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De la Genèse à l’Évangile, l’image
de la colombe
croise,
pour leur donner du souffle,
de
nombreux thèmes présents dans les Écritures.
On n’en finirait pas d’en
décliner les glissements…
ailés.
Si la colombe est présente, bien sûr, dans la Bible,
c’est toujours pour faire image. Elle vole, blanche et légère, balançant dans
le vent "ses ailes lamées d’argent" (Paume 68,14) mais c'est le plus
souvent pour se sauver – dans l'un ou l'autre sens du mot. Elle s'envole vers
son nid, ou son pigeonnier, ou plus loin encore. Elle est l'image de qui a
cherché refuge, et peut-être a trouvé : "Qui me donnera des ailes, comme
la colombe ? Je m'envolerai et je me poserai, tenez
j'irai en lointain pèlerinage, je séjournerai au désert..." (Paume
55.4-7). Aussi est-il conseillé à l'ennemi d'imiter cette fuite et de trouver
refuge dans les rochers sauvages (Jérémie 48.28).
Elle devient de même la bien-aimée qui se cache,
inaccessible, réfugiée derrière le voile de sa pudeur... plus ou moins sincère
: "Lève-toi mon amour, ma belle, et toi viens, ma colombe, dans les creux
du rocher, dans le secret de la falaise, fais-moi voir ton visage, fais-moi
entendre ta voix..." (Cantique 2.13-14). Mais en hébreu, la colombe ne
roucoule pas, elle gémit…
Et bien sûr, la colombe est aussi, tel un prophète,
ce pigeon voyageur qui transporte des messages… Mais supposez alors un pigeon
voyageur qui, au lieu de s'envoler chargé de son message, se mettrait à
plonger, telle la mouette ou le cormoran. Un pigeon suicidaire, qui préfère
l'eau à l'air, la mer au ciel. Un pigeon qui, tiré hors de l'eau, est envoyé de
nouveau, chargé de son message et qui, mission accomplie, s'éloigne encore au
lieu de revenir, se croise les ailes et fait la grève. Un pigeon qui se
mêlerait de juger de la teneur du message qu'il porte, au point d'en être
absolument affecté, jusqu'à la mort. Oui, un pigeon admirablement sujet, en
contestation ouverte avec le grand Sujet de l'univers, tout en l'aimant à en
mourir. Un pigeon à la Job, ou semblable à Jérémie. Mais il s’agit de Jonas,
bien sûr, dont le nom, yônâ,
désigne la colombe.
Et cette blanche colombe en rappelle une autre et
nous mène au récit du Déluge (Genèse 8.6-22). Car c’est elle qui trouve enfin
la terre, et découvre ainsi l'arche de vie commune à tous les vivants. Elle
rapporte un rameau d'olivier. Elle ne sait pas qu'elle deviendra ainsi la
colombe de Picasso. Le rameau d'olivier n'est pas encore devenu le symbole
universel de l'armistice, il s'agit plus simplement d'un élément de l'arbre qui
produit l'olive, laquelle produit l'huile : richesse, prospérité, onction,
santé, beauté, plaisir, mais aussi sainte joie de la bombance messianique au
cours du pèlerinage au Palais de la Sainteté, à Jérusalem, ou encore
réjouissances populaires de la fête des Cabanes. Tel est alors le message
transmis à Noé : la paix, mais la vraie, pour toujours.
Or lorsque les grands du monde disent
"Paix ! Paix !" alors qu’il n’y a pas de paix (Jérémie
6,14), mais bien toujours la guerre et la conquête, et l’oppression, et
l’exploitation, et la misère, et la servitude, et la maladie, toute cette
logique de mort, que peut valoir cette promesse, ce message d’amitié transmis
par la colombe au nom du Maître de l’univers ?
Et d’ailleurs, cette colombe n’est-elle pas l’un de
ces petits êtres que l’on égorgera au cours de ces fêtes solennelles, au grand
temple du roi, au son des hymnes, accompagnant l’immolation des bêtes grasses,
alors que ne règnent ni la justice ni la justesse (Amos 5,21-24 ;
Lévitique 15,14-15) ?
Quel sens, à la promesse ? Celui d’un combat
pour la vie, sans aucun doute, que marque dès l’aurore du monde la silhouette
ailée de l’esprit planant sur le magma liquide. Une vie du dieu qui domine la
mort. Semblable à la colombe, sans doute. Comme celle qui apparaît un jour
au-dessus d’un homme ruisselant, sortant d’une eau de mort (Genèse 1,2 et Luc
3,21-22). Et celui-là, qu’on sacrifiera, va pour toujours sceller une alliance
de vie à venir – la paix, la vraie, pour toujours. Mais à tenter déjà, vous et
moi, de mettre au monde.
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