 – Épître de Paul aux Galates 6, versets 14 à 18)

 

Visé : un retournement                                                                           

 

Toujours cette urgence : le règne de Dieu est tout proche, on n’attend pas

mais il y faut du monde, les douze apôtres n’y suffiront pas (Luc évoque déjà

là la mission des Églises de son temps, implantées dans les nations païennes :

soixante-dix est le nombre des nations païennes selon Genèse 10). Urgence :

pas d’impedimenta qui ralentiraient, pas de discussions oiseuses sur la route,

pas de temps à perdre chez les sceptiques. Les signes du règne sont là :

la paix de la salutation usuelle devient une réalité lorsque l’écoute est positive

(le sens du mot sémitique, chalom, est global : ce qui permet le bonheur),

les guérisons sont les premiers signes de la gouvernance divine :

le roi-messie est là, annoncent les hérauts, il faut changer de vie. Gloire divine

– dérisoire, vu la marginalité objective des campagnes galiléennes d’alors –

à lire en fonction de la suite, d’abord paradoxale (mort d’un repris de justice)

puis avérée : victoire finale sur Satan, figure de tout ce qui évoque misère,

malheur, mal, mort. En ce moment prémonitoire, il va s’abattre et disparaître,

certes causant aussi le deuil comme le fait l’éclair.

C’est une sorte de théâtre cosmique, dont l’enjeu est la mort ou la vie,

ici et maintenant, comme dans nos anciens mistères, et qui suscite, ou non,

le retournement des lecteurs-auditeurs vers Dieu et sa justesse.

 

 

 

 

Dimanche 11 juillet 2010

Évangile selon saint Luc, chapitre 10, versets 25 à 37 

(Psaume : 19, versets 8 à 12 – Deutéronome 30, versets 10 à 14 – Épître de Paul aux Colossiens 1, versets 15 à 20)

 

Faire                                                                                 

 

Dans l’optique de Luc, au lieu de Samaritain, écrivez Galiléen, un non-proche,

face aux maîtres judéens qui tiennent en main le rite et la doctrine,

et vous avez le portrait parabolique en acte de Jésus lui-même.

Tu aimeras ton proche. Ton « proche » est donc celui que tu aimes,

et réciproquement : celui qui t’aimes (ainsi le Samaritain).

Proches sont aussi bien l’aimant et l’aimé, donc hors de toute dépendance.

Et c’est l’amour qui fait les proches, non plus le voisinage ou le cousinage.

Ne pas oublier, affleurant chez Luc, la connotation socio-politique de cela.

Tout est alors dans la définition de cet amour. Selon le sens biblique,

ce terme parle d’un comportement, non d’un sentiment intérieur.

Le Samaritain est remué au ventre, il est ému, au sens étymologique de ce mot :

poussé hors de lui – poussé hors de son « identité », lointaine et antipathique.

L’amour du Samaritain est physique, actif, avisé, prompt. Tel est le programme.

Ce n’est pas le rite (le prêtre) ni la piété (le lévite) qui le permettent :

c’est le désir de faire du bien… à Dieu. C’est le premier commandement,

dont la totale observance (cœur, âme, force, pensée) entraîne tout le reste.

 

 

 

 

Dimanche 18 juillet 2010

Évangile selon saint Luc, chapitre 10, versets 38 à 42                                                                                  

(Psaume : 15 – Genèse 18, versets 1 à 10 – Épître de Paul aux Colossiens 1, versets 24 à 28)

 

Premières                                                                                     

 

Jésus est ici l’homme qui marche (Christian Bobin), ce prophète errant que de

pieuses personnes accueillent avec ses disciples lors de certaines étapes galiléennes.

Il est surtout celui qui porte une Parole vitale pour ceux qui acceptent de l’écouter.

L’œuvre de Luc (Évangile et Actes des Apôtres) n’oublie jamais l’accueil que

des femmes aisées ont réservé à la première prédication chrétienne et à ses

propagateurs. Les premières sont ces deux sœurs aux rôles opposés déjà stéréotypés

par la tradition (on les retrouve ainsi dans l’évangile selon Jean, mais judéennes).

