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Suite civique

 

Parallèlement à ma Suite théologique, j’ai réuni,

sans trop de méthode, des textes d’abord épars sur ce site.

C’est avec l’ambition d’essayer de répondre par bribes

à ces questions que l’on se pose parfois, ou souvent,

quand on cherche à se situer simplement comme l’un

de ceux qui hantent la cité.... 

Les textes qui figurent ici seront suivis par d’autres,

mais de façon irrégulière.

 

 

D.R.

 

  

Pardon

ou mémoire et reconnaissance du mal ?

 

À qui revient-il de pardonner ? Je pense à cette démarche surprenante de l’évêque de Rome à l’adresse des protestants italiens. « Pardonnez-nous, leur dit-il en substance, les persécutions que nous vous avons infligées autrefois. »

On se souvient peut-être qu’en son temps, Jean-Paul II avait rendu visite à une église protestante en Alsace, mais c’est maintenant la première fois qu’un Pape entre dans un temple italien, ceci, de plus, dans une région fortement anti-protestante. En tout état de cause, on pouvait s’attendre à ce que sa démarche produise un retour positif.

Cela n’a pas été le cas. Ce « nous » et ce « vous » ont alerté les responsables de l’Église protestante unie (vaudoise et méthodiste) italienne. C’est pourquoi, s’ils ont chaudement remercié le Pape de cette reconnaissance des actes passés, ils n’ont pas considéré de leur ressort de répondre à sa demande par un pardon. Et il est vrai, au fond, qu’ils ne sont pas victimes de persécutions de la part de l’Église de Rome…

Question de fond : qui peut parler au nom de ceux qui sont morts ? Qui peut pardonner pour les autres ? Question qui peut trouver bien des applications, non seulement dans les Églises, mais dans tous les domaines, et en particulier dans l’histoire politique de notre pays comme de notre continent.  

Ainsi par exemple, bien des Français actuels qui descendent des esclaves caribéens demandent à la République de reconnaître les crimes – le Crime – commis. Cela est légitime. En revanche, on ne voit pas quel Français métropolitain actuel se sentirait coupable de cela au point de demander pardon.

Cela se complique d’ailleurs, en ce sens que la République est justement à l’origine de la suppression de l’esclavage, qu’elle a toujours combattu.

En revanche, on est en droit d’attendre des Pouvoirs publics qu’ils reconnaissent le fait de la Traite et de l’esclavage, mis en œuvre par des Français, en tant que crimes contre l’humanité. Bien d’autres faits seraient d’ailleurs à reconnaître, ainsi que leur brutalité instituée, dans le but d’apurer en partie de funestes contentieux.

Mais je reviens aux protestants italiens et à leur scrupule. Au bout du compte, il me semble qu’ils ont tort de refuser ce pardon à Rome. Car l’Église ne se comprend pas seulement comme une institution historique semblable à d’autres, elle se dit aussi représenter, pour reprendre l’image de Paul, une partie d’un corps plus étendu dans le temps et dans l’espace. Ce que les protestants, justement, appellent l’Église universelle.

Du coup, c’est un peu comme si le pied vaudois refusait le pardon à la main romaine qui l’avait rudoyé. Si je me souviens bien de ce que disait la Tête de ce genre de sujets, elle aurait sans doute aimé qu’on arrête de finasser.

Mais si l’on va au fond de la question, je proposerai volontiers à la méditation ces mots d’Edgar Morin (Au péril des idées, Presses du Châtelet) : « Le pardon n’est pas une chose que l’on donne à qui la demande, il doit être accordé à celui qui ne le demande pas. C’est un pari, un risque, mais c’est un pari sur la possibilité que l’humanité finisse par vaincre l’inhumanité de celui à qui l’on pardonne. Avec ses risques et ses périls, le pardon transgresse […] cette loi qui nous vient de très loin, la loi du talion. » 

Saint-Coutant – 2015

 

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