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Vos
remarques : jean.alexandre2@orange.fr
PÂques comme rite d’alliance
ou le Christ est-il mort à notre place ?
Ce qu’on peut lire dans le
récit biblique, ce n’est pas que le Christ est mort à la place des croyants,
sur la croix, mais que sa mort est la signature sanglante d’une nouvelle
alliance offerte aux humains, et par là même d’une nouvelle création, toutes
deux voulues et initiées par un geste unique et premier de Dieu. Ceci en
fonction d’une antique conception du rite d’alliance.
N.B. : pour plus de
facilité de lecture, je reporte aussi les notes à la fin du texte.
Les termes cardinaux du récit
biblique se situent au sein d’un imaginaire[1] particulier qui résulte de
l’interférence entre diverses cultures antiques, proche- et moyen-orientales,
d’une part, et d’autre part la constance d’une orientation atypique, par
rapport à cet imaginaire, due à certains choix théologiques liés à des moments
présentés comme originels et fondateurs[2].
La piste que suit cette
réflexion part du point de vue selon lequel la création, au sens biblique, est
fondation d’alliances[3], que
c’est en cela qu’elle consiste. Par là, elle extrait un nouveau réel, structuré
de façon binaire, à partir d’un magma indifférencié et privé de sens.
À ce sujet, je commencerai par un étonnement concernant la façon dont l’hébreu biblique envisage la conclusion d’une alliance ou d’un contrat.
1 –
Une crÉation continue
L’expression kâroth
berîth, en hébreu biblique, dit littéralement "couper une
alliance" mais signifie à l’inverse, paradoxalement, "conclure une
alliance".
La racine du verbe employé
est utilisée en effet le plus souvent dans le sens d’une action de découpage,
d’extraction ou d’abattage, ou encore du résultat d’une telle action. On trouve
donc là une image inverse de celle que l’on attendrait, image de réunion,
d’ajout ou de construction.
Pour comprendre cela, sans
doute peut-on se reporter au rite qui accompagne la conclusion de l’alliance
fondatrice décrite dans Genèse 15,9-18, où des animaux sont coupés en deux et
séparés en sorte qu’un chemin commun soit tracé pour les contractants. Dans ce
récit, qui relate un songe prémonitoire, ce sont une torche allumée et un four
fumant qui passent ensemble sur ce chemin, mais ils évoquent, à mon sens, les
contractants d’une union à venir[4].
Du moins Édouard Dhormes
interprète-t-il ainsi, dans la note qui accompagne sa traduction de ce texte,
le sens ce rite, dont on ne retrouve mention ailleurs dans les Écritures que
dans le passage de Jer 34,18 où il s’agit, non des deux contractants mais du
seul Seigneur[5]. En ce
qui me concerne, je fais passer la réalité des modalités ou de la pratique de
ce rite, tel qu’il est décrit dans Genèse 15, après sa valeur comme marque d’un
imaginaire fondateur.
En dehors de la déambulation
des contractants, il y a deux éléments matériels dans ce rite : le
découpage et, par conséquent, le sang qu’il fait couler. On y tue par
séparation et on y laisse s’écouler le principe de vie. Lequel, selon les
conceptions de l’époque, retourne à la terre d’où la vie a été tirée (Genèse
2,7, 4,9 et 9,4), ou bien, selon les prescriptions du Lévitique, retourne à
Dieu sous les espèces de la corne de l’autel.