Ces dames furent sans doute ses meilleures disciples, ce que dit ici l’expression

traditionnelle juive désignant le disciple d’un rabbi : assise aux pieds du maître.

Tout le texte joue habilement sur deux registres, celui du repas et celui de la parole.

Il est besoin d’une seule chose : d’un seul plat ou de simplement écouter ?

Elle a choisi la meilleure part : le meilleur morceau ou la meilleure attitude ?

Doubles sens par lesquels pourrait-on percevoir une évocation de l’eucharistie ?

 

 

 

 

Dimanche 25 juillet 2010

Évangile selon saint Luc, chapitre 11, versets 1 à 13                                                                                  

(Psaume : 138 – Genèse 18, versets 20 à 32 – Épître de Paul aux Colossiens 2, versets 12 à 14)

 

Un Notre Père de poche                                                                          

 

Il y a donc deux Notre Père comme il y a quatre évangiles ou deux récits de la

Création : invitations à la créativité du croyant. Ce Notre Père de Luc va droit

à l’essentiel : Dieu et son règne à venir, le minimum vital qu’est le pain pour

maintenant (mais la mention de ce pain peut évoquer en même temps la Parole

qui annonce ce règne), la liberté reçue et donnée à l’égard du poids du passé (ce

qu’on psychologise aujourd’hui en parlant de pardon), une sécurité minimale.

Chez Matthieu, le thème privilégié est le pardon-libération. Chez Luc, on souligne

le don de Dieu à qui demande, avec ces deux petites paraboles. Il faut cependant

souligner – bémol – que l’on obtient réponse en demandant le souffle de ce règne

de Dieu, qui chez Luc est un règne de justice et de justesse. Il ne s’agit donc pas

d’obtenir des gratifications à la demande, mais de recevoir de l’aide pour participer

à l’avancement de ce règne : pour Luc, cela colore tout son Notre Père de poche :

outil pour le travail du croyant, arme pour son combat.  

 

 

 

 

Dimanche 1er août 2010

Évangile selon saint Luc, chapitre 12, versets 13 à 21                                                                                  

(Psaume : 90 – Ecclésiaste 1, verset 2, et 2, versets 21 à 23 – Épître de Paul aux Colossiens 3, versets 1 à 11)

 

Mourir seul                                                                                  

 

Voilà un thème très « évangile selon Luc » : le mépris de l’argent, de l’avoir,

ou plutôt de la passion de l’avoir. C’est pourquoi il est conseillé, très concrètement,

que les partages d’argent ou de biens se fassent en évitant le poids de cette passion

destructrice. Autrement, et plus généralement, l’humain qui se fie à cette passion

meurt dans la solitude, il s’est privé de la relation aux autres : l’imbécile

de la parabole, en conséquence, est seul, ne parle qu’à lui, ne parle que de lui.

Socialement il est déjà mort. D’ailleurs, dans la logique de l’évangile, il est mort

également pour Dieu, ce qui revient au même, tant l’intérêt pour Dieu

et l’intérêt pour l’autre sont considérés ici comme identiques et coextensifs.

C’est pourquoi ce n’est pas Dieu qui lui redemande sa vie, mais un on

(littéralement, en grec, un ils) dont on ne sait rien : tout ce monde, tant humain

que divin, dont il s’est gardé et pour lequel il n’a rien gardé. Plus tu es riche

en ce sens, plus tu es seul. Et plus tu es mort. 

 

 

 

 

Dimanche 8 août 2010

Évangile selon saint Luc, chapitre 12, versets 32 à 48                                                                                 

(Psaume : 33 – Ézéchiel 33, versets 10 à 16 – Épître aux Hébreux 11, versets 1 à 19)

 

Partenaires                                                                                   

 

Il est important de bien voir que le langage de Jésus est parabolique, comme le

souligne Pierre : le thème des punitions ou de la récompense est de cet ordre,

adapté au type des personnages de  la parabole (un maître absent et son retour,

un serviteur, etc.), il serait donc déplacé de considérer le règne libérateur de Dieu

comme obéissant à ce type de rapports, alors que, pour rester dans le registre

parabolique, il vise à les remplacer par ceux qui relient les convives partenaires

d’une noce.

