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théo-logie

 

 

L’Ascension de l’herméneute

 

 

 

Ce texte, écrit en 1976 et communiqué au Conseil régional de l’Église réformée de France (Région parisienne), se voulait une introduction à un ensemble de réflexions en plusieurs livraisons à paraître sous le titre : Le dieu-verbe contre le dieu-nom. Différents articles parus ici ou là et regroupés à la page théo-logie de ce site, ont en partie donné suite à cette ambition (2015).  

 

 

Toute herméneutique suppose un rapport de force. Car elle est toujours rapport de production et d'échange. Elle est toujours exploitation d'un "fait". Un fait, c'est-à-dire un produit, mais aussi un objet, l'écriture. Par là-même, toute herméneutique produit une plus-value.

L'herméneute est exploité par le groupe mandant. Il produit une plus-value de sens. Mais en retour, il retire du rapport de force qui s'établit entre lui et ses mandants un salaire de prestige.

Il n'y a pas d'herméneutique sans ce rapport de production.

Mais, de plus, le prestige de l'herméneute, dans la mesure où il interfère sur la commande des mandants, devient également plus-value.

C'est à ce point que le contrat initial communique avec le système des rapporte généraux de production et d'échange : ceci est homologue aux rapports qui existent entre l'économique et le politique. Tout comme le "meneur" politique, l'herméneute saute hors de la chaîne des rapports objectifs : il est projeté au ciel ; il devient sujet métaphysique. Il devient homogène à la plus-value de sens qu'il a lui-même produite. C'est ce mode d'exploitation de l'écriture qui rend opératoire – nécessaire – un autre sujet métaphysique : l'Auteur. L'herméneute devient – pour prendre une métaphore religieuse – le Fils de l'Auteur, ou son Vicaire. En ce sens qu'il est l'envers révélateur d'un "endroit" mystérieux qu'il faut bien alors supposer.

L'effet produit par cette "ascension" sur le groupe des mandants est que leur désir initial, quel qu'il soit, est déplacé, "déconstruit" et réorienté en fonction du "sens" par l'herméneute. Le désir – dit ici initial – des mandants n'est jamais univoque ; de même le sens conféré par l'herméneute est produit par le mixte de plusieurs désirs : celui des mandants, celui de l'herméneute et celui que produit l'ascension de l'herméneute en intervenant sur le jeu des deux précédents désirs.

Il n'y a plus alors d'exploitation pure et simple de l'herméneute par ses mandants, mais une dialectique bloquée, dans laquelle l'exploitation des mandants par l'herméneute apparaît comme seule existante. Dans le domaine des rapports généraux de production et d'échange, ce blocage produit l'illusion politique. Dans le domaine qui nous intéresse, il s'agit d'une illusion religieuse. On voit qu'elles ont le même mécanismes.

L'illusion politico-religieuse a pour effet de produire un sujet métaphysique : l'Auteur, Dieu*, la Nation, le Peuple, etc... dont "l'expression" légitime est en fait une machine-sens : l’Herméneute, l'Église, l'État, le Chef, etc...

Machine, en ce sens qu'elle extrait, déplace, redécoupe et réoriente (le sens...) le désir initial du groupe des mandants, mais aussi le produit sur lequel ce désir se porte.

Si l’on veut se préoccuper du fait biblique (ce produit) dans cette optique, on constate que toute son herméneutique est, par construction, catholique. Le Pape n’est rien d'autre que le Grand Herméneute, vicaire de cet autre Grand Herméneute, Jésus, renvoyé au ciel pour se confondre avec Dieu, l'Auteur, dont il est le Fils. Et tout herméneute biblique, se voudrait-il protestant, serait un pape ("... la Bible à la main") s’il n'était en situation de concurrence avec d'autres herméneutes. Mais pourquoi, précisément, les protestants n'admettent-ils pas de Pape ? Pourquoi leurs mini-papes n'ont-ils d'autre ressource que celle de fonder des sectes parfois regroupées en "Églises pluralistes" ?

Vous le saurez à la prochaine livraison

 

 

·        Note ultérieure : le mot "Dieu" est ici employé dans le sens que lui a conféré la Chrétienté. Ce sens est fort différent de ceux qu'on lui trouve dans les textes bibliques. On ne supposera donc pas nécessairement qu'il n'est point de dieu, en dehors du sujet métaphysique illusoire mentionné dans ce texte. Les questions qui se posent sont tout autres : quel est le nom d'un dieu qui ne serait pas ce sujet métaphysique ? Et d'abord : lui faut-il un nom ? D'abord encore : ce dieu est-il pertinent dans le cadre d’une critique radicale de la métaphysique ? Ces questions construisent la perspective dans laquelle ce texte et ceux qui l’ont suivi ont été écrits.

 

 

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