Or la séparation, ou
distinction, est l’acte par excellence de la création, qui consiste en
l’inauguration d’un ordre binaire au sein du chaos. Celle-ci instaure un monde
fait de paires suivant le cas inverses, contraires, opposées ou couplées, mais
dont un des éléments ne va pas sans l’autre[6]. On
trouve cela clairement exposé dans Genèse 1 et 2 : ciel et terre, ténèbres
et lumière, jour et nuit, soir et matin, eaux d’en bas et eaux d’en haut, mer
et continent, herbes et arbres, astres et terre, animaux terrestres et animaux
aériens, animaux marins et animaux aériens, quadrupèdes et reptiles, humain
mâle et humain femelle, époux et épouse (soit humain dominant et humain
associé, comme la suite le montre avec Genèse 2,18, où la femme est un humain
de second ordre)…
Ce dernier exemple amène à
relever plusieurs enseignements. D’une part, il y apparaît clairement que c’est
bien la distinction qui cause le réel, à savoir ici le couple. De même que le
ciel et la terre forment un ensemble indissociable, un hendiadys, c’est parce
que distincts que l’homme et la femme constituent une existence unique.
L’hendiadys, passant du discours au réel anthropologique, devient alors une
alliance.
D’autre part, on voit que
les mêmes éléments peuvent parfaitement participer à diverses alliances
composant ensemble une sorte de nœud d’alliances à dimensions multiples, ici le
mariage patriarcal, image mixte dans laquelle le couple humain est vu à la fois
comme physiquement sexué et socialement hiérarchique.
Dans cet imaginaire, il n’y
a d’ordre, et donc de réel possible, de vie possible, d’existences (de chairs,
en hébreu ou en grec bibliques) qui tiennent ensemble, qui ne se délitent pas,
que grâce à la composition de multiples associations de paires d’éléments
primitivement découpés. Sachant que ces paires se construisent elles-mêmes en
ensembles complexes, de base deux, selon des modalités diverses et infinies.
Concernant les contrats que passent les humains, c’est ce que dit le rite primitif, ce qu’il met en scène. Une nouvelle réalité apparaît lorsque le rite s’accomplit : une création nouvelle composée intimement des deux contractants. C’est une nouvelle pierre insérée dans la construction imaginaire du monde du vivant.
Le sang de l’alliance
n’appartient pas à cette nouvelle création humaine, il appartient au divin, qui
en est le seul initiateur, il est de l’ordre de l’origine intangible, raison
pour laquelle il doit s’écouler et retourner à sa matrice terraquée. S’il n’en
était pas ainsi, on assisterait à quelque chose qui s’apparenterait à un
court-circuit, ou pour ainsi dire à une sorte d’inceste.
Toutefois, le sang versé,
celui des deux moitiés, joue le rôle de ce que signifierait pour nous la double
signature au bas du texte d’un contrat : il n’y a pas eu d’alliance s’il
n’a pas été libéré. C’est à ce sang versé que l’on constate l’alliance,
c’est-à-dire l’existence d’un lien indéfectible.
C’est ce que signifie, concernant
l’union d’un homme et d’une femme, l’expression littérale une même chair
(Genèse 2,24), en réalité une même existence : paradoxalement, elle n’est
même chair que si elle est chairs distinctes. Ceci de bien des manières, car la
distinction, dans cette forme de pensée, est rarement univoque. Cette même
chair ne l’est pas seulement en fonction du sexe, on l’a vu, mais en fonction
aussi, entre autres, de la hiérarchie sociale : la femme est subordonnée à
l’homme[7].
Le point important est à mon
sens que, dans le cadre de cet imaginaire, chaque nouvelle alliance est de
l’ordre de la création, non au sens où elle ferait partie des éléments
constitutifs primordiaux, présents à l’origine du monde et pour l’éternité,
mais en ce sens qu’elle ajoute un élément nouveau au monde, parmi tous ceux qui
se font et se défont chaque jour dans ce dernier.
Tel est alors le sens du
septième jour (Genèse 2,1-3) : la création s’y continue, s’y enrichit ou
s’y défait à chaque instant par la mise en œuvre du paradigme posé par
l’ensemble des actes créateurs de Genèse 1 à 3.
2 –
Le rite de crÉation
À mon sens, dans les tout premiers temps de la mise en forme de la foi du Christ, ces aspects de l’ancien imaginaire biblique n’ont pas encore disparu de l’esprit des croyants israélites. Cela n’arrivera sans doute dans les Églises que progressivement, avec l’afflux d’anciens païens. C’est ainsi que Paul, cet élève du rabbi Gamaliel qui raisonne en hébreu comme il le dit lui-même, aura bien du mal à transmettre cela à l’ensemble de nouveaux croyants habités par d’autres imaginaires que le sien.