 

Ceci dit, on trouve là plusieurs thèmes chers à l’évangile, regroupés en deux volets :

– L’urgence de la décision, sachant que l’irruption du règne de Dieu peut survenir

à tout moment, et la nécessité de s’affranchir de la passion de l’avoir, qui aliène,

alors que l’offre du règne de Dieu permet dès aujourd’hui une libération de l’être.

– Le fait qu’il n’y a pas de situation assise dans le monde du règne de Dieu,

comme le montre la réponse de Jésus à la question de Pierre : le règne s’adresse,

non aux disciples répertoriés, mais à celui, quel qu’il soit, qui fait le boulot ;

ce qui veut dire aussi qu’il y a menace constante sur la qualité de vrai disciple…

sachant néanmoins que, dans la parabole, le serviteur inconséquent reste accepté

par son maître.

 

 

 

 

Dimanche 15 août 2010

Évangile selon saint Luc, chapitre 1er, versets 39 à 56                                                                                    

(Psaume : 45 – Apocalypse 11, verset 19 & 12, versets 1 à 10 – Première épître de Paul aux Corinthiens 15, versets 20 à 27)

 

Puissance                                                                          

 

Deux générations, celle de la longue attente qui va finir, et celle de l’irruption

de la nouvelle ère. Donc aussi l’enfant de la promesse et celui de la réalisation.

Les verbes du poème de Marie (le Magnificat) sont à comprendre, non comme

des passés (il a dispersé ou jeté les puissants, élevé les humbles, etc.), mais,

selon une logique grammaticale plus sémitique que grecque, comme des accomplis,

c’est-à-dire comme des faits certains, même si leurs effets ne sont pas encore

perceptibles, comme lorsque le sort d’une bataille laisse deviner quel sera à

terme le vainqueur de la guerre.

Le cantique de Marie est évidemment un psaume juif, faisant d’Israël le paradigme

de tous les humbles, mais il est repris par Luc (le non-juif ?) selon sa propre

logique, qui fait de l’enfant à naître, lui dont l’existence sera à l’opposé de la

puissance des nantis et des orgueilleux, le maître de la puissance véritable.

 

 

 

 

Dimanche 22 août 2010

Évangile selon saint Luc, chapitre 13, versets 22 à 30                                                                                  

(Psaume : 117 – Ésaïe 66, versets 18 à 21 – Épître aux Hébreux 12, versets 5 à 13)

 

Passeras-tu ?                                                                               

 

On est en août, je m’inspire ici de ce que j’écrivais dans mes remarques de 2007 :

 

On cherche à se sauver de quoi, dans ce récit ? Plutôt qu’entrer dans la vie

éternelle telle que nous imaginons l’éternité, peut-être s’agit-il de survivre

à la catastrophe qui devait clore ce temps-là et se trouver habilité à passer

dans le nouvel éon. L’image de la porte parle mieux s’il s’agit de ce passage.

Toujours se souvenir que nous ne vivons pas dans la même culture.

Il n’y avait pas une Histoire, mais une succession d’éons, ces longues durées.

Et qui finissaient mal, chacun, un autre monde devant redémarrer en gloire.

Cette pensée apocalyptique voyait l’énergie initiale se décomposer lentement.

Mais ici, "le monde qui vient" est sans doute le règne final.

C’est alors une ordalie, tu ne passes pas si tu appartiens aux facteurs de

destruction. Or en ce monde, c’est le cas des "premiers", dit Luc...

 

 

 

 

Dimanche 29 août 2010

Évangile selon saint Luc, chapitre 14, versets 1 à 14                                                                      

(Psaume : 68 – Proverbes 4, versets 1 à 9 – Épître aux Hébreux 12, versets 18 à 24)

 

Riches et pauvres                                                                        

 

En fait, deux thèmes distincts (versets 1 à 6 et 7 à 14) dont le point commun,

très évangile selon Luc, est la relation du puissant au faible.

– D’abord l’appel à la conformité entre le faire et le dire, surtout quand ce dernier

est imposé au démuni par le nanti (il s’agit sans doute ici de grands commerçants).

