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théo-logie –
l’Alliance
On entre dans la foi de l'Alliance biblique
en acceptant qu'elle vienne d'un ailleurs culturel...
et d'un Tout-Autre que soi.
La foi biblique est la foi de l'Alliance
(en latin testamentum) ; elle n'est pas d'abord une croyance, mais une
mutuelle relation : celle qu'un Seigneur-Dieu a inaugurée vis-à-vis de ses
fidèles ; celle qui s'établit chez le fidèle à l'égard de Celui qu'il reçoit
comme son Seigneur. Mais si ce thème est central dans les Écritures, son sens
demande à être précisé car il se meut dans une aire culturelle qui n'est pas la
nôtre, mais celle qui permit à nos pères de signifier le lien paradoxal
que le Dieu biblique entretient avec sa création.
Leur point de départ était pour
eux fort banal : un potentat prend le contrôle du domaine d'un roi voisin ; lui
faisant grâce, il devient le "seigneur" de ce dernier, devenu son
"serviteur". Le serviteur garde son autonomie en son domaine mais
doit des prestations à son seigneur, lequel y est tenu lui aussi, apportant
paternellement protection et soutien. Si bien que les deux tenants de ce
contrat inégal sont cependant obligés à une foi mutuelle. Il s'agit d'un
enchâssement dont les dieux sont les garants, promettant aux uns et aux autres,
selon le cas, bénédiction ou malédiction. Un tel contrat est affaire de vie ou
de mort, aussi du sang est-il versé lors de sa conclusion : "le sang de
l'alliance".
Par rapport à cela, une
seule chose a changé pour les fidèles du Dieu biblique : ils ont cru,
paradoxalement, en la seigneurie sur eux d'un dieu, jamais plus d'un humain. Ce
Seigneur-Dieu se conférait alors une double mission : en tant que Dieu,
garantir l'alliance dont il était pourtant l'un des contractants ; en tant que
Seigneur, exercer sa fidélité à l'égard de ses serviteurs humains, les sauvant
de toute servitude injuste en leur nouvelle Terre. C'est en premier lieu
l'expérience d'une telle libération qui a conduit à la conclusion au Sinaï de
cette Alliance, pour aboutir à la foi en un unique Seigneur-Dieu. Autrement
dit, ce serait le fait de l'Alliance qui aurait déterminé le monothéisme
biblique, non l'inverse.
Mais ce qui se révélait
alors, c'est que le tragique de l'existence passait du sein de l'humanité
souffrante au sein de Dieu lui-même. En effet, si le Dieu, garant de la Loi de
l'Alliance, devait punir le serviteur humain défaillant, le Seigneur devait à
l'inverse protéger fidèlement son serviteur. C'est ainsi que la logique
paradoxale de l'alliance biblique aboutissait à la passion de Dieu :
souffrance, colère, amertume, jalousie, appel à revenir, kyrielles de
condamnations suivies de restaurations... En revanche, le serviteur fidèle se
trouvait exonéré de l'angoisse tragique, assuré qu'il était de la fidélité de
son Seigneur.
Une suite d'alliances de
plus en plus restreintes, constamment et unilatéralement rompues, parcourt la
Bible hébraïque : alliance d'Adam, alliance de Noé, alliance d'Abraham,
alliance de Moïse, etc... Tout se passe comme si le Dieu-Seigneur devait toujours
en rabattre et se fier à des partenaires de moins en moins nombreux, passant de
l'humanité entière à un seul petit "reste", certes témoin du désir de
libération universelle de son Dieu, mais régulièrement et radicalement
infidèle.
En conséquence de cela, les
témoins de la passion de Jésus de Nazareth la comprirent comme aboutissement et
accomplissement de cette passion de Dieu inhérente à l'Alliance. En mourant,
Jésus – unique humain véritablement accompli ("Fils de l'homme") tout
autant que fidèle image de Dieu ("Fils de Dieu") – versait en juste
serviteur le sang qui scellait pour toujours le contrat, mais portait aussi la
passion du Seigneur-Dieu à son tragique achèvement.
Nous sommes au bénéfice de
cette réconciliation, qui vaut résurrection – mais ceci est une autre histoire.
Je parlerai à son cœur
Si le livre du prophète Osée
est le premier élément du "Livre des Douze" (ce qu'on appelle
"les petits prophètes"), c'est peut-être parce qu'il débute par
l'action parabolique la plus propre à signifier la relation que le Seigneur
entretient avec le peuple de ses témoins dans le cadre de l'Alliance.
Dépouillée de sa fulgurante poésie, l'histoire est simple à raconter : le
prophète épouse une femme qui va le tromper. C'est évidemment un cas de rupture
d'alliance, que l'arbitre divin devra punir en condamnant la femme adultère.
Mais ce mariage est à l'image de l'alliance que le Seigneur-Dieu a conclue avec un peuple constamment infidèle. Que fera donc ce "seigneur et maître" d'un genre très particulier ? En tant que divin garant de la bonne exécution des contrats, il décrètera un procès (2,4) qui aboutira à cette sentence : "Je la ferai mourir" (2,5). Mais en tant que seigneur tenu à la protection de son serviteur, cette sentence ne peut lui convenir... et Israël ne mourra pas.
Que peut faire un mari qui
doit tuer son épouse infidèle mais qui ne peut cependant se séparer d'elle
parce qu'il est son protecteur attitré ? Pris dans ce dilemme, il ne peut que
tenter de la séduire, l'emmenant loin de ses amants, seul avec elle comme au
temps de sa jeunesse : "Je parlerai à son cœur" (2,16).
Tel est le Dieu de
l'Alliance, faible à ce point : il nous implore sans cesse. Un de ces
vendredis, il a fallu le tuer pour le faire taire...
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