Il y a sans doute là,
d’ailleurs, bien des pistes à suivre quant à ce qu’on pourrait appeler une
acculturation de la foi biblique primitive. Je vais essayer de montrer comment
l’image du rite d’alliance auquel je me référais plus haut peut éclairer le
sens de la mort du Christ autrement que cela n’a été fait le plus souvent.
Nombre de croyants refusent
aujourd’hui une conception sacrificielle de la mort de Jésus, c’est-à-dire une
conception qui le considère comme l’agneau sacrifié pour le salut des croyants,
à la place de ceux-ci. À mon sens, ils ont raison, mais la difficulté
est que cette conception semble biblique et qu’elle paraît figurer dès le tout
début, avec Paul, parmi les fondements de la pensée chrétienne.
Néanmoins, il faut bien voir
que cette conception sacrificielle, si elle nous apparaît telle, dépend en
réalité de cet imaginaire, fort différent du nôtre, que j’évoquais, ce qui
invite à reconsidérer ce que nous pouvons faire d’elle au sein de notre propre
imaginaire lorsqu’il est lié au Christ. Telle est du moins ma démarche.
Pour m’expliquer, je vais prendre l’exemple du fameux texte paulinien de Romains 3,21-26. J’en livre ma traduction :
À présent – sans la Loi la justice de Dieu a été
manifestée ––– attestée par la Loi et les Prophètes
justice de Dieu – par la foi de Jésus – messie –––
pour tous les croyants.
Car il n'y a pas de distinction – car tous ont erré
––– et ils sont privés de la gloire de Dieu
justifiés gratuitement par sa grâce ––– par la
délivrance qui est dans le messie Jésus
lui que Dieu a installé en apaisement[8]
––– par la foi en son sang
pour montrer sa justice par la mise au rebut des
erreurs ––– en la patience de Dieu
pour montrer sa justice – dans le moment présent –––
en vue d’être lui-même justice[9]
et de justifier ––– quiconque est de la foi de Jésus.
Dans ce passage, le rôle de
Jésus comme victime sacrificielle se joue à mon sens autrement qu’on ne l’a
compris après que les Églises aient pris leur distance à l’égard de l’ancien
imaginaire sémitique.
Je pense qu’à l’époque du
juif Paul, la croix du Christ est vue plutôt comme une sorte de signature
sacrificielle, et offre un nouveau départ, une nouvelle alliance. Dans cet
imaginaire, l’apaisement (on traduit aussi par réconciliation) et la délivrance
à l’égard du poids d’un passé malheureux ou malfaisant peuvent consister en
effet en les conséquences d’une alliance que doit absolument signer un
sacrifice sanglant qui permet de la trancher. À partir de là, on l’a vu, une
nouvelle histoire commence.
L’indice de la lecture
sacrificielle de la mort de Jésus, mort qui ne ressemblait pourtant en rien à
l’immolation sanglante d’une de ces victimes auxquelles le Lévitique, par
exemple, fait référence, pas plus qu’aux rites similaires des gentils, est le
choix que fait pourtant Paul du terme de "sang". Ce choix qui, pour
sembler courant, n’en est pas moins surprenant, n’est sans doute pas innocent.
Cette alliance provient
d’une décision de justice, délivrée, dans ce texte paulinien, par celui, Dieu,
qui est en lui-même, puisque Seigneur universel, "ce qui est juste",
la justice-justesse créatrice dont sourd toute justice comme toute justesse.
La signature de cette
alliance suffit à intégrer de nouveaux partenaires dans l’éminente suprématie
("la gloire") d’un seigneur. Se fonder sur une telle alliance, pour
régler sa pensée comme ses affects ou ses conduites, est la définition de la
foi réciproque des contractants. C’est en ce sens qu’un humain est sauvé par la
foi. Il s’agit de "la foi de Jésus", expression ambivalente : la
foi que Jésus a manifestée et la foi des croyants en Jésus.