– Ensuite, des préséances dans une société très sélective (keklêménoi, exelégonto).

La logique générale (verset 11) pointe vers la logique du Règne futur.

Mais la parabole est au présent, ce qui colore ce futur d’une valeur actuelle.

De même pour ces soupers, banquets réels retournés, évoquant le Psaume 23 :

tous ces humiliés invités, et la table dressée face à leurs adversaires.

C’est le riche, pas forcément pharisien, qui est visé.

C’est aussi la logique des Béatitudes, qui privilégie ce qui est reçu dans le Règne.

Ce qu’on te rendrait dans la logique des échanges sociaux devient nul.

Un désir est suggéré : vivre sous le Règne dès aujourd’hui.

 

 

 

 

Dimanche 5 septembre

Evangile selon Luc, chapitre 14, versets 25 à 33.                                                               

(Psaume 90 – Proverbes 8, versets 32 à 36 ; Epître à Philémon, versets 8 à 17)

 

Posséder ?         

 

Je reprends ce que j’écrivais à ce sujet en 2007 :

 

Première impression : il préférerait y aller seul…

Deuxième temps, voir la finale : « … qu’il renonce à tout ce qu’il possède ».

Père, mère, femme, enfants, frères et sœurs vus comme des possessions…

Haïr ta possession de ceux-là.

Socialement, c’est un saut dans le vide.

Une liberté de la relation, où chacun est ce qu’il est face à l’autre.

Où les liens nés des histoires vécues ensemble (la chair) n’emprisonnent pas.

Où, cas limite, tu peux donc partir, tout laisser.

Bémol : en ce temps-là, la grande famille colmatait les brèches dues à ces départs…

Reste un prix à payer ou faire payer, une déchirure à subir ou faire subir.

Tu n’es pas obligé de sortir de la foule, on peut ne pas L’aimer à ce point.

Mais faire semblant, non.

 

 

 

 

Dimanche 12 septembre

Évangile selon Luc, chapitre 15, versets 1 à 32.                                                                            

(Psaume 51 – Exode 32, versets 7 à 14 ; Première épître de Paul à Timothée 1, versets 12 à 17)

 

Quand la mort est avant 

 

« Il était mort et il revit », verset 24 ; « il était mort et il vit », verset 32.

C’est le résultat de la metánoïa : « changement de sens » plutôt que « conversion ».

"Sens: à la fois direction, perception et signification (orientation et compréhension).

Il faut "débondieuser, désensoutaner" la traduction…

Donc aussi : non pas « pécheur », mais « qui rate le but, qui se perd » (amartôlós).

Deux petites paraboles presque semblables :

Brebis perdue, brebis foutue – et perte pour le berger.

Drachme perdue, la perte est seulement pour la dame, c’est moins grave.

Et pour le Père : perte des deux côtés – ou bien joie, bonheur. 

Tu es mort, et revivre, vivre, suppose un changement de sens.

La mort n’est pas après, elle est avant.

Tu es perdu, et te trouver suppose que tu aies changé de sens.

Pas de morale : juste la loi du bonheur.

Et si tu crois vivre avec le Père, mais sans bonheur : perdu !

 

 

 

 

Dimanche 19 septembre

Évangile selon Luc, chapitre 16, versets 1 à 13.                                                                            

(Psaume 113 – Amos 8, versets 4 à 7 ; Première épître de Paul à Timothée 2, versets 1 à 8)

 

Pas juste !

 

Je crois que les versets 1 à 8 forment une parabole sur Jésus lui-même.

Jésus dilapidateur des biens du Père.

Le père de la parabole précédente pardonne au fils dilapidateur.

L’aîné est engagé à pardonner en vue d’une dilapidation festive.

Maintenant, le serviteur est à l’image de Jésus, gérant des biens du Père.

Qui pratique le pardon, cette dilapidation.

Il ne s’agit pas de malhonnêteté, mais d’injustice (adikía) : le pardon n’est pas juste.

On apprend que Dieu aime qui lui ôte le devoir de punir, d’exiger réparation.