Ce n’est pas sa mort qui
gagne le salut des croyants à la place de la leur. C’est l’établissement d’une
alliance universelle entre Dieu, qui en décide en toute seigneurie, et ceux des
humains qui l’acceptent. S’ils le font, c’est eu égard à la signature absolue
que la croix signifie pour eux.
Ainsi, si le Christ est mort
pour les croyants, c’est au sens où ils reconnaissent en cette mort la
signature de Dieu. Tout comme les Anciens pouvaient reconnaître la validité
absolue d’un contrat à l’écoulement du sang de l’animal sacrifié.
Pour le croyant, ce salut
n’est pas premièrement le moyen d’obtenir la vie éternelle après sa mort, il
est d’abord un partenariat avec un seigneur supérieurement fidèle, et il
commence dès le geste qui consiste à reconnaître en Jésus celui qui signe, par
sa mort, la fidélité de Dieu. Ce geste, la foi, est l’entrée dans la foi du
messie.
C’est par ce geste que le
croyant, terme d’ailleurs collectif, se voit mourir lui aussi à lui-même, à sa
manière et selon sa condition, devenant ainsi, au sein de son environnement,
signature vivante d’une alliance universelle.
On objectera peut-être que
le sacrifice peut avoir d’autres sens, plus cohérents avec le récit de la mort
de Jésus. On pensera surtout à celui dont, par exemple, René Girard a décrypté
la fonction sociale et dans lequel la victime joue le rôle du bouc émissaire.
Mais il convient à mon sens
de distinguer le récit des conditions dans lesquelles Jésus est mort de la
façon dont les premiers disciples ont ensuite interprété cette mort. Il est
assez clair pour moi que, dans ce récit, les autorités juives se conduisent
selon les lois sous-jacentes dont parle René Girard. Mais on notera que le
sacrifice du bouc émissaire doit se reproduire régulièrement, faute de quoi il
perd son efficacité, la violence qu’il évacue pour un temps se trouvant
toujours renaissante. C’est ce qui n’est pas conforme à la foi de Paul, qui
évoque un sang versé une fois pour toutes.
Il est d’ailleurs non moins
clair que si Pilate accepte de liquider Jésus, c’est pour de tout autres
raisons. L’exécution très politique d’un fauteur de trouble n’a de sens que
dans le cadre d’une brève période de l’histoire, celle du règne de tel empereur
romain. On pourrait certes y voir, par exemple, l’expression canonique de la
lutte perpétuelle que mènent les pouvoirs, quels qu’ils soient, contre
l’établissement d’une heureuse liberté pour l’ensemble des humains, contre le besoin
d’inventivité et de fraternité que ceux-ci ont à revendiquer. On le peut, et
même, je le pense, on le doit, mais on est déjà, alors, dans une démarche
seconde par rapport à la pensée de Paul.
On le voit, ces deux
logiques ne correspondent pas à l’établissement pérenne d’une communauté de
croyants fondée sur une alliance unique. Or à mon sens, le croyant Paul voit
plutôt dans la croix le moment unique d’un sacrifice de réconciliation destiné
à établir une alliance éternelle.
Scandale spécifiquement biblique :
le Dieu tout-autre et les mortels unis arbitrairement par une fraternité de
sang.
On pourrait d’ailleurs
trouver là la logique qui conduit, dans un second temps, à l’affirmation de ce
qu’il est coutume d’appeler l’incarnation, le Christ jouant alors le triple
rôle des deux contractants, le divin et l’humain en tant que Fils de l’humain
et Fils de Dieu, d’une part, et d’autre part le rôle de l’agneau sacrifié pour
signer leur alliance.