Logique évangélique, qu’on retrouve au verset 13 ou il est question de choisir :

Pardonner ou condamner, dilapider ou thésauriser, être "injuste" ou être "juste"…

Prônant cette injustice, les versets 9 à 12 inversent la morale de Mamôn.

Vive le Mamôn tês adikías, le Mamon de "l’injustice" ! 

 

 

 

 

Dimanche 26 septembre

Évangile selon Luc, chapitre 16, versets 19 à 31.                                                                          

(Psaume 146 – Amos 6, versets 1 à 7 ; Première épître de Paul à Timothée 6, versets 11 à 16)

 

La justice maintenant

 

Admirer d’abord l’usage très libre du folklore juif de l’époque :

Abraham : tous les juifs, ses descendants, étaient déjà présents dans sa semence…

Le feu de la géhenne.

Le grand abîme entre les morts, séparant les vrais juifs et les faux.

Cinq frères, un par livre de la Torah ou par livre des Psaumes, soit tous les juifs.

Tout cela résonne avec le devoir d’observer la Torah de justice.

C’est la vraie condition du bonheur (Psaume 1). 

Lazare (Aidé-de-Dieu), seul nommé, fut privé de ce bonheur.

Donc exonéré de ce devoir.

Le riche, anonyme car légion, a joui en captateur égoïste, donc contre la Torah.

La morale, faisant chiasme, est celle du retournement des conditions.

Or tout est joué, au jour inconnu de toi : change maintenant.

 

 

 

 

Dimanche 3 octobre

Évangile selon Luc, chapitre 17, versets 5 à 10.                                                                                        

(Psaume 95 – Habacuc 1, versets 2 et 3, et 2, versets 2 à 4 ; Deuxième épître de Paul à Timothée 1, versets 6 à 14)

 

Libération

 

– La première partie n’a pas pour visée de critiquer le manque de foi

des croyants, comme on le dit souvent, mais, je pense, de les libérer du désir

de cette toute-puissance qui serait liée à la vertu de leur religion :

ils n’ont pas la foi qu’il faudrait pour cela, et ce serait d’ailleurs absurde.

Nous sommes des serviteurs inutiles, traduit-on souvent au dernier verset :

c’est l’une des bases de la morale puritaine classique, qui a l’avantage de

supprimer tout sentiment hiérarchique entre les croyants, et l’inconvénient

de susciter une incertitude angoissante sur soi-même. Dans son contexte,

ce verset dit autre chose : vous êtes libérés du devoir de bien faire parce que

vous êtes libérés de votre désir d’être tout-puissant ; ce que vous faites,

c’est ce que vous pouvez faire, et vous savez très bien en quoi cela consiste :

vous avez un boulot, faites-le ! Point barre.    

 

 

 

 

Dimanche 10 octobre

Évangile selon Luc, chapitre 17, versets 11 à 19.                                                                          

(Psaume 98 – II Rois 5, versets 14 à 17 ; Deuxième épître de Paul à Timothée 2, versets 8 à 13)

 

Guérir sans exiger

 

Lépreux ? Peu importe alors que tu sois juif ou samaritain : proscrits tous ensemble.

Et vis-à-vis de ce lot d’impureté, deux attitudes, pas plus :

– Tu le tiens à l’écart, maudit, condamné à n’être que rebut,

tu chasses à coup de pierres ces malvenus, semblables à nos sans-papiers,

tu édictes pour eux des lois d’éloignement, comme dans la boue des camps de roms.

– Ou tu guéris chacun, sans demander qui est qui.

 

Jésus fait mine de s’étonner, car le seul qui revient est celui qui a le plus reçu.

Est alors qualifié pour le Règne celui qui saisit que guérir sans exiger est œuvre divine.

Encore a-t-il fallu que la pitié du maître soit d’abord demandée…

 

(il ne faut pas passer comme de rien sur la guérison subite des dix lépreux :

il y a là comme une féerie, coup de baguette magique évoquée avec si peu de flonflon

qu’elle devient pure parabole de la gratuité.)

 

 

 

 

Dimanche 17 octobre

Évangile selon Luc, chapitre 18, versets 1 à 8.                                                                              

(Psaume 121 – Exode 17, versets 8 à 13 ; Deuxième épître de Paul à Timothée 3, verset 4, à 4, verset 2)

 

Le silence du juste juge

 

Le contexte n’est pas celui de la prière du chapitre 11 (l’ami sollicité)

car sous la violence, on ne demande pas du pain mais la "justice".

Noter que ce juge, comme souvent les violents injustes dans les Écritures,

sait ce qu’il fait, ne dit pas « Je ne savais pas », en quoi il est totalement

vraisemblable car en principe ils savent, même s’ils se mentent à eux-mêmes.

Le contexte est celui du jugement porté sur les vies : qui est juste ?

Qui vit dans la justesse, suivant une juste voie ?

La chute donne la réponse : est juste qui vit dans la foi.

Le terme grec (pístis) évoque un lien de confiante dépendance à l’égard

d’une personne sûre, non le lien d’une doctrine.

Ayant foi en Dieu, tu te sais sauf, tu peux sortir de la voie de la violence,

mais quand les juges et autres autorités sont sans justice, tu n’as pas foi en eux.

Et quand le juste juge se tait ? Eh bien ta foi en lui ne faiblira pas : tannes-le.

 

 

 

 

Dimanche 24 octobre

Évangile selon Luc, chapitre 18, versets 9 à 14.                                                                                        

(Psaume 34 – Deutéronome 10, verset 12, à 11, verset 1 ; Deuxième épître de Paul à Timothée 4, versets 6 à 18)

 

Qualifié plutôt que l’autre

 

On n’en est pas encore à l’histoire de Zachée (chapitre 19) :

un vilain monsieur qui va rembourser ses victimes, et au-delà.

Ici, le collecteur de taxes, par définition voleur, impur et collabo, est déclaré juste.

Il ne s’est engagé à rien, il se borne à se reconnaître voleur, impur et collabo.

Fautif conscient d’être fautif, donc juste, aimé, Dieu n’aimant que les pécheurs.

Cela s’adresse aux gens honnêtes, purs et patriotes.

Déclaré juste, le vilain monsieur est qualifié pour entrer sous le Règne :

qu’y fera-t-il, se montrera-t-il adapté au Règne de la justice/justesse ?

La balle est dans son camp.

Le voilà devant une aventure ouverte à mener, non sans risques très concrets.

Le premier monsieur, lui, est statique, il pratique sa religion.

Il n’est pas condamné, seulement remis à sa place.

 

 

 

 

Dimanche 31 octobre

Évangile selon Luc, chapitre 19, versets 1 à 10.                                                                                           

(Psaume 154 – Ésaïe 45, verset 22 à 24 ; Deuxième épître de Paul à Thessaloniciens 1, versets 11, à 2, verset 2)

 

Celui-ci aussi 

 

À Jéricho les murs tombent (ainsi que dans Josué 6) : 

même le plus riche des exclus peut y être rendu à l’humain,

aurait-il écrasé son propre peuple de taxes indues et se serait-il prostitué

(servir l’empereur païen, impur, était considéré comme une prostitution) : 

ainsi Zachée, aveugle sur lui-même et sur sa relation aux autres.

Son nom, Zakkhayâ, évoque ironiquement l’intégrité.

Outre son office, il a pouvoir d’exploiter les pauvres : il n’en profitera plus.

Guéri, il retourne à sa vérité : à sa vraie recherche ? (il cherchait à voir)

On peut toujours être qualifié, au sein de la foule, de vrai fils d’Abraham 

à condition de monter à l’arbre, se révélant petit, aussi chef et riche que l’on soit.

à  condition de descendre de son arbre, petit homme plein de joie.

Un conseil scandaleux : soigner les riches et les puissants, aveugles impurs.

 

 

 

 

Dimanche 7 novembre

Évangile selon Luc, chapitre 20, versets 27 à 38.                                                                                      

(Psaume 17 – Daniel 3, verset 1 à 30 ; Deuxième épître de Paul à Thessaloniciens 2, verset 16, à 3, verset 5)

 

Tous vivants

 

La question (avec le cas des sept frères) est de style rabbinique.

Les réponses aussi, dont la logique peut nous échapper.