Telle est en tout cas, à mon sens, une vision de la façon dont le sacrifice du Christ pouvait être compris au tout début de la pensée chrétienne, au moins chez Paul[10], en un temps où elle était encore directement liée aux conceptions basiques de la culture hébraïque. Il me semble qu’il pourrait être intéressant de partir de là pour repenser le sens du moment de Golgotha.
On a vu là de tout temps
l’instauration d’une alliance, nouvelle ou renouvelée. Pouvant en tout cas
s’étendre à l’ensemble des humains. Mais peut-être doit-on aussi la comprendre,
à la suite de Paul, comme nouvelle création, celle d’un nouvel Adam, non
seulement au sens du remplacement d’un premier humain failli, mais comme
l’invention d’un nouveau monde humain.
Il est enfantin de dire que
si le Christ n’était pas mort il ne serait pas ressuscité, mais autre chose est
d’affirmer que la Passion, en tant que rite de l’alliance du Contractant
suprême, signe l’établissement d’une nouvelle modalité du réel, l’instauration
d’une nouvelle histoire du monde. Qu’une nouvelle création apparaît, le Christ
debout, érigé.
Bref, que ce que nous
appelons résurrection, littéralement un éveil ou un surgissement[11]… fait
partie de la crucifixion, considérée comme sacrifice d’alliance. Non pas la
mort puis la résurrection, mais, au-delà de l’inévitable logique narrative, le
surgissement du nouveau et du neuf dans cette unique mort-là.
Notes
[1] J’emprunte le terme imaginaire à Cornelius
Castoriadis (L’institution imaginaire de la société, Paris, Le Seuil,
1975), qui l’entend au sens de perception globale du monde propre à telle
société particulière. Il s’agit de la capacité qu’a celle-ci de faire advenir
des significations d’où vont découler ses structures symboliques comme ses
règles sociétales, son type de rationalité comme, tout simplement, son
fonctionnement courant.
2Ainsi Gn 12,1-3, Ex 20 ou Jos 24, par exemple.
3 On notera la proximité du verbe bâro (créer,
produire) employé dans Gn 1,1 et du nom berîth (alliance, contrat),
sachant que le th final de ce dernier
est un suffixe. Dans la suite de ce texte, le terme hébreu berîth sera
toujours traduit pas le français alliance.
4 Sur cette interprétation, cf. Jean Alexandre,
Lectures de Gn 15, Études Théologiques et Religieuses, 1, 1972, p. 3-19.
5 La Bible, l’Ancien Testament 1 (Paris,
Gallimard, coll. de la Pléiade, 1956), ad loc. note 10, p.47. Pour un avis
contraire concernant la compréhension de ce récit comme sacrifice d’alliance,
voir André Finet, Sacrifices
d’alliance dans le Proche-Orient ancien, Anthropozoologica, Paris, 1989,
troisième numéro spécial.
6 C’est ainsi que l’anthropologue Mary Douglas écrit
ceci (à propos de l’usage biblique du parallélisme) : « On ne peut
écrire en parallélisme que si l’on pense ainsi, ce qui est aussi une façon de
vivre selon laquelle l’organisation n’est possible qu’en termes de totalités
faites de leurs moitiés, celles-ci étant parfois égales, le plus souvent
inégales. Mary Douglas, L’anthropologue
et la Bible. Lecture du Lévitique, Paris, Bayard, 2004, p. 281.
7 C’est d’ailleurs à partir du moment où cette
distinction ne serait plus conforme à l’expérience, pour ceux qui sont au
bénéfice de cet imaginaire, c’est-à-dire lorsque, par exemple, les femmes de
leur société ne seraient plus subordonnées aux hommes, que la distinction
pourrait ne plus s’appuyer pour eux sur la différenciation sexuée mais sur
d’autres critères de différenciation. D’où peut-être l’apparition, pour cette
société, de la possibilité du mariage entre personnes de même sexe. Par
exemple.
8 On a souvent compris le terme hilastêrion
comme désignant une victime expiatoire, mais le sens premier est celui d’une
offrande propitiatoire, sacrificielle ou non, destinée à apaiser la colère d’un
dieu. Or ici, c’est le dieu qui se rend propice aux fidèles.