Premier point : la liberté de Dieu à l’égard de notre espace-temps fermé

et de ses institutions de survie : alliances, contrats, mariages, etc.

Avec aussi des dépendances humaines inconnues du monde de Dieu,

pour lequel les femmes ne sont pas moins qualifiées que les hommes.

La logique du second point est contournée :

quand le Dieu d’Abraham, Isaac et Jacob se révèle à Moïse,

alors, Abraham, Isaac et Jacob sont vivants pour Moïse.

Non pour nous, mais pour le Seigneur – qui le révèle à Moïse.

Qui sont ceux qui en seront trouvés dignes (verset 35) ?

La réponse est dans la chute : Pour lui, tous sont vivants (verset 38).

 

 

 

 

Dimanche 14 novembre

Évangile selon Luc, chapitre 21, versets 5 à 19.                                                                                        

(Psaume 98 – Malachie 3, versets 19 et 20 ; Deuxième épître de Paul à Thessaloniciens 3, verset 7 à 12)

 

Résister

 

On part de la fausse question (la date de la fin) pour ramener le fidèle à la vraie.

La question de la fin : celle du temple de Jérusalem ? Celle de la fin de ce monde ?

Pour les juifs de l’époque, ce pouvait être la même chose,

et la réponse semble confondre – volontairement ou non – les deux questions.

Luc écrit après la ruine de Jérusalem par les Romains en 70 de notre ère,

ruine précédée effectivement de persécutions, notamment sous Néron (en 68).

Mais il prend aussi en compte un danger existant dès les années 40 :

se faire berner par des illuminés prétendant être Jésus revenu pour la fin des temps ;

aussi n’annonce-t-il pas la fin du monde et le retour du Christ pour bientôt

comme un temps ce fut espéré : la finale est retardée sine die.

Le message est que d’ici le retour du Christ, celui qui se veut témoin du règne

de Dieu ne peut que souffrir et résister. Il est alors dans la vérité.

 

 

 

 

Fin de l’année liturgique

Dimanche du Christ-Roi – 21 novembre

Évangile selon Luc, chapitre 23, versets 35 à 43.                                                                                       T 

(Psaume 122 – 2 Samuel 5, versets 1 à 3 ; Épître de Paul aux Colossiens 1, versets 12 à 20)

 

Il était seul 

 

Le peuple, les chefs, les soldats, les malfaiteurs.

Chez Luc, Jésus meurt loin des siens – femmes, mère, disciple bien-aimé :

en tient lieu un malfaiteur, seul baume.

Le peuple se tait, il regarde – on ne sait ce qu’il pense, on sait qu’il n’agit pas.

Les chefs parlent divinité, les soldats pouvoir : ciel et terre.

Les deux malfaiteurs confessent Jésus comme messie.

D’où la colère du premier : un messie incapable, passif, cela le tue !

Le second meurt sans douter du règne à venir.

Incohérence temporelle (règne à venir, mais paradis dès aujourd’hui) ?

On retrouve là l’usage du folklore de l’époque (voir 16.22-31).

Aucun moyen de parler clair dès qu’on sort de notre espace-temps :

les morts sont-ils : des gisants encore à juger ? perdus ? déjà bienheureux ?

 

 

 

 

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Luc

 

(ici, 2009–2010)

 

On peut rejoindre le passage de son choix en cliquant,

dans la liste suivante, sur l’élément correspondant :

 

 

Luc 21, 25-36 – Veillez donc et priez – 29 novembre 2009  

 

Luc 3, 1-6 – Voix de celui qui crie dans le désert – 6 décembre 2009

 

Luc 3, 10-18 – Il a son van à la main – 13 décembre 2009

 

Luc 1, 39-45 – Mon âme exalte le Seigneur – 20 décembre 2009

 

Luc 2, 1-20 – Il vous est né un sauveur – 25 décembre 2009

 

Luc 2, 40-52 – Pourquoi me cherchiez-vous ? – 27 décembre 2009

 

Matthieu 2, 1-12 – Des mages venus d’orient – 3 janvier 2010

 

Luc 3, 15-22 – Il vous baptisera de l’Esprit saint – 10 janvier 2010

 

Jean 2,1-12 – Ils n’ont plus de vin – 17 janvier 2010

 

Luc 4, 14-24 – La puissance de l’Esprit – 24 janvier 2010

 

Luc 4, 21-30 – Nul n’est prophète en sa patrie – 31 janvier 2010

 

Luc 5, 1-11 – Ne crains pas – 7 février 2010

 

Luc 6, 17-26 – Heureux les pauvres – 14 février 2010

 

Luc 4, 1-13 – Il fut tenté part le diable – 21 février 2010

 

Luc 9, 28-36 – Écoutez-le – 28 février 2010

 

Luc 13, 1-9 – Le figuier stérile – 7 mars 2010

 

Luc 15, 1-3 & 11-32 – Mon fils était mort et il est vivant – 14 mars 2010

 

Jean 8, 1-11 – Personne ne t’a condamnée ? – 21 mars 2010

 

Luc 19, 28-44 – Le roi – 28 mars 2010

 

Jean 19, 17-30 – Il a rendu l’esprit – 2 avril 2010

 

Luc 24, 1-11 – Il n’est pas ici – 4 avril 2010

 

Jean 20, 19-31 – Je ne croirai pas – 11 avril 2010

 

Jean 21, 1-19 – M’aimes-tu ? – 18 avril 2010

 

Jean 10, 22-30 – Si tu es le Christ – 25 avril 2010

 

Jean 13, 31-35 – Là où vous le pouvez pas aller – 2 mai 2010

 

Jean 14, 23-29 – L’Esprit saint vous enseignera – 9 mai 2010

 

Jean 17, 20-26 – Que tous soient un – 16 mai 2010  

 

Jean 14, 15-26 – L’Esprit de vérité – 23 mai 2010

 

Jean, 16, 12-15 – L’Esprit de vérité – 30 mai 2010

 

Luc 9, 11-17 – Tous mangèrent et se rassasièrent – 6 juin 2010

 

Luc 7, 36 – 8, 3 – Va en paix – 13 juin 2010

 

Luc 9, 18-24 – Tu es le Christ – 20 juin 2010

 

Luc 9, 51-62 – permets-moi d’abord – 27 juin 2010

 

Luc 10, 1-20 – La moisson est grande – 4 juillet 2010

 

Luc 10, 25-37 – Un samaritain – 11 juillet 2010

 

Luc 10, 38-42 – Marthe et Marie – 18 juillet 2010

 

Luc 11, 1-13 – Comment prier – 25 juillet 2010

 

Luc 12, 13-21 – Ta vie t’es redemandée – 1er août 2010

 

Luc 12, 32-48 – Ne crains pas – 8 août 2010

 

Luc 1, 39-56 – Il a élevé les humbles – 15 août 2010

 

Luc 13, 22-30 – La porte étroite – 22 août 2010

 

Luc 14, 1-14 – Mon ami, monte plus haut – 29 août 2010

 

Luc 14, 25-33 – Qu’il renonce à ce qu’il possède  – 5 septembre 2010

 

Luc 15, 1-32 – Revenu à la vie  – 12 septembre 2010

 

Luc 16, 1-13 – Le maître loua l’économe infidèle – 19 septembre 2010

 

Luc 16, 19-31 – Ils ont Moïse et les prophètes – 26 septembre 2010

 

Luc 17, 5-10 – Des serviteurs inutiles – 3 octobre 2010  

 

Luc 17, 11-19 – Ta foi t’a sauvé – 10 octobre 2010  

 

Luc 18, 1-8 – Prier en tout temps – 17 octobre 2010  

 

Luc 18, 9-14 – Il se frappait la poitrine – 24 octobre 2010  

 

Luc 19, 1-10 – Chercher et sauver ce qui était perdu – 31 octobre 2010  

 

Luc 20, 27-38 –  Pour lui, tous sont vivants – 7 novembre 2010

 

Luc 21, 5-19 – Prenez garde que vous ne soyez séduits – 14 novembre 2010

 

Luc 23, 35-43 – Le roi des Juifs – 21 novembre 2010 

 

 

 

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