9 Je ne comprends pas l’expression tòn díkaïon comme
l’accusatif de l’adjectif ho díkaïos,
"juste", mais comme celui d’un nom, tò díkaïon, "ce qui
est juste".
[1]0 Non qu’il soit nécessairement le premier à le
faire, ce thème ayant pu déjà paraître au sein de l’Église primitive.
11 Sans
compter ce qu’une relecture de l’Épître aux Hébreux pourrait apporter en ce
sens.
[1]2 Du moins
selon le sens courant des termes employés : egeírein, éveiller, et
non pas réveiller ; anástasis, érection, surgissement, et non pas
re-surgissement.
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* Jean ALEXANDRE est pasteur retraité de l’Église protestante unie de France.
[1] J’emprunte le terme imaginaire à Cornelius Castoriadis (L’institution imaginaire de la société, Paris, Le Seuil, 1975), qui l’entend au sens de perception globale du monde propre à telle société particulière. Il s’agit de la capacité qu’a celle-ci de faire advenir des significations d’où vont découler ses structures symboliques comme ses règles sociétales, son type de rationalité comme, tout simplement, son fonctionnement courant.
[2] Ainsi Gn 12,1-3, Ex 20 ou Jos 24, par exemple.
[3] On notera la proximité du nom berîth (alliance, contrat) et du verbe bâro (créer, produire) employé dans Gn 1,1. Dans la suite de ce texte, le terme hébreu berîth sera toujours traduit pas le français alliance.
[4] Sur cette interprétation, cf. Jean Alexandre, Lectures de Gn 15, Études Théologiques et Religieuses, 1, 1972, p. 3-19.
[5] La Bible, l’Ancien Testament 1 (Paris, Gallimard, coll. de la Pléiade, 1956), ad loc. note 10, p.47. Pour un avis contraire concernant la compréhension de ce récit comme sacrifice d’alliance, voir André Finet, Sacrifices d’alliance dans le Proche-Orient ancien, Anthropozoologica, Paris, 1989, troisième numéro spécial.
[6] C’est ainsi que l’anthropologue Mary Douglas écrit ceci (à propos de l’usage biblique du parallélisme) : « On ne peut écrire en parallélisme que si l’on pense ainsi, ce qui est aussi une façon de vivre selon laquelle l’organisation n’est possible qu’en termes de totalités faites de leurs moitiés, celles-ci étant parfois égales, le plus souvent inégales. Mary Douglas, L’anthropologue et la Bible. Lecture du Lévitique, Paris, Bayard, 2004, p. 281.
[7]
C’est d’ailleurs à partir du moment où cette
distinction ne serait plus conforme à l’expérience, pour ceux qui sont au
bénéfice de cet imaginaire, c’est-à-dire lorsque, par exemple, les femmes de
leur société ne seraient plus subordonnées aux hommes, que la distinction
pourrait ne plus s’appuyer pour eux sur la différenciation sexuée mais sur
d’autres critères de différenciation. D’où l’apparition, pour cette société, de
la possibilité du mariage entre personnes de même sexe. Par exemple.
[8] On a souvent compris le terme hilastêrion comme désignant une victime expiatoire, mais le sens premier est celui d’une offrande propitiatoire, sacrificielle ou non, destinée à apaiser la colère d’un dieu. Or ici, c’est le dieu qui se rend propice aux fidèles.
[9] Je ne comprends pas l’expression tòn díkaïon comme l’accusatif de l’adjectif díkaïos, "juste", mais comme celui d’un nom, tò díkaïon, "ce qui est juste".
[10] Sans compter ce qu’une relecture de l’Épître aux Hébreux pourrait apporter en ce sens.
[11] Du moins selon le sens courant des termes employés : egeírein, éveiller, et non pas réveiller ; anástasis, érection, surgissement, et non pas re-surgissement.